Wonder Woman : Echec épique (1500 mots)
Dans le télérama de cette semaine on voit une publicité pour le film Battle of the sexes. Parmi les critiques positives citées sur le poster on voit celle du même journal télé « une brillante comédie féministe. » Comment en 2017, les critiques de télérama peuvent-ils encore utiliser cet adjectif en pensant dire quelque chose de positif ?
Il me semble que le film raconte l’histoire d’un match de tennis entre un homme et une femme, tous deux champions de tennis. Ce sujet m’intéresse, or je suis un homme et j'exècre le féminisme et euh... je ne sais plus ce que je voulais dire. Alors que j’avais adoré Bridemaids, The Heat et Spy, la campagne féministe débile qui a entouré Ghostbusters est pratiquement parvenue à me dissuader d’aller voir le film (Paul Feig a récemment parlé de sa tristesse vis-à-vis de la tournure qu’avait pris la promotion du film et je trouve d'ailleurs ça catastrophique qu'un tel réalisateur ait accepté d'être considéré féministe). Idem pour Wonder Woman, ou Star Wars VII. A chaque nouveau blockbuster, il faut maintenant redouter le dérapage féministe incontrôlé qui voudrait que toutes les femmes soient des déesses, soient parfaites, soient des « role model » pour bien donner honte aux filles d'être normales, et à chaque nouveau film estampillé « féministe » il faut se coltiner les interminables louanges décérébrées d’andouilles narcissiques (je vise plus précisément les femmes que les hommes ici, mais il ne faut surtout pas oublier les hommes en réalité), sans parler de la constante problématisation des comportements masculins perçus comme réducteurs.
Pour dire les choses clairement, aucun des films que je viens de citer n’est féministe. Et heureusement. Cependant, beaucoup de spectateurs le croient, qu’ils perçoivent cela comme positif ou non. Star Wars VII s’est vu reprocher la manière dont Rey n’a aucun défaut. Ces spectateurs sont sans doute passés à côté du fait que c’est une teigne pédante, irresponsable et imbue d’elle-même. Ce sont des défauts.* De la même manière, les Ghostbustrices étaient joliment hypocrites (et racistes !?!), sans parler du magnifique harcèlement sexuel super glauque. Il ne faut surtout pas croire que je critique les films ici, bien au contraire, c’est avec soulagement que j’ai constaté que les studios n’avaient pas cédé à la vague de célébration du "sexe féminin" la plus irréfléchie et inconditionnée jamais vue. Non. Ils font leurs films de manière à flatter un peu l’égo de quelques décérébré(e)s narcissiques au passage -il faut bien faire des entrées- sans pour autant en compromettre la qualité et la profondeur.
*Je viens de revoir le film est Rey n'est pas si clairement négative, mais quelques indices de ses failles sont disposés par-ci par-là. Simplement, je la ressens spontanément comme une personne qui juge les autres très facilement et ne comprend rien à la vie. Des défauts qui l'indiquent comme susceptible de passer du côté obscur, ce qui rend compréhensible qu'elle soit développée comme très forte, ainsi, elle représentera un adversaire terrifiant.
Il y a deux bombes sur cette image sauras-tu les retrouver ? Non non, ne cherchez pas la deuxième explosion, je suis bien en train de faire la blague pourrie à laquelle vous pensez.
Je voudrais donc ici parler de la scène la plus marquante de Wonder Woman celle de la prise de la tranchée allemande (même si j'adore celle du bateau quand elle meurt d'envie de faire l'amour et que Steve reste à distance), qui incarne magnifiquement ce malentendu du au filtre féministe.
Je regardais ce film avec mon amie, incertain quant à savoir si elle allait l’aimer ou non, et m’accrochai mentalement à cette scène héroïque et impressionnante qui m’avait tiré des larmes au cinéma. Pour sûr, elle ne pourrait résister au personnage de Wonder Woman après avoir vu ce passage magnifique. La scène commence, notre héroïne sort de la tranchée, dévie les balles, se met à courir, dévie l’obus, repousse les rafales avec son bouclier et ma copine s’exclame « ah ah, tiens ! Bien fait andouille ! »
En reparlant du film, elle m’a expliqué spontanément qu’elle avait trouvé ça très cool que Wonder Woman soit stoppée dans son élan héroïque car il était terriblement arrogant et condescendant.
Steve lui explique que ça fait des mois que les troupes françaises sont bloquées par les allemands et la réponse de Wonder Woman est en gros « vous n’avez pas essayé suffisamment. » Des centaines de soldats sont morts sur ce no man’s land et l’impuissance, la résignation dont les autres font preuve a été acquise dans la douleur. Ils ont été courageux et héroïques mais se sont heurtés à leurs limites humaines. Tout ça, Wonder Woman le balaie d’un geste, elle se détache les cheveux à la « L’oreal parce que je le vaux bien » et sort de la tranchée genre : « Je vais m’les faire les Allemands. »
Alors, certes, c’est difficile de lui en vouloir quand on connait son histoire. Elle a des super pouvoirs, elle est la fille de la reine des amazones et d’un Dieu. Il est compréhensible qu’elle se surestime, il n’empêche son attaque est irréfléchie et hautaine. Elle ne prévient personne, elle ne demande aucun soutien. Elle se donne en spectacle (parce qu’en réalité, elle espère également en mettre plein la vue à Steve).
