Uncharted 2 : Une belle tragédie bien horrible. P2 (3000 mots)

-7- Lazarevic le double fantasmé

Lors de son apparition à Bornéo, on voit Lazarevic assassiner un traître qui lui a volé un artefact et se plaindre d’être entouré « de traitre et d’incompétent. » Assez étrangement, lorsqu’il prononce « Traitre » sa tête est tournée vers Chloé et « incompétent » vers Flynn.

Lazarevic est le double maléfique de Nathan, ce vers quoi son traumatisme le pousse. Ce meurtre de sang-froid qu’on le voit commettre c’est la rage de Nathan qui l’initie. Nathan voudrait être impitoyable. Il voudrait tabasser Chloé et Flynn sans le moindre scrupule, mais il ne le peut pas parce qu’il les aime, et il vit cet empêchement comme une faiblesse.
Lors du climax du jeu, Lazarevic tire une balle dans la tête d’un de ses soldats que Nathan tient en otage et explique à notre héros que ce dont il doit se débarrasser c’est de sa compassion, de sa sensibilité, de sa faiblesse... de son amour en gros.

Ainsi, Lazarevic incarne l’amputation des qualités qui ont fait que Nathan a été horriblement blessé par le malentendu avec Chloé. Il l’aimait, il décide que l’amour n’a aucune valeur et qu’on ne devrait jamais écouter ses sentiments.

L’évolution de Lazarevic suit le mal-être de Nate, et le comportement de ses soldats, qui ne sont qu’une extension du général, décrivent le lent glissement du héros vers l’abandon absolu, vers l’égoïsme traumatisé et fasciste de celui qui veut façonner le monde sans prendre en compte les autres puisque de toute façon, laissés à eux-mêmes, ils ne lui font que du mal.

Les moyens à la disposition de Lazarevic sont également fantasmatiques. Nathan fantasme qu’il a tous les moyens de la terre pour retrouver la pierre (Soldats, tanks, des cartes, un bon plan : suivre les traces de Marco Polo dont il possède les carnets), et en même temps qu’il peut se passer de tous ces moyens. Sa perception de Chloé le pousse soit vers le Nathan obsédé par la pierre de Cintamani qu’il est devenu, soit vers Lazarevic… mais il ne réalise pas qu’il pourrait aussi bien laisser tomber la quête. En réalité, le véritable happy end de Uncharted 2 serait que Nathan dise à Chloé : « Ecoute, cette course pour la pierre de Cintamani est débile, je laisse tomber. Je t’aime mais si je dois te perdre en faisant ça, ainsi soit-il. » Et Chloé serait contente de laisser tomber et de rester avec lui ; elle qui est convaincue qu’elle ne lui suffit pas seule. C’est à côté de cette fin qu’ils passent tout le temps. Pourquoi ? Parce qu’à cause de son approche de voleuse traumatisée, Chloé a superposé la pierre de Cintamani et son amour. Nathan court après l’amour de Chloé tout le long du jeu.

Comme je l’ai dit au-dessus, dès le début du jeu (Bornéo) il demande à la fille qu’il aime un service qui pourrait fortement lui coûter la vie (poser des bombes dans le camps de Lazarevic).

Que se passerait-il si les choses tournaient mal ? Est-ce que réellement la vie de Chloé pèse si peu face à trois mois dans une prison turque ? Je comprends, quand la fille que tu aimes te trompe avec un loser, c’est facile de vouloir leur mort, mais Chloé n’était même plus avec Nathan. Il va déjà trop loin rien que dans sa première requête. Il est déjà un petit tyran. La tragédie est en marche.

-8- L’échec de Bornéo

A la fin du passage à Bornéo, Chloé s’enfuit avec le Phurba, prévient Flynn qui fait capturer Nathan, et lui donne la carte. Elle libère ensuite Nathan et Sully, prenant une balle dans le bras dans l’opération, et rend le Phurba (Objet phallique) à Nathan, accompagné d’un baiser.

