Black Panther: Faites place à Super Vagin ! (3350 mots)
"L'avenir est féminin" nous dit le dernier slogan fasciste-qui-se-croit-progressiste en vogue.
Black Panther répond en explorant la question d'une société dans laquelle le féminin est considéré supérieur au masculin. Wakanda est une patriarchie structurelle, matriarchie dans les faits.
Au travers du mythe fondateur (vibranium + fleurs en forme de cœur + déesse panthère) les Wakandais enseignent à leurs hommes que tout ce dont ils sont capables de bien, ils n’en sont capables que grâce aux femmes. Leur qualité ne peut venir que de la soumission.
La Black Panther incarne parfaitement cette prison psychologique. Le chat, c’est le désir, la volonté féminine (Dans la plupart des films). En Wakanda, il existe un superhéro masculin qui incarne la volonté des femmes et dont les pouvoirs proviennent de celles-ci. Les hommes ne sont qu’une extension des femmes, ils sont considérés sans mérite, sans agence, sans autonomie, ce ne sont que des outils qui servent à servir et à protéger.
L’histoire que raconte Black Panther, c’est la manière dont les hommes (et les femmes) vont tenter de s’émanciper du joug de cette féminité morbide.
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Avant de me lancer dans le carnage, je voudrais dire quelques mots. Forcément, nous allons avoir dans une telle analyse, des idées de masculinité, de féminité, des symboles phalliques ou ovariens, vaginaux, de l’émasculation à la pelle, des concepts d’homme viril, d’homme enfant au contraire, de privation ou de sublimation de la féminité, Je parlerai peut-être de la libido féminine aussi. Erection. Première fois. Ejaculation précoce. Humidité. Sperme. Masturbation. Et comme la situation en Wakanda n’est pas saine, inceste, viol. Quoi d’autre ? Je pense que ça vous donne une idée de ce qui vient.
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On nous dit au début du film que la vie humaine est apparue sur terre après la chute d’un météore de vibranium. Je ne sais pas pourquoi T’Chaka ne le dit pas texto mais peu importe: La vie humaine provient du matériaux aux pouvoirs surprenants atterri en Afrique, berceau de l'humanité, komparazar.
N'Jogu est choqué que James/Zuri l'ait trahi. Aucune confiance entre les hommes ne peut exister dans la culture wakandaise. "Tout ce temps, tu étais wakandais" prend le sens de "Tout ce temps, tu étais un traître !" Le mot "temps" lui-même prend un sens philosophique ici. En Wakanda, la temporalité n'existe pas pour les hommes car ils ne sont que des objets. Lorsqu'il découvre que James était un espion wakandais, il découvre également que ce sentiment de vivre sa vie, était une illusion.
Si le vibranium est la force de vie, il est comparable à la capacité qu’ont les animaux de procréer. L’oppression masculine au Wakanda consiste à faire croire que seules les femmes sont responsables de la procréation, ce n’est pas dit mot pour mot mais c’est indiqué en creux au travers de ce qui va renverser cet ordre : Un homme va faire un enfant ailleurs (répandre son sperme)/vendre du vibranium.
Vibranium phallique. "Alors comme ça N'Jobu, tu as un pénis ! Tu sais très bien que c'est interdit par la loi wakandaise ! Même moi, le roi, j'ai cédé le mien aux guerrières Dora ! "
N’Jogu, en faisant un enfant à une américaine, va montrer que 1-les hommes wakandais sont essentiellement autonomes 2-Ils ont un rôle dans la procréation. Or, de telles idées contiennent en elles une révolution pour le Wakanda. T’Chaka panique et étouffe l’affaire… même si je pense qu’il avait inconsciemment envoyé son frère en Amérique exactement dans ce but. (frère = double de lui-même échappant à certaines obligations)
Celle-ci laissera des traces : N’Jadaka le fils de N’Jogu, le russe Ulysses Klaue, le vol de vibranium, la mort des parents de W’kabi, sont autant de graines plantées pour la révolution à venir.
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Nous arrivons à T’Challa, nouveau roi sous peu, nouveau Black Panther qui n’a jamais compris pourquoi son pays restait replié sur lui-même et cherche un moyen de faire bouger les choses.
