De la Bêtise féministe au cœur du violent Divertir pour dominer (8000 mots)
Divertir pour dominer n’est pas un film mais une collection d’essais ayant pour sujet la manière dont la télévision, la publicité, le sport et le tourisme sont utilisés dans notre société totalitaire pour maintenir les individus dans un état de passivité et de soumission. C’est un livre qui traite de sujets parmi les plus importants de notre époque avec une radicalité et une intelligence délectable.
Et puis soudain, au milieu de la pléthore d’idées et d’analyses virulentes, subversives et sans concession surgit un article féministe et le livre se prend un plat-ventre de quelques pages. Je déteste le féminisme et certainement pas depuis toujours non. Je déteste le féminisme parce que j’ai justement toujours eu une personnalité plutôt tournée vers la critique des rôles sexuels féminins et masculins et ai donc été dès le début de mes années de collège et jusqu’à la fac, attiré vers des idées similaires aux idées féministes… pour ensuite apprendre petit à petit à quel point elles sont complaisantes et stupides et y devenir allergique.
Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas exposé à l'imbécilité féministe et dans le contexte d’un livre aussi profond, elle m’a réellement fichu une grande claque, comme un film d’Adam Sandler inséré dans un marathon de Woody Allen.
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Cet article se situe dans la section sur le sport de Divertir pour dominer : « On Hait les champions ! Contre l’idéologie sportive. » Voici la liste des articles de ce chapitre ainsi que leur phrase introductive :
« Un Opium du peuple : Le sport est l’un des mythes qui cimentent notre société. Sa critique n’en est que plus mal perçue, à droite comme à gauche, comme l’explique le sociologue Jean-Marie Brohm.
Aux Origines du sport : Le sport n’est pas seulement une activité physique, c’est aussi et surtout une institution sociale complexe qui le démarque des jeux populaires du passé.
La Performance avant tout : Alors qu’on présente le sport comme générateur de lien social, il promeut en réalité l’idéologie de la concurrence généralisée. Il attise aussi l’individualisme, cher au projet politique libéral.
Le Sport rouge : Les communistes ont développé l’idée d’un sport différent de celui pratiqué dans le système capitaliste : un sport rouge, ouvrier… Fabien Ollier, animateur de la revue Mortibus décrit comment le sport de classe n’est rien d’autre qu’une mise au pas.
Une Critique sans totem ni tabou : On voudrait nous faire croire que le sport est apolitique, pourtant il nie l’individu et la lutte des classes.
Le Sport en chemise noire : Le sport a contribué à renforcer la Nation et l’Etat ainsi que les mythes qui permettent de les unifier. L’Italie de Mussolini a offert une large place à l’idéologie sportive.
Le Sport contre les femmes : Croire que la pratique d’un sport peut être le moyen d’accéder à l’égalité hommes-femmes est illusoire. Le monde sportif cautionne et entretient les inégalités de genre.
Le Corps sportif : Le sport contraint les corps et les enferme dans des normes d’efficacité et de pureté. Il transmet alors une idéologie, celle d’un corps parfait dans un monde parfait.
De l’Apprentissage de la soumission : L’intégration des jeunes par la pratique sportive est un mythe. Cédric, éducateur sportif explique que derrière le respect que l’on invoque à tout va, il y a surtout de l’obéissance.
Le Sport contre le jeu : Laurent enseigne l’éducation physique et sportive dans un collège de la banlieue parisienne. Il se voit plus comme un professeur d’éducation physique qu’un professeur de sport. »
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Tous les articles de cette section parlent de phénomènes qui concernent les individus. Ils analysent les manipulations employées par une société pour maintenir ceux-ci dans la soumission et la passivité. Dans un tel contexte il est tout-à-fait normal d’aborder les rôles sexuels sous leur angle « arme de soumission massive. » Cependant, lorsqu’on arrive à l’essai dédié à ce sujet, il s’intitule « Le Sport contre les femmes. » Soudainement, la question perd son universalité. On ne parle plus d’une société qui soumet ses individus mais d’une catégorie spécifique d’individus qui serait plus soumise qu’une autre et surtout, qui serait soumise à une autre. L’auteure n’a semble-t-il jamais entendu l’expression « diviser pour mieux régner. »
C’est-à-dire que si tout le livre s’attaque à la société de consommation capitaliste industrielle libérale comme entité destructrice des individus dans leur universalité, cet essai dit sans la moindre distance : « La société de consommation capitaliste industrielle libérale c’est le mâle blanc hétéro et les victimes ce sont les femmes et les minorités sexuelles et ethniques. »
Il est facile de gober ce positionnement. Le problème c’est que dès lors qu’on le fait, le combat est terminé, on peut ranger les baïonnettes, la société de consommation a gagné. De par l’intégration de cet article de six pages Divertir pour dominer annonce qu’il n’a pas les moyens idéologiques de vaincre ce à quoi il s’attaque.
Avant de parler des arguments de l’article, j’aimerais développer quelque peu sur le féminisme et son biais essentiel. Voici un extrait du « Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir (page 17):
« L’humanité est mâle et l’homme définit la femme non en soi mais relativement à lui ; elle n’est pas considérée comme un être autonome. « La femme, l’être relatif… » écrit Michelet. C’est ainsi que M.Benda affirme dans le Rapport d’Uriel : « Le corps de l’homme a un sens par lui-même, abstraction faite de celui de la femme, alors que ce dernier en semble dénué si l’on n’évoque pas le mâle… L’homme se pense sans la femme. Elle ne se pense pas sans l’homme. » Et elle n’est rien d’autre que ce que l’homme en décide ; ainsi on l’appelle « le sexe », voulant dire par là qu’elle apparaît essentiellement au mâle comme un être sexué : pour lui, elle est sexe, donc elle l’est absolument. Elle se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle ; elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le Sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre. »
Dans cet extrait on peut voir l’homme comme initiateur, définisseur et bénéficiaire absolu des règles qui vont déterminer les rapports entre les sexes. L’homme se donne le beau rôle et les femmes, pauvres victimes impuissantes, se font arnaquer. Il y a une accusation latente dans chaque ligne, tout comme dans l’article de Divertir pour dominer.
Pourtant, si l’on regarde ce qui est dit sans ce jugement, la position de la femme est-elle si illogique ? « L’homme se pense sans la femme. Elle ne se pense pas sans l’homme. » Un animal de sexe masculin qui s’imagine être indépendant des femelles de son espèce peut-il être dans le vrai ? Ne se condamne-t-il pas à perdre peu à peu le lien avec son corps et à se percevoir comme une machine qui pense ? Oh, quelle coïncidence ! Les hommes fantasment tous comme des débiles sur Iron Man, Terminator, Batman et autre pantins ridicules et frigides etc… l'autonomie jalousée ressemble beaucoup à une aliénation.