Ce qu’il y a de malin dans cet élément scénaristique c’est qu’il finit de convaincre le joueur de la culpabilité de Chloé alors qu’il a tout autant de chance d’être déclenché par son innocence.

Mais lorsque la brune au joli derrière sème le joueur dans le niveau (ce n’est pas pendant une cinématique) pour réapparaître avec Flynn, ce simple signifiant enfonce le clou final : « Ouais, ok, elle était vraiment avec lui. » Quand elle délivre ensuite Sully et Nathan de manière absolument inattendue et les laisse repartir avec l’artefact le plus important dans la quête de la pierre de Cintamani, il est trop tard, nous attendions de la voir dans ses œuvres de traitresse pour être convaincu de sa culpabilité et maintenant que nous la savons réellement capable de froidement trahir Nathan, le point de départ de l’histoire se retrouve enfoui sous ce sentiment flou. Bien que le petit tour qu’elle vient de lui jouer ne soit pas une réelle trahison, il donne le sentiment de confirmer que celle du musée turque était bien réelle.

Le problème, c’est que Chloé fait ça justement parce qu’elle est innocente. Nathan n’a plus la moindre confiance en elle et elle lui montre que si elle ne faisait pas ce qu’elle fait par amour, il serait déjà mort et enterré. Elle pourrait donner la carte et le Phurba à Flynn et Lazarevic et c’en serait finit de Nathan.

La tragédie suit son cours parce que Chloé donne le Phurba à Nathan (En signe d’amour et de fidélité), il peut maintenant se faire croire comme un imbécile qu’elle a uniquement compris qu’il était plus doué que Flynn. Surtout que pour couvrir ses arrières elle donne la carte à ce dernier, ce qui véhicule l’impression que si Drake échoue, elle retourne chez ses rivaux.

Ce que Nathan tentait de prouver à Bornéo, c’est que si Chloé avait choisi Flynn parce qu’elle voulait la pierre de Cintamani et la richesse, elle s’était trompé de mec. Le tragique de cette initiative est qu’une fois cela (inutilement) prouvé, il ne peut plus savoir si Chloé revient vers lui par amour ou par intérêt.

-9- L’Evolution du Népal

Après avoir donné le Phurba à Nathan, Chloé pourrait s’attendre à ce qu’il « se calme. » D’ailleurs il se calme. Comme je le disais au-dessus, si toute l’histoire prend de telles proportions c’est parce que Nathan est orphelin et éprouve de grandes difficultés à croire qu’on l’aime, c’est pourquoi Sully se doit d’être là au début du jeu. Sans sa figure paternelle, notre aventurier ne reparlerait même pas à Chloé et ne lui laisserait pas une chance de se racheter.

Après Bornéo, il a la force de lui redonner une chance et Sully disparait.

Le Népal est la représentation métaphorique de la situation entre Flynn, Chloé et Nathan (comme tout le jeu j’imagine) : Chloé s’attendait certainement à ce que les choses soient moins tendues après sa déclaration. Bien au contraire, Lazarevic a déclenché une guerre civile et met la ville à feu et à sang pour trouver le temple dans lequel devrait se cacher la pierre.

Si Nathan est rassuré, il n’est pas logique que son doppelgänger prenne plus de place. Plus Chloé et Nathan s’approchent de se réconcilier, moins Lazarevic devrait faire parler de lui.

L’évolution catastrophique du militaire entre Bornéo et le Népal vient du fait que Nathan pense que Chloé s’est tourné vers lui parce qu’il est le meilleur plutôt que parce qu’elle le préfère d’une manière plus profonde. Il la considère comme une pute qui ne voit que la pierre de Cintamani, qui se donnera au vainqueur sans hésitation et surtout qui n’a absolument pas conscience du mal qu’elle a pu faire à Nathan en le trahissant. Pour lui, le double retournement de veste de Chloé à Bornéo prouve qu’elle n’a absolument aucune conscience de l’aspect sentimental derrière la quête, passer du temps ensemble et flirter etc… alors que c’est elle qui a tout initié uniquement dans ce but.