T’Challa va donc devoir combattre l’influence émasculatrice de la tribu des panthères et des femmes Wakandaises et trouver le chemin de l’affirmation de sa masculinité.
De ce point de vue, j’ai justement un problème avec le rôle métaphorique de la masculinité et de la féminité dans le film. On y oppose une politique isolationniste à celle d’une ouverture au monde, et ces questions politiques sont métaphoriquement décrites comme représentant des approches masculine ou féminine de la gouvernance du pays. Je trouve ça assez réducteur et simpliste.
Wakanda est un utérus géant dont le bébé doit naître ; le pays a observé une politique de femmes pendant des siècles, il est temps de laisser les hommes s’en mêler. Cette manière de voir les choses me sidère. Vendre le vibranium est donc un acte masculin, le garder secret est féminin. C'est une perception assez régressive 1-des différences naturelles entre les genres 2-des motivations humaines.
Ceci étant dit, si l‘on met de côté la manière dont Ryan Coogler donne forme aux différences entre les genres, car après tout cela représente une tâche infaisable mais nécessaire dans le contexte, la dynamique qu’il décrit, elle, est très intéressante. L’idée que la société wakandienne est une patriarchie qui observe pourtant une politique de femme est géniale et je ne vois pas trop comment il aurait pu échapper au défaut dont je viens de parler car ce qu’il décrit n’est pas tant une société gouvernée par les femmes que par l’idée de la féminité. C’est en réalité un projet sacrément ambitieux et risqué.
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Quelles sont les différences très subtiles et difficiles à dépeindre, entre une société gouvernée par des femmes et une autre gouvernée par la féminité ?
Dans le premier cas, on aurait pu avoir une matriarchie simple, avec une reine adulée qui prend les décisions… ses désirs sont des ordres, on lui offre des sacrifices et les hommes sont ses jouets, soldats, serviteurs etc… ce n’est absolument pas le cas ici.
Une patriarchie où ce sont néanmoins les femmes qui ont le pouvoir aurait certainement fait ressembler le film à une sorte de péplum (ou à Othello), avec des femmes qui manipulent leur mari, des mères qui manipulent leurs fils, qui complotent, qui trahissent, qui empoisonnent. On aurait eu des séductrices perverses, qui séduisent et qui mentent, et des hommes, honnêtes et naïfs dont les derniers mots sont « Salope tu m’as trahi. »
Mais ce que dépeint Black Panther, c’est juste une société dans laquelle les hommes et les femmes ont assimilé et intégré dans leur spontanéité la plus directe (habitus), l’idée de la supériorité de la féminité. Le fait que cette société se trouve être une patriarchie ne fait que donner encore plus de pouvoir aux femmes car les hommes qui ont un statut se soumettent spontanément à une autorité féminine. Les femmes n’ont pas d’arrières pensées, ni d’objectif mégalo, et pourtant le pays qui est sous l’autorité d’un roi masculin qui a reçu les pleins pouvoirs d’une entité divine, est un utérus géant dont le superhéro incarne l’impact de la féminité sur le monde.
Wakanda est écrasé sous le poids de la croyance honnête, qui concerne les deux sexes, que tout ce que les hommes accomplissent, ils l'accomplissent grâce à une influence féminine. Encore une fois, selon le mythe fondateur, c’est l’intervention d’une déesse panthère qui a amené la paix.
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De ce point de vue, la première scène du film est absolument fascinante. Elle nous montre ce qu’il se passe quand un homme prend une initiative autonome en Wakanda.
Le Black Panther, le Superhéro wakandais, jeune homme super musclé, rôdé à la baston, qui doit devenir roi le lendemain, dit à son général qu'il peut s'occuper d'une petite intervention de sauvetage, dont il peut clairement s'occuper, tout seul. Elle fait une grimace du type, "Qu'est-ce qu'il va nous faire ?" comme s'il avait 5 ans... ne discute pas son ordre mais ne lui obéit pas non plus puisqu'elle intervient à la fin du combat.
T’Challa va devenir roi, il doit se trouver une reine. Le roi, du point de vue métaphorique, c’est le mâle alpha, le modèle dont tous les hommes d’une culture doivent s’inspirer.
