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Pub Comté : Un Petit exemple d’hypocrisie féministe et de perversion bien à la mode. (3000 mots)

Publié le par Kevin

La cuistot qui se la joue les durs à cuir, si bien qu'elle me rappelle ma sixième.

La cuistot qui se la joue les durs à cuir, si bien qu'elle me rappelle ma sixième.

Avant-hier, alors que je regardais innocemment un navet quelconque rediffusé pour la deux-centième fois, soudainement surgit une page de publicité qui m’envoya directement sans prévenir ce direct du droit propagandiste en pleine figure. Je n’étais pas prêt, ma garde n’était pas levée. Aoutch ça a fait mal.

Bon, je rigole. Etant donné que 90% des spots publicitaires qu’on nous inflige aujourd’hui sont surchargés de propagande nihiliste, je me doutais bien que celui-ci serait autant de nourriture sortie tout droit des intestins que le précédent et le suivant.

Cependant, cette pub Comté nous offre un magnifique exemple d’hypocrisie féministe. Alors bien sûr, il s’agit ici d’une publicité, pas d’un tract, cependant, le mouvement est devenu tellement n’importe quoi que je ne vois pas en quoi le discours de cette publicité pourrait être qualifié de « faussement féministe » quand le mouvement n’est plus aujourd’hui qu’une prostituées au service du Capital. Ce qui m’importe, c’est que lorsque l’on voit la publicité on sait que l’on doit identifier cette femme dans un rôle inattendu, qu’on est devant le progressisme inarrêtable de notre société grandiose.

 

 

1-L’Archétype culturel

 

Il traîne dans nos cultures un stéréotype de maître sadique bienveillant dont l’intransigeance se veut être l’expression de son désir de voir son élève réaliser son potentiel.

Yoda qui maltraite Luke dans L’Empire contre-attaque, ou Qui Gon, Obi Wan et Anakin dans la première trilogie de Star Wars. Il y a Jaime Escalante, prof de math virulent et impitoyable dans Stand and Deliver (Article en anglais) qui parviendra à envoyer ses pauvres élèves de la pire école de la ville à la fac. Il y a aussi Monsieur Miyagi dans Karaté Kid qui commence par traiter Daniel comme un esclave avant d’accepter de lui enseigner le Karaté, et maître Pai Mei dans Kill Bill.

Dans les cuisines, on trouve des aspects de ce maître tyran dans L’Aile ou la cuisse, Le Grand Restaurant, Ensemble …c’est tout, un film avec Eddy Mitchell cuistot dont je ne me souviens plus, Ratatouille également il me semble… le pire étant un certain Merouan que j’ai entrevu dans un épisode d’un dîner presque parfait, imbécile insupportable dont la savoir-faire ne lui servait qu’à rabaisser les autres.

Le personnage repose sur plusieurs croyances et convictions. Tout d’abord, il y a l’idée que pour devenir bon à quelque chose, il faut passer par des moments de souffrance, de frustration et d’ennui. Développer un talent ne peut pas toujours être amusant.

Une extension de ce premier point est que l’excellence ne serait accessible que dans l’acharnement et la douleur et le professeur serait donc là pour infliger les sévices nécessaires à la naissance du prodige.

Ensuite, il y a le fait que nous ne sommes jamais conscients de nos capacités et qu’un prof saura mieux que nous ce dont nous sommes capables et pourra ainsi nous orienter dans la bonne direction et nous motiver convenablement, proportionnellement à nos possibilités.

Enfin, l’intransigeance du maître viendrait également du fait que son appréciation critique du génie, lui rend insupportable tout ce qui est ordinaire, moyen ou tout juste bon. Son extrême susceptibilité serait signe de sa grandeur.

La principale caractéristique de ce maître est très associée à la masculinité mais plus encore au patriarche divin : il énonce les vérités douloureuses sans prendre de gant, voire même avec un sadisme avoué.

