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To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Publié le par Kevin

To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Partie 1

Partie 3

 

Revenons-en au film maintenant que tous ces éléments ont été mis en place.

Immédiatement après la première scène dans laquelle Ellen humilie une jeune fille qui décrit la souffrance d’être gourmande tout en voulant être belle et mince, on peut la voir s’attaquer aux lèvres siliconées de sa femme de ménage mexicaine. Dans les deux cas, il est concevable que la critique d’Ellen soit légitime à un certain niveau, ce qui ne va pas c’est la virulence de la verbalisation comme si l’individu en face d’elle était méprisable. Cette virulence ne vient pas de convictions idéologiques qu’Ellen pourrait avoir mais du fait que la manière dont ces deux femmes cèdent à leurs désirs l’écœure puisqu’elles vont même jusqu’à se faire du tort. Le désir de se sentir belle de l’une et la gourmandise de l’autre sont poussés jusqu’à l’excès nocif et c’est exactement ce que réprouve Ellen qui se valorise et se rassure dans la privation, le contrôle et le rejet de ses envies.  

Une scène rapide souligne que sa libido a été remplacée par son obsession pour la minceur. On l’entend gémir comme si elle se caressait alors qu’elle est en train de faire des abdominaux. Un parallèle est fait avec sa demi-sœur, qui va chercher sur internet le nombre de calories contenues dans les aliments du repas plutôt que de se balader sur les sites de rencontre (Souligné dans les dialogues). L’anorexie d’Ellen tue la vie amoureuse de Kelly, la demi-soeur qui expliquera qu'elle a passé son bal de prom à penser à sa soeur à l'hopital, coincidence ?

Kelly, Ellen.Kelly, Ellen.

Kelly, Ellen.

J'espère qu'à la fin de cette analyse je serai parvenu à rendre plus imaginable que ça n'est pas une coincidence si à chaque fois que la magnifique Kelly doit vivre quelque chose d'important aoutch ! Pas d'chance ! La grande soeur anorexique fait une rechute, ou un malaise, ou se pète un bras.

Sur ce lit, Ellen n'est pas en train de se caresser.

Sur ce lit, Ellen n'est pas en train de se caresser.

Arrive alors Susan, la belle-mère, mère véritable de Kelly. Autre dynamique secrète, en s’affamant et en mettant sa vie en jeu, Ellen prend la place de Kelly. Une hypothèse parmi tant d’autres sur la cause de la maladie => Ellen adore Susan et aurait simplement aimé être sa fille unique. Elle s'affame pour effacer Kelly. 

A la fin du film, Ellen a vécu un moment important avec sa mère et est parvenue à surmonter son désir de mort. Première chose qu'elle fait après cette victoire ? Elle montre son amour à sa belle-mère et à Kelly. Elle s'en moque de sa mère biologique..

A la fin du film, Ellen a vécu un moment important avec sa mère et est parvenue à surmonter son désir de mort. Première chose qu'elle fait après cette victoire ? Elle montre son amour à sa belle-mère et à Kelly. Elle s'en moque de sa mère biologique..

Exemple d’hypocrisie d’Ellen. Susan lui demande si elle veut retourner habiter avec sa mère, la jeune fille répond « Maman habite à Phoenix » comme si la distance rendait la chose impossible. Elle est incapable d’admettre qu’elle préfère vivre avec son père, Susan et Kelly.

Elle propose ensuite à Kelly d’aller faire une balade. Kelly comprend qu’elle le fait pour avoir l’opportunité de brûler les calories du dernier repas. Elles ne se sont pas vues depuis un bout de temps, Kelly est contente de revoir sa demi-sœur, elle lui fait même une déclaration d’amour, mais Ellen ne lui accordera pas la réciproque. La balade nocturne est motivée par son désir de maigrir.

Kelly partage un secret avec Ellen, elle lui demande même de ne le répéter à personne : Elle s’est faite tatouer un joli papillon sur le bras. Réaction d’Ellen au secret partagé après une déclaration d’amour de sa plus jeune demi-sœur : « t’était bourrée ? » Un bon coup de couteau en plein cœur couplée avec une humiliation totale.