La version archétypale de cette scène serait le prince T’Challa qui va au bal dans son plus beau costume après avoir reçu quelques conseils de son père. Il choisit son équivalant féminin parfait, l’invite à danser, elle accepte et le reconnait donc comme supérieur à ses rivaux, ils dansent (rapport sexuel), le lendemain il est couronné roi et la prend pour reine.
Chaque différence entre cette histoire de conte de fée et la scène de la jungle est porteuse de sens. Allons-y pour le chaos interprétatif.
La salle de cérémonie est devenue une forêt. Une rencontre organisée par la société est devenue une rencontre fortuite. La forêt est le lieu des possibles, comme pour le chaperon rouge et le loup, Aurora et le prince (Sleeping Beauty de Walt Disney) ou encore Blanche-Neige et les Sept Nains. La différence ici, c'est que la forêt n'est pas le vestigae d'une nature sauvage passée, la nature sauvage n'a pas été domptée.
Le bal, la danse, l’acte sexuel est devenu un enlèvement et un viol. L’enlèvement étant souvent un viol métaphorique ou un prélude à l’acte sexuel forcé (King Kong, The Rape of Proserpine).
Le rôle sexuel des femmes wakandiennes exige d’elles, qu’elles se sentent supérieures aux hommes, il n’y a donc pas de possibilité d’avouer « avoir une faiblesse » pour l’un d’entre eux. Elles doivent les regarder de haut et par conséquent reconnaître l’attirance qu’elles peuvent avoir pour l’un d’entre eux entre en conflit avec leur désir d’apparaître comme des « femmes de choix. »
« Inviter au bal les femmes les plus désirables du royaume » devient « enlever les femmes les plus désirables du royaume pour les violer » puisque de toute façon elles ne peuvent pas être d’accord… si elles l’étaient, elles ne seraient plus considérées comme les femmes les plus désirables du royaume. Au Wakanda, une femme qui dit « oui » ça calme, on se dit que ça cache quelque chose.
La légitimité du désir sexuel étant très fragile, le mâle alpha n’est plus celui qui apparait comme étant le plus attirant mais celui qui interdit et empêche les autres mâles de désirer les femmes en les émasculant.
Sujet ultra-actuel s’il en est un.
L’émasculation dans cette scène, c’est la perle EMP qui coupe tous les moteurs. Black Panther rend tous les hommes impuissants. Wahou, j’ai tellement trop de respect pour ce superhéro. Et qui lui fabrique ses armes ? Sa pitite sœuuuuuuuuuuuuur. Imaginez le foutage de gueule si Batman annonçait avant de s’attaquer à l’un de ces ennemis : « Tu vas voir ce que ma p’tite sœur m’a concocté ! » Et là, il sortirait un pistolet qui tire des boules roses en mousse.
C’est réellement le sens de ces éléments dans Black Panther. Regardez par exemple l’arme finale de Shuri face à N’Jadaka, deux jolies mains panthères bien esthétiques qui tirent un rayon qui n’a même pas le punch d’un coup de poing : pistolet à balles en mousses roses. Armure, souffle énergétique, absorption des coups, pilotage à distance, billes à charge EMP. La part offensive de l’armement de Shuri est bien maigre : des griffes. Comment appelle-t-on deux filles qui se battent sans se frapper (en anglais) ? Un catfight.
Shuri va bientôt apprendre que des fois c'est bien utile de pouvoir faire mal à son ennemi plutôt que de lui faire des chatouilles.
Ayant rendu tous les hommes impuissants sexuellement, Black Panther commence à leur botter le cul, il se désigne comme étant celui qui mérite l’attention de la femme alpha wakandaise.
*Je suis désolé de recourir à ce vocabulaire d’alpha. Je déteste cette mode actuelle de parler de mecs alpha ou beta parce que ces appellations reposent (paradoxalement) sur une soumission absolue au culturel, mais c’est justement le sujet dans Black Panther.
