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L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

Publié le par Kevin

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

L’Ornithologue est clairement un film qui appelle les interprétations. Enigmatique au début, incompréhensible à la fin, il force son public à se triturer le cerveau histoire d’essayer d’échapper à la frustration de simplement se dire « mais qu’est-ce que c’était que ce truc ? »

Pour moi, le fil conducteur de l’histoire est suggéré dès les premières images, mais ne restera que suggéré : Fernando veut un enfant. J'ai donc suivi la piste des interprétations sans trop savoir où elle me mèneraient.

 

1-Fernando

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

Lorsque le film commence Fernando se baigne dans le fleuve perdu dans la nature. L’eau dans les films n’a pas des centaines de significations symboliques. L’eau c’est la nature, la mère, le liquide amniotique ou l’excitation féminine, parfois la jouissance générale aussi (dans Stand and Deliver). Cela peut bien évidemment prendre d’autres significations, mais lorsque l’on commence son film par un personnage qui se baigne, il y a de forte chance pour qu’on y attache une signification.

Pour moi, Fernando est enfermé dans sa relation avec sa mère et c’est la suite du film qui nous permet de découvrir en quoi consiste cet enfermement.

Fernando pense qu’une mère c’est la pureté incarnée, l’innocence, le sacré, l’immaculé. La victime sacrificielle entièrement dévouée. On peut s’imaginer que son père était un macho écrasant et vulgaire par exemple. Il suffit de ça.

Pour cette raison, Fernando ne peut s’associer au rôle social masculin et est incapable de se sentir attiré par les femmes, qu’il ne comprend absolument pas. Il devient donc homosexuel.

Son homosexualité est son désir de ne pas trahir sa mère, de ne pas l’abandonner à la brute qu’est son père, aux hommes. Son couple avec Sergio lui permet ça. Sergio qui est d’ailleurs un peu inquiet comme une maman.

Le problème c’est que l’homosexualité de Fernando est donc le résultat d’un désir d’être inoffensif et innocent, de rester le petit garçon à sa maman, ce qui a nécessairement un grand nombre de conséquences sur sa personnalité et sa vie.

Il a dans cette perception de sa mère, un aspect religieux. Elle est une sainte. Or, une sainte n’a pas de sexualité et si sa mère n’a pas de sexualité, l’élément majeur qui devrait lui permettre de se tourner vers une autre femme n’est pas là. Si sa mère n’a pas de sexualité, Fernando est en rivalité réelle avec son père, il peut prétendre à la même position que lui sans se confronter au tabou de l’inceste.

C’est ce que signifie le fait que Fernando se baigne en slip et pas nu. Il est enfermé dans une relation avec sa mère, mais elle n’est pas incestueuse. Le sexe est sublimé.

Je sais, ça fait beaucoup d’interprétations pour un homo qui se baigne en slip mais cette interprétation se base sur la suite du film, je ne me suis pas imaginé tout ça immédiatement.

Ce que j’ai immédiatement pensé par contre, c’est que le couple de Fernando et Sergio est en train de s’effondrer parce que Fernando veut un enfant et que Sergio représente un obstacle à la réalisation de ce souhait. 

Fernando observe les oiseaux, mais tout ce qu’il voit, c’est l’aspect reproducteur : un oiseau qui couve des œufs, une canne poursuivit par une portée de cannetons, un aigle récemment né qui apprend à voler. Il contemple son désir d’avoir un enfant.

L’absence de réseau représente la manière dont les choses se dégradent entre eux. Des choses doivent être dites mais ne trouvent pas le moyen de l’être et petit à petit, il n’y a plus que les sms de bienveillance amoureuse et inquiète de Sergio qui se doute qu’il y a un problème mais ne comprend pas lequel.

Fernando veut autre chose. Un faux raccord voulu transforme ses yeux en paire de jumelles (une vue subjective suggère qu’il les porte alors que lorsque la caméra revient sur lui, il ne les porte pas). Son obsession l’emmène jusqu’à la mort. Il se laisse imprudemment entrainer dans des rapides, s’entêtant à observer un oiseau et cela jusqu’à ce que son embarcation se retourne.