Le double maléfique perd donc encore en retenue. Si Chloé n’a aucune morale, alors celui qui veut Chloé ne doit pas en avoir… plus encore, il doit avoir si peu de morale qu’il fait des victimes collatérales. A Bornéo, Lazarevic ne faisait de mal à personne (si ce n’est ses soldats). Au Népal, il déclenche une guerre civile, la ville est détruite, on voit un résistant passer sous un tank.

Ces victimes collatérales incarnent la douleur de Nathan d’avoir été trompé. Il veut que Chloé soit obligée de la constater et d’admettre qu’il y a des choses plus importantes que la pierre de Cintamani. Il n’osera pas lui dire lui-même car il redoute trop de la perdre mais veut la pousser à s’en rendre compte.

Les choses peuvent sembler compliquées, et elles le sont, mais le lien entre le métaphorique et le littéral reste en réalité très rigoureux ici.

Chloé est tout aussi consciente de la catastrophe que représente la destruction de la ville (Littéral) que de la douleur intérieure de Nathan (Métaphorique). Le problème c’est que la jeune femme n’a rien à voir avec ce qu’il peut ressentir ou avec ce qu’il se passe dans la ville, mais que Nathan lui demande d’en assumer une part de responsabilité.  

Il veut qu’elle se sente mal d’avoir donné la carte qui a permis à Lazarevic d’arriver jusqu’au Népal, alors que si Nathan n’avait pas voulu à tout prix prouver qu’il avait la plus grosse, ni la carte ni le Phurba n’auraient été découverts et l’histoire se serait arrêtée là. Chloé a donné la carte pour ne pas paraître trop suspecte, pour protéger sa vie.

Les victimes collatérales du Népal sont également la réalisation de Chloé que le problème est bien plus profond qu’elle aurait pu le penser. Elle croyait être devant un mec à l’égo blessé qui se remettrait bien vite une fois qu’il aurait récupéré « la fille » et humilié son rival mais à la place elle découvre un gouffre béant de douleur contre laquelle elle est impuissante et qui n’a en réalité rien à voir avec le malentendu de départ.

Prenons une comparaison : Chloé invite Nathan à la piscine. Sans raison, une personne pousse Nathan dans l’eau sans le prévenir, il boit la tasse et se met à paniquer. Chloé le sort de l’eau et il est convaincu que c’est elle qui l’a poussé. Il est tellement choqué qu’elle accepte de le consoler sans chercher à prouver qu’elle n’est pour rien dans sa chute. Sauf que Nathan est traumatisé parce qu’il a déjà failli se noyer quand il était enfant et qu’il se met à lui reprocher cette blague régulièrement pour la rabaisser comme si elle était une cruche insensible et comme si il attendait qu’elle se rachète d’une manière mystérieuse.  

Par isomorphie Nathan veut rendre Chloé responsable du suicide de sa mère. La douleur qu’il exprime (le monde qui s’écroule, la perte de sens des relations entre individus que représente une guerre civile) c’est celle du petit Nathan devenu orphelin, demander à Chloé de se trouver une responsabilité dans cette problématique sous prétexte qu’elle aurait ravivé sa douleur (ce qu’elle n’a même pas fait) est du chantage par culpabilisation. En voulant qu’elle résolve son mal-être existentiel parce qu’elle l’a (soit disant) ravivé, il l’a rend responsable de ce mal-être, ce qui est évidemment ingérable pour elle.

-10- Rejoindre le marché

Lorsque le chapitre du Népal commence, Chloé souligne sa lassitude vis-à-vis de Lazarevic et de « ses clowns. » Elle voulait bien faire des sacrifices pour régler le malentendu de base, elle ne veut pas que Nathan tente de régler un problème antérieur à celui-ci tout en prétendant que c’est elle qui a tout déclenché.