« Elle apparaît essentiellement au mâle comme un être sexué. » Oui ? Et quoi, n’est-ce pas la réalité ? L’aliénation n’est-elle pas du côté des hommes qui ne peuvent pas s’imaginer comme sexués dans le regard des femmes ? Oui, car si les femmes ont toujours eu la joie de se dire que les hommes sont tous tournés vers le sexe et donc les perçoivent comme sexuées par définition, l’homme qui sait qu’il inspire aux femmes un désir est perçu comme une exception par les autres hommes qui eux ont le sentiment d’être des monolithes insignifiants aux yeux des femmes.
Alors, oui, "l'homme se pense sans la femme. La femme ne se pense pas sans l'homme" n'est pas une remarque purement sexuelle ou affective. Le corps de l'homme est conçu pour faire plein de choses, le corps de la femme est construit comme attendant l'acte sexuel quand monsieur voudra bien se bouger. En gros, le corps de l'homme est pratique mais privé de sensualité, le corps de la femme est sexuel mais privée d'utilité pratique. La femme attend à la maison que le mari rentre et lui dise ce qu'elle doit faire et si elle le fait bien, le mari est tourné vers le monde. Mais la douleur et l'aliénation sont dans les deux camps.
Le féminisme, par définition, refuse de voir que la plupart des complaintes formulées au sujet du rôle féminin peuvent être retournées comme un gant pour décrire celles que l’on pourrait formuler au sujet du rôle masculin.
Le féminisme qui hurle si fort que la femme est l’égale de l’homme a en réalité gobé ce qu’il critique: le fait que les caractéristiques que l’on associe à la féminité soient inférieures à celles que l’on associe à la masculinité.
Lorsque Simone de Beauvoir écrit « Il est le Sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre » c’est en s’imaginant que la première position est plus enviable que la seconde ce qui est faux : Les deux positions sont aliénantes et dévastatrices en tant que rôle symbolique forcé.
Il est inclus dans leurs définitions arbitraires que l’homme est supérieur à la femme mais quiconque prétend que les sexes sont en réalité égaux devrait réaliser que pour cette raison les deux rôles sont aliénants, pas uniquement celui de la femme.
Toute la stupidité du féminisme tient dans le fait qu’après avoir dit « On ne naît pas femme, on le devient », Simone de Beauvoir n’a pas immédiatement ajouté « On ne naît pas homme, on le devient. » Sans parler du fait que euh... ben si quand même à un certain niveau on nait femme et on nait homme, il faut le rappeler vu comment les mouvements régressifs actuels en viennent à prendre la déclaration de Simone de Beauvoir au pied de la lettre, au point d'en nier les différences physiques.
Cela peut sembler anodin mais en réalité l’état d’esprit qui va avec cette omission transforme un essai philosophique considéré comme majeur en pure propagande descriptive d’un statut quo totalitaire.
Dans La Domination masculine Pierre Bourdieu décrit en détail la manière dont les deux sexes sont construits de façon complémentaire. Ainsi quiconque conçoit la similitude des hommes et des femmes percevra l’aliénation que chaque rôle représente pour l’individu auquel on l’impose. Bourdieu parle de « l’ordre masculin » et de « la domination masculine » pas de « la domination des hommes. »
Quand Simone de Beauvoir écrit « L’homme se pense sans la femme. Elle ne se pense pas sans l’homme », elle véhicule ce sentiment d’un déséquilibre, d’une injustice et d’une violence tournée uniquement vers un sexe. La complémentarité des rôles lui échappe. L’homme incarne l’indépendance (à l’autre sexe), la femme la dépendance mais les êtres humains devraient tous être capables de reconnaître et d’accepter leur dépendance à l’autre sexe tout en sachant également déterminer lorsqu’il est nécessaire de faire preuve d’indépendance. Simone de Beauvoir est focalisée sur l’infériorité féminine qui n’est qu’un élément descriptif qu’elle cherche à fuir plutôt qu’à le combattre.
L’infériorité féminine n’est que le titre en haut de la colonne du tableau.
- Ok, alors tout ce qui pourrait poser problème à l’hégémonie capitaliste on le mettra dans « femme » et dans « nase » et tout ce qu’on veut récompenser, comme par exemple la honte des sentiments et de l’affectif, on le mettra dans « homme » et dans « trop bad-ass ».
- Ah ah ah, pas le droit de pleurer, devoir développer une musculature conséquente... nier la douleur physique comme psychologique... supporter le poids de la responsabilité de toute interaction à but sexuel... ah ah ah, ça marchera jamais John. Ils verront tous qu'on se fout de leur gueule, ils voudront tous avoir les mêmes droits que les femmes, et tout le monde se moquera éperdument d'être considérés comme "nase."
Le féminisme (celui de l'article en tout cas) est dupe du jugement posé sur les rôles sexuels, il ne cherche pas à remettre en question les qualités associées à l’homme et à valoriser celles liées à la femme (indépendamment du rôle) ce qui serait la réelle subversion, il cherche à ce que les femmes soient reconnues comme possédant les qualités arbitrairement associées aux hommes ET à s'approprier comme naturelles les qualités qui lui sont arbitrairement associées, tout en dénonçant comme purement culturels les défauts que la culture leur attribut effectivement.
Simone de Beauvoir était juste une triste idiote vaniteuse qui rejetait son rôle -et part là même les qualités parfaitement défendables qui lui sont associées- pour au contraire se présenter comme une femme supérieure à toutes les autres (comme les féministes qui cherchent uniquement à dire "je ne suis pas une femme comme les autres"). Elle a rencontré le sort qui lui pendait au nez : elle s’est associée à un mâle alpha gourou, a écrit Deuxième sexe parce qu’il le lui avait suggéré, un livre qui rejette tout ce qui est associé au féminin, et a sacrifié l’amour de sa vie par endettement au philosophe patriarche mégalo proto-pédophile.
