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Cauchemar Génétique : Au sujet de l’interminable poursuite dans le désert. (1120 mots)

Publié le par Kevin

Cauchemar Génétique : Au sujet de l’interminable poursuite dans le désert. (1120 mots)

Voici le résumé au dos du livre :

Biologiste, Guy Carson est promu dans un laboratoire de pointe, au Nouveau-Mexique, qui expérimente la recombinaison du virus de la grippe après intégration au génome humain. L’intérêt de la recherche comme le danger qui l’entoure n’échappent pas à Guy, qui se lance avec passion dans l’aventure. Pourtant, le jeune savant comprend rapidement que ses travaux attisent bien des convoitisent, et la pression monte lorsque d’étranges symptômes apparaissent chez certains scientifiques, mettant en danger l’équipe, le laboratoire… l’humanité !

 

A la page 388 du roman, Carson et De Vaca, deux biochimistes qui travaillent pour l’entreprise Genedyne à la conception d’un vaccin universel contre la grippe, mais qui se sont retrouvés à créer le virus le plus cataclysmique qui ai jamais existé, font sauter le laboratoire qui se trouve au milieu du désert.

Ils prennent la fuite à cheval. Nye, le chef de la sécurité, les prend en chasse parce qu’il s’imagine qu’ils sont à la recherche d’un trésor perdu dans les montagnes dont il est lui même à la recherche depuis des mois.

La chevauchée infernale au travers du désert va durer 200 pages. Le virage colossal que négocie le livre est assez surprenant, passant d’un thriller pandémique à une chasse au trésor de western en parallèle, en plus, d’un techno-thriller avec hacking d’ordinateur et exploration d’une réalité virtuelle. Tout cela ne fonctionne pas à la perfection mais il serait sévère de dire que le livre est mauvais; on se demande pourquoi l’histoire continue après la destruction du laboratoire mais celle-ci reste intéressante.

C’est la raison de ce long développement inattendu que j’aborderai dans cet article.

Cauchemar Génétique a pour thème l’amélioration génétique des individus au travers de la manipulation de leurs gênes et des conséquences catastrophiques qu’une telle initiative pourrait avoir/aura nécessairement.

Genedyne veut améliorer la race humaine en l’immunisant contre la grippe qui fait tant de morts chaque année.

La place que prennent nos ancêtres dans notre vie, notre héritage génétique donc, est problématisée par le personnage de De Vaca, une scientifique latino qui n’arrête pas de provoquer le personnage principal, Guy Carson, parce qu’il rejetterait, selon elle, ses racines indiennes.

Elle est très désagréable mais son discours pose quand même la question de l’héritage génétique. Elle conclut le livre sur une phrase agaçante : « Ils meurent d’envie de te voir, Ragoût de mouton, pain frit ! Des chansons, des dances ! Et la mémoire de Charley à honorer, ce grand-oncle qui nous a sauvé la peau dans ce sale désert ! »

En quoi est-ce si désagréable ? Simplement parce que De Vaca ne reconnaît pas le mérite de Carson. C’est lui qui lui a sauvé la vie dans le désert, pas son grand oncle. Il a été élevé dans un ranch. Une partie gigantesque de son savoir lui vient d’apprentissages qu’il a fait de son vivant et pas d’un sixième sens hérité d’un ancêtre.

Mais en même temps, il y a de manière crédible une dimension génétique à leur survie. Lorsqu’ils se rencontrent, De Vaca et Carson constatent qu’ils sont les deux seuls employés de l’entreprise à être « du coin » et à avoir des ancêtres dans la région. Ils sont donc les deux seuls à être adaptés génétiquement.

Le livre suggère une vérité tabou à notre époque mondialiste d’universalisation de tout, c’est que les peuples sont faits pour vivre là où ils « naissent », que les ethnies sont le résultat d'adaptations géographiques. Se déplacer géographiquement contient le même type de variables dangereuses que d’aller habiter sur une autre planète (météo, maladies, tout ce qui peut faire que notre corps n’est plus adapté à son environnement).

Je ne me rappelle pas suffisamment pour décrire cet aspect de l’histoire en détails mais le problème qui fait que tout tourne mal est réellement cette absence d’universalité reportée sur la recherche scientifique. C’est-à-dire que la mutation du virus qui le rend si dangereux provient d’un phénomène qui correspond métaphoriquement à l’exposition à l’air du désert. Ou plutôt c’est la destruction de toute dimension environnementale du virus. Il est privé d’environnement.

La maladie du sang qui frappe l’équipe de scientifique, c’est leur inadaptation à l’environnement dans lequel ils travaillent, donc au désert.

Mais en même temps, il est statué que même l’environnement le plus hostile, le désert, est toujours bien plus vivable que son éradication.

C’est très pertinent mais surtout, c’est très intelligemment décrit par le livre. J’ai de l’admiration pour l’audace et l’intelligence des auteurs.

Le laboratoire dans lequel les scientifiques travaillent est surnommé « bouillon de culture », quelle bonne description. La destruction de tout, c’est le mélange de tout. C’est la croyance que l’on peut extraire et isoler les éléments naturels de leur environnement, de leur histoire, sans les dénaturer, sans les détruire.

Cette problématisation de l’universel et du vide, de l’absolu et de la désincarnation, est joliment construite par le roman.

On comprend bien que tous ces chercheurs touchent à quelque chose à quoi ils ne devraient pas toucher, mais cet argument est toujours vaincu par l’idée de mesures de sécurités, d’intentions louables et de bénéfices. Pour combattre ces idées folles de manipulation génétique, il faut pouvoir pointer du doigt leur folie intrinsèque, le fait qu’elles soient destinées à échouer nécessairement et pas uniquement par maladresse ou par malchance.

Vouloir créer un vaccin universel contre une maladie, c’est croire qu’il existe un monde universel, c’est croire que la vie peut être contenue dans un laboratoire, incarnation du vide, de l’absence d’environnement.

C’est l’une des erreurs colossales de notre époque. Cette obsession pour l’objectivité scientifique qui pousse les gens à essayer de transformer le monde en laboratoire, à se débarrasser de l’infinité de variables incontrôlables et à faire du monde un vide peuplé de quelques éléments isolés entièrement sous contrôle. C’est le monde virtuel que crée Scopes, le fou qui finance les recherches sur le vaccin universel. L’idéal des imbéciles qui jouent à manipuler génétiquement, c’est la matrice.

Il n’est pas anodin que la poursuite dans le désert s’achève par l’union de De Vaca et Carson dans une source, une flaque de dix centimètres. J’imagine que le mot « Pool » est utilisé dans la vo. Pool étant également « bassin génétique ». Pourquoi chercher à manipuler génétiquement par la technologie alors que nous le pouvons naturellement par la reproduction ?

Réfléchir à tout ça me donne envie de relire le livre.

En attendant, je tenais juste à parler du fait que je pense que cette seconde partie qui peut paraître si étrange et injustifiée reste dans le thème et dans sa problématisation. Elle représente un réel approfondissement justifié et intelligent du propos tenu par le livre.