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Seven : Il n'y a pas de tueur en série dans Seven (3200 mots)

Publié le par Kevin

Nous le savons tous, l'interprétation la plus évidente du film contient indéniablement un problème: la victime associée à la colère ne meurt pas alors que tout se déroule exactement comme le tueur l'avait prévu.

Nous le savons tous, l'interprétation la plus évidente du film contient indéniablement un problème: la victime associée à la colère ne meurt pas alors que tout se déroule exactement comme le tueur l'avait prévu.

Oui, je sais c’est complètement ridicule. Dire qu’il n’y a pas de tueur en série dans Seven c’est comme dire qu’il n’y a pas d’éléphant dans Dumbo, pas de vaisseaux spatiaux dans Star Wars, pas de chauve dans Fast’n’Furious 7, c’est priver le film de son élément central, altérer son essence, lui retirer la base sur laquelle il repose.

Pourtant, il n’y a pas de tueur en série dans Seven. Qu’y a-t-il alors ? De quoi ce film parle-t-il ?

J’ai de la chance parce que ça s’explique en peu de mots. Ils viennent un peu plus loin.

 

J’ai toujours trouvé que Seven, aussi fascinant et divertissant ait-il été, était un film un peu creux. Il ne résonnait pour moi que comme un tour de manège, contrairement à d’autres films d’enquête sur des tueurs en séries comme Le Silence des Agneaux, Hannibal, Psycho ou Blink.

Ce tour de manège était, attention, absolument impeccable. Le jeune flic au sang chaud, un peu naïf, un peu trop vif, un peu trop jeune, le vieux flic las, pessimiste mais suffisamment sage et expérimenté pour trouver les indices du dément. Le tueur qui assassine les gens en fonction d’une croyance profonde et qui obéît à une logique tout à fait acceptable. Enfin, la scène finale horrible et titanesque.

La seule chose qui m’a toujours turlupiné, depuis 1996 quand je l’avais vu au cinéma, c’était que les deux derniers péchés capitaux étaient un peu faiblards. David Mills pour la colère et John Doe pour l’envie… mouais.

Cela risque de paraître léger, mais pour que John Doe puisse incarner l’envie, un élément antérieur aurait été nécessaire. Par exemple, la femme de Mills aurait pu recevoir des fleurs d’un ancien admirateur dont John avouerait à la fin être le véritable expéditeur.

Quant à la colère de David Mills, on a pu l'observer tout au long du film mais la mise en scène finale aurait par exemple dû révéler qu’il avait été muté parce qu’il avait tué un suspect dans un excès de colère, pour une bavure en lien avec son péché. Le fait qu’il tire une balle dans la tête du mec qui lui avoue avoir décapité sa femme dont il apprend qu’elle était enceinte est bien trop compréhensible pour vraiment être convaincant.

Cet homme est littéralement l'incarnation de la colère. Lisez la folie furieuse sur son visage. Comment ça il a l'air triste ?

Cet homme est littéralement l'incarnation de la colère. Lisez la folie furieuse sur son visage. Comment ça il a l'air triste ?

Pour que le tueur soit convaincant, il faut que les péchés soient représentatifs d’une déviance, or la dimension déviante d’un homme qui venge sa femme et son enfant assassinés sauvagement reste à prouver.

Lorsque l’on se penche sur les autres meurtres, on peut se rendre compte que ça ne colle pas non plus dans tous les cas. Dans la luxure, la prostituée meurt dans d’atroces souffrances alors que par définition, elle a des rapports sexuels non par plaisir mais pour gagner de l’argent. Il est donc plus logique de penser que c’est son client le pécheur (Même s'il est avéré que c'est la prostituée aux vues des photos dans l'appartement de John Doe). Le problème c’est qu’il ne meurt pas et que les sept péchés capitaux sont décrits comme des péchés mortels ; la mort leur est associée et donc, même si clairement le pauvre homme aura beaucoup de mal à s’en remettre, il n’est pas puni en cohérence avec le projet du tueur. La victime aurait dû être et facilement pu être une personne qui correspond bien à l’idée de luxure. John Doe avait tout le temps de se trouver une voisine qui couche avec beaucoup d'hommes. Autre élément bizarre, la fainéantise est représentée par un pédophile et l’avarice par son avocat. Le système judiciaire repose sur le fait que n’importe qui a droit à une défense, tuer un avocat au nom des personnes qu’il défend n’est pas un bon choix pour représenter l’avarice. Même chose pour la fainéantise du pédophile qui est construite de toutes pièces et n’est, à l’évidence, pas son pire péché ! (Même si la propagande actuelle + loi Shiappa, essayent de plus en plus clairement de nous faire accepter la pédophilie).