Cependant, la femme alpha wakandaise ne peut pas se laisser désigner par un homme, elle se doit de s’imposer. Elle ne dira pas « d’accord, tu me plais aussi » mais affirmera « c’est moi que tu veux ! » En conséquence, Nakia commence à tabasser des kidnappeurs elle aussi, elle se désigne comme future reine.
Autre élément intéressant, Nakia frappe T’Challa qui s’apprête à filer une rouste à un gamin armé d’un AK-47 qui lui tire en pleine tête à bout portant. Elle explique : « Ce n’est qu’un enfant, il a lui aussi été enlevé. » L’enfant est innocent par définition parce que le crime des hommes, c’est leur libido. Nakia est parfaitement aveugle au fait que la gamin est en train de tirer sur T’Challa. Ça ne compte pas. La légitime défense n’existe pas pour l’homme adulte.
Ainsi, l’intervention de T’Challa, la rencontre du prince et de sa princesse, nous montre la situation de dégradation absolue dans laquelle se trouve la masculinité et les rapports entre les sexes en Wakanda.
Je le dis dans pratiquement tous mes essais mais allons-y une fois encore: la libido, la sexualité est le cœur de l’individu (en tout cas dans tous les livres que je lis et films que je vois). Le désir sexuel est la matière de tous les désirs et les désirs construisent l’individu. Un individu sans désir est un objet. Un individu qui se laisse désigner les objets de son désir se laisse objectifier.
On peut, dans le contexte de Black Panther, regarder les choses sous un autre angle. Si la culture wakandienne contient l’idée que les hommes sont des bons à rien, l’idée la plus violente et la plus destructrice qui puisse être formulée, celle qui fera qu’effectivement ils deviendrons apathiques, c’est que 1-Ils ne servent à rien dans la reproduction 2-Ils ne peuvent pas procurer de plaisir aux femmes. Donc en gros, c’est de les priver de leur rôle sexuel naturel.
C’est ce qu’il se passe dans ce rituel de sélection de la reine. Le costume de soirée du prince (Black Panther) ne dit pas « voici un homme de qualité » mais « voici le serviteur absolu de la féminité. » La compétition entre hommes n’est pas une tentative de se montrer masculin, mais de montrer comment on émascule les autres… grâce aux gadgets de la petite sœur, incarnation de ce qui devrait être inoffensif et risible. Puis la reine se désigne d’elle-même, montre qu’elle est parfaitement capable de rejeter les avances des autres, que ça ne regarde pas celui qui la convoite, dont elle se passe parfaitement bien au final et qui en plus fait des dommages collatéraux inacceptables dans son initiative etc… etc… Nakia reproche même à T’Challa d’avoir fait échouer sa mission, alors que les femmes sont sauvées.
Il est important de noter que l'initiative de Nakia, aussi osée soit-elle, repose immédiatement sur l'attaque de T'Challa. Elle ramasse un AK-47 qu'elle ne peut ramasser que parce que son propriétaire a été mis K.O.
T'Challa vient en aide à Nakia, elle l'accueille d'un coup de pied et d'un reproche. Si vous vous dites "Non, c'est plus compliqué que ça," vous vous trompez, c'est en apparence plus compliqué que ça, mais en réalité cela se résume à ça.
Lorsque le rituel arrive à son extrémité finale, c’est-à-dire qu’un peu chaotiquement on en est arrivé à savoir qui serait la reine, T’Challa et Nakia se regardent et sont incapables d’agir. Nakia retire son voile pour se montrer dans toute sa beauté, dans le fond, elle espère que T’Challa va se jeter sur elle pour la prendre comme un animal.
Dieu que ce film est bien écrit. Le geste de Nakia d'ôter son voile est un geste de révélation d'elle-même. Tout ce qu'elle vient de faire était esthétique, cela faisait partie du rituel de séduction. Elle a tout fait pour plaire à T'Challa, même le frapper et lui hurler dessus.
A la place, il se fige. Il est paralysé, Okoye et Shuri se moquent même de lui à ce sujet, inconscientes du fait que toute l’éducation, tous les conditionnements de T’Challa le mènent justement à être incapable d’agir à ce moment capital précis et que ce comportement est au cœur de tout individu. Il ressent son attirance pour Nakia comme une agression envers elle, il n’a plus aucun moyen de l’exprimer.