« Pour vous [Nelson Algren], je pourrais renoncer à beaucoup plus qu'à un ravissant jeune homme (quelle considération pitoyable, et venant d'une "philosophe"), vous savez, je pourrais renoncer à la plupart des choses ; en revanche je ne serais pas la Simone qui vous plaît, si je pouvais renoncer à ma vie avec Sartre, je serais une sale créature, une traîtresse, une égoïste. Cela, je veux que vous le sachiez, quoi que vous décidiez dans l'avenir : ce n'est pas par manque d'amour que je ne peux rester vivre avec vous. […] Vous devez comprendre, Nelson, je dois être sûre que vous comprenez bien la vérité : je serais heureuse de passer jours et nuits avec vous jusqu'à ma mort, à Chicago, à Paris ou à Chichicastenango, il est impossible de ressentir plus d'amour que je n'en ressens pour vous, amour du corps, du cœur et de l'âme (Trois choses associées à la féminité que Simone rejette chez elle). Mais je préférerais mourir plutôt que de causer un mal profond, un tort irréparable à quelqu'un qui a tout fait pour mon bonheur ("Je ferai tout pour ton bonheur Simone, du moment que tu n’es pas assez égoïste pour partir avec l’homme que tu aimes. Signe en bas à droite... non avec ton sang s'il te plait"). Croyez-moi, mourir me révolterait, or vous perdre, l'idée de vous perdre, me paraît aussi intolérable que celle de mourir. » Bravo Simone, quel bel exemple d’indépendance et de maturité pour toutes les femmes du monde que celui de la haine de soi et l’assujettissement à un manipulateur. L'incarnation du féminisme n'était pas plus autonome qu'une femme battue qui revient toujours vers son mec. Et vous savez ce qu’elle attendait (inconsciemment peut-être) au travers de cette lettre ? Elle attendait que Nelson Algren arrête de la prendre au sérieux et l’insulte, l’enlève, la violente, la soumette, la prenne de force, la fasse taire, la viole, la domine, ne lui laisse pas le choix, l'arrache à sa vie, à ses valeurs, à sa liberté, à elle-même, contre son gré, contre sa volonté et fasse d'elle une femme indigne, salie, une salope, une pute méprisable destinée à être haïe par Sartre (l'ultime libération). Elle avait besoin du macho patriarche égoïste, c’était le seul chemin vers le bonheur, hélas, ce pauvre Nelson Algren l'a prise au sérieux (je pense, puisqu'ils n'ont pas finit ensemble, à moins que l'histoire ne soit plus compliquée).
Simone De Beauvoir s’est mise avec Sartre dans la situation qu’elle dénonce avec tant de virulence dans Deuxième Sexe. Il était l’absolu, elle était l’autre. Il était le sujet, elle l’objet. Elle se définissait par rapport à lui, jusque dans la trace qu'ils ont laissés dans l'histoire, elle reste l'auteure du livre qu'il lui a dit d'écrire, la gonzesse de Sartre. On sait beaucoup moins qu'elle en aimait un autre de toute son âme... et que lorsqu’elle a eu l’occasion de se tourner vers une vie propre, vers une vie qui serait la sienne, elle l‘a sacrifiée. Je ne me moque pas du tout d’elle, je trouve ça tragique. Sa lettre me fend honnêtement le cœur car je la crois honnête cette folle. Ce que je veux simplement dire ici c’est que le discours féministe de Simone de Beauvoir n’est pas le discours d’une femme épanouie qui aurait échappé à son rôle, bien au contraire, elle a totalement assimilé la dévalorisation de tout ce qu’elle associe au féminin plus que n’importe quelle femme, et met sur un piédestal tout ce qui est rationnel, dominant et désincarné. Elle mourrait plutôt que de suivre son cœur, son corps et son âme. Qui veut suivre un tel modèle ? Qu’y a-t-il à suivre dans une démonstration aussi atroce d’imbécilité masochiste ? Et cette imbécilité masochiste vous savez comment on l'appelle communément ? On l'appelle "être un homme."
Cependant, le véritable problème de l'aveuglement féministe au-delà des vies gâchées, c’est que les caractéristiques associées aux hommes ne sont que les « qualités » qui servent (servaient) la société de consommation industrielle capitaliste et que par conséquent et par extension, en cherchant à prouver que la femme est l’égale de l’homme, le féminisme contrecarre les critiques de cette société.
En se voilant la face sur le fait qu’être un homme c’est horrible, en enviant bêtement leur position, les féministes font le jeu de la société de consommation. Vous pensez que l’évolution des rôles sexuels est une progression ? Que notre société a progressée ? Mais le féminisme et la tolérance à l’homosexualité n’y ont trouvés une place que dans la mesure où ils sapent toute résistance à l’ordre économique. Les hommes hétéros étaient déjà des larbins immatures traumatisés que l’on pouvait transformer en chair à canon à loisir et qui portaient sur leurs épaules le poids économique et psychologique de leur famille entière, en faisant entrer les femmes dans le monde du travail on les a en plus émasculés et on a « féminisé » ce qui était auparavant leur univers. Pas dans le sens où on l’aurait peuplé de femmes, mais dans le sens où ce travail est devenu l’époux dominant capricieux auquel celles-ci se soumettaient lorsqu’elles étaient femmes au foyer. C’est également dans cette logique de dégradation du rôle masculin hétéro que les homosexuels sont entrés dans l’équation. La société de consommation valorise les femmes et les homos uniquement dans la mesure où ils représentent (à ses yeux) la destruction du Sujet, la destruction de l’individu, l'humiliation de l'homme hétéro (blanc) qui en était le centre.
Si cette vision parait un peu axiomatique, je voudrais alors juste répéter l'idée principale: le féminisme et l'intégration des homosexuels n'ont fonctionné qu'à partir du moment où on leur a trouvé une utilité économique/coercive. Ils ne représentent pas du tout une victoire de la tolérance, de l'ouverture d'esprit ou un renforcement du lien social entre les individus, au contraire, ils ont été utilisé comme un outil de désorientation généralisé et de fragilisation des individus.
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Un texte comme « Le Sport contre les femmes » participe de cette destruction de l’individu car tant que l’individu masculin ne pourra pas être perçu comme la victime qu’il est au même titre que les autres victimes de la société de consommation capitaliste, les qualités associées au féminin resteront dénigrées et les valeurs de cette société seront admirées parce qu’elles incarnent la masculinité.
Dès la première phrase du premier argument le texte montre son biais fondamental: « Une des caractéristiques les plus abjectes du sport est celle de produire un discours sur les capacités prétendument naturelles des femmes ; ainsi, celles-ci, de par leur constitution physique, sont régulièrement présentées comme inférieures aux hommes, que ce soit au niveau de l’endurance, de la force ou de la « capacité » à supporter une grande surface de vêtement sur leur peau […]. Le sport est ainsi le lieu privilégié de la hiérarchisation sexuelle, dans le sens où les hommes et les femmes ne pratiquent pas les mêmes sports, ni sous la même forme, ni dans les mêmes lieux, ni selon les mêmes règles. Par exemple si les femmes et les hommes jouent au tennis, leurs pratiques respectives de ce sport comportent des différences notables : les hommes jouent en trois sets gagnants, tandis que les femmes peuvent vaincre leur adversaire en deux sets ; les femmes portent des jupes, et les hommes des shorts ; ou encore, les hommes ont l’espoir de gagner beaucoup plus d’argent que les femmes s’ils gagnent des tournois prestigieux comme celui de Rolant Garros. »
Plus tard dans l’article l’auteure argumente en faveur de l’idée que traitée exactement de la même manière que les hommes, les femmes pourraient développer la même capacité musculaire que ceux-ci. Allons dans le sens de cette idée qui ne me semble pas nécessairement fausse par ailleurs.
