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The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Publié le par Kevin

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

----------------La Métaphore de la maison---------------

 

Le déménagement à l’Overlook peut très facilement être perçu comme une métaphore de la situation réelle des Torrence, surtout que le lieu est une aberration architecturale. Entre fenêtre impossibles et couloirs et portes qui ne peuvent pas exister, on sent bien que Kubrick voulait seulement nous perdre et nous hypnotiser avec des plans magnifiques.

Jack a perdu son emploi. Wendy, Danny et lui se retrouvent cloîtrés dans la maison. Le premier mois se passe bien mais soudain papa décide d’écrire un livre et c’est là que la maison devient l’Overlook.

Jack Torrance, en décidant d’écrire un livre insère le monde du travail dans la maison. Or, le monde du travail pour Danny, c’est le rejet de lui et de sa mère, c’est la chose contre laquelle il s’est élevé et la raison pour laquelle il s’est fait casser un bras. Danny ne vient absolument jamais frapper à la porte de la salle où son père écrit.

La maison devient l’Overlook sous la gouverne de Jack. Papa est là, c’est lui le chef. Le Gardien.

Les couloirs s’allongent et se vident parce que Danny ne connait pas son père, cet inconnu. L’ambiance devient inquiétante et un peu menaçante. Si la maison est devenue le lieu où le père travaille, alors la moindre interaction avec papa est dangereuse.

A ce stade, la volonté amorale d’existence de Danny, ce qu’il cherche à tirer de son père, s’est atrophiée et est devenu Tony. Danny exprime ses craintes et ses désirs au travers d’un ami imaginaire, un individu extérieur qui lui évite de porter la responsabilité de ce qu’il dit.

C’est parce que l’Overlook est la maison des Torrence qu’on ne voit pratiquement aucune scène de leur vie dans leur chambre ce qui n’a aucun sens puisque tous les midis et soirs, ils se réunissent pour manger. Jack va probablement border et embrasser son fils de temps en temps. La manière dont le film fait totalement abstraction de toutes les interactions quotidiennes que les Torrence ont obligatoirement ensemble suggère encore un lieu ressenti, un lieu métaphorique.

Moi je voulais voir un petit festin dans la pièce avec la cheminée.

Moi je voulais voir un petit festin dans la pièce avec la cheminée.

Même choses pour les différentes tâches que Jack est censé accomplir. Il me semble que dans le livre, il se retrouve à changer une tuile. Dans le film, il n’a aucune activité en lien avec son rôle de gardien.

L’Overlook est la maison des Torrence sous la gouverne du père, donc le territoire du père, l’extérieur et le labyrinthe représentent Wendy.

 

----------------Le Glissement dans la solitude pathologique---------------

 

Abandonnée à la solitude, Wendy rumine et tente d’y échapper en passant du temps avec Danny. La visite du labyrinthe, c’est Danny exposé à la psychologie de sa mère, il explore les méandres de son cerveau. Un peu comme le souterrain de Rambo V représente ses ruminations torturées.

D’ailleurs, Jack observe cette visite d’un mauvais œil et cela depuis la maquette du labyrinthe qui se situe dans sa pièce. Une interaction impossible nécessairement métaphorique. Jack sait que Wendy ne se privera pas de laver le cerveau à Danny et à le monter contre son père pendant que lui s’acharne à écrire son livre. 

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.
The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Très vite, la neige va tout envahir : la solitude gagne Wendy. On la voit jouer avec Danny dehors. Jack les regarde. Elle se sert de son fils pour attirer l’attention sur eux : « Regarde Jack comme on s’amuse ensemble ! Sors ! Arrête ton bouquin ! » Encore une fois, Jack regarde ça d’un sale œil.