Kelly se débat : « Non, c’est un classique les papillons. »

Ellen l’enfonce impitoyablement : « C’est débile* tu veux dire. » (« retarded » en vo)

Et c’est dans la réponse de Kelly que je trouve le film très optimiste et idéaliste : « Oh, désolé, j’avais pas ton œil d’artiste sous la main pour me conseiller. Donc j’me suis fait tatouer un papillon craignos. »

To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Il y a très peu de chance pour qu’une fille dans la situation de Kelly puisse encaisser ces insultes gentiment mais en plus en lui tenant tête elle offre à Ellen quelque chose de réellement positif : elle se montre capable d’aimer son tatouage même lorsque le seul retour qu’elle en a, de la seule personne qui compte pour elle dans l’équation, est négatif.

Le problème c’est qu’il est fort probable que la pauvre Kelly soit en admiration devant sa sœur et qu’elle ait réellement fait le papillon pour obtenir sa reconnaissance. « Tu as vu, moi aussi j’aime l’art. » Imaginez le coup que lui porte Ellen.

Enfin, à un autre niveau, le papillon est un symbole de mort, et je pense que Kelly est réellement en danger. Le comportement de ses parents souligne à quel point il est hors de question de rejeter ou de critiquer Ellen, et elle tombe donc à genoux devant sa demi-sœur qui a apparemment plus d’importance qu’elle. Kelly cherche la reconnaissance de ses parents au travers de la reconnaissance d'Ellen. On pourrait croire que le père rejette Ellen de par son absence, mais ça n’est pas le cas, elles le savent toutes et Kelly ne voit plus son père à cause de l’anorexie de sa sœur. Ces dynamiques d'importances ne sont pas innocentes, l'anorexie d'Ellen pousse Kelly dans une position de moindre importance. C’est catastrophique.

L’histoire de la relation avec la mère (Judy) revient sur le devant de la scène. Susan parle du nouveau spécialiste, Ellen répond « je devrais peut-être retourner à Phoenix. » Elle ne dit pas « non, je ne veux pas faire cette thérapie » parce qu’elle admettrait des désirs et des préférences. Elle menace juste d’empêcher aux choses de prendre cette tournure.

To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Cependant, on la voit ensuite dans sa chambre regarder la page facebook de sa mère qui étale son bonheur avec sa copine. Ellen se rassure en passant son pouce et son index autour de son bras. Possibilité parmi d’autres : On peut facilement imaginer que le monde d’Ellen s’est effondré à la séparation de ses parents et que son autodestruction est une vengeance contre sa mère ou sa nouvelle compagne.

« Les gens disent qu’ils t’aiment mais c’est faux. En fait, c’qu’ils veulent dire c’est qu’ils adorent le sentiment que ça leur procure de savoir qu’ils aiment quelqu’un d’autre. Ou alors… ou alors ils aiment le fait de pouvoir profiter de toi. » Je pense qu’Ellen ne veut pas admettre qu’elle aime la vie parce que la haïr est la seule manière qu’elle trouve de critiquer la personnalité de sa mère (qui la dévore avec les ambitions d’artiste qu’elle projette sur elle). Plus sa mère affiche son bonheur sur facebook, plus Ellen veut être une page facebook (tumblr) de douleur.
« Les gens disent qu’ils t’aiment mais c’est faux. En fait, c’qu’ils veulent dire c’est qu’ils adorent le sentiment que ça leur procure de savoir qu’ils aiment quelqu’un d’autre. Ou alors… ou alors ils aiment le fait de pouvoir profiter de toi. » Je pense qu’Ellen ne veut pas admettre qu’elle aime la vie parce que la haïr est la seule manière qu’elle trouve de critiquer la personnalité de sa mère (qui la dévore avec les ambitions d’artiste qu’elle projette sur elle). Plus sa mère affiche son bonheur sur facebook, plus Ellen veut être une page facebook (tumblr) de douleur.

« Les gens disent qu’ils t’aiment mais c’est faux. En fait, c’qu’ils veulent dire c’est qu’ils adorent le sentiment que ça leur procure de savoir qu’ils aiment quelqu’un d’autre. Ou alors… ou alors ils aiment le fait de pouvoir profiter de toi. » Je pense qu’Ellen ne veut pas admettre qu’elle aime la vie parce que la haïr est la seule manière qu’elle trouve de critiquer la personnalité de sa mère (qui la dévore avec les ambitions d’artiste qu’elle projette sur elle). Plus sa mère affiche son bonheur sur facebook, plus Ellen veut être une page facebook (tumblr) de douleur.

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Nous arrivons à l’introduction de la thérapie du Dr.Beckham. Dans la salle d’attente, une belle femme et sa magnifique fille, toutes les deux blondes stéréotypées de classe sociale élevée, admettent avoir dû attendre six mois pour obtenir un rendez-vous. 

