Always: Pete Sandich va en enfer. (2600 mots)
Always se termine mal.
Peut-être certains spectateurs ne l’auront-ils pas remarqué mais j’imagine que pour la plupart il est assez clair que Pete Sandich est loin d’être un ange. J’irais jusqu’à dire que nous sommes face à une forme de pervers narcissique, peut-être pas le pire mais pervers narcissique tout de même. Le film ne joue pas la carte de l’extrême nuance et du sous-texte excessivement caché. Hap, l’ange joué par Audrey Hepburn qui explique à notre Pete mort sa situation, soulève explicitement le problème de son comportement avant la résolution : il est là pour faire ses adieux mais au contraire, il fait tout pour que Dorinda ne parvienne pas à passer à autre chose.
"Pete, tu connais le purgatoire ? L'étape de purification par laquelle les âmes des défunts morts en état de grâce doivent cependant expier les péchés dont ils n'ont pas fait une pénitence suffisante avant leurs derniers instants ? L'endroit où tu es envoyé le temps que Dieu décide si tu es digne du paradis ou bon pour l'enfer ? Oui ? Non ?"
Ainsi, le film nous le dit directement : le comportement de Pete est inadéquat. Nous sommes à 1h36, il reste 20min. En fait, il ne reste qu’une seule scène, celle durant laquelle Dorinda vole un avion en pleine nuit pour aller sauver des pompiers en danger à la place de Ted Baker. Pas besoin donc de chercher trop loin pour deviner la possibilité d’un unhappy ending, si Pete ne se rattrape pas, s’il ne corrige pas son comportement, il aura échoué.
A force de se faire humilier, Ted Baker devient un double ridicule de Pete Sandich. Il veut plaire à Dorinda. Il se tuerait probablement si elle ne prenait pas sa place à la fin.
En apparence, Pete renverse la vapeur. Il dit à Dorinda qu’il l’aime, il lui fait ses adieux, il la délivre de son influence. Il semble bien qu’il fasse exactement tout ce que Hap lui a demandé.
"Rejoins-les ma poule, je te délivre de moi, mais attention, rappelle-toi que tout ce que tu vivras de beau, c'est à moi que tu le dois. Sans moi, tu serais morte. Ne l'oublie pas. Va ! Tu es libre ! Ta vie t'appartient maintenant, mais tu me dois tout et c'est un peu comme si tu étais à moi !"
Le problème, c’est le dernier plan du film. Pete admire Dorinda alors qu'elle rejoint Ted et Al qui la serrent dans leur bras, elle se tourne vers la vie, vers le bonheur… mais Pete regarde à gauche, à droite, rien. Hap ne réapparaît pas pour valider son accomplissement, pas de lumière blanche dans les cieux, pas de disparition signifiant que Pete rejoint le paradis.
"That's my girl, and that's my boy." Pete continue de se prendre pour Dieu. Je pense que ça ne va pas jouer en sa faveur auprès de Dieu.
Il regarde brusquement à sa gauche, comme si quelque chose avait attiré son attention. Il s'attend à voir Hap apparaître. Il s'éloigne avec nonchalance de la même manière qu'il rit pour lui-même lorsqu'il dit à Dorinda qu'il l'aime et qu'elle ne l'entend pas ou qu'il tourne les choses en dérision quand sa vie est en danger. Pete se conduit toujours comme s'il avait un public. En réalité, il est ici inquiet de ne pas voir Hap et il a raison de l'être. Le film est fini mon gars, c'est trop tard pour réaliser la menace qui pesait sur toi.
Regard caméra. En général, c'est le signe que le personnage nous demande notre opinion sur lui. Il trahit son sentiment qu'on devrait le juger. Mais ici, c'est plutôt Pete qui dit Adieu à son public. Il comprend que c'est vraiment fini et il se tourne vers ce qui importait réellement pour lui.
Deuxième chose, lorsqu’elle se crashe dans le lac, Dorinda est prête à se laisser mourir. Elle abandonne. C’est Pete qui la sort de là. C’est négatif. C’est l’échec qu’il devait éviter. Pete n’était pas là pour la sauver, pour être responsable de sa survie, il n’était pas là pour que Dorinda lui doive la vie, il était là pour qu’elle se tourne vers la vie et qu’elle l’oublie lui.
C'était exactement ce que Pete devait éviter pour se racheter. Il a échoué. Plus j'y pense et plus je me dis que Dorinda meurt bel et bien.