Ici, je ne dis pas que Wendy et Danny gênent Jack dans son travail, ce n’est pas ça qui pose problème, c’est que Jack sait que sa femme est en train d’utiliser son initiative pour l’écarter de son fils. Jack est torturé entre le besoin d’écrire le bouquin -et ses motivations à le faire sont proches d’existentielles- et la manipulation sadique que sa femme a mise en place pour le forcer à sortir et à satisfaire son besoin de compagnie. Besoin qui est excessif et est en passe de devenir morbide mais dont Jack sous-estime la normalité également. Wendy est trop dépendante à l’attention et à la présence, Jack s’en croit bien plus indépendant qu’il ne l’est réellement.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Après la scène de la bataille de neige, on ne voit plus Wendy jouer avec Danny. C’est très important, une fois qu’elle a tentée de se divertir avec lui, puis d’attirer l’attention de Jack, une fois qu’elle a bien convaincu le gamin que le père s’en fout, elle n’a plus d’intérêt pour lui. C’est du narcissisme pathologique. Indéniablement, Jack aussi laisse son fils excessivement de côté, mais Jack le fait pour une raison précise et en comptant sur Wendy, qui elle a tout son temps, pour prendre soin de lui. Il se conduit mal, mais pas de manière pathologique.

Après la bataille de boule de neige donc, la solitude de Wendy l’atteint plus profondément. On la voit tenter de passer un coup de fil mais les lignes sont coupées par la neige, donc sa solitude. Cet échec du téléphone, c’est sans doute le fait que Wendy n’a pas de famille ni d’amies, ou que toutes ces personnes ne peuvent pas lui apporter ce qu’elle cherche.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

On la voit donc aller jusqu’à la radio pour appeler le poste de police, cigarette allumée à la main = frustrée sexuellement. Dans la vraie vie dont l’Overlook n’est qu’une métaphore, Wendy cherche probablement à tromper Jack. Mais le policier comprend que quelque chose ne va pas et offre ses services de manière détachée, il rejette la proposition. On ne verra plus jamais Wendy utiliser la radio qui va juste rester allumée ainsi jusqu’à ce que Jack vienne la détruire.

 

----------------Le Drame---------------

 

Après cet appel désespéré de Wendy, Jack fait une tentative de défaire le mensonge qu’elle a construit. On le voit de retour dans la chambre de l’hôtel => dans la maison véritable. Jack n’est plus dans son espace de travail, il redevient le véritable papa de Danny. Hélas, il apparait à l’enfant dans toute sa décrépitude et son impuissance. Il tente de lui expliquer qu’il ne lui ferait jamais de mal, qu’il l’aime, il s’expose maladroitement et Danny qui a été correctement préparé par sa mère pose la question fatale « Tu nous ferais pas de mal à moi et à maman hein ? » Ce qui ne veut pas dire que l’initiative de Jack échoue. Peut-être rassure-t-il son fils légèrement.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Ici je vais prendre une idée que j’ai vu développé par Rob Ager et qui me plait bien. Les deux jumelles que Danny voit tout le temps ne sont pas les deux filles assassinées du précédent gardien devenu fou, ça je l’avais compris car le propriétaire de l’hôtel dit qu’elles avaient toutes les deux 4 et 8 ans, donc elles n’étaient donc pas jumelles. Les deux fillettes que Danny voit tout le temps représentent la manière dont Danny se perçoit dans sa relation avec sa mère. Physiquement, elles sont un mélange du physique de Wendy et Danny. Le jeune garçon peut se percevoir comme une fille car ce qu’il a de commun avec son père est extrait de lui-même sous la forme de Tony.

Ses visions du meurtre des deux enfants lui viennent du fait que l’espace de travail du père, lieu dans lequel il ne veut plus jamais mettre les pieds de peur de provoquer à nouveau la colère de Jack, cet espace a envahi l’espace familial. La menace est donc perpétuelle. Danny se sent en danger dans chaque pièce car chaque pièce est un lieu, il passe donc son temps dans les non-lieux, dans les couloirs, espérant que ceux-ci ne comptent pas comme lieu de travail du père.

Egalement, il se met à redouter que tout cela ne se termine par les meurtres de lui et de sa mère qui sont deux intrus gênants dans le monde d’un Dieu colérique.