Ils deviennent donc hostiles l’un envers l’autre à cause d’un événement qui n’a pas eu lieu. Ceci prend forme dans l’engagement de Chloé contre Lazarevic. Elle en a marre de la part traumatisée de Nathan qui voudrait être infaillible, insensible, invincible, immortel parce qu’il est terrifié par l’idée de ne pas être aimé.

Tout commence par une discussion par radio. Nathan est confiant que son entreprise pour récupérer Chloé (et soigner son mal existentiel) est en bonne voie. Mais Chloé exprime soudainement sa lassitude et son envie d’en finir au plus vite et tout s’écroule. Le camion blindé des hommes de Lazarevic incarne le renouvellement des craintes de Nathan.

Nathan prend peur face à l’impatience de Chloé parce qu’il l’interprète encore une fois comme la face purement intéressée de la jeune femme. Maintenant qu’elle s’est offerte à lui, elle veut que les choses aillent encore plus vite.

Encore une fois, la tragédie s’autoproduit. Nathan aurait voulu que Chloé lui dise « écoute, cette histoire fait trop de victimes, on arrête là. Partons tous les deux, on s’en fout de la pierre de Cintamani. Lazarevic ne la trouvera jamais sans toi de toute façon. » Hélas, c’est à cause de lui qu’elle ne peut pas lui dire ça. Parce qu’en la culpabilisant, il lui suggère qu’à la minute ou l’aventure prend fin, elle n’existe plus. Idem du côté de Nate, il pense qu’à la minute où il en marre de poursuivre la pierre, Chloé retourne avec Flynn.

Les combats du début du Népal incarnent donc les doutes qui assaillent et torturent Nathan alors qu’il se rend à la place du marché et qu’il redoute que Chloé ne se soit « moquée de lui encore une fois. » Et il ne faut pas sous-estimer la violence de ce genre de craintes. Le sentiment de se faire avoir à répétition par une personne et cela de l’exact même manière et à cause de sentiments, est très violent.

Au niveau métaphorique, Nathan redoute que maintenant qu’elle sait que sa blessure est bien plus profonde qu’une simple virilité égratignée Chloé ne s’en aille. Il se cachait derrière une virilité (forcément) de pacotille et évidemment derrière il y a un petit garçon qui a peur qu’on ne l’aime pas. C’est toujours pareil avec les mâles alpha, la première chose qu’ils font une fois qu’ils trouvent une fille qui les aime c’est avouer qu’ils n’ont rien de plus que les autres mecs en priant pour qu’elle ne s’en aille pas.

C’est pour cette raison que Chloé arrive au marché avec un lance-roquette, elle revient, elle réapparaît alors qu’elle aurait pu ne pas le faire si seule la façade de Nathan l’avait intéressée. Lui était sur le point d’être submergé par les hommes de Lazarevic. Il allait finalement abandonner sa part sentimentale pour devenir le gros fasciste tyrannique.

-11- Echecs consécutifs.

Interprétations mises-à-part, que se passe-t-il une fois que la fille revient vers le garçon après qu’il a avoué ses faiblesses ? Comment lui dit-elle « ça ne compte pas » ? Elle lui fait l’amour bien sûr. Et comment ça se passe ? Mal, parce que le mec ne se sent plus à la hauteur et que le fait que ça soit la fille qui prenne l’initiative l’émascule. Il n’assume pas sa fragilité. Son ultra virilité le protégeait et il pouvait baiser comme un acteur porno mais exposer sa tendresse, ça fait peur. Et bing, impuissance.

C’est exactement ce qu’il se passe dans la suite du niveau. D’abord Chloé revient pour casser du soldat de Lazarevic (Au lance-roquette puis à la grenade tout en donnant des directives à Nathan) et donc, elle le rassure sur le fait qu’il n’a pas à avoir honte d’être sensible (Lazarevic et ses hommes représentant l'invasion de l'insensibilité dans la psyché de Nathan). Ensuite, ils tentent d’atteindre le haut de l’immeuble le plus haut de la ville pour trouver le temple.