Plus problématique encore, Mills ne meurt pas pour la colère, alors qu’il apparait comme obligatoire que John Doe meurt pour l’envie sans quoi son « œuvre » ne serait pas accomplie. Pourquoi ? Il aurait probablement été condamné à la peine de mort pour le meurtre de Tracy, de son enfant à naître et de ses autres victimes. En quoi mourir de la main de Mills, qui survit, change quelque chose à l’équation ? (Correction: Oui, ok, le meurtre devient le symbole de la colère de Mills, colère que l'on devine d'autant plus forte que Mills veut justement éviter de tuer Doe à tout prix.)

Bref, les meurtres ne fonctionnent pas à 100% alors que la conclusion du film repose sur l’idée que si Mills tue Doe alors ce dernier aura exactement atteint son objectif.

Somerset demande à Tracy si elle aime la ville, elle se met pratiquement à pleurer et David répond à sa place.

Somerset demande à Tracy si elle aime la ville, elle se met pratiquement à pleurer et David répond à sa place.

Ainsi, tout en aimant beaucoup le film, j’ai toujours eu le sentiment qu’un détail m’échappait au niveau des meurtres, quelque chose qui rendrait plus solide ce final Mills/Colère, Doe/Envie et c’est en le revoyant récemment que j’ai compris où se situait la cohérence dans tout ça.

Le cœur du film n’est pas l’histoire de meurtres mais la morale suffisante un peu présomptueuse dont Mills fait preuve. Le jeune inspecteur pose problème car il est trop intègre et trop fier de l’être. Il ne pardonne ni n’excuse les criminels et rien ne semble pouvoir l’arrêter dans son désir de faire régner la justice. Inexorablement, dans cette ville pourrie et corrompue jusqu’à la moelle, les personnes qu’il va vouloir arrêter seront plus probablement le maire, les flics, les juges, les chefs d’entreprises, le chef de la police etc… que les petits criminels du quotidien.

Voici donc mon explication qui tient en quelques mots: L’histoire de Seven est celle d’une conspiration.

On décide, dans les hauts lieux du pouvoir corrompu, de « bizuter » Mills violemment, de le briser pour qu’il devienne aussi mou et désespéré que Somerset, pour qu’il accepte que rien ne sert à rien, que tout est de la merde et qu’il n’y changera rien.

La chaîne de crimes ne commence pas comme une chaîne de crimes. A la base, il n’est question que de l’obèse. En gros, on met Somerset et Mills sur l’affaire la plus sordide de la semaine avec ordre pour Somerset d’être particulièrement insupportable pour décourager le nouveau venu. On veut pousser Mills à changer d’avis. On veut qu’il retourne d’où il vient.

Là où cela fait froid dans le dos, c’est avec l’histoire de l’appartement qui tremble au passage du tramway: Le pouvoir de ceux qui veulent voir Mills dégager s’étend jusque-là. Est-ce que c’est un de ses collègues (dans le coup) qui lui a indiqué une agence immobilière (dans le coup) qui l’a orienté vers cet appartement (rendu particulièrement attractif pour l'occasion) ? Ou alors est-ce la femme de Mills qui ne veut pas aller à la ville, qui a été contactée et à qui l’on a proposé de faire passer à son mari l’envie d’y rester ? « Prenez l’appartement ****** vous verrez qu’il changera vite d’avis. »

Les présentations William/Tracy sont suspectes elles aussi; Tracy fait comme si elle présentait David à son collègue, comme si elle connaissait déjà l’inspecteur.

Tracy invite Somerset sans même qu'elle et David aient pu en parler. Il est fort probable que David n'aurait pas été enchanté mais là, elle ne s'oppose pas à son désir, elle se conduit carrément comme s'il n'avait rien à dire. Cela ressemble beaucoup à l'initiative d'une personne qui obéït à une instruction qu'elle vient de recevoir, ça manque trop de subtilité.

Tracy invite Somerset sans même qu'elle et David aient pu en parler. Il est fort probable que David n'aurait pas été enchanté mais là, elle ne s'oppose pas à son désir, elle se conduit carrément comme s'il n'avait rien à dire. Cela ressemble beaucoup à l'initiative d'une personne qui obéït à une instruction qu'elle vient de recevoir, ça manque trop de subtilité.