Elle attend qu'il retire son masque et l'embrasse en réponse à tout ce qu'elle vient de faire mais T'Challa ne peut pas accomplir l'acte symbolique final totalement absurde qui dirait qu'un homme peut encore surgir de derrière ce masque. Il ne peut pas prétendre qu'il est lui-même dans toute cette mascarade.
Sujet ultra-actuel s’il en est un. #Balance ton porc.
La croyance qu’il y a derrière ce rituel, c’est que les hommes devraient être d’abord soumis puis légitimés par une autorité féminine pour que leur libido soit acceptable. La manière dont T’Challa se fige englobe tout l’échec de la culture wakandienne. Le prince ne peut pas agir en fonction de ce qui fait de lui un homme alors qu’il évolue dans une culture où tout ce qui est associé à la virilité est pointé du doigt et qu’il est déguisé en vagin géant. (Chat, panthère = félins)
Étant entièrement soumis à l’autorité de la féminité, la moindre action qu’il puisse produire qui ne soit pas intégrée dans le spectre des comportements acceptables (donc marqués par la féminité) se voit automatiquement punie par conditionnement. Si T’Challa agit pour lui-même en fonction de ses ressentis d’homme, il sait que son comportement va poser problème.
T'Challa ne parvient pas à regarder Nakia dans les yeux quand il lui annonce qu'il est venu la chercher parce que son père est mort et qu'il a besoin d'elle dans ce moment difficile de son existence. (mort du père + intronisation).
Admettons qu’il soit interdit d’aller se baigner dans un lac et que T’Challa s’y jette pour faire quelques brasses. Nakia le voit, que se passe-t-il ? Il désobéit à l’ordre wakandien donc à la féminité et affirme un désir propre, donc doublement masculin. Elle est excitée sexuellement ce qui la met dans une position inconfortable puisqu’en tant que femme wakandienne, elle est censée être plus mature, plus responsable que lui. Les hommes faisaient la guerre, la déesse panthère les a menés à la paix. Elle veut se baigner avec lui, mais tout son rôle féminin lui indique qu’elle devrait le réprimander, le rappeler à l’ordre, le soumettre. Et une fois qu’elle sera parvenue à tout détruire de l’instant, elle admettra qu’elle est chaude comme la braise.
C’est ce qu’il se passe dans la première scène. T’Challa vient chercher Nakia, il prend une initiative, il assume son désir de la voir, il agit en adulte, elle le rabaisse, dévalorise tous ces comportements, déconstruit tout par réflexe alors que dans le fond, elle est super contente.
Pardonnez-moi un deuxième exemple, je trouve que ce discours est très important. Ce que fait Nakia et la culture Wakandaise au travers elle, c’est exactement comme une grand-mère qui garderait ses petits-enfants et qui toute la journée leur frapperait les mains à la cravache dès qu’ils veulent toucher à quelque chose dans sa maison, mais qui espèrerait profondément les voir se jeter sans sa permission, spontanément et avec enthousiasme sur le gâteau qu’elle leur a préparé pour le goûter.
Evidemment, à 16h, les enfants sont devenus des petits robots et ne trahissent pas le moindre signe d’enthousiasme vis-à-vis du gâteau. Ils ne savent d’ailleurs même plus s’ils en veulent ou pas, ou s’il leur est destiné. La grand-mère, qui a passé la journée à les frapper mais cela en accord avec un rôle auquel elle ne s’identifie pas, un rôle qu’elle considère comme une tâche extérieure à elle-même, la grand-mère est humiliée est malheureuse que ses petits-enfants se moquent de son gâteau et là, elle éclate de colère.
Nous arrivons au kidnappeur qui menace de tirer une balle dans la tête d’une otage. Cette conclusion est la conclusion des relations hommes/femmes wakandaises.
Je disais plus haut que la libido est la matière de tous les désirs. Or toutes les initiatives qu’il prend, toutes les actions utiles qu’il accomplit, l’homme wakandien en voit le mérite attribué à la féminité. S’il est capable de faire quelque chose de positif, c’est parce qu’il a été dompté par le Black Panther, lui-même habité par l’esprit de la déesse panthère. Sa vie psychologique quotidienne est investie par la féminité. Comment fait-il pour se construire une estime de lui-même dans cette situation ? Une identité ? Une individualité ? Il ne peut pas vraiment. Il peut se distinguer des autres hommes dans sa capacité à servir.
