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Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Publié le par Kevin

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Bonjour et bienvenu dans cette deuxième partie de mon analyse de Black Panther.

Dans ma première partie je m’étais acharné à introduire la position des hommes au Wakanda pour ensuite analyser la scène qui dépeint les gros problèmes que celle-ci pose dans les relations hommes femmes.

Ici, je m’intéresserai à la manière dont T’Challa va devenir un roi particulier.

Lorsqu’il revient de son excursion dans la forêt pour retrouver sa dulcinée, T’Challa est accueilli par une autre liste d’émasculations toutes plus émasculantes les unes que les autres.

TRES important, le jeune homme qui doit devenir le roi le lendemain est le dernier à parler. Nakia présente ses condoléances à la reine qui lui répond hypocritement et trouve une excuse pour l’éloigner de T’Challa. Puis c’est la petite sœur qui prend la parole pour se moquer immédiatement de son frère, elle parle de lui à la troisième personne sous ces yeux. Moquerie à laquelle se joint Okoye : le général des armées traite son roi comme un enfant.

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Tout ce qu’il se passe ici est en réalité extrêmement violent. Ce qui rend cette violence invisible, c’est que personne n’en est réellement conscient. T’Challa a l’habitude d’être traité ainsi, et les femmes en présence n’ont pas le sentiment de lui faire violence, elles l’aiment toutes et le considèrent. Nous sommes face à des habitus. Voici un extrait du livre la domination masculine qui décrit parfaitement les mécanismes en action dans Black Panther :

« La division entre les sexes paraît être « dans l’ordre des choses », comme on dit parfois pour parler de ce qui est normal, naturel, au point d’en être inévitable : elle est présente à la fois, à l’état objectivé, dans les choses, dans le monde social et, à l’état incorporé, dans les corps, dans les habitus des agents, fonctionnant comme systèmes de schèmes de perception, de pensée et d’action.  […] La force de l’ordre masculin se voit au fait qu’il se passe de justification : la vision androcentrique s’impose comme neutre et n’a pas besoin de s’énoncer dans des discours visant à la légitimer. L’ordre social fonctionne comme une immense machine symbolique tendant à ratifier la domination masculine sur laquelle il est fondé. »

Ces deux scènes introductives de Black Panther sont une description d’un ordre gynocentrique qui est perçu comme neutre et justifié par ceux qu’il concerne. T’Challa a perdu son père et doit devenir le roi le lendemain, il est certainement la personne la plus terrifiée du pays en ces instants, écrasé par ses futures responsabilités. Il a obligatoirement besoin de soutien, d’amour, de confiance en lui. Que lui offre-t-on ? On maintient la femme qu’il aime à l’écart et on le ridiculise à tous les niveaux. Son intervention est critiquée. Ses capacités au combat remises en question. Son amour ? Poubelle. L’importance de ce qui lui arrive ? Pas une priorité. La mort de son père ? Un détail. Sa respectabilité en tant que roi ou simple individu ? Sa petite sœur peut le prendre de haut, lui faire un doigt et s’en tirer sans problème.

Tout cela arrive sous nos yeux, et pourtant, nous ne le remarquons pas, simplement parce qu’aucun personnage ne le souligne. T’Challa est clairement blessé ou mécontent, mais il ne se braque pas, il ne voit rien d’inacceptable dans le déroulement des choses.

Il est très important de noter que T’Challa est traité par son entourage comme un homme arrogant, qui surestime ses capacités au dépend des autres, ne reconnait justement pas la place qu’ils prennent dans sa réussite. Or, T’Challa est parfaitement humble. Il n’a pas été sauver Nakia pour la ridiculiser en montrant qu’il pouvait régler sans mission en un clin d’œil, il y est allé parce qu’il avait besoin d’elle parce qu’il a confiance en elle, parce qu’il l’aime et qu’il est dans une situation qui lui fait peur. Il ne dit pas à sa petite sœur qu’il pourrait se passer de ses EMP beeds sans problème, il refuse une update parce qu’elles fonctionnent déjà à la perfection… et se prend une leçon => son opinion ne compte pas. Il veut entendre sa mère dire qu’elle est malheureuse que son père soit mort, elle lui dit qu’elle se sent fière de son fils => les hommes n’ont aucune importance au niveau individuel. Le roi est mort, longue vie au roi, qu’il s’appelle T’Challa ou T’Chaka c’est pareil.

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Ainsi, lorsqu’on arrive à la première scène d’Erik Killmonger, fils de N’Jogu, T’Challa est à bout. Erik apparait dans l’histoire comme le produit de la colère contenue, voire inconsciente, du nouveau roi. Il est l’enfant wakandais que l’on prive d’un père/d’une figure paternelle et qui va revenir pour se venger. Il incarne donc une part de tous les petits garçons wakandais, T’Challa le premier.

Erik est accompagné par Ulysses Klaue qui lui, incarne le double miroir de T’Challa. T’Challa est trop soumis, trop respectueux, il donne trop d’importance à sa culture et à son fonctionnement, Ulysses incarne l’antithèse de ça.