Ce comportement repose sur l’idée que son niveau d’excellence fait de son jugement une vérité absolue. Il n’y a pas à discuter, il n’y a pas à nuancer. S’il dit que c’est nul, c’est nul, s’il dit que c’est génial, c’est génial. Ainsi, dans son domaine il est Dieu et comme la cuisine est un monde créé autour de son talent, il est donc Dieu en ce lieu.

La virulence des remarques et du dénigrement infligé aux élèves portent la signification de la violence de la vie. Ces remarques sont l’objectivité incontestable et ne pas vouloir les entendre c’est vouloir fuir le réel, c’est être trop faible pour supporter l’existence.

Cette propension à confronter les progénitures aux réalités impitoyables de l’existence est traditionnellement le rôle du père, alors que de son côté la mère les protège de ces réalités souvent trop brutales. Tous deux ayant un rôle indispensable dans l’équation.

D’ailleurs, les mouvements progressistes actuels peuvent être regardés comme la croissance morbide du rôle maternel qui voudrait que le monde soit un utérus sans limite dans lequel il n’y aurait plus d’injustice, plus de violence, plus de vérités désagréables auxquelles il faudrait se confronter et dans lequel les humains pourraient rester des enfants durant l’intégralité de leur existence. (Ce délire allant jusque dans la situation absurde et magnifique où les non-violents recourent à la violence pour défendre la non-violence, au racisme pour combattre le racisme et aux préjugés sexistes pour défendre un sexe etc…).

Le cuistot et sa cuisine représenteraient l’aliénation contraire. Dans ce lieu, il n’y a plus d’espace pour la bienveillance maternelle qui se traduit par une douceur de l’environnement et une flexibilité des limites. Alors que la  cuisine féminine n’imposerait pas de durée, la cuisine du chef n’offre qu’un temps restreint pour préparer un plat. Si dans un cas, un plat raté n’entraine aucune conséquence puisqu’on peut le recommencer, dans un autre il est attendu par un consommateur qui sera mécontent s’il n’est pas servi. Si la recette passe par l’utilisation d’une technique inconnue, dans un cas cela représente une occasion d’apprendre, dans l’autre cela souligne une lacune, tout devrait être connu et su.

 

 

2-De la transcendance

 

Ce chef, ce maître aliéné qui se prend pour Dieu, pense son enseignement transcendant. Laissez-moi aller voler quelques définition à droite à gauche (Wikipédia et google) :

  • Le terme transcendance (du latin transcendens ; de transcendere, franchir, surpasser) indique l'idée de dépassement ou de franchissement.
  • PHILOSOPHIE : Qui suppose un ordre de réalités supérieur, un principe extérieur et supérieur (opposé à immanent).

 

 

L’idée de transcendance est très présente dans notre culture, celle de dépasser ses limites. On nous la rabâche d’ailleurs tout le temps dans la publicité mais pas uniquement, dans les sports, dans l’éducation, dans les arts. C’est une bêtise flatteuse pure et simple qui sert à nous assujettir et à nous exploiter. Personnellement, je me moque bien de dépasser mes limites, je suis déjà bien content de ce dont je suis capable en temps normal (apprentissages compris, je ne suis pas en train de vanter les mérites de la stagnation) et je pense plutôt que j’aimerais que la société des hommes s’adapte à leurs limites pour qu’ils puissent vivre heureux, dans le calme et en paix avec eux-mêmes au lieu de les harceler pour qu’ils se dépassent, s’aliènent l’égo et deviennent d’insupportables narcisses inhumains désespérés et destructeurs.

Notre chef qui se rêve un Dieu va donc vouloir recréer cette idée de transcendance autour de lui. Il faut véhiculer le sentiment que son savoir-faire appartient à un ordre de réalité supérieur, qu’il obéît à des lois extérieures à ce monde. Il faut que l’on croit que pour atteindre un tel niveau, il a dû se surpasser, briser sa cohérence humaine pour être constitué d’une autre matière.

Le secret pour effectuer cette mue en une divinité resplendissante n’est pas si impressionnant : ces personnes sont souvent des menteurs compulsifs, séducteurs automatiques, hypocrites, voleurs d’idées, incapables eux-mêmes de regarder les réalités de la vie en face et saturés de mauvaise foi. Mais tout ça, il ne faut pas le dire.