La mascarade -appartement pourri/obèse retrouvé mort noyé dans ses spaghettis/collègue insupportable- n’ayant pas fonctionné, ceux qui veulent voir Mills baisser les bras doivent surenchérir: C’est là et uniquement là qu’intervient l’idée des sept péchés capitaux et du mot « Gourmandise » inscrit derrière le frigo.

La manière dont Somerset va découvrir ce mot suggère comment une telle conspiration peut fonctionner. Le capitaine de la police amène au détective un pot en plastique contenant de petits morceaux de métal qu’on aurait retrouvé dans l’estomac de la victime. Si celle-ci a mangé ces morceaux de métal qui proviennent du sol devant le frigo, alors le tueur avait déjà déplacé le frigo et écrit le mot « Gluttony » à leur première visite. Cependant, il est facile à imaginer que s’il y a mise en scène, on est retourné inscrire le mot et les bouts de métal sont une invention (du capitaine ?) pour donner une excuse à Somerset pour retourner sur les lieux du crime. Somerset n’est pas informé du sens de cet élément qu’on lui apporte mais il sait qu’il doit découvrir quelque chose. Il y a donc un jeu de piste réel, sauf qu’il n’y a pas de tueur en série derrière.

On oublie souvent que l’interprétation la plus simple que l’on peut faire d’un film n’est pas nécessairement la plus crédible. Si John Doe voulait faire sa démonstration publique de punition des sept péchés capitaux, pourquoi avoir dissimulé à ce point l’indice qui indiquait son objectif ? Car tout de même, Mills et Somerset sont passés à côté. C’est un élément significatif fort. John Doe tue des gens en fonction des sept péchés capitaux afin de donner une leçon à cette société pourrie, premier meurtre, les deux détectives et toute l’équipe de la police vont et viennent et passent à côté de l’élément principal. La logique voudrait que Doe ait écrit "Gluttony" en évidence sur un mur avec des guirlandes électriques, ou qu’il l’ait écrit cinquante fois... ce qu'il fait pour le deuxième meurtre, "Greed" écrit avec le sang de l'avocat.

"Excusez-moi, je débute dans le métier et je crois que mon premier meurtre n'était pas très clair mais je suis un tueur en série d'accord !?!"

"Excusez-moi, je débute dans le métier et je crois que mon premier meurtre n'était pas très clair mais je suis un tueur en série d'accord !?!"

Ainsi, le coup des petits bouts de métal et du frigo déplacé, aussi agréables puissent-ils être d’un point de vue narratif -on adore les indices comme ça- ne s’inscrivent pas du tout dans la logique du prétendu tueur. D’autres indices tout aussi déments viendront ensuite.

Autre disposition prise pour décourager Mills, l’intégration d’un intellectualisme humiliant. Il se retrouve à devoir lire de la poésie en vieil anglais (Milton) pour résoudre son enquête. Pour un étudiant en littérature anglophone, cela représenterait un travail de plusieurs années. Pour un flic qui a trois jours pour boucler une enquête, c’est une tâche ridicule. « Ton prochain indice est contenu dans l’encyclopédie ! Mouahahahahhaha »

De son côté, Somerset se construit un alibi en se rendant à la bibliothèque municipale et en faisant bien remarquer sa présence. Ou plutôt qu’un alibi, il construit la narration de l’intrigue. C’est-à-dire que si conspiration il y a, la manière de se protéger de potentielles accusations futures est de se conduire en fonction de la narration imposée et cela de manière voyante : « Le tueur a laissé une citation de Milton, je suis allé à la bibliothèque, il y a des témoins de ça, et j’ai trouvé un indice. » Je sais que cette idée peut sembler terriblement tirée par les cheveux mais ce que je veux simplement dire c'est que s'il s'agit d'une mascarade, Somerset ne fait que jouer le jeu, il se conduit en fonction de celle-ci et laisse volontairement des indices de cela.

Les pauvres gardiens de bibliothèque que Somerset insulte effrontément et gratuitement parce qu'ils jouent au poker au lieu de lire, cela afin de s'assurer qu'ils se rappellent bien de son passage.

Les pauvres gardiens de bibliothèque que Somerset insulte effrontément et gratuitement parce qu'ils jouent au poker au lieu de lire, cela afin de s'assurer qu'ils se rappellent bien de son passage.