Or, nous assistons à un pur événement fantastique, l’intervention d’un défunt qui lui tend la main et la fait remonter vers la lumière. Pete devait s’effacer, à la place, il endette la pauvre femme jusqu’au plus profond de son être. A partir de maintenant, elle lui doit tout. Et non seulement elle lui doit tout, mais il lui prouve qu’il est là, partout, tout le temps, omniscient, omnipotent, divin. C’est une conclusion bien étrange mais qui n’est en aucun cas hors de propos puisque la dynamique a été effleurée lors de l’introduction lorsque Pete offre Dorinda à tous les clients masculins du bar et l’admire passer de l’un à l’autre, appuyé à la rambarde d’un escalier de bois.
Ce que Pete veut, dans l'absolu, c'est pouvoir traiter Dorine comme si elle était sans importance, insignifiante, tout en faisant d'elle la femme la plus attirante aux yeux des autres. C'est une perversion qu'on retrouve assez facilement dans la vie quotidienne en vérité. Les copines trophés que leur compagnon adulent, vénèrent et rabaissent en même temps.
Cette manière voyeuriste de l’observer fait partie des dynamiques malsaines de leur couple et l’on peut deviner et craindre dès le départ que même les deux amants séparés, même Pete mort, Dorinda reste enfermée dans cette dynamique d’appartenance assujettie à cet homme malsain.
Dans ces conditions, comment se réjouir du fait qu’il lui sauve la vie ? Ce geste est la dernière victoire du pervers, Dorinda restera enfermée à jamais dans sa cellule psychologique. Six mois après sa mort, elle est toujours un zombie qui s’exclame « Je ne peux pas vivre sans lui. »
Pourquoi ne pourrait-elle pas vivre sans lui ? La veille de sa mort, elle venait de le menacer très sérieusement de le quitter s’il ne raccrochait pas son boulot.
Dorinda est exténuée par sa relation avec Pete, elle le lui explique avec émotion, elle n’en peut plus d’être constamment terrorisée. Comment se fait-il qu’elle ne parvienne pas à passer à autre chose une fois débarrassée de lui dans ce cas ?
L’autre problème de ce sauvetage final est qu’il n’est à aucun moment suggéré qu’il puisse avoir lieu. Dorinda est enfermée dans le cockpit de son appareil, prête à se laisser mourir et subitement elle voit Pete à l’extérieur. Il ouvre la fenêtre et attire Dorinda vers la surface. Il n’est jamais dit que le fantôme peut entrer en interaction avec des objets du monde des vivants ou être vu. Ce n’est pas au moment du climax final que le spectateur doit être mis au courant de ce genre de possibilités.
Il est tristement envisageable que Dorinda meurt dans ce cockpit et que la conclusion n’est que la représentation métaphorique de sa montée au paradis, elle rejoint les gens qui l’aiment, libérée de Pete, pendant que le pervers va en enfer, il reste seul pour l’éternité dans la pénombre, éclairé uniquement par les lumières de cette piste d’atterrissage.
L’histoire est ensevelie sous les exemples de sa morbidité.
Le film débute sur une intervention suicidaire de Pete qui s’achève sur son atterrissage en catastrophe parce qu’il n’a plus de fuel. Ses deux moteurs sont éteints et il ne doit son salut qu’au vent et à la capacité de son appareil de planer. (Ted affirmera plus tard que cette cascade n’était pas si dangereuse qu’elle le paraissait et il l'exécutera lui même).
Cet incident a lieu « le jour » de l’anniversaire de Dorinda. Pete parle d’éteindre les arbres en feu comme elle soufflerait ses bougies. D’ailleurs, la bourrasque qui lui permet d’atterrir plutôt que de se crasher revient en même temps que le biplan engagé pour souhaiter son anniversaire à Dorinda.
Son cadeau, c’est que Pete soit en vie. Ce n’est pas moi qui le dit ou le film, c’est lui, c’est le message qu’il construit. Il devrait être tout pour Dorinda, elle n’a pas besoin de cadeau.
La jeune femme est folle de rage et Pete entreprend donc de la reconquérir, d’user de son charme pour la faire céder. Et il y parvient.
Je ne comprends pas exactement ce qui motive Pete mais il est clair pour moi que cette situation est une mascarade. Il sait parfaitement que ça n’est pas l’anniversaire de Dorinda (c’est le lendemain) et il savait parfaitement qu’il allait risquer sa vie pour lui faire une frayeur. Il a engagé quelqu’un pour qu’il arrive en avion avec ballons, musiques et cadeau en sachant parfaitement qu’au moment où il apparaîtrait, Dorinda serait en furie et que toute cette mise-en-scène pseudo-gentille serait fichue en l’air.