La virilité décrite comme une force fragile. Discours très important actuellement.
La virilité décrite comme une force fragile. Discours très important actuellement.

La virilité décrite comme une force fragile. Discours très important actuellement.

Ulysses dans la mythologie Grecque c’est le roi d’Ithaque marié à Pénélope qui se casse pendant 40 ans il me semble et qu’elle attend comme une andouille (J’espère pour elle qu’elle n’a pas été si stupide). Ulysses est donc l’homme qui vit la vie qu’il désire sans se soucier de sa femme. C’est déjà bien clair comme ça mais en plus, l’Ulysses de Black Panther a pour nom de famille Klaue, claw, griffe. Ulysses Klaue est le Ulysses wakandais. Il est la part d’eux-mêmes dont les wakandais sont privés. Jouisseur, jovial, égoïste, irresponsable, enthousiaste et impitoyable. Il est le Ca freudien réprimé wakandais.

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

On peut noter ici qu’Ulysses est blanc. Dans le film, la couleur de peau blanche est l’indicateur d’un personnage qui est extérieur à la logique wakandaise. Il y a trois blancs, Ulysses, Everett et la femme du musée.

Et justement revenons à ce musée. On y voit Erik parfaitement incarner les valeurs que T’Challa aimerait hurler à la face des femmes qui l’entourent.

C’est-à-dire que la masculinité devrait attirer les femmes, pas les mettre sur leurs gardes => La copine d’Erik se jette sur lui chaude comme la braise, elle est bien contente qu’il soit un homme et elle lui offre ses services à cause de cette attirance.

Ensuite, il y a le fait que les hommes ont un rôle dans la reproduction, les femmes ne sont pas les seules à pouvoir créer la vie => Erik montre l’artéfact phallique fait de vibranium et l’experte s’écroule une main sur le ventre (utérus).

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Ainsi, Erik a trois armes, sa bite, sa bite et sa bite.

L’artéfact phallique symbole de l’existence d’une masculinité wakandienne, sa masculinité comme rôle sexuel qui reconnait les femmes, et son organe reproducteur sans lequel les femmes ne peuvent pas tomber enceintes.

Cette réapparition d’un artéfact inconnu (Le sexe masculin/l’essence de la masculinité) est une métaphore de la manière dont le comportement de T’challa intrigue tout le monde.

Quel comportement ? Le fait qu’il a estimé que son désir d’avoir Nakia à ses côté était plus important que la mission de celle-ci. Le fait qu’il a voulu intervenir seul, même si Okoye et Nakia se sont vite réveillées. Le fait qu’il est resté paralysé face à Nakia au lieu de se jeter sur elle comme elle l’attendait. Puis le fait de dire à sa sœur qu’il n’a pas besoin qu’elle améliore les EMP beeds, et qu’il demande à sa mère comment elle vit la mort de son mari.

Tout le comportement de T’Challa représente une mini-rébellion qui trouble son entourage féminin. Il se dépoussière la bite et elles en découvrent l’existence.

Tous ces personnages vont donc prendre des initiatives, faire des choix et émettre des jugements vis-à-vis du comportement de T’Challa, mais comme nous sommes dans un blockbuster, tout est totalement métaphorisé pour éviter de dire des choses trop subversives trop frontalement.

Et puisque le comportement de T’Challa représente une rébellion, il va faire des victimes. Par exemple, s’il veut affirmer la nécessité des hommes dans la reproduction face au peuple wakandais, alors il va « tuer » toutes les femmes dont l’estime d’elle-même repose sur cette idée qu’elles sont seules responsables de la reproduction. C’est la mort de l’experte du musée qui ne connait pas l’artéfact phallique (à cause de quelque chose qu'elle a mis "dans son corps" métaphoriquement le sperme). Avec elle, meurent les hommes qui la protègent, les hommes qui défendent hypocritement l’idée qui les rabaisse et les soumet et qui sont donc des passifs ou des lâches, ils meurent dans l’inaction ou dans la fuite.

Le musée est un lieu métaphorique qui décrit les changements subtils qui sont en train de prendre place au Wakanda suite à l'intronisation de T'Challa.

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Le lendemain, lors du rituel d’intronisation, on peut encore une fois observer un certain nombre d’éléments qui confirment le problème de la gynocentrie wakandienne.

On couronne un roi, pourtant toute la cérémonie met l’accent sur les femmes. Elles dansent sur le fleuve (Liquide amniotique ainsi qu’excitation sexuelle), provoque la formation d’une vague sous-marine (fécondation) qui donne le signal que le roi peut apparaître (Naissance). Il n’y a pas d’élément masculin en jeu, le roi ne nait que de femmes, les lances des Dora représentant l’élément phallique qui féconde. Le sexe masculin est une possession des femmes.

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

La petite sœur se moque une fois encore de son frère et de toute forme d’autorité qu’on pourrait lui rattacher. Aussi amusante soit-elle (personnellement je la trouve consternante), il faut bien réaliser qu’en se moquant ainsi d’une telle figure d’autorité, elle suggère qu’elle ne la trouve pas légitime et elle rabaisse ainsi tout le peuple qui l’accepte en tant que telle.