Ainsi, mon amie n’a pas vu dans cette initiative de Wonder Woman une superbe scène à la gloire des femmes mais bien la critique d’une femme qui se croit mieux que les hommes par définition. Elle a vu une pimbèche qui se fait magnifiquement remettre à sa place. Aoutch, ça fait chier hein ? Moi ça m'a beaucoup amusé d'avoir besoin d'une personne qui a la tête sur les épaules pour me redonner du respect pour mon propre sexe. Les temps sont durs.
Lorsqu’elle sort de la tranchée toute vaillante, avec ses beaux cheveux détachés, ce que Wonder Woman a en tête c’est de traverser le no man’s land toute seule et de prendre la tranchée allemande toute seule. Ce n'est certainement pas de faire diversion.
Au bout de trente secondes, elle est clouée sur place, prête à se faire mettre en charpie et c’est uniquement parce qu’elle a des potes qui tiennent à elle qu’elle reste en vie. Ça parait difficile à croire ? Regardez mieux. Notre héroïne dévie d’abord les balles, prend confiance, se met à courir et à dévier encore plus de balles en courant à l’aide de ses « bracelets » en métal. Si elle prend la peine de les dévier, c’est que celles-ci peuvent la blesser. Idem pour l’obus qu’elle bloque et éjecte avec son bouclier, si l’explosion ne représentait rien pour elle, elle aurait juste fait un petit pas de côté.
La charge de Wonder Woman nous montre donc les faiblesses de l’héroïne tout en nous montrant ses talents… parce que oui, évidemment, elle est impressionnante c’est indéniable. Cependant, lorsqu’elle est stoppée par la mitraillette, elle est réellement stoppée.
L’esthétique des plans est telle qu’on en oublie qu’ils nous montrent notre héroïne en position d’impuissance. Et surtout, on passe à côté du fait que toute la séquence vient de nous expliquer comment Wonder Woman va mourir. Oui oui.
Que se passerait-il si Steve Rogers et ses potes n’intervenaient pas ? Wonder Woman finirait-elle par prendre la tranchée allemande malgré tout ? Ce n’est pas ce que la structure de la scène nous dit. Ce qu’elle nous dit c’est que les deux menaces qui pèsent sur Wonder Woman finiraient bien par se présenter en même temps et qu’elle se ferait laminer. Comment elle dévie l’obus avec son bouclier si elle doit également se protéger des balles ?
Alors, peut-être qu’elle peut encaisser un obus, je ne sais pas. Après tout, elle se jette dans une baston avec Doomsday dans BvS alors que dans cette première attaque, elle découvre seulement qu’elle peut dévier les balles. Peut-être n’est-elle pas réellement en danger, le problème c’est qu’elle ne le sait pas. Elle pourrait très bien l’être. Sur la plage, Antiope meurt pour lui éviter de prendre une balle. Lorsqu’elle est bloquée par la mitraillette allemande, Wonder Woman réalise qu’elle a surestimé ses capacités et sous-estimé celles des hommes. Et qui vient lui sauver la mise ? Ceux-là même à qui elle vient de faire un affront direct. Ils mettent leur vie en danger pour elle, elle qui vient de se mettre dans une situation inextricable par pure arrogance. La belle leçon d’humilité. A noter, c'est l'indien qui la sauve, le personnage qui a dépassé la notion de camps.
Aussi, beaucoup perçoivent ce passage comme celui où Wonder Woman devient un exemple et inspire aux soldats le courage et l’ambition de se dépasser pour s’élever à son niveau. Elle leur redonne la force mentale nécessaire pour prendre d'assaut la tranchée allemande. En gros, ces spectateurs interprètent cette scène comme un abject et complaisant « quand on veut on peut. » On parle de la guerre des tranchées quand même. Faut se réveiller.
Pour contredire cette idée dégoulinante, un plan est réservé au commandant qui retient ses soldats. Contrairement à nous, il ne se laisse pas séduire par l’initiative inconsciente et naïve de Wonder Woman. Il sait que s’il envoie ses soldats derrière elle, cela risque fortement d’être le massacre. Sans la lucidité de ce gradé et l'intervention de Steve, l’initiative de la super héroïne aurait sûrement engendré une défaite écrasante du camp qu’elle prétend défendre.
Bref. Tout personnage principal se doit d’avoir de gros défauts sinon les films seraient nuls, ils n'auraient aucune profondeur, aucun intérêt. Il faut arrêter de croire qu’un film féministe qui serait un simple éloge du "sexe féminin" pourrait être bon d’une quelconque manière. La seule manière dont on peut aider la cause des femmes de ce point de vue, c’est en continuant d’écrire des films intelligents, des films qui ne se voilent pas la face sur les réalités de la vie. Or, de ce point de vue-là, le féminisme s’aveugle facilement... voire, il préfère exactement le contraire que d'être confronté aux dures réalités de l'existence.
Au passage, je voudrais revenir sur un truc qui n’a rien à voir et que je viens de réaliser. J’ai adoré le Ghosbusters de Paul Feig et je trouve que c’est typiquement le genre de film qui avait besoin d’une suite pour bien briller de tout son éclat. Deux suites peut-être pas mais je voyais bien Ghosbusters 2 déployer ses ailes de la même manière que le Spider Man 2 de Sam Raimi. Or, qu’est-ce qui a plombé ce film ? Qu’est-ce qui l’a tué ? Les revendications féministes à la con. Oui, il y a eu de la misogynie et une allergie aux reboots remakes de classiques vénérés. Et il y a eu de la misogynie déguisée en allergie aux reboots remakes. Certes. Mais je pense que ce qui a réellement tué le film, c’est l’engagement féministe revendiqué. Superbe retour de flamme qui nous prive d'une suite que j'aurais adoré voir.