Il la pousse à rejeter le cadeau, en sachant que la robe magnifique qu’il lui a acheté va la combler de joie.
L'attitude de Pete dans cet échange est du pervers narcissique tout craché. Il contrôle parfaitement la situation et se délecte de la manière dont les choses évoluent. Il joue avec Dorinda. Il se moque du calvaire qu'il lui fait endurer.
Ce pattern de manipulation revient perpétuellement, Pete Sandich est un désaxé malsain. Il passe son temps à humilier, à rabaisser et à faire souffrir les gens autour de lui en se délectant de l’habileté avec laquelle il parvient à rattraper le coup. Il va jusqu’à mettre des éléments en place en amont pour l’aider dans sa mascarade.
Je disais plus haut que je ne comprenais pas ce qui le motive, mais il est clair que ce qui le motive c’est le désir que Dorinda le prenne pour Dieu, qu’elle pense qu’il est l’alpha et l’oméga, qu’elle ne voit que lui, qu’elle ne vive que pour lui et indirectement qu’elle ne lui survive pas. Ce que je ne comprends pas, c’est comment Pete est-il devenu un tel abruti.
Hap a expliqué à Pete que s'il s'adresse aux gens, sa voix leur parviendra comme leurs propres réflexions personnelles. Première chose qu'il fait: il amène un pauvre gars à se sentir ridicule en l'insultant. Pourquoi ne pas avoir fait exactement l'inverse ?
Dans le bar, Al s’assoit à sa table et introduit une réflexion :
« Tu sais à quoi cet endroit me fait penser ? »
Pete voit la serveuse arriver et lui répond : « J’te parie une bière que tu vas me le dire. »
Al s’arrête, comprend la situation et conclut : « T’as perdu. »
Pete paye les bières mais il a interrompu Al et l’a fait taire. Évidemment, il y a beaucoup de relations dans lesquelles ce type de blague ne serait que ça, une blague. Mais Pete a le dessus sur Al. Il vient en réalité de lui dire : « J’en ai rien à carrer de ce que tu as à me dire, ferme-la ! » voire « Je suis prêt à payer les bières pour que tu m’épargnes tes réflexions. »
Al finira même par le payer pour pouvoir dire ce qu’il avait à dire, il perd le pari.
Quelques minutes plus tard, Al essaye de faire comprendre à Pete que sa relation avec Dorinda est quelque chose de rare et de beau et qu’il devrait y faire attention. Pete conclut « Tu es un poète Al. Un très mauvais poète, mais tu es un poète. »
On comprend spontanément sa remarque comme un compliment honnête, nuancé immédiatement par une blague par pudeur. Alors qu'en vérité, Pete détourne l'attention d'Al de la conversation en faisant une remarque positive, puis l'humilie par un tacle et se débarrasse du sujet. Technique de manipulateur.
On peut prendre ses remarques comme une forme d’amitié masculine taquine. Mais comme dans le cas de cette amitié fraternelle virile teintée de compétition, il faut tout de même vérifier une chose : est-ce que les tacles « pour rigoler » ne seraient pas de simple insultes frontales déguisées ?
Pete passe son temps à insulter et à humilier Al sans jamais se racheter. Al est un faire valoir, un bouffon qui permet à Pete de se rehausser et la meilleure des choses qui pourrait arriver au pilote obèse, c’est de s’éloigner de son pote malsain.
A 7min46, Pete tartine le visage d’Al de graisse de moteur, volontairement, en se fichant effrontément de lui.
Les spectateurs dédramatisent, c’est une blague, c’est pour rigoler, ah ah ah. Pourtant, nous aurons l’opportunité plus tard dans le film de constater que les blagues ne font pas rire Al. Lorsqu’il se retrouve avec de l’huile sur les joues et sur le cigare durant son entretient avec Ted, ou lorsque ce dernier lui largue de la poudre anti-incendie sur la figure.
Al n'aurait pas besoin de creuser beaucoup pour réaliser que Ted ne l'a pas fait exprès. Cet incident pourrait le faire mourir de rire. Mais non, ça ne le fait pas rire du tout. Maintenant que Pete est enfin mort, il aimerait bien qu'on le prenne au sérieux.