Rien n’a de sens dans l’intrigue de Seven et c’est uniquement notre « suspension d’incrédulité » qui fait tenir le film debout (Chercher des indices sur une série de meurtres dans un vieux livre de poésie anglaise uniquement parce que le tueur a cité une phrase d'un auteur ? S'il avait écrit "Hasta La Vista Baby" Somerset se serait tapé l'intégral des films de Schwarzennegger ?). On est là pour voir notre belle enquête à l’atmosphère apocalyptique avec un tueur psychopathe, des meurtres sordides et de la pluie, on ne va pas se gâcher le spectacle à trop s’arrêter à ce genre de détail. Et on a bien raison. Bon, dans cet article je m’arrête à ces détails mais c’est parce qu’ils s’avèrent avoir un sens. Ce n’est pas pour critiquer le film.

Et donc, la recherche littéraire devient un autre assaut lancé contre Mills qui va se sentir incompétent, inférieur alors qu’à côté de lui Somerset semble tout comprendre. Et d’ailleurs, c’est peut-être aussi pour séduire le vieux détective que l’enquête prend cette tournure. On lui offre un tueur à la hauteur de son pessimisme et de son cynisme pseudo-intellectuel. On lui offre de terminer sa carrière sur une affaire qui le mette en valeur.

Mais rien ne fonctionne, Mills garde la même vision incorruptible des choses. Il la réaffirme régulièrement, tient tête à Somerset et va même jusqu’à le remettre sérieusement à sa place (Scène du bar finale qui décide de son sort). Il faut donc encore une fois surenchérir dans les moyens utilisés pour le briser.

Cette scène du film a toujours été l'une de celles qui me donnaient le plus un sentiment de vacuité. Le conflit entre Mills et Somerset atteignait une sorte de climax et cela pour se dégonfler immédiatement. On se doute parfaitement que Mills pense ce qu'il dit et cela depuis le début de l'histoire, le fait qu'il le dise n'a que peu d'importance, sauf si cela a une conséquence. Cette conséquence, c'est que Somerset donne le feu vert pour le coup de grâce mais pas dans la lecture la plus commune du film.

Cette scène du film a toujours été l'une de celles qui me donnaient le plus un sentiment de vacuité. Le conflit entre Mills et Somerset atteignait une sorte de climax et cela pour se dégonfler immédiatement. On se doute parfaitement que Mills pense ce qu'il dit et cela depuis le début de l'histoire, le fait qu'il le dise n'a que peu d'importance, sauf si cela a une conséquence. Cette conséquence, c'est que Somerset donne le feu vert pour le coup de grâce mais pas dans la lecture la plus commune du film.

L’histoire de la bibliothèque se termine sur un indice qui tombe du ciel, comme les bouts de métal dans l’estomac. Somerset obtient illégalement la liste des personnes qui ont emprunté des livres en lien avec les sept péchés capitaux.

Extrait d'une review du film sur senscritique.

Extrait d'une review du film sur senscritique.

Mills critique cette idée qui pourrait aussi bien les mener à un étudiant en littérature, et il a parfaitement raison : cette approche est ridicule. Ils sont à la recherche d’un tueur qui tuerait ses victimes comme des exemples des sept péchés capitaux et qui a cité une phrase de Milton. Tout ce dont il a besoin c’est de connaître les sept péchés capitaux et de connaître une phrase de Milton, peut-être de posséder le classique de cet auteur (Paradise Lost). Dans une métropole cela peut correspondre à des dizaines de milliers de personnes, mais Somerset est soudainement convaincu que non, le coupable a forcément emprunté plein de livres à la bibliothèque, voire même à la bibliothèque de la ville (je ne suis plus sûr de cet élément). Ça n’a pas de sens, ils n'ont pas suffisamment d'informations. C'est comme s'ils avaient dit "le tueur possède peut-être un chat." L'ampleur de l'échantillon de la population correspondant à "possède un chat" combiné à "peut-être" rend la recherche absurde.

Et pourtant, ça marche. Ils vont se planter devant une porte d’appartement et coïncidence, le tueur revient des courses et, incroyable, les reconnait aussitôt, il sait qui enquête sur lui ? Sort un flingue et les allume sans hésitation. Il n’y a aucune logique dans cette scène. Cependant, elle mène à un événement important, Mills se retrouve avec un flingue braqué sur la tempe et voit la mort en face. Il me semble que ça c’est un bon moyen de dissuasion.