Si les hommes et les femmes partent absolument à égalité la hiérarchisation de leurs capacités physiques n’est-elle pas tout aussi violente pour ceux-ci que pour celles-là ? Quand l’auteure nous dit que l’« une des caractéristiques les plus abjectes du sport est celle de produire un discours sur les capacités prétendument naturelles des femmes » elle commet l’erreur de penser les hommes comme l’individu humain par défaut et la femme comme une altération de celui-ci et considère les caractéristiques des hommes comme la norme naturelle dont les femmes sont privées.
Elle passe donc à côté du fait que l’obligation de supériorité puisse être une oppression pour les hommes. Elle passe à côté du fait que les champions adulés soient des décérébrés pitoyables. Elle passe à côté du fait que trois sets c’est plus crevant que deux. Elle passe à côté de tous les jeunes hommes qui s’acharnent à être sportifs pour ne pas perdre leur virilité. Elle passe à côté de tous ceux qui se font ranger dans le rang des homos ou accèdent plus difficilement à la sexualité parce qu’ils s’en battent les couilles du sport. Elle passe à côté de tous les fous qui s’injectent des saloperies pour se construire une masse musculaire inutile en pratique, mais réellement utile dans le symbolique. Le silicone, le botox c’est la faute à l'oppression patriarcale mais les amphétamines et les anabolisants c’est juste parce que les mecs sont stupides.
L’auteure de ce texte se rirait bien d’un pauvre imbécile qui mange du « muscle +4000 » comme Cartman dans South Park, mais elle ne s’en moquerait qu’en tant que comportement excessif trahissant un manque de confiance en soi. Elle ne verrait pas que tous les comportements des hommes vis-à-vis du sport sont excessifs par essence parce que ces derniers sont prisonniers de ce besoin d’être supérieur aux femmes (et de se distinguer des autres hommes) et que ceux d'entre eux qui critiquent ça, ont soit un plan de secours comme Sartre ("c’est moi le plus zintelligent"), soit des pulsions autodestructrices.
Les femmes se sentent logiquement diminuées de n’être vues que comme des femmes nécessairement inférieures, c’est indéniablement une agression violente. Mais en miroir, les hommes deviennent terrifiés de devenir le malheureux qui va produire la sous-performance qui diminuera l’écart entre les sexes. Une question : On donne l’opportunité à une joueuse de tennis de jouer avec un groupe de joueurs masculins. Va-t-elle mouiller sa culotte pour celui qu’elle bat ou pour celui qui la domine ?
Cette question peut paraître parfaitement simpliste et dégradante surtout qu’évidemment, la concernée pourrait éventuellement être attirée par un joueur indépendamment du résultat du match ou par un homme qui ne joue pas au tennis mais c’est métaphoriquement que je parle. Comme le dit le texte, le monde du sport est typiquement le règne des valeurs masculines et patriarcales : compétition, domination, violence, discipline, règles, destructions de l’individu pensant etc… qu’attendre d’une femme qui épouse ce monde ? On peut s’attendre à ce qu’elle soit lesbienne ou à ce qu’elle veuille s’approprier les valeurs masculines… ou s’y associer… pour se valoriser parce qu’elle gobe le discours général sur la supériorité des valeurs associées aux hommes… ou parce qu’elle veut un corps athlétique pour plaire aux hommes et être une femme alpha (ou on peut la forcer à faire du sport).
Donc la joueuse de tennis qui prétend qu’elle veut l’égalité entre les sexes, préfère fort probablement quand même le joueur qui joue mieux qu’elle, tout en voulant le battre parce qu’il représente le trophée ultime. Joueur masculin qui va donc redouter plus que tout la défaite face à une femme puisqu’elle emportera avec elle sa virilité. Il est stérile d’analyser le rôle féminin indépendamment de ses interactions avec les hommes. Et il est complaisant d’essayer de présenter les femmes comme des victimes impuissantes inoffensives.
L’auteure d’un tel texte ne cherche pas à faire évoluer les relations hommes femmes vers quelque chose de paisible et doux mais à repartir en brandissant une paire de couilles à bout de bras. L’objectif c’est de permettre un combat « d’égal à égal » entre les deux genres sans ôter son sens de masculinité à la compétition. Si la femme perd, c’est juste une femme. Si l’homme perd, il n’est plus un homme. « Je ne veux pas prouver qu’il n’est pas un Dieu, je veux prouver que je peux m’élever au niveau d’une divinité sans en être une, pour m’élever plus haut encore. »
Mais revenons à la violence faite aux hommes dans le milieu du sport. Il y a dans le statut de dominant forcé, un besoin d’autocélébration forcé lui aussi. Si les hommes étaient réellement supérieurs aux femmes, il n’y aurait aucun problème. Il n’y aurait pas de fierté à être supérieur ni d’amertume à être inférieure, mais il n’y aurait pas non plus cette nonchalance masculine pathétique qui porte ce sens de « On sait qu’on est supérieur alors on est plus confiants, plus à l’aise, on est moins sur le qui-vive » etc… évidemment les attitudes masculines ostentatoires sont insupportables mais elles trahissent justement le besoin constant de rappeler sa propre virilité aux autres, de se rassurer.
On a passé au scanner tous les comportements féminins qu’on a ensuite dénoncé comme étant le résultat d’oppressions culturelles mais les féministes perçoivent les comportements masculins comme une aise, comme un naturel, comme une joie dans la domination (ce qu'ils sont souvent sans rien enlever à ce que je dis). La véritable différence c’est que les hommes n’ont pas d’yeux pour pleurer. Il est intégré à leur rôle sexuel de ne pas se plaindre de celui-ci puisque c’est eux les meilleurs ! Les dominants etc… sans parler du fait qu’aujourd’hui ils risquent de se prendre dans la figure qu’ils n’ont pas à se plaindre comparés aux femmes ou aux homos.
Petit jeu. Entre Anne et Mathieu, lequel se fait le plus de tort du point de vue de son rôle sexuel (hétéro):
Anne dit : « J’aurais préféré être un garçon. »
Mathieu dit : « J’aurais préféré être une fille. »
Il n’est pas subversif pour une femme de se plaindre de son rôle sexuel, il est subversif pour un homme de le faire. Sa masculinité en prend immédiatement un coup. L’ordre ne peut pas être remis en question en dévalorisant les qualités associées à la féminité au profit de celle associées à la masculinité.
Ainsi l’article « Le Sport contre les femmes », en défendant l’idée que les femmes pourraient être aussi fortes que les hommes, accepte donc que la force physique des sportifs est quelque chose d’admirable. Le message est « On pourrait avoir une Zidane au féminin » et pas « Zinade est une pauvre tâche pion d’un système fasciste qui a entrainé avec lui un pays dans les tréfonds de la débilité et dont l’action la plus intelligente a été de mettre fin à sa carrière sur un coup de tête qui a montré au monde ce qu’était réellement le foot. »
Idem pour le constat que les hommes ont l’espoir de gagner plus d’argent en tournois que le sexe opposé. Oui, l’inégalité est visible et réelle et il est tout-à-fait compréhensible de vouloir la pointer du doigt, il n’empêche qu’en le faisant, on valide la structure sportive fasciste qui récompense des sous-hommes par des sommes astronomiques lorsqu’ils sont de bons toutous. Le problème serait réglé une fois que les femmes gagnent autant que les mecs ? Donc on ne parlait pas de la société capitaliste, on ne parlait pas de Divertir pour dominer dans ce cas.