Leur transcendance se verra donc dans leur manière d’exprimer leur opinion sans état d’âme, sans considération pour les sentiments de la personne qu’ils blessent. Leur niveau d’excellence leur donne accès aux vérités universelles et absolues de leur domaine d’excellence (justement), ils peuvent donc donner leur opinion comme s’ils énonçaient une loi physique indubitable et non une simple opinion éclairée. Ils s’extraient de l’équation en tant qu’individu car ils ne sont que la loi du réel. (A ce sujet on peut lire La Domination masculine de Pierre Bourdieu page 98, 99, 100, 101, 102 l’exemple du Dr.Ramsay dans Virginia Wolf).

Ainsi, si l’on gobe leur mascarade et que l’on parvient à les contenter, ce n’est pas leur approbation que l’on obtient mais une approbation absolue divine. Etre le larbin d’un gourou de ce type fait paradoxalement, facilement devenir orgueilleux. On trouve un exemple parfait de cette dynamique dans le film Whiplash, dans lequel le jeune homme qui apprend la batterie devient terriblement hautain à mesure qu’il reçoit l’approbation de son prof/père caché.

 

 

3-Trouble du Soi.

 

La réalité derrière cette image de chef transcendant est bien évidemment morbide. Le maître tente de se convaincre que les agressions et humiliations qu’il inflige le sont dans un esprit de bienveillance sadique, du type « je lui fais du mal, mais c’est pour son bien. Ce n’est pas du tout pour mon plaisir personnel. » Alors qu’en réalité c’est le plaisir qui découle de ce qui est infligé qui dirige la relation (ou la raison derrière ce plaisir), cela au point que le maître transcendant perd en réalité l’objectif de vue, l'intérêt de l'élève.

L’objectif réel (et inconscient) est de créer un double accompli de soi-même. Les désirs de transcendance, d’accomplissement ou de dépassement de soi, sont souvent les extensions morbides d’un désir de laisser son Soi derrière justement, d’échapper à ce que l’on est et déteste. Ainsi, l’individu brisé qui se hait va se dévouer à une quête qu’il croira transcendante afin d’échapper à lui-même et de renaître, nouveau et parfait. Le maître transcendant croit donc à la transcendance de son enseignement, elle lui permet d’échapper à ce sentiment d’absence de valeur essentielle qui le ronge pour une raison ou pour une autre.

Le problème, c’est qu’on n’échappe pas à un sentiment d’absence de valeur de cette manière et que le développement fatal de cette logique c’est la naissance du sentiment insupportable que le but ne sera jamais atteint, que finalement la médiocrité à laquelle il voulait échapper l’a empêché d’atteindre son but. La seule certitude qu’il reste, c’est celle de la vision, la certitude que si la perfection lui est inaccessible, au moins le maître sait la reconnaître.

Vient alors le pauvre élève, lui-même mal dans sa peau, qui va être séduit par cette vision et s’offrir au maître qui va donc le forger impitoyablement avec la même sévérité injuste et haine de Soi avec lesquelles il a lui-même tenté de se modeler.

Pub Comté : Un Petit exemple d’hypocrisie féministe et de perversion bien à la mode. (3000 mots)

Ainsi, l’apprentissage n’est plus le simple apprentissage concret d’une compétence mais une quête de valeur existentielle. Si tu rates ton plat, tu n’as aucune valeur, tu ne mérites pas de vivre.

Je dis ça en passant, ce qui donne un sentiment de valeur existentielle c’est l’amour « précis » des personnes qui nous entourent. Précis dans le sens où ces personnes nous comprennent suffisamment pour nous donner le sentiment d’aimer ce que nous sommes réellement. Dans une culture où tout n’est qu’illusion, image et surface, le sentiment d’être aimé est un doux rêve.

Ce qui engendre le phénomène de copie de soi, c’est la conjugaison de deux variables : l’idée abstraite que le maître se fait du cuistot parfait est aussi l’objectif personnel qu’il s’est donné toute sa vie. Son enseignement a donc pour but de créer un double idéalisé de lui-même.