Dans les deux cas c’est la disqualification, Al ne veut pas laisser une chance à Ted (c’est Pete qui lui inspire le comportement) et il le vire après son largage maladroit. Ce n’est que plus tard qu’il l’engage à nouveau, pour Dorinda.
Ce film offre une belle opportunité de constater à quel point on peut aisément confondre une ordure avec un mec sympa et rigolard. Pete est une sa****rie mais son attitude manipulatrice joviale taquine parvient à dissimuler la majeure partie de ses comportements malsains.
Un phénomène que je trouve fascinant c’est la manière dont on va lui attribuer la tournure positive des événements alors qu’au contraire, il est l’obstacle principal.
Il conclut l’entretien d’Al et Ted d’un cri « Donne-lui une chance Al !!! »
Et Al donne à Ted une chance de faire ses preuves qu’il s’apprêtait à lui refuser.
Le problème, c’est que cette chance qu’Al refusait à Ted, c’était à cause de Pete qu’il la lui refusait. Plus tôt, on a vu Pete le ridiculiser à coup d’huile de moteur sur les joues. La situation se reproduit ici et l’on peut voir que l’incident n’amuse pas Al. Il refusera d’ailleurs de serrer la main de Ted plus tard en souvenir de celui-ci.
Ainsi, Pete pollue l’existence des autres. Al, qui est un homme sensé, généreux et doux se met à se méfier des autres sous l’influence de son « ami. » Ted, qui est quelqu’un de gentil et de bien attentionné se voit rejeté, dévalorisé à cause de Pete. Il passe pour un farceur vaniteux.
L’échange entre ces deux mecs bien se passe le plus mal possible entièrement de la faute de Pete. Pete est un vampire, un parasite, un nocif.
Un conducteur de bus fait un arrêt cardiaque. Pete lui mance une jolie perversion: "C'était bien joué de stopper le bus avant de mourir." L'homme n'est pas encore mort. Pete prétend lui faire un compliment alors qu'il prend du plaisir à annoncer à l'autre sa propre mort. Pourquoi ? Parce qu'il est jaloux.
Le conducteur du bus ne lui répond pas et va encourager Ted... qui parvient à le sauver. Prends ça dans la tronche Pete !
Pourtant, on pourrait facilement croire qu’il sauve la situation de son « Give him a chance Al !!! »
Il pousse le vice jusqu’à faire l’éloge d’Al une fois que Ted s’est fait virer. Il est responsable de la tournure catastrophique des événements et il se fait croire qu’il a bon cœur.
Au cours d’une scène assez étrange, Pete se retrouve à conseiller Ted par l’intermédiaire d’un clochard qui peut l’entendre. Cependant, le vieillard ne répète que partiellement ses propos et les recommandations qui parviennent aux oreilles de Ted sont bien différentes de celles prononcées par Pete. Encore une fois, l’histoire ne prend pas la direction que le fantôme veut lui faire prendre.
Aussi, c’est l’initiative d’Al de ramener Dorinda à l’aéroport qui va permettre à nos deux protagonistes de se retrouver.
Ted est retourné à son petit biplan lorsque Dorinda vient habiter à l'aéroport. Pete pourrit la vie de toutes les personnes qu'il approche.
Tous les rebondissements qui permettent à Dorinda de se reconstruire et à Ted de trouver sa place, ont lieu en dépit de Pete, malgré les obstacles qu’il dresse, certainement pas grâce à lui.
Pete revoit Dorinda et constate qu’elle pense encore à lui, qu’elle a toujours des sentiments pour lui. Sa manière de le formuler est moins charmante : « Tu es toujours à moi n’est-ce pas ? »
Dorinda invite Ted à manger, elle se donne un mal de chien pour se mettre en valeur. Clairement, Ted lui plait. Malgré cela, elle ne fait que parler de Pete, elle ne parvient pas à se concentrer sur un autre sujet. Ce n'est pas de l'amour, c'est un traumatisme. Elle doit parler de toutes les choses qu'il lui a fait subir, toutes les manières dont il l'a marquée au fer rouge. L'anecdote qu'elle raconte dans laquelle Pete manque sa cible plusieurs fois est une excellente description. Dorinda ne comprend pas que tout arrive en fonction d'elle, que Pete faisait tout pour elle. Il a laissé un incendit s'étendre parce que c'était amusant, ça ferait une bonne anecdote.