Les choses seraient parfaitement différentes dans le contexte d’études universitaires par exemple. Lorsqu’un scientifique décérébré fait de la recherche il n’a pas autant de mal à trouver des bourses qu’une chercheuse en littérature. J’ai volontairement orienté le genre pour souligner le jugement de valeur associé au sexe et le soutien économique. Mais non, le féminisme ce n’est pas de défendre les valeurs/matières traditionnellement associées aux femmes, c’est d’envoyer les femmes en cours de sciences, dans les matières qui servent la société capitaliste industrielle, et continuer à dénigrer tout ce qui est associé au féminin.
Nous avons les revendications du droit à la force, à la compétition et à l'argent.
Le corps sportif représente l'idéal de note culture, autant du côté des hommes que des femmes, peu importe la différence de vêtements, d'attitude et de performances attendues, c'est la même chose. On pointe à chaque sexe en disant "Voilà ! Tu dois être comme ça ! Et tu dois fantasmer sur ça" Il est hypocrite de plaindre un genre et pas l'autre si on les considère égaux à la base. Et il est naïf de croire que les sportifs sont horrifiés par ce statut de mâle ou femelle alpha.
"Le corps sportif est le corps de la production industrielle, avec ce que cela implique de rationalisation, de reification, d'instrumentalisation" écrit l'auteur de l'article qui suit "Le Sport contre les femmes." Sur cette photo on voit une tenniswoman dont le sein s'échappe de son T-Shirt. La problématique de la sexualisation des femmes dans le sport est celle du bras de fer entre sexualité et rendement industriel. Iront-elles jusqu'à sacrifier leur sex-appeal, leur statut d'être sexué à l'ordre de la production et de la performance. Le computable est-il plus important que le sensuel ?
Il y a aussi ce passage magnifique : « Le sport est donc un lieu privilégié de la construction sociale de l’infériorité physique des femmes ; cette conception remonte aux origines du sport institutionnalisé, que beaucoup situent dans les public schools britanniques de l’époque victorienne et dont les jeux organisés étaient « imprégnés d’une conception de la masculinité qui célébrait la compétitivité, la rudesse et la domination », des valeurs opposés en tous points à celles attribués aux femmes, perçues comme des êtres fragiles et inaptes à la pratique d’une activité physique violente. »
Le degré d’aveuglement (volontaire ?) de ce passage est édifiant. Je comprends la souffrance d’être rejetée pour une prétendue fragilité, une incapacité à supporter la moindre douleur « t’es une vraie gonzesse » etc… mais on ne peut pas écrire un tel passage sans aborder le fait que de l’autre côté de la barrière, on attend spontanément des hommes qu’ils kiffent nécessairement « la compétitivité, la rudesse et la domination. » Qu’advient-il de ceux qui ont un cerveau ? Le féminisme a-t-il le droit de se plaindre de la manière dont les femmes sont considérées comme fragiles par défaut sans aborder la position opposée des hommes qui n’ont pas le droit d’espérer que l’on devine leur fragilité, que l’on épargne leurs sentiments et leurs corps, que l’on fasse preuve de compassion vis-à-vis d’eux ou d’attendre qu’on les traite comme des êtres humains et pas comme des chiens ?
Cette revendication du droit à la violence (exercée et subie) a encore pour but de repartir en brandissant une paire de couilles. Le garçon qui se plaint de ce qu’on lui inflige « ne sait pas se défendre » c’est une merde insignifiante qui peut rentrer se suicider. La fille vaniteuse qui hurle « je veux être traitée aussi impitoyablement qu’un homme » sait très bien que ça ne sera jamais le cas et qu’elle aura toujours droit à la compassion et au soutient si jamais ça se passe mal.
On peut facilement trouver sur youtube des vidéos de femmes qui frappent des hommes et se font frapper en retour : ici
Et si la jubilation claire avec laquelle la vidéo expose ces scènes de violence est plutôt gênante, il ne faut pas oublier que si l’on avait affaire à un combat entre deux hommes, on s’en moquerait beaucoup plus. Aussi, ce n’est pas dans le but de dire « bien fait pour elles » que je donne ce lien, mais pour le ralenti sur la manifestante américaine dont la phrase est répétée « On veut juste la même chose que ce dont les hommes ont jouis toutes ces années » : la violence ? Est-ce une simplification complaisante des choses ? Peut-être. Est-ce que l’on peut pour autant disqualifier le message ? Non.
Le plus drôle étant que la vidéo conserve une présentation virile qui ne prétend peut-être même pas critiquer la violence quotidienne dans laquelle les hommes vivent mais la brandir au contraire avec défiance.
Ce qu’il faut voir également c’est que la violence dont font preuve ces femmes est avant tout psychologique. Il n’est pas uniquement question de coups. Les hommes sont également censés pouvoir tout entendre, tout encaisser, il n’y a pas une sorte d’équilibre étrange qui ferait que les uns seraient sensibles psychologiquement mais pas physiquement et les autres l’inverse, non, on peut traiter un homme comme un chien le rabaisser, le tabasser, il le supportera, par contre il faut laisser les filles tranquilles à tous les niveaux.
Les choses se sont éloignées de cela comme le dit cette vidéo (même si ce n’est clairement pas la source la plus scientifique qui soit), toujours est-il que l’argument reste le même : il est hypocrite et complaisant de se focaliser sur le rôle féminin sans aborder l’équivalant masculin, sans observer les dynamiques entre les genres en se contentant uniquement de victimiser les femmes. Parler des femmes qui en ont marre d'être réduites à l'état de petites choses fragiles sans parler des hommes que l'on prive de leur droit à la fragilité est inacceptable.
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Continuons. Après la force, le droit à la compétition, le droit à l’argent, le droit à la violence et à l’absence de compassion, c’est le droit de ne pas être perçues comme des objets sexuels que revendique le texte pour les sportives.
« ainsi, celles-ci, de par leur constitution physique, sont régulièrement présentées comme inférieures aux hommes, que ce soit au niveau de l’endurance, de la force ou de la « capacité » à supporter une grande surface de vêtement sur leur peau (d’où les tenues plus courtes et plus près du corps des sportives). »
J’imagine, j’espère, qu’il y a ici une accusation indirecte non formulée qui serait qu’on force les sportives à exposer une plus grande surface de peau histoire de satisfaire le public masculin lubrique. Je dis « j’espère » parce que cela suggère un degré d’hypocrisie délicieux de la part de l’auteure.