Seven : Il n'y a pas de tueur en série dans Seven (3200 mots)

Vient ensuite l’entrée dans l’appartement qui empile encore une fois les incohérences significatives. Somerset tente désespérément de dissuader Mills d’entrer dans l’appartement puisque l’indice qui les y a amené était illégal. Hum. Sérieusement. Ils ont demandé une liste d’usagers de bibliothèque pour arrêter un tueur psychopathe. Ne pas ouvrir la porte de l’appartement de celui-ci une fois qu’il les a arrosés de balles est décalé, irréaliste. L’initiative de Mills de demander à une voisine de prétendre que c’est elle qui les a prévenu est tout à fait compréhensible… mais vient avec elle une autre incohérence ridicule. La voisine est une très très mauvaise menteuse, elle n’est pas crédible une seconde. Et pourtant, Mills et Somerset ne seront pas inquiétés.

Somerset ne voulait pas que Mills entre dans l’appartement parce qu’il n’imaginait pas que celui-ci aurait été minutieusement préparé. Les flics gobent la version de la voisine sans poser de question parce qu’on leur a dit de le faire.

Évidemment, il est peu crédible que la police ait eu le temps, les moyens et ait trouvé nécessaire de construire une telle mise en scène. Je pense donc que l’appartement existait, qu’un cinglé à bien rédigé les 2000 livres de tergiversations traumatisées. Nous sommes écrasés par le poids de ces preuves, sauf que si l’on regarde de plus près la manière dont le film les traite, on peut voir qu’elles sont déconstruites. Mills demande très pertinemment : « Rien sur les meurtres ? » Ben oui, vu l’organisation nécessaire pour mettre en place certains de ces meurtres, il est étonnant que Somerset n’ait pas trouvé une preuve dans un des journaux. Pour toute réponse, le détective lit un passage dans lequel Jonathan Doe vomit sur quelqu’un dans le métro et on n’en entend plus jamais parler des meurtres. Mais peut-être n’avait-il pas suffisamment, cherché ! « Oui, mais ça nous prendrait une équipe de 60 personnes pendant plusieurs jours pour lire tous ces livres ! » explique-t-il. Qui parle de tout lire ? Pourquoi ne pas les survoler jusqu’à ce qu’on trouve le plus récent qui raconte les meurtres ? => Les livres ne contiennent rien sur les meurtres, ils ont été écrit par un déséquilibré que la police connaissait et dont Somerset a fait semblant d’obtenir le nom illégalement (Et quel nom !?! John Doe).

Quelques jours avant, l'enquête nécessitait qu'on lise l'intégralité de l’œuvre de Milton sous prétexte que le tueur avait fait une petit citation. Là, on trouve un journal écrit de sa main sur plusieurs cahiers et soudainement, c'est trop compliqué de passer une soirée à le survoler. 

"Il y a quelque chose sur les meurtres ?" "Euh... tu connais l'histoire de Toto qui va aux WC ?"

"Il y a quelque chose sur les meurtres ?" "Euh... tu connais l'histoire de Toto qui va aux WC ?"

Je soulevais plus haut le problème de l’identification de Mills et Somerset par le tueur. Que trouve Mills dans la baignoire ? Des photos de lui et Somerset en train d’être développées. Cela pourrait me faire me dire que je me trompe mais ça me conforte dans mon idée au contraire. Si le tueur voulait se renseigner sur un des policiers qui enquêtent sur lui, s’amuserait-il à aller le prendre en photo en lui mettant le flash en pleine tronche au point qu’il manque de se faire taper dessus ? Non, nous sommes devant une « inception », le déroulement des événements était scripté, on voulait que Mills se fasse tirer dessus à l'entrée de l'appartement et qu’il poursuive un homme sans parvenir à le rattraper. Donc un sportif qui connait le parcourt à suivre et comme quelqu’un soulève la question de « Hey, mais Mills risque de se demander si le tueur ne ferait pas partie de la police s’il les reconnait immédiatement sans raison. » la question ne se fait pas attendre: « Ah oui, on va mettre des photos dans l’appartement du schtarbé. Et des boîtes de spaghettis aussi, avec des photos des victimes. » L’appartement est celui d’un déséquilibré dans lequel on a implanté des preuves de sa culpabilité (pratique courante dans la police corrompue, dans les films on voit souvent l'implantation de drogue lors d'une fouille corporel ou de voiture), voire, on a mélangé des pièces à convictions d’autres affaires. Je parle d'une conspiration mise en place par le commissariat donc c'est parfaitement possible. Peu importe.  

