Grave : Hétérosexuel refoulé (525 mots)
Lorsque je suis allé voir Grave au cinéma, je m’attendais à deux choses :
Une critique du végétarisme hypocrite qui se veut l’incarnation du respect de la vie, de l’innocence, de l’inoffensif et de l’humilité ce qu’il n’est en rien.
Une critique de l’atmosphère générale de la vie étudiante, violente et destructrice des individus, cela au travers d’une histoire de bizutage et de vengeance.
Mais Grave n’est ni l’un ni l’autre, il est beaucoup plus profond que ça.
J’ai mis du temps à comprendre le sens que prenait le bizutage dans le film. Alors qu’il prend clairement une place importante puisque le climax de l’histoire se situe la nuit avant sa conclusion. Je ne parvenais pas à comprendre s’il fallait voir les expériences décadentes auxquelles les étudiants s’adonnent comme positives ou négatives.
Et puis finalement, j’ai compris... ou du moins j'ai trouvé un sens à tout ça. Hurrey !
Dans le film, l’école représente une structure autoritaire qui maltraite, rabaisse et pousse ses étudiants à un degré de soumission et de dénégation de soi intense. Derrière l’école, se cache également une pression familiale importante elle même dégradante et qui étouffe les individus. Les étudiants vétérans sont conscients de cela, et par une sorte de bienveillance cruelle, ils utilisent les mêmes procédés autoritaires fascistes pour forcer les nouveaux venus à apprécier l’existence. Les parents te font taire, veulent que tu sois le meilleur, que tu décroches un boulot et un diplôme, les étudiants te forcent à t’amuser, à boire, à faire l’amour, à t'offrir sexuellement, à profiter de la vie… aussi désespérées et avilies ces manières de profiter de l’existence puissent-elles devenir dans le processus.
Ainsi, le bizutage peut sembler uniquement négatif dans son désespoir abject, dans la manière dont il fait apparaître le degré de dégradation des individus, dans sa fièvre morbide d’apprécier une existence misérable mais il parvient à accomplir un objectif, et cet objectif c’est de faire sentir aux étudiants qu’ils doivent vivre, qu’ils doivent se trouver, qu’ils doivent se découvrir, qu'ils doivent se battre.
C’est ce qui va pousser Justine à tout dévorer, elle qui a été enfermée dans le végétarisme et les études de vétérinaire par ses parents, et surtout par sa mère. Humiliée régulièrement par les « vétérans » rappelée constamment à son statut de jouet maternel, de "bébé" (on la force à porter une couche), elle va tout tenter pour s’ouvrir, pour se laisser aller, pour laisser son « Soi » parler. Le problème c’est qu’elle va développer un trouble opposé et devenir accros à la viande. Sa libération, sa révolte, son envie de vivre s'exprimeront au travers du cannibalisme.
Cependant, ce n’est pas de Justine dont je veux parler. C’est d’Adrien. Adrien l’homo qui demande à un mec de lui faire une fellation à l’entrée de la chambre qu’il partage avec Justine et dont elle va, comme par hasard, être la témoin. Adrien l’homo qui va coucher avec Justine à la minute où elle le lui demandera et ça avec une passion émouvante. Adrien qui regarde des vidéos porno homo qui ont plus l’air de pratiques sado-maso que d’ébats sensuels entre des hommes.
La manière dont Adrien craque, la manière dont le bizutage va le faire se lâcher, c’est d’oser coucher avec une fille. Il est homosexuel parce qu’il n’assume pas son hétérosexualité.
Comment peut-on ne pas assumer son hétérosexualité ? En vivant dans une société qui apprend aux hommes que leur désir pour les femmes est une agression, un crime, un désir de prendre et de violenter un être pur et innocent.
Et Justine a sa peau en lui reprochant son comportement après coup.