Ainsi, les sportives seraient dénudées pour que les hommes puissent se rincer l’œil, et ça ne mériterait même pas d’être explicité tellement le crime est flagrant et éternel et l’excuse ridicule. En gros « tous des porcs ! »
(edit: ça m'amuse de relire l'article en 2018 après la vision du film Battle of the Sexes -lesbienne hypocrite qui prétend se battre courageusement pour les droits des femmes alors qu'elle méprise les femmes hétéros- et la création du hashtag de propagande misandre "balance ton porc.")
Il y a plusieurs niveaux d’hypocrisies dans ce positionnement. Alors déjà, au passage, si les tenniswoman portent des jupes je veux bien croire que les autres vêtements soient également pensés pour souligner la « féminité », la mettre en valeur/avant et exciter le public masculin (ou féminin homo).
Cependant, il est ridicule d’opposer aux vêtements moulants et courts des femmes, ceux plus longs et lâches des hommes. Déjà, l’érotisation du sportif ne fonctionne pas de la même manière que celle de la sportive ; de par leur histoire de sexualité réprimée, les femmes peuvent moins localiser sur le corps de l’homme ce qui les excite (que je suis naïf), mais en plus, comme il est expliqué dans le livre le sport lui-même est l’incarnation des valeurs masculines. Le sportif est par définition érotisé. Et c’est le non-sportif qui doit supporter le poids de ne pas être « un mâle, un vrai. » Alors, si les vilains machos reluquent les belles sportives, on peut accuser beaucoup de femmes de spontanément voir les sportifs comme « mâles » et les non sportifs comme neutres-jusqu’à-preuve-du-contraire. Sans parler du simple fait que les femmes n'ont pas besoin qu'ils portent des short super courts ou moulants pour être excitées par les sportif... et sans parler de la mascarade généralisée qu'est le sport justement. Comme si les sportives étaient des idiotes totalement étrangères au fait que pratiquer un sport allait leur sculpter un corps jugé hyper positivement par l'ordre patriarcal et que ça n'était pas l'une des motivations majeures à l'activité sportive. Comme si les danseuses ne faisaient pas ça en grande partie pour se sentir attirantes et féminines et qu'elles ne fantasmaient pas que leur beau coach musclé (et plus vieux) se montre subitement très intéressé par leur corps.
Au lycée, être bon en sport pour un garçon c’est être disponible sexuellement, être prêt. Oh, un garçon peut être bon en sport et clairement « pas prêt » mais celui qui « joue au sportif » aura immédiatement son harem de filles prêtes à écarter les jambes (s’il est relativement beau). Et si le gentil sportif au physique de dieu grec a une copine moche à lunette, elle tâtera d’une misogynie qui n’émanera certainement pas des autres garçons. Les filles jalouses aussi savent faire respecter l’ordre patriarcal.
En quoi la sexualisation du sport pour les garçons est-elle moins violente que la taille réduite d’une tenue de sport pour les sportives ? Tout jeune homme qui rejette le sport, envoie en même temps un message de rejet de sa sexualité et de son rôle sexuel qu’il lui faudra trouver une manière de contrecarrer. Et s’il décide d’en pratiquer un, il va se retrouver dans une compétition ultra-violente déguisée en camaraderie virile nonchalante. Les filles ne peuvent pas perdre leur féminité en perdant un match, elles peuvent la perdre en le jouant avec trop d’ardeur, ce qui reste leur choix. Le garçon lui est violemment poussé, forcé, agressé et humilité, constamment sous la menace d’être rattrapé par un symbole d’émasculation. Pour ne pas voir cette violence il faut être aveugle... ou simplement ne pas vouloir la voir, ne pas la considérer comme significative. On peut torturer les hommes, ça compte pas, c'est des hommes. Les hommes ça pleure pas.
La soi-disant lubricité que l’auteure condamne indirectement, les femmes la célèbrent. Cette obsession pour le sexe qui entrainerait ce voyeurisme, rassure les femmes terrifiées de faire le premier pas. Elles veulent des hommes qui y pensent déjà, qui feront tout et porteront toute la responsabilité de l’acte. Ce discours a beaucoup vieilli ces dernières années mais il est valide dans la critique d’un tel texte.
Les formes du corps et la visibilité du corps sont des éléments identitaires féminins dont on ne peut pas prétendre qu’ils n’ont pas leur équivalant masculin qui relèvent tout autant de l’oppression.
Et justement, l’un des paradoxes de ces dynamiques sexuelles, c’est que les féministes (et les gens en général) semblent parfaitement aveugles à la presque-nudité masculine. Dans la franchise de jeux vidéo Street Fighter les corps des personnages sont tous poussés dans des extrêmes de représentations des normes. Pourtant les critiques sont toujours tournées en direction des personnages féminins : trop belles, trop nues, trop gros seins, trop grosses fesses, mouvement trop connotés sexuellement (ce qui est indéniablement vrais). Par contre, le fait que les personnages masculins soient des montagnes de muscles ridicules, souvent torse-nus, avec des plaques d’abdominaux ou des biceps monstrueux, et parfois simplement en slip, ça, ça passe totalement inaperçu. Certes, il est fort probable que les personnages masculins en slip aient justement été introduits pour légitimer les petites tenues des femmes ; cela n’enlève pas que le corps masculin est perçu comme neutre, comme n’inspirant rien et que personne ne pense jamais à dire que c’est horrible.
Ryu, le personnage principal de Street Fighter: un neuneu qui se balade tout le temps en kimono et est toujours content de se mesurer à un adversaire parce qu'il pourrait apprendre quelque chose. Quoi donc ? Je ne sais pas. Certainement pas à faire l'amour, il faudrait que Chun Li pense à le déniaiser un jour. Remarquez les deux bras mutants.
Le personnage féminin qui a fait couler beaucoup d'encre et on comprend pourquoi. Hyper-féminisée, hyper sexualisée. C'est une honte ! C'est un scandale.
Le personnage masculin qui n'a pas fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, le traitement est exactement le même. Cammy porte un string pour qu'on voit ses fesse OUI. Mais Cammy est une femme et Zangief un mec. Le corps féminin est sexualité, le corps masculin est un outil. Zangief peut se mettre en slip, tout le monde s'en contrefout. Son hyper-masculinité détruit l'aspect érotique. Camille pourrait être entièrement habillée qu'elle serait sexualisée quand même. Camille a des fesses parfaites et des seins parfait. Zangief semble avoir un sexe d'éléphant. Mais dans un cas on voit des attributs sexuels, dans l'autre on voit juste un homme. Les deux lectures sont biaisées et les rôles sont réducteurs.
Pour Cammy c'est dégradant, on accuse le regard lubrique masculin qui est posé sur elle. Mais pour Vega, bah, c'est juste un mec qui aime bien se mettre torse-nu, et si ça fait mouiller les filles, ça ne fera que lui faire plaisir. Le regard sexuel des filles n'est jamais violent, le regard sexuel des mecs est agressif. Deux poids deux mesures.