Alors qu’il la voit s’enfoncer de plus en plus dans la solitude folle, il décide d’ouvrir la porte 237. Il est déjà passé devant cette porte après sa balade dans le labyrinthe avec Wendy mais elle n’était pas ouverte.

Cette fois, elle l’est. Que s’est-il passé depuis la balade dans le labyrinthe ? Wendy est devenue désespérément seule, désespérément frustrée sexuellement et Jack a pris une initiative pour se rapprocher de son fils. Elle ne sait plus quoi faire.

La porte 237, c’est la porte de l’inceste.

Le plan de Jack qui entre dans la chambre 237 est subjectif et il est entrecoupé de plan de Danny.
Le plan de Jack qui entre dans la chambre 237 est subjectif et il est entrecoupé de plan de Danny.
Le plan de Jack qui entre dans la chambre 237 est subjectif et il est entrecoupé de plan de Danny.

Le plan de Jack qui entre dans la chambre 237 est subjectif et il est entrecoupé de plan de Danny.

Lorsque Danny entre dans la chambre, Wendy est en train de rallumer la chaudière. Elle qui n’est plus que neige et froid, elle essaye de se réchauffer comme elle peut. Sur la chaudière est écrit « Danger. » De son côté, Jack est en plein cauchemar, pas étonnant.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Dans la réalité, Danny est entré dans la salle de bain pendant que sa mère y était, probablement en train de se caresser (rallumer la chaudière).

Lorsque Jack lui-même va dans la chambre 237, il y rencontre une jolie femme qui l’embrasse et se transforme en vieille au corps horriblement nécrosé. Il revient dans la chambre des Torrence et déclare ne rien avoir vu.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Ce comportement est probablement parmi les plus absurdes du film. Jack se fait attaquer par un fantôme de femme à poil qui a probablement également assailli son fils et tout ce qu’il se dit c’est « Je ne devrais pas en parler à Wendy, elle va vouloir repartir. » A ce stade de l’histoire, Jack n’a même pas encore été dans la Gold Room où il s’imagine parler avec un barman. C’est son premier contact avec un phénomène surnaturel de l’hôtel et il le balaye d’un revers de la main. Au niveau littéral, c’est assez ridicule.

Cependant, ce qu’il se passe en réalité, c’est que Danny ayant donc eu des rapports sexuels avec sa mère, s’identifie à son père. Lorsque Jack entre dans la chambre 237, on y voit ce que Danny a vécu avec sa mère. Une femme divine qui sort du bain, vient l’embrasser, et la suite est une monstruosité marquée par un âge bien trop avancé. C’est-à-dire que Danny s’est cru adulte comme son père et à égalité avec sa mère, mais que le rapport sexuel le répugne et lui faire ressentir une différence d’âge gigantesque.

 

----------------Le Bleu et la folie---------------

 

Je ne pensais pas trouver cette réponse quand j’ai commencé l’article mais le bleu au cou de Danny n’existe donc pas puisque ce qu’il se passe dans l’Overlook est métaphorique. La blessure de Danny c’est la manière dont il ressent l’abus dont il a été victime.

La responsable de ce bleu c’est donc néanmoins Wendy qui a violé son enfant. Il y a quelque chose dans la scène de la révélation du bleu qui incrimine Wendy, c’est le fait que Danny ne pleure pas et ne la prend pas dans ses bras. C’est sa mère qu’il a en face de lui, il devrait spontanément chercher refuge auprès d’elle. Il suce son pouce, régression à un stade antérieur : il veut qu’elle le regarde comme plus jeune qu’il n’est afin que l’horreur ne se reproduise pas. Il ne bouge absolument pas et lorsqu’elle le soulève du sol, il ne s’accroche pas à elle. Il reste passif mais évite autant que possible tout contact avec le corps de sa mère.