Susan constate qu’Ellen et elle ont eu plus de chance, le rendez-vous a été pris bien plus récemment. Passer en priorité devant deux femmes si distinguées est exactement le genre de choses qui va motiver Ellen. Participer à la thérapie de Beckham c’est faire partie d’une élite. Parfait, elle en est. Comme je le dis au début de cet essai, il y a quelque chose de déroutant dans le déroulement optimal des événements, c’est à s’en demander si ces deux personnes ne sont pas au service du Dr. Beckham.

En réaction à une discussion sur les traitements et méthodes thérapeutiques, Ellen s’enfuit aux toilettes. On se dit immédiatement qu’il est normal qu’elle ne veuille pas entendre parler de ces sujets parce qu’ils la mettent dans une position de malade, d’éclopée, et qu’elle a trop de dignité et de fierté pour ça ; elle est forte de caractère. Sauf que simplement, Ellen ne veut pas en entendre parler parce qu’elle ne se considère pas malade. Elle fait exactement ce qu’elle veut, toutes ces discussions font abstraction du fait que si elle le désirait elle recommencerait à manger, on oublie son agence dans l’affaire, sa responsabilité.

To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Dans sa conversation avec la jeune fille blonde, Ellen souligne une fois encore que Susan n’est pas sa mère comme s’il y avait quelque chose d’insultant dans le fait qu’on le pense, comme si elle la détestait, la rejetait et souffrait de devoir se la coltiner. Sauf qu’Ellen n’a aucun problème avec Susan qui est absolument adorable et admirable. Encore une fois, l’anorexique joue un rôle, elle ment sur ce qu’elle est. Son foyer brisé la fait nécessairement souffrir, mais elle se sert de son histoire pour se créer une persona de fille rebelle désabusée quand ça lui chante.

La jeune inconnue aborde l’histoire de la fan d’Ellen qui s’est suicidée suite à la publication d’un de ses dessins. Le montage de la scène rend la conversation étrange dans le sens où il est fort peu probable que Susan ait eu le temps de dire tout ce que la jeune femme rapporte, sans parler du fait qu’aussi bavarde soit-elle, Susan n’aurait pas été jusqu’à raconter un épisode aussi tragique de la vie d’Ellen. Cela fait encore pencher la balance dans la direction d’une mise-en-scène du Dr. Beckham qui tâte le terrain et cherche à savoir si le suicide de son admiratrice a réellement affecté sa nouvelle patiente.

Cigarette. Ellen prend son pied quand on lui parle de la fille qui s'est suicidée à cause de ses dessins.

Cigarette. Ellen prend son pied quand on lui parle de la fille qui s'est suicidée à cause de ses dessins.

Vient ensuite la scène durant laquelle Beckham ausculte Ellen dont j’ai déjà parlé. Durant cette scène il explique qu’il ne s’occupera pas d’elle si elle ne veut pas rester en vie. Un des problèmes de cette déclaration c’est que si Beckham n’accepte dans son programme que les anorexiques prêtes à se battre contre la maladie, alors il n’accepte que celles qui ont déjà pratiquement résolu leurs troubles.

Autre problème, Ellen n’en a rien à faire de remonter la pente comme on a déjà pu le constater nous-mêmes et l’entendre de la bouche d’un autre personnage, elle est réfractaire aux soins et fière de son comportement, elle est même persuadée qu’elle contrôle la situation. Beckham se retrouve donc à envoyer une fille à « la frontière » (nom donnée à la maison où les patientes vivent en collocation) alors qu’elle ne remplit pas les conditions qu’il a énuméré.

 

J’ai auparavant souligné quelques occurrences des dynamiques égotistes qui guident l’anorexique et la conclusion de la conversation entre Beckham et Ellen est très intéressante à cet égard. Le Docteur, sanctionne les réticences d’Ellen d’un « alors trouve-toi quelqu’un d’autre. » Il se retourne et la laisse contempler l’idée de ne pas être prise dans le programme.

Ici, encore une fois, la plupart des spectateurs s’imaginent probablement qu’Ellen accepte les termes imposés par Beckham parce que derrière son attitude rebelle, il y a tout de même une détresse et un désir de s’en sortir. Peut-être, mais ça n’est pas nécessairement ce que développe le film. Il est très envisageable que c’est son égo qui motive Ellen. La thérapie semble réputée, six mois d’attente, les méthodes sortent soi-disant de l’ordinaire, elles seraient radicales. Qu’y a-t-il de radical dans ce qu’on voit dans la suite du film ?