Encore une fille trop féminine et trop sexuée. Les féministes croient-ils/elles que les femmes veulent être perçues comme des boîtes en carton ? Les femmes veulent pouvoir s'identifier à des personnages reconnus sexuellement. Le problème ne vient pas de la sexualisation, mais de la rigidité et de la sévérité des critères. Ce que veulent entendre les femmes ça n'est pas "t'inquiète, je ne te considère pas sexuellement, je te respecte" mais "t'inquiète, du moment que tu as un corps, tu peux potentiellement m'attirer."
D'autres exemples de semi-nudité masculine qui passe inaperçue parce que les hommes n'ont pas de seins ni de fesses donc ça va. Ce n'est pas du tout violent de radotter que le corps féminin est plus beau parce qu'il est tout fait de courbes. Noooon. Les mecs vous avez l'aura sexuelle d'un gros meuble ou d'un camion mais c'est pas de votre faute, c'est juste que vous n'aurez jamais la grâce et la sensualité des femmes. Et puis, c'est dégradant d'être considéré sexuellement par les gens qui te regardent. Non vraiment, que la patriarchie est violente avec les femmes !
L’auteure plaint les sportives qui doivent porter des tenues courtes et moulantes sans aborder le fait que les femmes peuvent prendre du plaisir à s’exhiber. On leur répète toute leur existence qu’elles sont belles, que leur corps est beau et que les hommes veulent le voir. Elles ont conscience de la portée sexuelle de ce corps et peuvent parfaitement en être heureuses. Ce qui ne justifie en rien l’obligation de porter des vêtements courts moulants oui, mais du côté du sexe opposé l’idée d’un corps masculin qui aurait un impact sexuel sur les femmes n’est entrée dans la doxa que depuis une quinzaine d’années environ. Et il faut ressembler à Colin Firth ou Christian Grey ou à un rugbyman gay.
Pire, beaucoup de femmes s’amusent de déclarer « qu’une bite c’est moche » sans que personne ne parle de la douleur que peut engendrer un tel point de vue, car le corps masculin est privé de prétendre à la grâce. On l’exclut des écrans de cinéma voire même des vidéos porno où il est réduit à l’objet (forcément énorme et donc humiliant pour le spectateur masculin) qui pénètre. Il a fallu l’ouverture à l’homosexualité pour qu’il puisse être regardé avec un œil admiratif. Ce sont les homos qui ont permis que l’on associe à ce corps un pouvoir érotique, sensuel. On enseigne aux femmes dix milles façons (sexistes oui) de l’être, on enseigne aux hommes à ignorer qu’on les regarde, à croire qu’on ne les regarde pas. L’homme est le regard, la femme est l’objet, l’homme est le sujet, la femme est l’altérité, oui, mais la violence touche les deux côtés.
Sur le sexisme de Street Fighter encore. Personne ne parle du fait que ce jeu qui se destine presque exclusivement entièrement à un public masculin se résume à se battre. Évidemment, il serait ridicule (et nocif) de vouloir empêcher un tel jeu d’exister, il n’empêche, lorsque l’on parle de son sexisme, on parle des filles en bikinis, on parle de l’image de la femme, on ne parle pas du joueur masculin que l’on force à admirer et à s’identifier à des brutes débiles élevées à la testostérone dans le biberon, à des karatékas et militaires illettrés et ramollis du bulbe. Personne ne dit que le succès des Beat’em up et des FPS est proportionnel au mal-être des joueurs masculins qui tentent de soigner l’anxiété qui les habite du fait qu’ils ne correspondent pas aux standards de virilités de leur culture.
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C’est en lisant sa deuxième partie intitulée « Sport, relais du genre » que je me suis dit que ce texte me posait réellement un problème, quand l’auteure victimise tour à tour toutes les catégories qui lui passent sous la main sans jamais aborder une seule fois celle des hommes hétéros qui eux clairement vivent le rêve et peuvent crever.
Mais d’abord il y a cette phrase bien trop longue pour rester crédible : « D’une sportive un peu forte on ne manquera pas de dire qu’elle manque de « féminité », tandis que sont adulées les joueuses de tennis qui vendent leurs corps telles des mannequins pour vanter les mérites de tel ou tel produit cosmétique. »
Je comprends parfaitement en quoi les critères de masculinité ou de féminité peuvent être violents et comment une femme un peu forte ou un peu grande peu souffrir de se voir si facilement exclue des standards impitoyables de la société de consommation. On exclura tout aussi impitoyablement un homme pas très grand ou gros. Faites du sport avec un mec de 1m65, vous verrez la violence avec laquelle il essaye de faire oublier sa taille. Vous avez déjà demandé à vos copines si elles seraient prêtes à sortir avec un garçon plus petit qu’elles ? L’innocence avec laquelle elles répondent « non » est confondante. Des filles douces, sensibles, cultivées, intelligentes. « Tu sortirais avec un garçon plus petit que toi ? » « Oh non, j’pourrais pas. »
Au gynocentrisme que je dénonce depuis le début de l’article, s’ajoute encore ma deuxième critique : le fait que le féminisme fasse le jeu de la société de consommation. Quoi ? Ce qu’il y a de criminel dans le fait de priver une fille « un peu forte » de sa féminité c’est qu’elle ne puisse pas faire de la publicité et se prendre pour un mannequin comme le font ses copines tenniswoman ? Ce n’est pas que euh… qu’elle se sente humiliée, moche et indésirable ? Le problème c’est de ne pas pouvoir être vue comme un mannequin de merde et de ne pas pouvoir faire de pubs de merde dans lesquelles perdre sa dignité ?
Je sais, l’article entend juste dénoncer l’injustice des destins, la victoire des lâches et des arrivistes mais le fait d’être une victime n’est pas idéologique en lui-même. A une phrase comme celle que je cite, on peut simplement répondre « Ben, oui, évidemment qu’elle aurait aimée être belle comme un mannequin et gagner des fortunes en faisant de la pub, mais pas de bol, c’est loin d’être un top model. » On ne peut pas d’un côté valider le monde de la beauté creuse et de la prostitution publicitaire pour ensuite venir pleurer d’une conséquence directe de leurs existences: les critères de beauté ultra sévères et porteur d’une idée de transcendance.
Après avoir abordé les moches (« un peu forte »), l’auteure passe à celles qui sont belles mais se sentent obligées de prouver qu’elles sont bien des femmes, puis à celles qui sont privées de jouer au rugby ou à ceux qui risquent d’être pris pour des homos s’ils veulent faire de la danse classique. OH ! Mon dieu ! Elle a parlé d’un homme hétéro ! Ah oui, mais elle a parlé d’un homme hétéro qui épouserait le monde des femmes (dont elles rejettent les valeurs mais c'est pas grave, il a montré patte blanche). Elle parle d’un agneau, d’un gentil, d’un innocent, d’une exception qui justifie l’exécution de la meute.