Pete entend que ça fait déjà un an qu'il est mort, cela lui inspire un sourire satisfait. Pourquoi ? Parce qu'un an après, Dorinda en est toujours au même point. Il est content de lui.
Cela n’est pas si choquant au début de la scène, ça l’est plus à la fin. Dorinda vient de rencontrer Ted pour la première fois en femme disponible et il lui a clairement tapé dans l’œil. Al se fiche d’elle, elle sourit, la vie reprend ses droits. Pete passe près d’elle et lui efface son sourire d’un « N’oublie pas, tu es toujours à moi. »
Cette fois, il sonne beaucoup plus comme le pervers qu’il est réellement.
L’un des phénomènes amusants qui invisibilise la négativité de Pete est qu’il se conduit régulièrement bien mais en décalage. C’est souvent le cas dans la réalité également. Le comportement adéquat apparaît, il est produit, obtenu du manipulateur mais uniquement une fois que celui-ci sent qu’il a perdu le combat.
Sa réaction à la critique désespérée de Dorinda est une parfaite représentation de ce phénomène. Pete se réapproprie la suggestion d’Al comme si l’idée était la sienne. Évidemment, il n’est pas question de prétendre que l’idée vient réellement de lui mais ce retournement de veste lui permet de ne pas reconnaître ses torts.
Autre feinte intéressante, il dit à Dorinda qu’il l’aime mais sa voix est couverte par le bruit du moteur de l’avion. Cet incident brise d’une certaine manière le quatrième mûr, car les spectateurs vont donc se faire une meilleure opinion de Pete qu’il ne le mérite. Nous considérons qu’il a dit ses sentiments à Dorinda, il a passé le cap, il a fait l’effort, mais ho, pas de chance, elle ne pouvait pas l’entendre. C’est une manipulation. Le pervers narcissique est un acteur perpétuel. On peut le voir lorsque Pete manque de se crasher ou qu’il réalise que son moteur est en feu, le plus important pour lui est de tout tourner en dérision, d’avoir l’air, de modeler l’image qu’il renvoie de lui-même, de paraître. La réalité ne passe pas en priorité.
Il insulte Dorinda plusieurs fois dans cette scène mais attention, il a préparé des ballons, une sucette, il lui tire la chaise, vole la nape de la table d'â côté etc... ça c'est du pur comportement de pervers narcissique. Il en fait des tonnes, mais il est infect au niveau le plus basique. Dorinda fait une blague qui fait éclater le barman de rire, Pete fait comme si de rien n'était. Plus tard, elle lui dira qu'il ne rit jamais de ses blagues, il lui dit "c'est toi qui me fait rire," comme si elle était ridicule, un clown malgré elle.
Elle refuse le cadeau dont elle suspecte légitimement que ça sera un truc ridicule qui la fera se sentir idiote d'avoir été curieuse et enthousiaste, il utilise sa méfiance pour la ridiculiser. "Tu crois que tu peux m'acheter avec un cadeau pourri que tu as trouvé dans un magasin de souvenir ?" "ça a déjà marché auparavant !"
Je voudrais revenir sur une des manipulations de Pete parce que je trouve que le film est vraiment bien intéressant.
L’anniversaire souhaité le mauvais jour a un but et attention c’est compliqué :
Pete prend du plaisir à terroriser Dorinda. Il adore jouer les têtes-brûlées, il veut se faire remarquer, il veut que l’alarme sonne, il veut de l’urgence et de la panique.
Mais Dorinda n’aime pas ça, le propriétaire de l’avion non-plus, Al non-plus. Pete n’amuse personne.
Ce faux malentendu a plusieurs avantages.
Se permettre une telle prise de risque le jour de l’anniversaire de Dorinda lui vaudrait peut-être de se faire larguer pour de bon. Ce n’est pas l’anniversaire de Dorinda donc, elle ne peut pas lui dire « Pete, ne me fais pas ça aujourd’hui, pas le jour de mon anniversaire. »
Et de la même manière, les témoins risquent moins de le soupçonner de faire tout ça pour le fun car la célébration gâchée fera office de preuve que Pete n’avait pas prévu de se mettre en scène de la sorte. Ils croiront que c’est réellement une fibre héroïque qui le pousse à prendre des risques.
Mais c’est juste la mise-en-scène d’un désaxé qui ne vit que dans le regard des autres.
Le film se clôt sur son enfer : la pénombre, la solitude, les autres qui lui tournent le dos. Plus personne ne fait attention à lui.