Libre et assoupi: Anna ne se bouge pas (3200 mots)
Voilà une petite analyse sur laquelle je n’ai pas de dernier mot. Mais j’ai envie de parler de Libre et assoupi que j’ai trouvé très intéressant mais également très ambigu… réellement ambigu pas contredit par un sous-texte, juste ambigu => je ne parviens pas à trancher entre les différentes manières de percevoir le film que je trouve.
Le synopsis : « Sébastien n'a qu'une ambition dans la vie : ne rien faire. Son horizon, c'est son canapé. Sa vie il ne veut pas la vivre mais la contempler. Mais aujourd’hui, si tu ne fais rien... Tu n’es rien. Alors poussé par ses deux colocs, qui enchaînent stages et petits boulots, la décidée Anna et le pas tout à fait décidé Bruno, Sébastien va devoir faire ... Un peu. »
Regarder un film sur quelqu’un qui ne veut rien faire, et surtout en réaliser un, c’est sacrément subversif dans une culture qui attend de nous que l'on soit des esclaves souriants fiévreux. Il suffit d’ailleurs de voir les attaques que se prend le personnage principal dans le film pour bien voir que quelqu’un qui ne voit pas de valeur ou de mérite dans le travail forcé, on attend juste qu’il disparaisse : c’est un parasite.
Je me suis senti assez surpris de voir le film commencer sur ce héros qui ne veut rien faire. Car on ne peut pas commencer sur un héros qui a raison, il doit forcément avoir tort, avoir un problème à régler et une évolution à effectuer.
Et effectivement, Sébastien n’est pas très convaincant, et je pense que c’est là le problème principal du film. Il ne veut rien faire et c’est intéressant de voir l’impact de cette psychologie sur son environnement, mais lui on n’a pas vraiment envie de le suivre ou de l’écouter. Pourtant, il a de belles choses à dire, par exemple son point de vue sur la masturbation est extrêmement sain et beau et terriblement utile à notre époque où le féminisme narcissique apprend aux hommes qu’ils sont des monstres. De même, sa culture gigantesque lui permet d’expliquer que le mot « travail » vient d’un mot latin qui signifie torture (et en vieux français "tourment, souffrance.")
Bref, c’est un personnage original et intéressant mais jamais vraiment sympathique. Le Dude de the Big Lebowski était un glandeur bien plus charismatique.
Et surtout donc, comme le film commence sur son apathie, on sait dès le départ qu’il risque de se terminer sur la contradiction des idées du début, idées qui sont celles pour lesquelles on regarde le film. Si Sébastien commence libre et assoupi, il est assez peu probable qu’il le soit toujours autant à la fin.
J’attendais donc forcément le moment où la situation allait changer, comment et pourquoi il allait se trouver un travail, une meuf, et se mettre à se bouger le cul. Et si effectivement ce moment arrive, il est tellement incroyablement incroyable qu’on pourrait croire à une fin du type « Sébastien meurt symboliquement dans cette scène et la fin du film représente un fantasme. » Bref, on peut facilement se dire que le happy end sort de nulle-part juste parce qu’il en fallait un.
Confronté à cette fin que je trouvais un peu zarbi, je me suis mis à chercher des éléments qui la contredisaient, qui lui donneraient un autre sens. J’en ai trouvé, et c’est de ça que je veux parler. Le problème c’est que j’ai également trouvé d’autres éléments qui fragilisent la position de Sébastien également. Et qu’au final, je ne sais plus quoi penser.
Donc, tout d’abord la vision « contre » Sébastien. Le mec a un problème d’inceste avec sa mère. Ça m’a amusé, j’ai montré quelques scènes du film à une amie et en tombant sur celle où il discute avec sa mère, juste une seconde, mon amie s’est exclamée « Wahou, elle veut se taper son fils, elle ! »
Et effectivement, il y a clairement un petit sous-texte de mère qui a dévoré son petit garçon simplement parce que son mari est un connard froid et absent. Et donc l’homme de sa vie, ça serait son fils. Elle prend un congé maternité de quatre ans et fait sentir à quel point elle ne veut pas retourner bosser lorsque l’heure est arrivée. Sébastien en est traumatisé et se met à passer sa vie à la défendre contre des monstres. En grandissant il ne parvient pas à quitter la douceur de l’utérus car il sait que s’il s’éloigne, sa mère risque de devenir malheureuse en quelque sorte. Il ne peut pas prendre d’initiative individuelle qui le définirait comme autonome car un désir personnel représente un pas vers l’abandon de sa mère envers qui il se sent une lourde responsabilité (tout ça c’est vague mais bref il y a un truc de cet ordre avec la mère).