Cette première mort souligne l’importance du trouble de Fernando. S’il ne trouve pas de solution, il est fichu. Rien ne compte plus pour lui que d’avoir un enfant.

La solution évidente serait de trouver une femme avec qui l’avoir ce bébé, c’est pour cette raison qu’apparaissent Lin et Fei qui le trouvent et le réaniment. Elles incarnent ce que les femmes sont dans le monde de Fernando en conséquence de sa relation particulière avec sa mère qui lui empêche de reconnaître l’existence de la sexualité féminine.

 

2- Les femmes : Lin et Fei

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

L’histoire prend le temps de nous présenter Lin et Fei indépendamment du personnage principal. Ce sont deux chinoises qui se rendent à Saint-Jacques de Compostelle à pied et qui se sont perdues. Fei est blessée à la jambe et toutes deux sont effrayées par des « esprits » qui rôdent dans la forêt.

Leurs photographies mélangent des orifices, des éléments phalliques, des images en lien avec l’aspect couple de leur relation, l’aspect touristique de leur pèlerinage bien sûr et l’aspect religieux.

Lin et Fei semblent être homosexuelles mais sont en réalité plutôt effrayées par les hommes parce qu’elles ont honte de leur libido. Leur désir d’un rapport hétérosexuel les hante et les poursuit : les esprits qu’elles entendent la nuit. La blessure de Fei représente le fait qu’elle n’est plus convaincue par son couple avec Lin et qu’elle n’a pas réellement envie d’aller jusqu’au bout de ce voyage. Si elles ne trouvent pas Saint-Jacques de Compostelle c’est sans doute parce qu’elle ne le veut pas. Lin suce le sang qui coule de la blessure de sa compagne, elle la vampirise au travers d’une relation qui l’empêche de s’épanouir. Le dernier plan avant qu’elle ne découvre Fernando est celui du fleuve qui les arrête. Ce qui leur barre la route c’est leur libido (l’eau est souvent utilisée comme métaphore de la libido féminine).

Lorsqu’elles découvrent Fernando inconscient, Lin veut le laisser là, seule Fei veut l’aider et c’est une phrase de Saint Antoine qui va convaincre son amie.

Fernando représente pour Fei l’espoir d’échapper à sa relation avec Lin et de satisfaire son désir. Hélas, il n’est absolument pas intéressé par les deux femmes. Il ne retient même pas leurs prénoms ni ne se montre prêt à les aider à sortir de leur situation alors même qu’elles lui ont sauvé la vie. Fei se met à pleurer quand elle voit ses espoirs s’envoler alors que Lin est certainement rassuré que le jeune homme se moque si clairement de coucher avec elles.

Cette histoire représente une humiliation importante pour les deux femmes. Elles viennent de sauver la vie de Fernando, il devrait se réveiller avec une envie assez intense de faire l’amour. Devant lui, deux jolies asiatiques et non seulement il s’en moque totalement mais en plus il est totalement indifférent à leur sort. Elles lui parlent des esprits de la forêt, qui sont donc leur désir d’un homme et forcément, Fernando n’y croit pas puisqu’il ne veut pas entendre parler de la libido féminine.

Lin lui impose donc de dormir dehors, comme un chien, une réaction de dépits au travers de laquelle elle inverse les rôles. C’était elles qui voulaient faire l’amour et lui qui s’est soustrait, soudainement c’est lui qui se fait rejeter comme s’il tentait quelque chose.

Le lendemain, Fernando se réveille attaché en sous-vêtements. Les liens, nœuds et cordes utilisés proviennent directement de la pratique du bondage, asiatique également. C’est leur désir sexuel non-avoué qui pousse Lin et Fei à se venger de Fernando, leur intention est d’ailleurs de le castrer. Elles veulent détruire l’objet de leur désir, l’objet qui les empêche de refouler leur désir.

La première conversation de Lin, Fei et Fernando s’achève lorsque Lin fait allusion au rôle masculin « on va avoir un homme fort, il va nous protéger. » Fernando répond qu’il est fatigué, se faire enfermer dans le rôle masculin est la dernière des choses dont il ait envie.