L'immeuble s'avère être un hôtel. « Monter » (Ou prendre l’avion, ou passer à la vitesse lumière, atteindre n’importe quelle limite en fait) est souvent utilisé comme métaphore de l’acte sexuel. Tenter d’atteindre le septième ciel. D'ailleurs, c'est immédiatement la manière dont Nathan va comprendre la suggestion de son amie.

Or les choses ne vont pas se passer comme prévue. L’ascenseur qui se bloque, c’est Nate qui ne parvient pas à avoir une érection. Arriver sur le toit de manière détournée, c’est l’abandon de la pénétration. La piscine finale dans laquelle Nathan est si heureux de se baigner (soulagé) c’est, j’imagine, l’orgasme de Chloé qui n’est pas réellement satisfaite puisqu’elle se demande maintenant si elle plait réellement à Nathan.

Notre bonhomme retombe de sa joie et est assailli par le doute, pourquoi a-t-il été incapable d’avoir une érection ? Est-ce que cela risque de se reproduire ? Chloé ne va-t-elle pas vite en avoir marre ?

Après ce premier échec, nos deux amoureux décident donc de retenter le coup, sauf que cette fois, Nathan se veut l’initiateur parce que ça le rassure. Hélas, les choses partent encore en couille. Chloé n’a pas envie d’aller jusqu’au temple et se plaint de la situation tendue.

Comme au début du niveau, ce moment de crise le rend à nouveau fragile et moins apte à assumer son besoin d’amour. Le temple se trouve en plein milieu du campement de Lazarevic. Car plus Nathan doit s’exposer à elle, plus il est susceptible de se rétracter dans l’hyper-masculinité au moindre problème. D’où l’arrivée de l’hélicoptère de Lazarevic.

C’est le deuxième échec. Nathan a perdu toute confiance en lui et est donc terrassé par le désir de ne plus rien ressentir, de faire les choses comme une machine qui mitraille. Lorsque l’hélicoptère met en pièce le pont de fortune auquel Nathan est accroché, ce dernier refuse la main tendue de Chloé.

Je pensai d’abord que c’était parce que l’impuissance est un problème qui isole celui qui en est victime : il sait que sa partenaire finira bien par partir s’il ne le résout pas et ne peut donc plus accepter son aide lorsqu’il perd espoir de le résoudre. Mais je pense maintenant que Nathan estime que Chloé est responsable de son trouble et qu’il ne veut donc pas de son aide parce qu’elle est la fautive.

Le lien de tendresse est abandonné car Nathan a besoin de se rassurer sur le fait qu’il est bel et bien encore capable d’avoir un rapport sexuel (ou une érection). Le combat contre l’hélicoptère représente donc Nathan qui atteint son but mais cela sans être présent émotionnellement, concentré sur le fait même de parvenir à ses fins (Masturbation ? Le combat final avec l'hélicoptère se déroule sans Chloé). Une fois Nate assuré que tout va bien, l’hélicoptère (virilité mécanique) ne menace plus.

-12- Critique dirigée vers Chloé et contre-attaque.

Après l’échec de leurs ébats amoureux, Chloé et Nathan redescendent vers un avenir incertain. Chloé a donné tout ce qu’elle avait et si elle n’est pas prête à abandonner Nathan, elle ne sait pas pour autant ce qu’elle peut faire pour lui. De son côté, Nathan sent qu’il faut qu’il aborde le problème de l’égoïsme de sa partenaire, de sa tendance à rejeter sa responsabilité dans ce qu’il se passe autour d’elle ou à ne se sentir concernée que par ce qui sert ses petits intérêts. C’est parce qu’il la perçoit ainsi qu’il est intimidé et incapable de s’ouvrir émotionnellement.