"Quoi !?! Il ne me supplie pas à genou pour que j'accepte de me soigner !?! Je suis pas assez bien pour lui ? Ok, on va voir qui n'est pas assez bien pour l'autre.""

"Quoi !?! Il ne me supplie pas à genou pour que j'accepte de me soigner !?! Je suis pas assez bien pour lui ? Ok, on va voir qui n'est pas assez bien pour l'autre.""

Beckham cependant, se montre hermétique aux mensonges d’Ellen et à sa mascarade, il la provoque, la vexe et enfin lui dit « bah, j’ai pas envie de te soigner finalement. » Il déclenche chez elle un désir de lui prouver quelque chose, de le séduire et de le vaincre, de lui montrer de quel bois elle se chauffe. Et c’est comme ça qu’il lui fait accepter les conditions de bases de l’intégration à la thérapie, et c'est pour cette raison qu'elle cherchera à en savoir plus sur sa vie privée plus tard, pour avoir des moyens de l'atteindre et de le détruire. Heureusement pour lui, il connait son adversaire.

En sortant de l’entretien, Ellen annonce « Il a dit qu’il voulait que j’commence lundi » sur un ton exaspéré. Elle vient de promettre qu’elle ferait des efforts pour être intégrée au programme mais continue de prétendre auprès de sa famille que tout lui est imposé, qu’elle ne veut rien, qu’elle ne désire rien.

Dans la scène suivante, Ellen a repris son attitude pédante, elle affiche à plusieurs reprises sa condescendance exaspérée vis-à-vis de sa belle-mère qui se démène pour l’aider et tape certes complètement à côté mais fait de son mieux. L’erreur de la belle-mère c’est de croire à la mascarade. Elle pense réellement qu’Ellen est une victime innocente dépassée par les événements et cherche donc où se situe le problème sans réaliser que peut-être, Ellen est parfaitement satisfaite de ce qu’il se passe et que la raison de son anorexie ne se situe pas dans un problème insoluble mais dans ce qu'elle en tire.

Sur la porte de l’hôpital on peut lire « children’s hospital. » L’anorexique serait la petite fille qui veut pas manger sa soupe parce qu’elle est en colère contre maman, cela puissance crise existentielle.

To The Bone: L'Anorexique Malveillante partie 2

Pendant que la belle-mère interroge Ellen sur une homosexualité secrète potentielle, Kelly supplie sa sœur de donner une chance à la thérapie : « Tu f’ras un effort cette fois ? […] S’il te plait, tu peux essayer cette fois ? »

Ellen sourit et baisse les yeux. Son expression n’est absolument pas celle d’une jeune fille qui est émue, touchée, qui ressent de la gratitude ou de l’affection. Ces yeux baissés et ce petit sourire sont ceux de la jubilation hautaine d’une personne qui regarde un être inférieur à sa merci. Ellen se délecte de ce qu’elle inflige à sa demi-sœur, avec quelques furtives attaques de honte.

Pas de promesses, pas de mots apaisants, juste la délectation de dominer celle qu'elle jalouse.

Pas de promesses, pas de mots apaisants, juste la délectation de dominer celle qu'elle jalouse.

Susan apparait avec un gâteau grandiose et impressionnant en forme de hamburger, offrande tragiquement non raffinée ou élitiste puisque le hamburger c’est la junk-food par excellence. Sur ce gâteau est écrit « mange-moi, Ellen. » Ce message, c’est également Susan qui l’envoie, « si ta mère n’a pas été à la hauteur, alors soit la chair de ma chair. » Ellen la regarde avec un air écœuré et consterné.

Correction 2023:  il n'est pas écrit "Eat me" mais "Eat up", les sous-titres m'ont induit en erreur. Cependant, le sens reste le même puisque "Eat up" positionne Susan en position de mère. "Eat up" c'est l'encouragement que l'on donne à un enfant pour qu'il finisse son assiette. Si Susan se met en position de mère, Ellen est la chair de sa chair.

 

Partie 1

Partie 3

La pauvre Susan pleine de bonne volonté qui ne réalise pas qu’Ellen n’est pas la victime qu’elle prétend être.

La pauvre Susan pleine de bonne volonté qui ne réalise pas qu’Ellen n’est pas la victime qu’elle prétend être.