Du coup il devient très compréhensible qu’il nous parle de la masturbation d’entrée. Le sexe, c’est toujours le cœur de la personnalité d’un individu. C’est la pulsion primordiale qui nous donne vie en tant qu’individu. Je ne veux pas dire que l’on fait tout pour le sexe, mais que l’on fait tout parce que nous sommes sexués. C’est la pulsion sexuelle qui est la plus forte et qui permet de briser les chaînes de l’asservissement au regard de papa ou maman (vers qui elle était tournée).
Sébastien commence donc le film en soulignant la contradiction qu’il y a entre sa vie qu’il passe à rêver et sa libido qui se veut très ancrée dans le concret. Il ne se masturbe qu’en ne pensant à des filles qu’il connait. D’ailleurs, son absence d’envie de partenaire sexuel et un indice qu’un truc ne va pas.
(Edit : et effectivement, il a un problème de libido. Ses activités son très enfantine et dénuées d'un aspect sexuel ce qui corrobore l'idée qu'il est toujours le petit garçon à sa maman).
Cependant bien qu’il soit enfermé dans une relation particulière avec sa mère, sa libido reste dans le réel, il se bat en quelque sorte, il reste tourné vers le réel. Par contre, pas de véritable partenaire, son univers est imaginaire car il sait qu’il n’aura accès à rien en quelque sorte. Oublions-donc ce début et passons à la fin.
A la fin, Anna déclare sa flamme (et une sacrée) à Sébastien qui est tout con et l’écoute en silence. Elle était amoureuse de lui depuis le début mais elle a assez souffert, maintenant il doit partir, elle a décidé de se tourner vers un autre homme. Elle lui explique qu’elle l’admirait mais que maintenant elle a pitié de lui car elle estime que sa façade de paix n’est qu’une peur intense de la mort et une fuite constante.
Ah, qu'elle inspire le respect cette femme qui attend d'être sûre qu'elle n'a aucune chance pour dire ses quatre vérités à son "ami" et le foutre à la porte.
Ce rebondissement pousse bizarrement Sébastien à avoir une conversation étrange avec sa mère « Si je tombais, tu me rattraperais ? » Puis on le voit aller se baigner dans l’océan, retour dans l’utérus, retrouver la paix. J’imagine que cela signifie qu’il pense au suicide une seconde mais que cette « solution » n’en est absolument pas une, puisqu’il ressort immédiatement de l’eau. Ensuite, il croise un ours et est confronté à la mort. Ce qui, d’un certain point de vue pourrait aller dans le sens de ce qu’Anna lui dit.
Une fois confronté à la mort, il trouverait ensuite la force de vivre justement, il trouve un boulot (vendeur de lit), et une copine à qui il fait des enfants. A la fin il voit Anna sur une photographie et nous explique en voix off qu’il espère qu’elle va bien.
Et donc, si l’on regarde les choses sous cet angle, on voit un jeune homme qui avait un problème et dont l’idéologie n’était que l’expression de ce problème. Or, un jour il passe à côté de quelque chose de fort et d’important « l’amour » et ce drame le fait se remettre en question et simplement changer.
Le problème c’est que Sébastien rencontre Valentine Caillou par le plus grand des hasards, et que le travail qu’il trouve n’est pas crédible une minute : c’est pas parce qu’on adore dormir qu’on devient un super vendeur de lit. C’est une logique d’enfant de cinq ans.
Sans parler du fait que Sébastien est censé avoir une dizaine de diplômes, pourquoi devenir vendeur de lit quand il est qualifié pour des choses largement plus intéressantes ? J’veux dire, quitte à faire un happy end débile, il pouvait devenir prof de philo à la fac ou écrire des articles pour une publication quelconque. Vendeur de lit n’est pas le job que son intellect indique, c’est une vanne en lien avec le fait qu’il soit un gros dormeur. D’ailleurs, il dort sur son lieu de travail… on y croit.
Cette fin est donc déjà un élément qui indique une sorte de fausseté du discours. Si Sébastien avait tort, cette fin n’en est pas une preuve solide.
Mais là où le film indique clairement qu’il y a une certaine fausseté dans son happy end, c’est dans le personnage d’Anna ainsi que dans la conclusion que trouve la vie en collocation des trois amis.