 

3-Les Hommes

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

Suite à sa rencontre avec « les femmes » Fernando est filmé en train de se vider les intestins. C’est tout ce qu’elles lui inspirent. Cela peut paraître exagéré mais s’il garde de sa mère une vision idéalisée au point de la religiosité, il est normal que les autres femmes ne soient que de la merde à ses yeux, comparée à elle.

Cependant, sa situation a changé, il retrouve son canoë détruit, il n’est plus question d’arpenter le fleuve : en s’approchant de Lin et Fei, d’autres femmes, il a perdu le lien qu’il avait au départ avec sa mère, il est maintenant privé de son approbation.

N’ayant plus rien à perdre, il se confronte à l’idée de devenir « un homme » ce qui l’aiderait à correspondre aux attentes d’une femme qui voudrait éventuellement faire un enfant avec lui. C’est alors qu’il trouve les traces de la tribu que Fei et Lin ont confondu avec des esprits. Ces esprits c’était bel et bien la masculinité qui les hantait. Les hommes déguisés s’écrient : « personne ne peut se mesurer à nous ! » et l’un d’entre eux attrape un sanglier à mains nues et l’éventre.

Dans l’esprit de Fernando la masculinité c’est l’agression, le sang et la domination. Les femmes étaient pour lui un groupe d’individus indifférenciés, les hommes sont des totems sans visage humains.

L’un d’entre eux s’éloigne du groupe pour aller uriner du haut du rocher derrière lequel Fernando s’est caché et se retrouve à l’arroser. C’est la conclusion inverse d’avec les femmes, Fernando est fasciné par les hommes et c’est lui qui est rabaissé. Pourquoi ? Je ne sais pas. Logiquement pour moi il devrait également les mépriser. Mais passons.

 

4-La Fin de l’innocence

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

Lorsqu’il se réveille Fernando est en compagnie d’un jeune berger sourd-muet et de son troupeau de chèvres. Il est d’ailleurs en train de téter le pis de l’une d’entre elle. Ce comportement, boire du lait, ainsi que son attitude ingénue l’associent à un enfant et par extension à l’innocence.

Le fait que Jesus soit sourd muet suggère qu’il n’est pas touché par les considérations sociales des hommes et des femmes, il vit dans son monde à lui, dans sa bulle, hermétique aux choses qui torturent Fernando.

Lorsqu’il invite le héros à venir se baigner nu dans le fleuve, celui-ci hésite puis accepte. Ce qui a éloigné Fernando de sa mère (du fleuve), sont des considérations d’adultes, or Jesus est innocent. Ils vont se baigner nus (par opposition à la première baignade de Fernando), la sexualité n’est pas encore là.

Mais en sortant de l’eau, Fernando montre les oiseaux à Jesus. Il partage son désir d’avoir un enfant. Le berger se montre enthousiaste ce qui les amènent à faire l’amour. Lorsqu’ils se rhabillent, Fernando se rend compte que le sourd-muet porte son sweat-shirt.

Cette découverte étrange fait prendre un sens particulier à leur rencontre. Fernando vient de faire faire le même parcours à Jesus que celui qu’il a lui-même suivit. Le jeune homme était innocent, puis il a découvert l’envie d’être parent et l’acte sexuel et enfin la barrière que représente l’homosexualité (quelle qu’elle soit). Lorsqu’il enfile le pull-over de Fernando, il incarne le Fernando plus jeune et encore innocent et insouciant.

Fernando qui ne s’est pratiquement pas énervé depuis le début du film alors que ça vie a été cinquante fois en danger, perd son sang-froid et agresse Jesus pour savoir où il a trouvé ce sweat-shirt comme si la réponse avait une importance ou que le sourd-muet pouvait l’entendre ou lui répondre. Jesus sort un couteau, ils se battent et Fernando le tue.

Métaphoriquement, Fernando vient de tuer son innocence, son moi innocent.  

Assez étrangement, l’acte sexuel dans nos cultures est presque toujours associé à commettre un crime ou verser le sang. Comme pour Adam et Eve et le fruit défendu. C’est une des raisons pour lesquelles on a toujours éduqué les hommes à être violents et égoïstes car c’est également à eux que l’on donnait la responsabilité de tout ce qui était sexuel.