Le câble qui les amène dans un building en contrebas cède lorsque Nathan l’utilise –il ne peut plus suivre Chloé– et lorsqu’elle retrouve son amoureux, il est en compagnie d’Elena, sortie de nulle-part. Elena est la critique que Nathan fait à Chloé : la jolie journaliste est là exclusivement pour arrêter Lazarevic et cela par pure bonté de cœur (on y croit). A un autre niveau, Elena n’est pas le genre à sauter sur un mec pour s’envoyer en l’air au bout de deux minutes. Elle est pure, dévoué, désintéressée, elle est innocente et virginale. Prend ça dans les dents Chloé.

La tragédie continue puisque la brune n’est absolument pas la marie-couche-toi-là qu’il s’imagine et n’est en aucun cas insensible à ce qu’il se passe autour d’elle. Ici, c’est Nathan qui est hypocrite.

Au niveau littéral, il voudrait que Chloé lui dise quelque chose comme « Oh mon Dieu, regarde ce que Lazarevic à fait à la ville. On doit absolument arrêter ce salopard. C’est plus important que la pierre. » Il voudrait qu’elle redirige l’objectif vers le tyran. Qu’elle montre qu’elle peut se détourner de ses motivations égoïstes, poussées par un sens moral.

Au niveau métaphorique, il a besoin qu’elle le rassure sur ses craintes existentielles, sur le fait qu’elle le veut lui pour autre chose que la bagatelle ou le trésor au bout de l’aventure et qu’elle sera là pour le soutenir face à ses faiblesses (qui font apparaître Lazarevic le méchant avec zéro-faiblesse et qui se passe bien d’amour); en gros, il veut voir qu’elle s’en fout du mâle alpha et qu’elle veut le Nathan humain et fragile avec ses limites, orphelin terriblement en manque d’amour.

Encore une fois, Nathan se plante à cause même du malentendu initial. Il ne voit pas qu’à cause de son comportement, il rend Chloé responsable de la destruction de la ville. Il ne réalise pas sa propre part de responsabilité puisque lui ne faisait qu’essayer de soigner la blessure insupportable qu’elle lui avait infligée.

Au-delà de cette critique, l’apparition d’Elena le remet dans un rôle confortable. Elle le perçoit comme il perçoit Chloé : 1- Aventurier avare toujours à la poursuite d’un trésor sans considération pour le monde autour de lui 2- Coureur de jupon qui brise les cœurs.

On peut comprendre pourquoi Chloé prend immédiatement Elena en grippe mais également en quoi Chloé et Nathan font un couple largement plus logique.

Chloé qualifie Elena de « cul pincé. » Elle rejette la manière dont Nathan perçoit sa sexualité mature.

Ensuite, elle s’amuse de la naïveté de Nathan face à cette sainte vierge sacrificielle. D’où le « Oh, elle t’a brisé le cœur » qui signifie que la seule expérience qu’un homme peut faire avec Elena c’est découvrir qu’elle avait des motivations cachées. N’est-ce pas ce que Jeff va apprendre ?
Enfin, lorsque Nathan déclare : « Peut-être que c’est moi qui ait brisé le sien. » Elle répond un « Oh oui, Casanova. » incrédule et taquin… et tristement maladroit.

Chloé sait parfaitement que Nathan est un sentimental. Elle n’a en aucun cas besoin qu’on lui explique et elle l’aime pour ça. Le problème, c’est qu’à ce moment précis, il pense que sa remarque vient d’une fille superficielle qui voit sa sensibilité comme une faiblesse risible. Alors que ce dont elle se moque, c’est de la manière puérile dont il essaye de cacher une sensibilité qui crève les yeux… la manière dont il n’assume pas ce qu’il est.

Le malentendu tragique continue et Nathan incruste Elena et Jeff en punition à la réaction de Chloé.

Partie 3