Tout au long du film, on s’attend à ce que Sébastien finisse avec Anna, je trouvais même son comportement avec Bruno vraiment hypocrite et désagréable. Anna explique à Sébastien qu’elle tient deux journaux intimes parce qu’elle sait que Bruno en lit un. Elle écrit donc des imbécilités dans ce dernier journal intime comme « j’adore les mecs qui boivent à la paille » d’abord pour vérifier s’il le lit mais ensuite pour se moquer de lui et s’amuser.
Anna prend Bruno pour un con mais Sébastien apprécie réellement celui-ci et son absence de positionnement (qui se rapproche d’une trahison) laisse penser qu’il a l’intention de tenter quelque chose avec Anna. Elle vient quand même, mine de rien, de lui indiquer où se trouvait son véritable journal intime. Elle lui dit la vérité à lui, elle veut qu'il vienne le lire.
Je m’attendais donc à ce que la collocation prenne fin le soir où Bruno tombe sur Anna et Sébastien en train de se faire des choses dans le canapé. Or, cela n’arrive jamais, Anna trouve un clone de Bruno (et pas de Sébastien) avec qui coucher et le présente à ses deux colocataires. Bruno regarde enfin en face l’idée qu’il n’a pas la moindre chance avec Anna et blâme Sébastien pour ce fait.
Le colocataire a le sentiment de s’être laissé entraîner par Sébastien dans une sorte de décadence et que cette glissade lui a coûté Anna. C’est le clash entre les deux amis. Puis c’est Anna qui vient tout avouer à Sébastien de son amour et de sa déception. Au passage, elle lui demande quand même de partir. En gros, il n’a eu la place dans l’appartement que parce que madame voulait se le faire, oui oui, n’ayons pas peur des mots, elle cherchait subtilement à le pousser à la prostitution amicale.
Donc, la colocation ne s’écroule/Sébastien ne se retrouve dos au mur/ que parce qu’Anna voulait depuis le départ se mettre avec lui et que comme elle n’a pas eu ce qu’elle voulait => C’est fini.
A cause de la manipulation d'Anna, Bruno se sent un loser. "J'veux pas être le coloc de quelqu'un, j'veux ma vie à moi." Y parviendra-t-il ? Non. Sébastien explique à la fin du film que Bruno ne trouve jamais de copine stable (Alors qu'il en voulait une)..
Cette conclusion ne montre pas les idées de Sébastien contredites, simplement un autre problème sous-jacent avait déjà tout condamné depuis le début.
L’interprétation du film tient alors à une question. Sébastien s’est-il empêché d’être avec Anna parce qu’il est incapable de se bouger le cul, ou bien simplement n’était-il pas intéressé ?
Pour moi, il est indubitable qu’il n’en avait rien à secouer d’Anna et que lorsqu’elle vient le foutre dehors parce qu’il n’a rien tenté, elle est sacrément prétentieuse de croire sans même lui poser la question que c’est parce qu’il ne tente jamais rien. On le voit se jeter sur une Valentine Caillou quelques minutes de films plus tard, et certes il est censé avoir changé mais il est tombé amoureux de cette fille avant la fin de la colocation. Donc, s’il avait réellement kiffé Anna, Valentine n’aurait pas fait le poids... et peut-être qu'il serait allé checker le journal intime qu'elle lui montre dès le dépars et dans ce but précis: "Viens voir ce que je veux et n'ose pas verbaliser !"
Aussi, Anna explique qu’elle aurait aimé que l’homme qui ne désire jamais rien, la désire elle. En quoi cela doit-il nous faire croire qu’il a de bonnes raisons d’être attiré par elle ? Elle fait de lui un pur trophée creux. Et au final, lorsqu’elle se tourne vers un autre homme, c’est une évolution positive. Anna est une fille prétentieuse idiote (et super mal dans sa peau évidemment, enfermée dans un besoin de correspondre à des attentes qui la gratifie mais incapable d’être elle-même, raison pour laquelle elle admire Seb) qui veut tout obtenir sans dire ce qu’elle désire comme preuve de sa perfection et lorsqu’elle parle de son nouveau petit copain :
« Avant je t’enviais, maintenant j’te plains. Alors maintenant j’aimerais que tu quittes cet appartement dès que tu pourras. Marco et moi on va vivre ensemble. J’reconnais qu’il est pas parfait, il a des défauts mais il est là, il est vivant. C’est dommage Sébastien parce que toi et moi on aurait pu essayer. »
"Avant j't'enviais, maintenant j'te plains" ressemble fortement au résultat d'un mécanisme de défense typique d'une fille comme Anna.