Aussi, la douleur qui l’a poussé dans cette quête de transcendance désespérée est toujours présente puisque son mal-être le convainc qu’il a échoué. Il ne devient jamais suffisamment bon pour se sentir aimable. Il donne donc le relais à un tiers qu’il punira avec plaisir car cette punition lui apportera la satisfaction de se rapprocher de son propre but.

Eclaircissons cette dernière phrase : Si mes parents voulaient que je sois un champion de sport, que je n’y suis jamais parvenu et vis donc avec ce sentiment que s’ils avaient su ils ne m’auraient pas donné la vie, torturer mon enfant pour qu’il soit bon en sport peut devenir un plaisir puisque j’ai, pendant ces instants, le sentiment d’être en accord avec ce que mes propres parents attendaient de moi.

A défaut de parler de ses parents, le maître transcendant parle souvent d’icônes de son domaine d’excellence. Dans Whiplash, Terence Fletcher radote la même anecdote de deux jazzmen qu’il vénère.

 

 

4- La Publicité Comté.

 

Tout commence sur un gros plan de la chef cuisinière qui râpe son Comté sur le contenu d’une assiette. Elle l’utilise donc comme ingrédient à sa cuisine ce qui, dans le contexte du maître transcendant, signifie que ce fromage est inattaquable.

La voix off demande : « Connaissez-vous quelqu’un qui n’aime pas le Comté ? »

La cuisinière réagit au quart de tour, « est-ce qu’il y en a un de vous qui n’aime pas le Comté les garçons ? »

Ils sont dans la cuisine d’un restaurant, pourquoi la chef considère-t-elle que la question concerne les trois pauvres apprentis présents dans la pièce et pas sa famille ou les nombreux clients qu’elle a pu servir au court de sa carrière ?

Elle pose cette question parce qu’en bonne mégalo elle utilise la moindre opportunité de faire la démonstration de sa domination.

Les trois jeunes hommes répondent « Non chef ! » en chœur, la cuisinière fait une tête qui appelle les baffes et conclut « voilà ! »

Ce qu’il y a derrière cette interaction c’est l’idée qu’étant une chef infaillible, le fait qu’elle utilise le Comté dans son menu indique que c’est un ingrédient que tout le monde se doit d’aimer. Aimer le Comté fait partie de son enseignement. La réponse en chœur de ses petits cuisiniers est donc une preuve qu’ils sont bien dressés, qu’elle fait bien son boulot.

La chef continue sa séquence masturbatoire par « si vous en rencontrez un, envoyez-le moi, j’peux vous dire qu’avec moi, il va l’aimer. »

Entre la discipline des apprentis entièrement assujettis et la menace sous-jacente à cette deuxième remarque, l’attitude de la conna… de la cuistot porte clairement des connotations fascistes. Elle ne laisse pas le choix ; le Comté est bon selon son jugement objectif, donc tout le monde doit l’aimer et puisqu’elle défend une vérité objective, elle peut se permettre de l’imposer par la force et d’interdire toute autre forme de pensée.

Evidemment, tout cela maladroitement amené comme de l’humour.

Le jeune commis qui est à côté d’elle se jette sur un bout de Comté, elle lui demande « Qu’est-ce que vous faîtes ? » Comme s’il venait de se permettre un écart de conduite et qu’elle allait devoir sévir. Le jeune homme trouve une excuse « J’regoutais, pour être sûr chef » et la chef dans son infinie bonté bienveillante pleine d’un amour secret que nous devinons parce que nous sommes tellement subtils, le laisse prendre la fuite, un petit sourire au coin de la bouche, et sans transition elle reprend le travail « la deux les garçons, la deux. »

Ce qu’il se passe ici, c’est que le gamin devient le lèche-botte le plus total qu’il puisse exister. Face à ce tyran insupportable à qui l’on a nécessairement envie de mettre la tête dans un fait-tout, il prétend n’en faire lui-même qu’à sa tête (goûter sans permission) mais cependant avoir les mêmes goûts que son gourou bien-aimé. Il lui offre ce qu’elle veut, un larbin qui se modèle intégralement à ce qu’elle désire, mais en faisant en plus l’effort de prétendre qu’il n’obéît pas, qu’il n’épouse pas volontairement ses attentes.