Par contre, l’hétéro qui détesterait la violence intrinsèque présente dans tout sport, autant dans la danse classique que dans le rubgy, l’hétéro sensible qui a un cerveau et qui va se faire broyer par le système quoiqu’il fasse (ou ranger dans un grenier), noooon, celui-là, il n’existe pas. En tout cas, pas pour les féministes.
C’est donc en lisant ceci que j’ai pour la première fois bondi sur mon siège : « Les autres masculinités (homosexuelles, non-blanches, pauvres) sont alors marginalisées. »
Et j’ai tourné de l’œil en lisant la suite : « Les lesbiennes, elles sont comme d’habitude soit invisibilisées, soit comprises comme dénuées de sexualité. »
Cette auteure se permet de lancer avec un mépris hautain une remarque sur l’invisibilité d’un groupe alors qu’elle met tous les hommes hétéros dans le même sac depuis le début de son essai et surtout, surtout, leur refuse une humanité en ignorant tout contexte à ce qu’elle leur reproche. Oui, il y a plein de cons qui peuvent dire -comme le cite l’auteure- à une lesbienne qu’elle l’est uniquement parce qu’elle n’a pas encore trouvé un homme pour lui prouver les bienfaits de l’hétérosexualité, mais l’argumentation du texte, en restant d’un seul côté de la barrière construit l’intégralité de la masculinité comme cet agresseur (qui est aussi con uniquement parce qu’il est écrasé par son rôle et qu’une lesbienne ça le terrifie). Elle confond l’ordre patriarcal qui bousille les hommes comme les femmes, avec les hommes qui se font avaler par celui-ci. Parce qu'il faut tout de même une situation pour refuser un rôle de dominant offert sur un plateau. Dans « Les autres masculinités (homosexuelles, non-blanches, pauvres) sont alors marginalisées » il n’y a pas le mec hétéro qui voudrait échapper au destin que lui réserve la société patriarcale dont il est le putain de centre. Lui qui voudrait être reconnu comme masculin sans être porc, comme viril sans dominer, comme doux et sensible sans qu’on lui dise qu’il est homo, celui qui aimerait qu’on arrête de le culpabiliser (hypocritement) parce qu’il aime regarder le corps des femmes et qui se fout bien de faire de la danse classique pour entrer dans les conceptions grossières des féministes.
Au-delà d’être immédiatement injuste, cette perception par catégories définies en tant que victimes et minorités face à une autre toute puissante, s’aveugle immédiatement au fait que tous les individus peuvent se faire le relais des valeurs de la société qui les opprime. Homos, hétéros, hommes, femmes, blancs, non-blancs. La pauvre sportive dont on se moque parce qu’elle est « un peu forte » peut aussi bien se faire railler par les commentateurs que par la tenniswoman mannequin pute qui fait de la pub. Et qui sait, il y a peut-être un sale homme blanc hétérosexuel qui aimerait la consoler de ses baisers et qui souffre de ne pas oser le faire parce qu’il est terrifié qu’on le croit homo vu que c’est ce que sa sensibilité et son ouverture aux différentes morphologies des femmes lui ont valu toute sa vie.
Ce que j'essaye de dire maladroitement, c'est que s'il n'y a pas d'hommes hétéro exemplaires pour prouver qu'ils méritent qu'on se penche sur leur cas, ce n'est que le résultat de la violence de leur conditionnement. L'auteure qui passe une demi-page à expliquer que toute société totalitaire veut toujours transformer la culture en nature pour expliquer l'oppression des femmes, passe à côté du fait que les hommes sont victimes du même phénomène et cela d'une manière plus efficace encore.
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La dernière page de l’essai est plutôt confuse puisqu’elle semble contredire ce qu'il dit auparavant. Ainsi, l’auteure constate que les femmes gagnent maintenant des sommes aussi astronomiques que les hommes en faisant de la publicité mais euh… il ne faut pas croire en l’égalité des sexes. Les femmes s’aventurent de plus en plus souvent dans des sports autrefois réservés aux garçons mais… ça ne veut rien dire, la hiérarchisation et la normalisation des rôles sexuels persiste. Et si le monde de la publicité a récupéré l’esthétique et certaines revendications du féminisme c’est après avoir pris soin de les neutraliser avant.
Ce constat final d’échec est pour moi un indice que l’aveuglement féministe dont l’auteure fait preuve dans les pages précédentes coûte et coûtera toujours la victoire au mouvement.
Si les victoires ne changent rien à rien, c’est parce que ce féminisme refuse d’admettre que les hommes sont des victimes également. Or, tant que le féminisme accusera l’homme alpha de la société de consommation capitaliste d’être exactement ce qu’il veut être, et donc d’être naturel, les femmes ne pourront jamais réellement refuser leur soumission car il y a une chose qu’elles veulent plus encore qu’être considérées l’égale de l’homme, c’est obtenir ses bisous. Si les hommes hétéros sont naturellement des dominants décérébrés, les femmes hétérosexuelles s’en accommoderont toujours. Et ça, les féministes homos ou qui refoulent leur libido ne le voient pas.
Pour faire s’écrouler l’édifice, il faut reconnaître aux hommes l’envie d’être autre chose, il faut leur rendre leur douleur, leur sensibilité, leur détresse, leur fragilité, leur envie de pleurer parce qu’on leur fait du mal, leur soif de beau et d'innocence il faut rappeler le petit garçon qu’ils étaient jusqu’à onze ans avant que le rouleau compresseur ne leur passe dessus et qu'on leur apprenne qu'ils sont des porcs, violents, sales, bêtes et coupables. (Edit: Quand je pense que j'ai écrit ça avant balance ton porc.)
C’est ce que Divertir pour dominer fait lorsqu’il critique l’idéologie du sport, l’éloge de la compétition, de la violence, de la discipline et de la soumission. En s’attaquant à ces valeurs, le livre valorise celles associées en général aux femmes, mais offre également une bouffée d’air frais aux hommes martyrisés qui n’ont pas encore totalement perdus la raison et peuvent y trouver un espace ou échapper à l’oppression un instant.
L’article féministe fait alors une belle tache en s’accaparant le droit de parler aux noms des intérêts des femmes et en disant en gros à ces hommes "vous n'existez pas !"
Cet article est une démonstration de misandrie et l’indice d’une incompréhension de ce que cela représente de vouloir être reconnu sexuellement par le sexe opposé, autant quand on est un homme qu’une femme.
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* Simone de Beauvoir, Lettres à Nelson Algren, Gallimard, 1997. Image : Schwarzer, Alice: Simone de Beauvoir, Reinbek, Rowohlt, 2007.
http://www.huffingtonpost.fr/nicolas-bersihand/lettre-de-simone-de-beauv_b_4562442.html