Son ton moralisateur condescendant me gonfle parce que qui est-elle pour donner des leçons ? Elle a vécu pendant des mois à côté d'un mec fou amoureux d’elle (Bruno) et passé son temps à se foutre de lui, ça n’encourage absolument pas à être attiré par elle. Si elle avait été touchée par l’attirance de Bruno, elle aurait eu largement plus de chance d’attirer Sébastien (je pense).
De plus, elle s’adresse à Sébastien comme si elle le quittait, c’est une conversation de rupture. ( J'adore le "Alors maintenant j’aimerais que tu quittes cet appartement" une formulation qui suggère que Sébastien est allé trop loin, a abusé) Elle ne lui a jamais dit qu’elle voulait être avec lui ! Mais au moins, la vexation qu'il lui inflige (et dont elle se venge dans cette scène) la pousse à accepter l’imperfection, elle se tourne vers la vie. Et c’est justement ce qui rend son discours douteux, est-ce que ce qu’elle lui met dans la tronche, ce n’est pas ce qu’elle sait d’elle-même ?
Il y a beaucoup d’indice que Sébastien n’est pas attiré par elle. Déjà, ça n’est pas dit explicitement qu’il l’est, or pourquoi cela devrait-il rester secret ? Ensuite, Anna est chiante, mesquine, misandre, petite, élitiste, prétentieuse et désespérée tout en prétendant le contraire. Lorsqu’elle parle de son envie de voyager et de son habitude de gâcher les photos des gens en faisant l’andouille au second plan, Sébastien lui dit que c’est de la mégalomanie, elle lui répond fiévreusement « Non ! C’est exister. » Cette fille n’a aucun problème (sarcasme of course).
Lorsque ses amis insultent Sébastien parce que son inaction leur est insupportable, elle les a invité pour ça. Lorsque Sébastien voit la lune à portée de main d’un clochard endormi dans la rue, il sourit pour lui-même et ne partage pas sa pensée avec Anna parce qu’il sait qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes.
Comment peut-on croire après une telle image que le réalisateur du film ne soit pas dans le camp de Sébastien ?
Alors qu’il se masturbe immédiatement devant Valentine Caillou, jamais rien n’est dit sur un potentiel fantasme relié à Anna. Pourtant le film commence sur le besoin de réalité que Sébastien éprouve pour fantasmer. Vivre avec une jolie colocataire me semble assez propice à la construction de fantasmes. Mais non, rien de rien là-dessus. Enfin, il a réellement l’air heureux pour elle lorsqu’elle se trouve Marco et surtout semble se tamponner royalement de l’affaire. Si c’est son apathie qui l’avait empêché d’aller vers elle, il aurait eu un sacré tiraillement intérieur.
On le voit tout de même être un minimum perturbé lorsqu’il se lève pour aller chercher un livre dans le salon, où se trouvent Marco et Anna. Elle lui offre un verre qu’il refuse, retourne dans son lit, feuillette le livre trois secondes et éteint la lumière. Il est perturbé certes, mais la raison de cette perturbation est difficile à déterminer. Il habite maintenant seul avec un couple, c’est sûr que ça doit pas le ravir. L’invitation d’Anna à boire un verre est également assez gênante, elle est seule avec son mec.
D’ailleurs, je voudrais encore enterrer cette fille un peu plus parce qu’une fois Sébastien retourné dans sa chambre, on voit qu’elle se fait clairement chier avec son Marco. Elle l’utilise réellement pour pousser Sébastien au cul. J’veux dire, elle pourrait pas se le bouger son cul elle ? Au lieu de traumatiser un pauvre mec qui la kiffe, le faire se sentir inintéressant et inférieur, une belle roue de secours, alors qu’elle a accepté de sortir avec ?
Mais donc, si Sébastien n’est pas attiré par Anna, son évolution finale déclenchée par le beau discours de la jeune femme devient moins compréhensible. Lorsqu’elle lui dit qu’il a tellement peur de mourir qu’il n’ose pas vivre, est-ce qu’elle tape dans le mille ? Ou est-ce qu’elle dit ça uniquement par dépit. (Réponse : deuxième proposition)
Je pense plutôt que Sébastien à peur de vivre et qu’il n’a pas conscience de la mort. Il vit sa vie pour sa mère en quelque sorte et voudrait être toujours là pour elle, du coup, sa perception de lui-même ne prend pas en compte sa propre finitude. Et c’est ce qu’il va apprendre lorsqu’il tente de se suicider/rencontre un ours. Il rencontre l’idée de sa propre mort, et comprend ensuite qu’il ne peut vivre sa vie que pour lui.