Pour que les cadavres puissent s’empiler, il faut que les conspirateurs puissent trouver des personnes à sacrifier. C’est un élément important car même si je peux donner l’impression que je serais prêt à sacrifier toute cohérence à ma théorie, je suis en réalité assez rigoureux et je trouverais incroyable que l’on puisse tuer plein d’innocents pour pousser Mills à démissionner, plutôt que de le tuer lui directement. Or justement, les victimes du tueur sont toutes des « pourritures » et je pense que la police en profite pour se débarrasser de quelques raclures bien connues. L’obèse devait être un accident mais un avocat défenseur de pédophile ? Un pédophile défendu par cet avocat justement ? Une prostituée ? (Une femme qui en savait trop ?) Cela ressemble beaucoup aux genres de cibles que trouveraient des ripoux.

C’est également un élément important, car cela explique que Somerset puisse être si crédible malgré sa duplicité (est-il duplice d'ailleurs ? Ou l'a-t-on choisi parce qu'on savait que spontanément, il chercherait à éloigner Mills). Il est lui-même choqué par les proportions que cette histoire prend à mesure qu’il la suit.

Nous arrivons donc à l’affirmation du titre de cet article: il n’y a pas de tueur en série dans Seven. Lorsque John Doe se pointe au commissariat couvert de sang, il n’a commis aucun meurtre. D’ailleurs, comment est-il entré en ce lieu ? Pourquoi personne ne l’a vu ? Parce qu’il est le commissariat, il est ici chez lui, métaphoriquement bien sûr.

Belle entrée en scène mais euh... comment est-elle possible ?

Belle entrée en scène mais euh... comment est-elle possible ?

Cette histoire avait besoin d’un bouc émissaire, plusieurs répliques expliquent la possibilité de son existence. John Doe est le nom que l’on donne aux cadavres non identifiés, le tueur est donc une non-personne. C’est un homme qui a suivi l’enquête, s’est identifié au tueur et a été nommé par la police. Il admire son œuvre, il jubile de ce qu’il se passe et la police est donc venue le chercher pour lui faire endosser la culpabilité ou encore, il a lui-même réellement orchestré la fin de l’histoire et n’a donc tué que la femme de Mills. Ce qui n’en fait pas un tueur en série.

 

Ce qui me convainc de cette interprétation c’est que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le film a beaucoup plus de sens si l’on accepte cette idée d’une conspiration contre Mills.

Aussi, lorsque Tracy prend un rendez-vous avec Somerset pour lui parler du fait qu’elle est enceinte. Il est possible qu’elle mente. Somerset a poussé la compagne qu’il aimait à avorter et bien qu’il dise ne pas regretter son geste, il est certainement toujours traumatisé par cette décision. En faisant croire à Somerset que Tracy est enceinte, on lui donne la plus grande des motivations possible à pousser Mills vers la démission.

L’horreur finale étant que c’est ce mensonge probable qui fait basculer Mills vers le meurtre puisque lorsque John Doe annonce que Tracy l’a suppliée pour la vie qu’elle portait en elle, Somerset le frappe maladroitement et lui donne raison. (D'ailleurs la fin originale du film voulait que ça soit Somerset qui tue John Doe et je trouve qu'elle n'était pas si mal même si le film ne serait pas devenu le classique qu'il est aujourd'hui).

Bref, bref.

Si l’on en croit cette lecture, rien ne prouve que Tracy soit réellement morte. J’aurais tendance à le croire à cause de la réaction de Somerset et parce que cela représenterait le dépassement de la dernière limite. Les premiers meurtres étaient une sorte de recyclage d’affaires lugubres et d’ennemis dont on savait qu’on allait se débarrasser et peut-être de témoins gênants dont tout le monde se fout. Le meurtre de la femme du nouveau détective est certainement une initiative que les conspirateurs ne se seraient jamais vu prendre lorsque tout a commencé. Je pense qu’il y a une sorte d’emportement, de perte de contrôle et de « il ne nous laisse pas le choix, on ne peut plus reculer » qui survient parce que personne ne pensait que Mills serait aussi têtu.

Il y a donc probablement une raison derrière le caractère inflexible de Mills, et je pense que c’est parce qu’il est stérile. Mais c'est une autre histoire.

 

 

Edit 2019: L'une des motivations principales que j'ai à écrire ces lectures alternatives c'est que je pense que la littérature sert à nous enseigner la vie, à nous apprendre des choses. Je trouve que cet article sur Seven montre bien comment ma perception du film peut avoir un intérêt bien au-delà de celui-ci. Ce qui m'intéresse sur l'histoire de tueur en série de Seven, c'est ce qu'elle m'apprend sur les histoires de tueurs en série du monde réel. En gros, sont-elles des constructions qui servent à mettre au placard des crimes commis par des personnes qui ont les moyens.