Shuri sans s’en rendre compte rend la domination féminine plus dure et plus violente pour tous. Elle incarne le fait que le mâle le plus élevé dans la hiérarchie ne peut même pas attendre de celle qui devrait le plus l’admirer (sa petite sœur) qu’elle lui montre du respect et un peu de déférence.

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Shuri qui se moque de T’Challa, c’est la souris qui se moque des accomplissements du lion. C’est l’habitué du micro-onde qui critique la cuisine du maître cuisinier de France. Je ne dis pas qu’elle n’a aucun talent, elle semble très douée pour ce qui est de fabriquer des gadgets, mais question rapport aux autres, conscience de son impact sur le monde, de ses responsabilités, question sagesse en gros, c’est le zéro pointé. Et c’est ça qui est important. Il ne lui vient pas à l’esprit que T’Challa, en tant que roi, puisse avoir des considérations bien plus profondes et sérieuses qu’elle. Elle prend tout à la légère et les personnes qui doivent donc se soumettre à leur roi, doivent supporter de le voir se faire ridiculiser par une gamine écervelée.

C’est d’ailleurs l’une des critiques que va soulever M’Baku, chef de la tribu des Jabaris, celle qui s’est mise à l’écart justement parce qu’elle représente tout ce que la tribu des panthères rejette.

Il y a dans le combat M’Baku/T’Challa plusieurs aspects intéressants. Tout d’abord, l’intervention de M’Baku est tellement utile à T’Challa qu’on pourrait se demander s’il n’avait pas l’intention de se laisser vaincre de toutes manières. Les problèmes qu’il soulève, il n’est pas le seul à les voir et son initiative permet à T’Challa d’affirmer son autorité avant de devenir le roi. Grâce à M’Baku, on ne se dira plus « Pfff, il se laisse faire par sa petite sœur » ou « Il est faible. » On dirait presque que M’Baku a sacrifié son image de leader masculin surpuissant pour justement donner cette autorité à T’Challa.

La remarque de M'Baku cloue Shuri sur place.
La remarque de M'Baku cloue Shuri sur place.

La remarque de M'Baku cloue Shuri sur place.

Il hurle « ce n’est qu’un petit garçon, incapable de diriger. »  Ramonda crie à son fils « montre lui qui tu es ! » ce qui l’aide mais pas de façon concluante. Et finalement, T’Challa hurle « Je suis T’Challa, fils du roi T’Chaka » et M’Baku ne peut plus l’arrêter. Il affirme le jour de son intronisation qu’il tire sa force de son père.

M’Baku ne cherchait-il pas simplement à donner à T’Challa la force de tenir tête aux femmes ? C’est bien plus logique qu’il n’y parait, car il y a un autre aspect très intéressant à cette scène de défi rituel : c’est un combat à mort. Or, personne ne veut tuer T’Challa, ils l’aiment tous. Ils savent qu’il cherchera toujours l’abandon de son adversaire, mais ils redoutent tous que lui ne supporte pas la défaite et se batte jusqu’à la mort.

Nakia n’est pas de la tribu des panthères et je pense que l’idée de vaincre le roi en duel ne lui déplait pas. Cependant, le futur roi étant T’Challa, c’est hors de question. Je pense même que si Ramonda ne l’aime pas, c’est parce qu’elle pense que Nakia tourne autour de T’Challa pour le pouvoir. Ce qui n’est pas le cas.

Black Panther: (partie 2) T'Challa et la promesse d'une évolution wakandaise. (2300 mots)

Pour dire les choses clairement, le Wakanda est bloqué dans le passé par la tribu des panthères. N’importe quel roi d’une autre tribu ferait avancer les choses, mais personne n’est prêt à tuer T’Challa. Alors M’Baku prend un risque et permet au défi rituel de prendre un sens nouveau : C’est grâce à son père que T’Challa est le nouveau roi, pas grâce à ses femmes.

Cette conclusion va ouvrir de nouvelles portes à T’Challa. Il va pouvoir « fantasmer » la discussion avec son père, qui ne se passe que dans son esprit bien sûr. Et le conseil que son père lui donne, n’est autre que le conseil qu’il se donne à lui-même : « Chercher conseil en des personnes en qui il a confiance. » Pose-t-il une question à sa mère ? à sa sœur ? à Oyoke ? Non. Il va voir Nakia et W’Kabi, deux personnes qui n’appartiennent pas à sa tribu.

Ainsi, le comportement de T’Challa ainsi que la tournure qu’a prise son intronisation représentent une petite révolution pour Wakanda.

Evidemment, si le problème pouvait se régler aussi simplement, ça signifierait que l’opposition n’était vraiment pas solide. Or, elle l’est tout de même un peu plus que ça.

 

Voilà, c’est tout pour ce deuxième article.

Le Wakanda est une nation pourrie par son gynocentrisme radical.

T’Challa représente une toute petite possibilité d’évolution vers un équilibre plus sain, parce qu’il est bon et juste.

L’apparition d’Ulysses et Erik Killmonder traduisent l’apparition secrète de sa virilité ainsi que sa colère contenue à l’encontre de la domination féminine.

 

 

Partie 3