L’astuce du film tient donc dans le fait que Sébastien ne défende pas réellement d’idéologie mais qu’il ait un comportement qui soit simplement l’expression de ses ressentis. Il ne revendique rien, ni ne rejette rien, il est bloqué dans une position sans trop savoir pourquoi.
Et lorsqu’il échappe à cette position, nous spectateurs pouvons nous demander dans quel camps nous étions; si l’on ressent son évolution finale comme obligatoire et saine, ou si elle est décevante.
J’avais été surpris par la scène durant laquelle Anna invite des amis qui culpabilisent violemment Sébastien, le traitent de parasite qui vit à leur crochet à eux, les gens biens.
Face à cette scène je m’étais un peu étonné car le film avait peu de chance de revenir de ça. Pareil pour le PV pour trouble de l’ordre public parce qu’il lit trop souvent dans le parc.
Au travers de la scène du PV on peut voir la peur qu'inspire un individu inoccupé et insouciant. La même peur qui fera dire à Anna que Sébastien n'est pas heureux, car l'idée qu'il puisse être heureux lui est insupportable. Même si je pense qu'il n'est pas aussi heureux qu'il le prétend effectivement, il n'est pas aussi malheureux qu'elle le voudrait et pas pour les raisons qu'elle s'imagine de toute façon.
La violence de la société vis-à-vis de la nonchalance de Sébastien souligne que cette société va mal, quelle que soit la raison pour laquelle Sébastien se conduit tel qu'il le fait.
Donc, je pense que j’ai à peu près résolu mon problème au final, d’un côté, Sébastien ne défend pas les valeurs qui lui sont rattachées, elles s’imposent à lui pour une raison spécifique qui disparait à la fin et de l’autre côté, il n’est pas amoureux d’Anna et ce qu’elle dit de lui est faux. Il ne retourne pas sa veste, mais il n’était pas très engagé non plus.
C'est dur de ne pas avoir ce qu'on veut quand on passe sa vie à compromettre son être pour se sentir acceptable
Et d’ailleurs maintenant que j’y pense sur Anna. Qu’est-ce que c’est que ce comportement débile de venir le voir au déjeuner et lui balancer tout, sans réellement jamais tenter sa chance ? Elle commence son monologue par « j’t’aimais beaucoup tu sais » et pas par « J’t’aime beaucoup tu sais. » Lorsqu’elle avoue ses sentiments, ce qui pourrait le motiver à avouer les siens, elle lui suggère qu’il n’a plus la moindre chance. Donc voilà, elle voulait juste le trophée de réussir à ce que le mec le moins motivé de la terre se tourne vers elle. Parce que si au moment de ces aveux matinaux, il disait « moi aussi tu me plais, ça m’a torturé ton histoire avec Marco » elle lui dirait « trop tard. » En tout cas, c'est l'impression qu'elle donne.
Bref.
Edit :Ah oui, et il y a une autre manière de regarder le film qui m’interpelle, c’est de voir Bruno comme la libido de Sébastien. La procédé s’appelle la dilution de la fonction sujet (Merci Durandal) et ça signifie que comme Sébastien refoule sa libido, un autre personnage joue ce rôle.... le rôle de tout ce que Sébastien refoule en fait. Mais ça ne fonctionne pas jusqu'au bout de l'histoire... à moins que Sébastien guérisse de son trouble pour sa relation avec Valentine dans ce cas; car celle-ci ne semble pas du tout asexuée.
Ah nan, en fait ça fonctionne. Bruno disparait de l'intrigue quand Sébastien récupère sa libido, donc il n'y a plus besoin de séparer le personnage en deux. Et par conséquent, lorsque Sébastien se lève la nuit pour prendre un livre et observe Anna et Marco, il commence à être attiré par elle, et elle le fout dehors le lendemain. C'est étrange.
De toute façon, le monologue d'Anna le secoue clairement. Je pense au niveau du fait qu'il l'aime bien et qu'il est bouleversé de la voir en larme "de sa faute." Même si c'est pas de sa faute.
Bref, j'en reviens à ce que je disais au début de l'article, ce film me semble parfaitement ambigu. En général, le discours le plus évident se révèle faux et le sous-texte vrai, mais là, je pense qu'il est impossible de réellement trancher.