Ava: La Mère d'Ava est un monstre. (768 mots)

Article Interdit -16 ans. (nudité)

Petite lecture alternative assez accessible mais pas moins alternative du film Ava sorti en 2017. Histoire d’une jeune fille de 13 ans condamnée à devenir aveugle rapidement.

Sa mère lui annonce qu’elle va donc lui faire passer les plus belles vacances de sa vie pour combattre cette fatalité. On se demande bien le sens que peut avoir cette phrase surtout alors que concrètement, Maud (la mère), ne fera strictement rien pour soutenir sa fille, bien au contraire.

« La manière dont la cinéaste articule la question de la sexualité et du désir – d’autant plus intense que la maladie menace de plonger son héroïne dans une interminable nuit – avec celle de l’acculturation générale, d’une forme de misère sociale et morale, et du FN qui prospère sur ce terreau, est riche de promesses. » Le Monde

« Là où "Grave" réussissait à sidérer par son propos franchement transgressif sur les plaisirs de la chair, "Ava" ne parvient pas à rendre complètement tranchant son discours sur la liberté –des esprits et des corps. » Première

Même si j’ai beaucoup aimé ce film et son style, je trouve que son message apparent et son sujet sont extrêmement délicats voire dangereux.

L’histoire n’est acceptable que pour une seule raison : Ava est en train de devenir aveugle et fait tout ce qu’elle peut pour se sentir vivre et pour aller au bout de ses sens.

Elle va donc se jeter à corps perdu dans son désir sexuel tout neuf.

Dans ce contexte de menace qui pèse sur elle, c’est compréhensible. Le problème, c’est que le film fait légèrement oublier cette dimension et que spectateurs comme critiques auront vite fait de simplement regarder cette histoire comme celle d’un éveil normal à la sexualité, à la sensualité, à l’amour etc.…

Or, ce n’est pas le cas. L’histoire d’Ava n’est ni normale, ni saine. Elle est malsaine et n’est acceptable que dans le contexte de sa détresse profonde et de son combat existentiel.

En fait, je vais juste en finir vite parce que le sujet du film me dégoûte. Pas le film, mais ce qu'il dépeint.

La menace qui pèse sur Ava n’est absolument pas sa cécité à venir. Ses problèmes de vue sont psychosomatiques et le résultat d’une relation profondément morbide avec sa mère.

Il suffit de regarder cette conversation pour le voir :

Maud – Tu sais euuuh… j’ai eu ma première fois très très tôt.

Ava – Hein !?! De quoi tu parles ?

Maud – J’avais 13 ans, comme toi.

Ava – Mais maman…

Maud – Mais nan mais du coup… j’peux comprendre que t’en ai envie. C’est normal hein. On a des nouveaux seins, des nouvelles fesses. On est toute fofolle.

Ava – J’écoute plus.

Maud – Ah mais de toute façon je pourrai pas t’en empêcher, tu feras ce que tu voudras ça c’est sûr , mais euuuh… vraiment j’aimerais que tu couches pas avant 17, 18 ans. Vraiment hein ? Si t’as envie de prendre ton temps, tu prends ton temps, ça peut être 21 ans. Y a pas de honte.

Ava – Quelqu’un me parle.

Ce qu’il se passe, c’est que la mère d’Ava est une personne abjecte et que les agressions permanentes dont la jeune adolescente est victime la poussent à se fermer du monde. Ses sens l’abandonnent parce qu’ils ne lui donnent accès qu’à de la laideur, qu'à quelque chose qui la détruit.

Ava déclare d’ailleurs être à la recherche de quelque chose de beau. Elle veut voir quelque chose de beau avant de devenir aveugle.

Cette belle image est la fin du film. Le regard amoureux de Juan.

Et il est fort à espérer qu’Ava ne deviendra pas aveugle car elle a renoué avec son père (Au travers de Juan, sombre et intriguant comme elle et comme son père) et qu’elle a trouvé la force de rejeter sa mère, de lui dire ses quatre vérités et de la fuir.

Tout ne risque pas d’être rose, mais le principal est réussi, Ava a obtenu son sourire et sa belle image.

Ce n’est pas pour rien que la police est au féminin dans ce film. L’autorité « patriarcale » répressive est en fait matriarcale et intrusive.

Elle ne protège pas, elle cherche à saboter la joie, le bonheur par jalousie.

Cette police, c'est la mère d’Ava qui n’accepte sa fille que lorsqu’elle est son jouet. « On a des nouveaux seins, des nouvelles fesses. On est toute fofolle. » Elle ne veut pas qu’Ava soit un être différent d’elle. Elle veut la forcer à suivre la même voie. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Maud est traumatisée, ses rapports sexuels à 13 ans l’ont aliénée, elle ne se définit plus que par le sexe et par sa popularité. Elle est creuse et vaine, égoïste et irresponsable, « médiocre » comme le dit Ava à raison.

Ava - Maman, j'te supporte plus. Ta voix, ton odeur, tout. J'vais pas y arriver.

Maud a alors recours à un de ses mécanismes de manipulation habituel, le déni. ignorer le conflit, la tension pour la disqualifier. Cette part d'Ava n'existe pas, le problème n'existe pas.

Maud - Tu me trouves comment ?

Ava a le courage de ne pas la laisser se défiler. Malgré les insultes, les perversions, la culpabilisation et même les gifles qu'elle s'est prise depuis le début de ses magnifiques vacances qui devaient lui redonner goût à la vie.

Ava - Médiocre.

Remarque à laquelle sa mère lui répondra. "Tu vois, des fois j'me dis que c'est l'venin qui te brûle les yeux."