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Claude Chabrol sur la transmission des informations au spectateur. (400 mots)

Publié le par Kevin

Claude Chabrol sur la transmission des informations au spectateur. (400 mots)

Le désaccord ne me pose pas de problème. Par contre, je suis toujours assez frustré lorsque je propose une de mes interprétations et qu’on me répond que je vais chercher trop loin, que les films ne sont pas si complexes, que les scénaristes ne réfléchissent pas autant etc…

Beaucoup de spectateurs ne se rendent pas compte du point auquel il est facile de dissimuler des informations dans un film, mais surtout à quel point cela fait partie du processus d’écriture.

Imaginons que je veuille écrire une comédie romantique. Je veux un secret. Hop, les deux amoureux seront frère et sœur sans le savoir. Il faut donc que leur mère leur ait menti sur son histoire. Le garçon n’aura jamais connu sa mère, la fille ne saura pas qu’elle a un frère caché. Mais c’est trop morbide, prenons un autre secret. Je sais, le garçon a perdu un frère, mort renversé par une voiture, et paf, ça sera l’amoureuse la responsable. Elle le comprendra en cours de route. D’ailleurs, cela donnerait extrêmement facilement forme au récit, dévorée par le remord, elle ferait preuve d’une tolérance, d’une compréhension et d’un engagement infinis envers un homme qu’elle trouve en vérité sans intérêt par exemple. Et l’homme se demanderait pourquoi une fille aussi magnifique tient tant à être avec lui.

Les secrets construisent le récit, et s’il est souvent utile d’en révéler quelques-uns au cours du film, il est tout aussi facile d’en dissimuler d’autres, voire de faire de fausses révélations afin de continuer à garder les secrets, secrets.

 

Tout ça pour dire que j’ai été agréablement surpris de tomber sur Claude Chabrol dépeignant ma perception des films avec nonchalance et naturel. Ma manière d’aborder les films n’a rien d’exceptionnelle. Je peux me tromper sur le sens, mon interprétation peut être erronée, mais faire confiance à la possibilité d’un secret, d’un paradoxe, d’une vérité cachée, de manipulations non dévoilées pendant le film est parfaitement justifié.

Donc voilà, à 44 minutes 20, un simple commentaire d’un réalisateur qui dépeint le processus de construction et d’écriture d’un film exactement comme je le perçois et sur lequel je me base pour toutes ces lectures alternatives.

Claude Chabrol sur la transmission des informations au spectateur. (400 mots)

"- Faire passer dans une scène à la fois, ce qu'elle montre, ce qu'elle cache, ce qu'elle ne dit pas qu'on veut que le spectateur sache, ce qu'on veut que le spectateur comprenne un p'tit peu plus tard à la fin, faut le prévoir, parce que c'est quand même assez compliqué, y a pas mal de trucs donc si on le prévoit pas, c'est foutu."

Le processus d'écriture intègre par essence une dynamique de distribution et de dissimulation des informations au spectateur, avec une prise en compte de ce que celui-ci pourra comprendre ou non.

Faire un film (ou un livre) c'est d'abord imaginer une histoire puis décider de la manière dont on va la raconter et donc de la manière dont on va amener le spectateur à accéder à la vérité de cette histoire, ou non. 

Claude Chabrol parle ici de ce que le spectateur comprendra "plus tard, à la fin" mais il n'y a aucune différence d'approche entre écrire pour que le spectateur comprenne quelque chose "plus tard, à la fin" ou "plus tard, lorsqu'il réfléchira au film" ou encore "plus tard, lorsqu'il reverra le film." Car "l'information finale qui explique beaucoup de choses," est très souvent une "information finale qui change le sens de tout ce qu'il s'est passé avant."

De plus, nous parlons ici du travail d'écriture, or, une fois le film tourné, il faut également le monter, de la même manière qu'une fois le livre écrit, il y a un travail de relecture, et durant ces étapes, l'auteur supprime généralement beaucoup d'éléments pour éviter les répétitions, pour éviter que son oeuvre donne trop l'impression de tout étaler, de tout dire, de tout décrire alors que le spectateur pourrait deviner aisément 50% des informations.

 

 

Une chose qui m'a fait très plaisir dans ce documentaire c'est également d'avoir constaté que Claude Chabrol était également l'une des rares personnes à avoir compris que Madame Bovary est un personnage extrêmement négatif et non une victime.