Évidemment, je ne parle que du cas d’un homme qui ne remet pas l’ordre en question, ce qu’ils font probablement tous (comme la tribu Jabaras), mais ça c’est une autre histoire.
L’homme wakandais ne peut pas se construire individuellement, il est privé de ses goûts, de son mérite, de ses talents au profit de valeurs féminines. Par conséquent, lorsqu’il cherche une partenaire sexuelle -nous remontons jusqu’au cœur de l’individu- il n’a rien à proposer, il n’est rien face à elle. Or sa libido étant sa pulsion la plus primordiale, elle ne va pas se laisser arrêter par une culture stupide et ainsi ceux qui n’ont pas trouvé une manière taboue ou secrète de contourner la loi wakandienne en arrivent au viol. Viol qui représentera leur naissance en tant qu’individu car c’est dans cet acte qu’ils suivront pour la première fois leurs désirs propres indépendamment de la loi wakandienne.
Cependant, T’Challa se trouve dans une situation encore plus démentielle puisqu’il incarne l’ultime enfant sage wakandien, celui qui répand et défend la loi du vagin. Pussyman. Lui qui est intégralement soumis à la féminité, lui qui est le bourreau émasculateur des derniers hommes qui tentent de s’affirmer et refusent d’avoir honte de leur sexualité, lui que l’on reconnait comme le mâle alpha, donc celui qui a justement droit d’accès à l’acte sexuel wakandais ; cet homme n’est plus capable de prendre la moindre initiative masculine, virile, liée à ses désirs car l’intégralité des pulsions qui pourraient le pousser à agir, à aller vers Nakia, sont marquées du sceau de l’agression et de la nocivité.
Discours ultra-actuel s’il en est un.
Un élément extrêmement important à comprendre est qu’en face de lui, Nakia épouse parfaitement cette aliénation. Pendant toute cette scène où il vient la délivrer, elle annule tous les comportements au travers desquels elle pourrait accepter son existence en tant qu’individu autonome au point qu’elle se construit au final comme obstacle total et absolu face auquel il n’a plus qu’une seule réponse possible –ayant écarté le viol– le meurtre.
Ainsi, à la fin de cette scène, la seule et unique manière dont T’Challa pourrait signifier à Nakia qu’il existe au-delà de l’influence de la déesse panthère, condition obligatoire à la valorisation de son amour pour elle, c’est en la tuant. Il veut lui dire "Je t'aime," elle lui indique qu'elle le désire également énormément mais elle l'empêche de dire "Je."
Évidemment, il ne le fait pas, et c’est Okoye qui le tue.
Okoye, sœur de Nakia, incarne la femme Wakandienne absolue. Elle est donc également très souvent utilisée pour décrire une part culturelle de Nakia en contradiction avec ses désirs individuels. Okoye met à mort l’individu en T’Challa. Et pourquoi ? Par dépis. Nakia n'a pas eu ce qu'elle voulait, et ben crève alors. Comme la grand-mère qui enguirlande ses petits-enfants qui n'osent pas toucher à son gâteau.
Ces morts métaphoriques dont je parle sont l'opposition de la possibilité de résoudre un problème en en parlant. Le tabou voire le refoulement du problème dans l'inconscient fait que la rébellion se fait sous forme violente et pulsionnelle. Viol, meurtre.
Ça finit moins bien que le prince qui tringle la princesse après le bal, n’est-ce pas ?
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Je pense que je vais m’arrêter ici pour ce premier article.
Black Panther a sauvé toutes ces femmes, mais ce sont Nakia et Okoye qui concluent l'incident. Et Okoye leur ordonne de ne jamais raconter ce qu'il vient de se passer. L'existence de Black Panther n'est pas secrète, alors de quoi ces femmes ne devraient-elles pas parler ? Du fait que des hommes se sont conduits sans l'approbation de Bast et qu'elles se sentaient toutes hyper excitées par leur initiative ?