A ce stade, il est envisageable que Wendy a fait une décompensation schizophrène et que son Soi est maintenant fragmenté, c’est-à-dire qu’elle ne se rappelle pas avoir abusé de son fils mais qu’elle peut néanmoins prendre des initiatives qui prennent ce fait en considération. Je sais c’est contradictoire mais simplement, elle peut ne pas se rappeler ce qu’elle a fait tout en prenant des initiatives pour éviter que Jack ne l’apprenne. C’est d’ailleurs ce qui va se passer.

Quelques scènes plus loin, elle vient voir Jack et lui annonce qu’il y a une folle dans l’hôtel et que c’est elle qui a frappé Danny. Jack lui demande si elle ne serait pas devenue, elle, folle. Oups.

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----------------Redrum et l’ascenseur ensanglanté---------------

 

S’ensuit la scène de la chambre 237 qui arrive donc à Danny et non à Jack, la conclusion de ce dernier devenant alors logique : il n’y a rien de suspect dans la chambre 237.

A ce stade, le pauvre Danny se trouve dans une situation abominable. Il entend son père dire « il s’est fait ça tout seul. » Jack n’imagine pas que sa femme puisse faire du mal à son fils. Gros plan sur le visage de Danny terrorisé et sur le mot redrum sur la porte de sa chambre. Ce meurtre c’est le meurtre du père, le meurtre œdipien, inversé sans doute car le père donne la vie au fils et le fils la lui prend.

Puis Wendy dit qu’il va falloir quitter l’hôtel. Et cette fois c’est l’image de la porte de l’ascenseur qui déverse du sang dans le couloir. Je parlais plus haut de la capacité du père à « faire couler le sang », cette porte d’ascenseur terrifiante représente Wendy. L’idée que son père puisse faire du mal à quelqu’un n’est pas une pensée horrifiante pour Danny, être assassiné par lui oui. Par contre, Wendy se construit autour d’une idée entièrement inoffensive d’elle-même, sa capacité à verser le sang est donc cauchemardesque pour Danny dont le monde est menacé lorsqu’il y est confronté. Or, lorsqu’elle dit « on doit quitter l’hôtel », cela signifie quitter le territoire du père, et quitter le territoire du père, c’est être exposé à la mère.

Il y a d’ailleurs un cadavre qui tombe de la porte de l’ascenseur. « Verser le sang, » « faire une victime. »

Après cette conversation, Danny décide d’un côté de tuer son père, de l’autre de faire venir Dick (DICK !) Hallorann, qui représente la sexualité adulte, pour satisfaire sa mère sexuellement et le protéger d’elle. D’ailleurs l’appartement du cuistot est tapissé de poster de femmes nues. Dick réapparait dans le film exactement après le viol de Danny.

Je ne sais pas quel est l’équivalant réel de Dick, puisque dans l’Overlook, il n’est qu’une métaphore, qu’une construction mentale de Danny. Je pense que Danny pense trouver en lui la force de devenir suffisamment mature pour sa mère.

 

----------------La Mort du père---------------

 

Dans les scènes qui se passent dans la Gold Room, Jack devient Mr. Torrance. Wendy et Danny ne sont plus appelés par leurs prénoms. Les liens du sang et générationnels disparaissent.

Ces scènes arrivent juste après le viol de Danny. L’acte sexuel combiné à l’inceste brouillent intégralement ses repères.

The Shining: L'Overlook comme lieu métaphorique partie 2.

Danny ne sait plus ce qu’est Jack. Il tente de reconstruire une vision de son père, c’est un homme qui te casse le bras. Ou un homme qui tue ses filles. Des hommes qui veulent discipliner, corriger, punir, tuer. Les notions d’amour et d’amour filial ont totalement disparue.

Wendy est parvenue à trancher la confiance qu’il y avait entre Jack et Danny et tenait au fait que Danny était le fils de son père et qu’au fond de lui-même, il savait que Jack faisait tout ce qu’il pouvait pour son fils, malgré les contingences de sa vie pourrie. Alors Wendy a détruit le concept de père dans la tête de Danny à coup d’inceste.

 

Partie 3