Alors qu’il s’éloigne, elle le regarde d’un air pensif avec un petit sourire troublé. Doit-elle le rappeler à l’ordre, lui qui a osé défier son autorité, ou au contraire, a-t-elle enfin trouvé ce double parfait d’elle-même ?

Pub Comté : Un Petit exemple d’hypocrisie féministe et de perversion bien à la mode. (3000 mots)

En produisant ce geste, ce jeune homme vient de déclencher un mécanisme qui le conduira probablement à sa perte. A partir de cet instant, il va devenir le petit préféré de la cuistot qui va se focaliser sur lui, ce qui était son but. Il l’a séduite pour qu’elle fasse de lui un cuisinier hors pair. Le problème est qu’elle n’a pas de notion du cuisinier parfait au-delà de cet idéal d’elle-même qu’elle n’a pas atteint (ou qu’elle n’aura jamais terminé d’atteindre). Ainsi, à chaque fois que le petit cuistot tentera d’affirmer sa différence réelle, son initiative sera perçue comme une erreur par sa maîtresse, ce qui se soldera systématiquement par la menace de mettre fin à leur collaboration qui a commencé sur l’idée qu’il n’était qu’une extension magique d’elle.

Après la disparition du jeune homme, la chef retourne au travail sans transition. Ici, la transcendance est abandonnée, on redescend sur terre où il est question d’effort et de production. La chef se sent immédiatement obligée de rappeler aux autres commis qu’il faut servir la table deux. Avaient-ils oubliés ? Non, mais parce que nous sommes de retour dans l’immanence, la chef a besoin d’affirmer sa supériorité à nouveau en prétendant être plus consciente des priorités et plus qualifiées que ses petits collègues qui doivent bien se moquer d’elle dans son dos et en avoir sérieusement marre de son attitude.

Mon dieu mais que je hais cette absence totale de naturel, cette manière de se mettre en scène dans chaque geste.

Mon dieu mais que je hais cette absence totale de naturel, cette manière de se mettre en scène dans chaque geste.

 

 

5-L’Incohérence féministe.

 

La raison pour laquelle j’écris cet article est plus simple que toute cette analyse introductive. Je trouvais juste que cette publicité donnait un magnifique exemple de la manière dont l’hypocrisie féministe se cache à peine.

L’attitude de cette femme copie clairement celle de son homologue masculin traditionnel. Le patriarche infaillible autoritaire imbu de lui-même sur lequel les féministes s’acharnent depuis que le mot féminisme a été déféqué devient soudainement parfaitement acceptable quand il est joué par une femme. Acceptable, moderne, progressiste, ouvert d’esprit et cetera et cetera…

J’avais donc envie de remettre la citation que j’avais trouvé au sujet de Simone de Beauvoir lorsque j’ai écrit mon article sur Deuxième sexe :

« un féminisme conduit par la volonté de rejoindre le sexe masculin dans ses travers les plus phallocrates. »

Je trouve que l’on voit bien dans cette publicité ce désir de rejoindre le sexe masculin dans ses travers. Ce qui est dénoncé en tant que marque de masculinité insupportable devient soudainement indice de qualité, d’épanouissement et d’émancipation chez la femme.

En gros, nous sommes devant un cas de figure dans lequel le discours féministe vénère en secret ce qu’il dénonce publiquement et où toute l’argumentation anti-masculin n’est en fait que du dépit… alors même que la critique était légitime.

Pub Comté : Un Petit exemple d’hypocrisie féministe et de perversion bien à la mode. (3000 mots)

Cette contradiction du discours féministe est visible constamment, partout, tout le temps mais ça n’a pas l’air de les déranger plus que ça, ce qui est normal puisque ce mouvement ne trouve pas sa force dans sa légitimité ou sa cohérence.