Fernando n’a jamais eu à endosser ce rôle sexuel parce que sa sexualité n’était pas destinée à se tourner vers les femmes et par conséquent n’était pas reconnue comme telle par la société (il n’avait pas besoin de se considérer au masculin). Maintenant qu’il veut un enfant, il doit renoncer au lien maternel et à cette innocence dans laquelle il vivait ; d’où le meurtre du Fernando innocent qu’est Jesus.

 

5- La Chute dans l’inconscient collectif

L'Ornithologue: Le Père, le fils, le saint esprit. (3400 mots)

C’est là que les choses deviennent extrêmement intéressantes (et un peu compliquées pour moi). Tout ce qui pousse Fernando à agir, c’est l’envie de donner la vie. Or, il a vécu sa vie en considérant sa mère comme une sainte et donc en refoulant l’existence de la reproduction sexuée. Or il découvre que pour donner la vie, il faut perdre cette innocence qui est la base de son lien avec sa mère. S’il renonce à l’innocence, il renonce à l’amour maternel pour de bon, il perd la raison pour laquelle il a été mis au monde.

Il y a dans une première expérience quelque chose d’universel. La première fois qu’un végétarien mange de la viande, il perd son statut de végétarien. La première fois que l’on commet un acte immoral, on perd son innocence dans son intégralité.  

Lorsqu’il tue Jesus, Fernando se retrouve dans une position insupportable. Il se rend indigne de sa naissance mais veut créer la vie. Il tue l’innocence mais veut la créer.  On le voit manger les œufs d’un aigle, lui l’ornithologue, sous les yeux de la sainte vierge. Il entre dans l’aliénation.

Ah je viens de comprendre ! Oui, parce que je galérais. Dans le développement d’un enfant, il y a toujours le stade œdipien où il est attiré par sa mère et veut prendre la place de son père. Dans le cas de Fernando, la dimension sexuelle est sublimée, il est donc en rivalité réelle avec son père mais en plus, il est en rivalité avec Dieu le père car l’acte créateur est dissocié de sa corporalité.

Je me demande bien ce qu’a pu être son enfance concrètement mais quand on voit la manière dont il se représente la masculinité (Des clampins déguisés qui crient « personne ne peut se mesurer à nous ! » et tuent des animaux pour affirmer leur supériorité) on peut s’imaginer qu’il n’a pas dû avoir un père très sensible et une mère très heureuse.

Il y a une énorme différence entre être en rivalité avec son père terrestre et être en rivalité avec le créateur absolu. C’est un peu comme vaincre un joueur d’échecs et vaincre le champion du monde d’échecs.  Dans le deuxième cas, tu vaincs en même temps tous les joueurs de la planète. En se confrontant à sa contradiction, Fernando ne la résout pas, il s’enfonce plus loin dans celle-ci. Il voulait être capable de verser le sang comme « les hommes » mais il se retrouve à tuer l’innocence. Son comportement prend immédiatement un sens absolu. Il veut faire un enfant, il usurpe la place du divin. Il tue l’innocence, il se tue lui-même.

Je pense que lorsqu’il entre dans le tunnel à la fin, les événements du film ne sont plus que dans son imagination alors qu’auparavant, s’ils étaient métaphoriques, le film prétendait toujours avoir au moins un pied dans le réel. Et au passage, je ne comprends pas exactement la logique, je vois juste les mêmes thèmes qui reviennent.

Cette entrée dans le tunnel représente l’effondrement de son monde, de ses valeurs. Il traverse une forêt dans laquelle les animaux sont figés. Le temps n’existe plus. Des poissons sont arrivés dans un bassin sans que l’on puisse comprendre comment cette vie est apparue sans point de départ. Fernando se compare à eux. Il considère donc qu’il n’est né de rien à ce moment-là. Les femmes deviennent celles qui versent le sang et tuent l’innocence. Celle qui lui tire dessus n’a pas de sein => ce n’est pas une mère. Elle ressemble d’ailleurs à un homme. Les rôles sexuels sur lesquels Fernando s’est construit s’inversent. Il contemple un crâne. La mort n’est plus qu’une idée à considérer car elle n’est plus présente dans cet univers. D’ailleurs, il se relève de la balle tirée par l’amazone comme si de rien n’était. Il soigne un oiseau qui venait chercher son aide, uniquement pour se rendre compte qu’il n’avait pas besoin de lui.

