No Way Up : Brandon est le père d'Ava. (1000 mots)

Petite lecture alternative rapide sans grandes implications. Un film sympathique bien meilleur que la manière dont il est perçu, mais en même temps tellement insignifiant qu’il est difficile à défendre : No Way Up

L’histoire d’un crash d’avion dans l’océan et de passagers bloqués sous l’eau qui vont en plus devoir se coltiner une menace poissonnière, des vilains requins qui mordent.

La critique principale que le film a reçu est valide, c’est-à-dire que les requins semblent avoir été ajoutés au scénario à la dernière minute tant leurs apparitions sont grotesques et semblent gratuites alors que le restant du film joue la carte du premier degré.

Cependant, je pense quand même que les requins sont cohérents même si leurs interventions donnent le sentiment d'être forcées.

Si l’on cherche du côté de l’interprétation un peu évidente de l’histoire, on peut voir qu’Ava, fille d’un politicien en pleine campagne électorale, a besoin de faire le deuil de sa mère morte noyée dans l’océan, on ne sait pas dans quelles circonstances.

Donc la métaphore est évidente, Ava est littéralement coincée au fond de l’océan et doit remonter pour ne pas mourir noyée, elle doit faire le deuil de sa mère, accepter ce qu’il s’est passé.

Mais ce sous-texte reste très vague et général et ne donne, en vérité, que peu de sens à l’ensemble de l’intrigue.

Je ne vais pas tourner autour du pot, la problématique plus précise de l’histoire vient du fait qu’Ava n’est pas la fille de son père politicien mais la fille de Brandon, son garde du corps.

On peut le voir assez facilement dans la manière dont il la considère, dont il lui parle et dont elle parle elle-même. Beaucoup de phrases placent Brandon dans la position du père.

Lorsque Jed constate que le garde du corps va les accompagner en vacances, il demande confirmation « Il va venir avec nous ? », Ava répond « Papa a insisté. »

La phrase fonctionne parfaitement (en anglais) avec l’idée que Brandon est son père. Or, à mesure que l’histoire avance, on peut constater qu’Ava ne parle absolument jamais de son père politicien. Il est totalement absent de l’intrigue. Aucune scène ne lui est réservée alors que le film nous sort plusieurs fois de l’avion pour suivre l’hélicoptère de secours. Jamais le père n’est introduit, jamais son inquiétude n’est montrée. Il existe à peine.

C’est d’autant plus troublant que le départ du film nous donne l’impression qu’il va prendre beaucoup plus de place. Autre bizarrerie, les secours parlent du fait qu’il y a une fille de politicien à l’intérieur de l’avion. Jamais les spectateurs n'ont envie de suivre un personnage principal qui a un traitement de faveur. C’est d’autant plus troublant qu’en apparence, son père ne sert à rien, encore une fois. Elle ne le retrouvera pas à la fin. On ne le verra pas soulagé. Rien.

Mon argument ici est que ce père politicien n’a pas été introduit dans l’histoire pour ensuite ne rien en faire, il a bien un rôle. Son rôle, c’est que c’est lui qui commandite le crash de l’avion et les attaques de requins.

Ava étant la fille cachée de Brandon, le politicard a décidé de se débarrasser de cette clique de nuisibles. Il assassine la mère lorsqu’il apprend que la fille n’est pas de lui, qu’il a été trompé, avec pour motif supplémentaire le fait que cela pourrait planter sa campagne, un classique des mobiles dans les films et dans la réalité.

La mère d’Ava est donc assassinée et Brandon se retrouve à suivre sa fille de près pour la protéger. On voit dans la scène de l’aéroport qu’il est très bon à ce petit jeu, raison pour laquelle, le politicien tueur va devoir avoir recours à un plan délirant, crash + océan + requins + bombe nucléaire + antenne 5G.

Brandon est donc un amant secret qui voit la femme qu’il aime tomber enceinte mais rester avec son mari. C’est un homme bafoué, rabaissé, trahi et humilié. Il n’essaye jamais de dire à Ava qu’elle est sa fille parce qu’il respecte la mémoire de la femme qu’il aimait et il ne voit pas à quel moment il serait légitime d’apprendre la vérité à sa fille. Ava par contre, est prête, elle veut qu’il l’admette, elle voudrait soulever le problème. Hélas, cela ne sera pas fait.