 

 

6-Jusqu’au bout du délire.

 

Ce qui se cache derrière cette cuistot agaçante c’est un père du même acabit qui voulait un garçon et n’a jamais reconnu la féminité de sa fille.

La fillette a grandi aliénée et son désir d’être reconnue par son père l’a poussé dans ses traces sans jamais qu’elle trouve un moyen de s’épanouir en tant que femme. Les cheveux courts sont utilisés comme symbole d’une féminité amputée.

On la retrouve adulte dans une cuisine à donner des ordres, à jouer au tyran, comme feu son papa, entourée de beaux jeunes hommes. Sa libido atrophiée lui fait préférer la compagnie de jeunes garçons, avec lesquels elle se sent à l’aise. Elle jubile de leur apprendre des choses, de leur donner des ordres, de leur faire aimer ce qu’elle leur offre. Sa sexualité reste enfermée à un stade d’immaturité dans l’univers paternel.

Et soudain, paf tombe la question sur le Comté. Le Comté c’est son ingrédient, c’est elle, c’est sa chair. Elle le défend avec un peu trop de zèle mais c’est aussi parce qu’elle s’identifie à lui.

C’est alors que son jeune collègue masculin, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, mange un morceau de Comté à son insu. Il défie son autorité, il désobéit, il montre sa capacité à suivre son désir et ses goûts non assujettis à madame.

La cuistot est devenue un double de son père. Elle n’est jamais parvenue à lui désobéir, elle est devenue exactement ce qui pouvait être le plus proche de lui, elle ne lui a jamais échappé, il a fichu sa vie de femme en l’air.

A noter, cette femme forte, accomplie qui a soi-disant vaincue la patriarchie se trouve être justement l’inverse, une femme entièrement soumise à des attentes masculines qui n’ont aucun respect pour ce qu’elle est dans le fond, une femme malheureuse et détruite. C’est très souvent le cas avec la vision actuelle féministe, on nous montre des personnages féminins porteurs d’un sens qui est en réalité intégralement inversé.

Lorsqu’elle voit ce jeune homme subtiliser le Comté, elle se revoit encore jeune femme avec son papa dans la cuisine et elle se dit que ce gamin est le fils que son père aurait aimé avoir.

Pub Comté : Un Petit exemple d’hypocrisie féministe et de perversion bien à la mode. (3000 mots)

Mais que désire-t-elle, elle ? Au plus profond d’elle-même ? Etre une cuisinière légendaire, ou être enfin reconnue comme femme ?

Etre reconnue comme femme, j’aimerais pouvoir ajouter « bien sûr » mais en 2020, il n’est plus évident pour tout le monde que la priorité d’un individu c’est d’être reconnu comme un représentant légitime de son sexe et que n’importe quel accomplissement demeure une farce amère si l’on n’a pas auparavant la chance de pouvoir se sentir exister en tant qu’individu sexué dans son environnement social.

Notre chef se retrouve donc dans une situation inédite incroyable : elle se retrouve dans la position inverse de celle de son enfance. Elle est son père et le jeune est elle, attirée par son père. Lorsqu’il mange le fromage goulûment, il ignore une interdiction. L’interdiction bafouée par la jeune fille c’était son désir pour son père. Elle n’a pas assimilé l’interdit incestueux, elle a cru que son père ne l’aimait pas, ou préférait la cuisine, alors que c’était juste un homme normal qui n’a pas l’intention de coucher avec sa fille.

Lorsqu’il mange le fromage goulûment, le jeune homme fait une proposition à la cuistot. Puis il disparait puisque de toute façon, il n'existe que dans la tête de la cheffe. 

Mais passons, je voulais juste pointer du doigt la fausseté du discours, le deux poids deux mesures, et l’aveuglement à la médiocrité qu’elle soit chez une femme ou un homme.

Aussi, la "perversion bien à la mode" du titre c'est de montrer une personnalité morbide, une narcisse dévorante, comme quelque chose de normal voire comme une personnalité à associer à l'autorité et à la réussite.