Je ne saurais pas exactement expliquer tout cela précisément. Je vois juste un lien fort avec le fait de considérer sa mère comme sacrée, la perte de la dimension corporelle de l’existence et le besoin d’innocence.

Je pense que le fait que l’amazone étrange tire sur Fernando est un élément décisif dans la tournure finale que prend l’histoire. Plutôt que d’endosser le rôle de celui qui commet le crime, Fernando devient la victime. Il prend la place de la femme dans l’équation traditionnelle de la reproduction.

Ce changement d’approche lui permet de se déculpabiliser, et hop, Jesus réapparait sous la forme d’un frère jumeau appelé Tomé. Mais c’est bel et bien à Jesus que l’on a affaire au départ puisqu’il a toujours la blessure infligée par le couteau… exactement à l’endroit où le véritable Jesus a reçu le coup de lance qui a mis fin à ses jours.

Fernando palpe et la blessure qui devient un sexe féminin, il y enfonce les doigts et goûte la substance qu’il en retire.

On voit ici, ce dont je parlais au-dessus. L’acte sexuel hétéro porte pour Fernando le sens de la culpabilité ultime. Pénétrer une femme, c’est tuer Jesus. Mais grâce à l’amazone, il n’est plus question de cela et Jesus revient à la vie.

Hélas, l’imprévu, c’est que Jesus/Tomé va vouloir venger son frère. Ce dédoublement identitaire est très étrange car, en sauvant Jesus, Fernando met au monde un autre individu et devient le père créateur qu’il désirait être depuis le début du film. Sauf qu’il devient en même temps le père d’un nouvel individu et son propre père (puisque Jesus est son double).

Evidemment à mesure que ça devient le bordel, mon interprétation perd toute crédibilité. Mais je voudrais souligner que c’est le film qui déconstruit toute les limites. Jesus et Tomé ont la même blessure, Jesus ressuscite mais prétend être quelqu’un d’autre, Fernando meurt plusieurs fois sans mourir, puis change d’apparence physique et prend celle du réalisateur etc… il y a clairement une dispersion de la fonction sujet dans tous les sens. Donc dire que Jesus est un double jeune de Fernando, ça me parait peu de choses à côté du reste.

Aussi, ce que je pense voir dans le film, comme je l’ai dit plus haut, c’est un individu qui perçoit les choses dans l’absolu, dans leur sens spirituel et ne voit pas la matérialité de l’existence à cause de son incapacité à appréhender l’acte sexuel hétérosexuel en tant qu’acte corporel. Il est donc logique que toutes les limites terrestres s’effondrent et c’est ce que le film décrit. La mort et la naissance deviennent des énigmes pour lui, le temps disparait et il devient son propre père. Toutes ces aberrations représentent l’effondrement de toute structure psychologique.

Bref. Lorsque Tomé décide de venger Jesus, cela représente le fait qu’une part de Fernando était terrestre, celle qui voulait un enfant réel. Lorsqu’il égorge Fernando, il lui retire sa dimension temporelle, sa mortalité. Et Fernando se transforme en une figure religieuse de créateur (joué par le réalisateur du film, donc le créateur).

Lorsqu’ils arrivent à Padou, ils croisent les deux chinoises et ce plan final me fascine car nous avons donc à l’écran : Le père, le fils et le saint esprit.

Fernando s’est dissocié en trois personnages. Il est devenu un père universel asexué et sans idiosyncrasies particulières. Juste, Dieu le père, le créateur asexué, celui qui ne peut pas être jugé parce qu’il est à l’origine de tout, une origine spirituelle. Tomé le fils, devient l’innocence terrestre asexuée. Et les deux chinoises sont là pour suggérer la présence du saint esprit, le saint esprit qui féconde, le sexe qu’elles refoulent.

Je trouve cette histoire absolument fascinante. Je ne parviens pas à recoller tous les morceaux, mais je suis convaincu de beaucoup de ces interprétations.