Ava développe donc des troubles comportementaux et de l’estime de soi que l’on peut constater dans le film. Les survivants gravitent autour d’elle et dépeignent ce déséquilibre.

Kyle et Jed représentent ses dynamiques relationnelles avec les hommes. Ils sont deux car Jed représente l’amoureux sacrificiel, celui qui lui donne exactement ce dont elle semble avoir besoin et Kyle représente le mec qui l’aimerait mais qui ne veut justement aucunement se sacrifier.

Au final, seul le serviteur homosexuel survit.

A côté, Rose est très souvent seulement un double d’Ava. Et d’ailleurs, la relation de la fillette avec Nana est un peu suspecte. Clairement, les deux vieillards sont plutôt les parents de la gamine que ses grand-parents. Pourquoi ? Comment ? Aucune idée.

Bref, toujours est-il que le film dépeint les gesticulations psychologiques d’Ava, dévorée par l’image de sa mère et celles de ses deux pères, la difficulté à se construire qu’elle endure du fait qu’elle n’est sûre de rien sur elle-même.

Les requins représentent la menace prédatrice du père politicien. Quelqu’un veut réellement la mort d’Ava. Je suis ici obligé d’émettre une hypothèse qui m’ennuie parce qu’elle n’a que peu d’éléments qui lui sont associés dans le film et pourtant j’en suis convaincu.

Il y a une étrange mode à traiter les animaux comme des armes téléguidés depuis quelques années. Jurassic World Fallen Kingdom, Crawl.

La possibilité de prendre le contrôle mental d’un animal existe belle et bien. Donner des ordres du type « attaque » directement au cerveau, c’est une réalité.

Or, c’est exactement ce que l’on peut observer avec les requins de No Way Up. C’est d’ailleurs un autre problème du film. Les requins sont vraiment écrits comme s’ils étaient là pour accomplir une mission. Les attaques sont aléatoires, soudaines et incohérentes exactement comme si quelqu’un décidait qu’il était temps d’attaquer un des survivants ou un plongeur. Chacune de leurs apparitions est réellement montrée comme une incohérence. Lorsqu’il se fait charger, Brandon vient de regarder plusieurs fois par l’orifice dans le flanc de l’avion qui donnait sur l’océan s’il y avait un risque. Le requin apparaît comme par magie.

On nous dit que les bulles les effraient, un plongeur qui produit de grosses bulles en gros plan pendant trente bonnes secondes se fait dévorer immédiatement… sans que l’on voit l’attaque d’ailleurs.

Je ne vais pas m’attarder trop là-dessus mais vraiment, les attaques des requins sont écrites de manières incohérentes et elles ne correspondent en rien aux comportements d’un animal qui veut simplement se nourrir… surtout alors que l’avion est un garde manger géant, pas besoin d’attaquer les vivants.

Le climax animalier viendra quand Ava se retrouve nez-à-nez avec un requin qui ne l’attaque pas. La menace est bien montrée comme obéissant à des lois qui nous échappent.

Au niveau des autres éléments métaphoriques, on a l’avion phallique détruit par la pression de l’océan féminin. L’intérieur représentant cependant l’immaturité psychologique d’Ava.

Un autre élément « secret » : il est fort envisageable qu’Ava ne survit absolument pas. Elle perd conscience juste avant la conclusion en happy end et les hélicoptères de sauvetage apparaissent subitement comme une belle illusion, une belle image symbolique mentale.

Le film se clôt sur une image de montée au paradis dans le ciel lumineux. Je ne suis pas très optimiste… surtout que le film se montre particulièrement violemment pessimiste. La mort des personnages n’accomplit pas leur arc narratif mais vient le démolir.

Dans beaucoup de films catastrophes, ou d’horreur, on accepte plus facilement la mort de personnages, positifs ou non, parce que l’on sent que leur arc narratif les mène à ce point. Ici, ce n’est pas le cas, leur mort est un horrible échec et ça fait un peu mal. Les films n’osent plus beaucoup nous en mettre dans la tronche comme ça en 2024.