Skyscraper: Sarah Sawyer est sur la liste de Zhao Long Ji (2900 mots)
----------Les Policiers-----------
Le premier élément à m’avoir fait penser à cette lecture alternative est en lien avec la nullité et l’inutilité des deux flics chinois (Wu et Han). Tout le long du film, deux enquêteurs vont soupçonner Will d’être impliqué dans l’incendie du building et la tentative d’enlèvement de Zhao Long Ji.
Le problème c’est que cette sous-intrigue n’a aucune raison d’être, aucune dynamique interne, ne débouche absolument sur rien et qu’en plus, les deux policiers se montrent particulièrement bêtes et passifs.
Au départ, ils veulent poser quelques questions à Will, ce qui est compréhensible et débouche sur une mini poursuite qui s’achève lorsque l’agent de sécurité handicapé exécute un saut de dingue d’une grue à l’intérieur du building. Il devient très vite flagrant que Will « n’a pas de plan » comme le souligne Sarah, et qu’il n’est donc impliqué dans aucune embrouille, mais déjà à la base, les policiers ne désirent que lui parler. Il n’y a pas d’accusation ni d’enjeu, ils veulent juste lui parler. Aussi, s’il leur venait à l’idée de l’accuser de quelque chose, Zhao Long, Sarah et les enfants pourraient simplement témoigner et l’innocenter. Cette sous-intrigue ne contient aucun enjeu.
Au-delà de ne représenter aucun danger et de n’avoir aucun impact sur ce qu’il se passe dans le building, les deux flics sont également particulièrement bêtes, ce qui rend leurs scènes assez désagréables. On sent qu’ils ne servent à rien. C’est cette bêtise qui m’a fait me dire « Ok, Sarah est dans le coup et ils le savent. »
Dans Tout l’Argent du monde, la police appelle Abigail Harris pour qu’elle identifie le corps de son fils de 18 ans. Lorsqu’elle le voit, il s’avère être celui d’un homme d’une quarantaine d’année. Les flics sont-ils débiles au point d’annoncer la mort de son enfant à une mère alors qu’ils n’ont aucune certitude ? Non. Ils testent Gail parce qu’ils savent que c’est elle qui a fait enlever son gosse et qu’elle ne risque pas de les croire quand ils lui annoncent qu’ils ont trouvé son cadavre. Ils veulent voir sa réaction.
C’est la même chose pour Sarah et les policiers dans Skyscraper. Ils font les crétins parce qu’ils savent qu’elle est impliquée et ils veulent lui soutirer un maximum d’informations pour l’incriminer.
L’élément qui m’en a convaincu, c’est ce passage où ils réfléchissent à l’emplacement où les terroristes pourraient bien atterrir avec leurs parachutes et que Sarah le leur indique. Elle cherche à s’innocenter en faisant avancer l’enquête mais en même temps, elle s’incrimine. La seconde d’avant, elle décrit un des terroristes de la sorte : accent scandinave, 1m80, musclé. Les policiers entrent les infos dans l’ordinateur et miracle, Korès Botha apparait parmi les huit premiers portraits proposés par l’ordinateur et Sarah l’identifie aussitôt. C’est ridicule. Wu et Han avaient déjà affiné la recherche auparavant. Ils savent parfaitement qui est Sarah et utilisent ce qu’ils savent sur elle pour la manipuler.
Autre exemple, les deux policiers ont un échange en chinois devant Sarah et disent des choses qui vont lui poser problème => Ils savent parfaitement qu’elle parle cette langue. Ainsi, elle les interrompt et leur dit qu’elle se souvient du logo ailé sur les valises des terroristes. Comme ils ne réagissent pas, elle donne le nom du Logo « Sirin. » Comme ils ne réagissent pas, elle dit « Look it up. » Elle pense ici que c’est son initiative qui lui fait apporter ces éléments, que les policiers ne se doutaient pas qu’elle pouvait les apporter et donc qu’ils ne la soupçonnent pas. Pourtant, le cas échéant, ne lui auraient-ils pas immédiatement demandé si elle avait remarqué quelque chose de suspect ?
Les deux inspecteurs veulent poser des questions à Will. Ils ne le feront jamais. Ils découvrent l’identité de Korès Botha. Cela ne servira à rien. Ils vont découvrir que les méchants veulent s’enfuir en parachute. A quoi ça va servir ? A rien. Sarah va même nous indiquer l’endroit inattendu où ils pourraient tous atterrir. Nous n’aurons pas l’occasion de vérifier la véracité de sa supposition, la scène finale se passe dans la sphère. Enfin, lorsque Wu s’approche de Will et lui parle pour la première fois, c’est structurellement inutile, sans enjeu, sans valeur émotionnelle et il lui dit seulement « Vous avez une belle famille. » C’est plat et nul. En réalité, ce qu’il se passe c’est que l’inspecteur renonce à arrêter Sarah parce qu’ils viennent tous d’être témoins de tout ce que Will est prêt à faire pour sa famille.
Et justement, le film n’est-il pas une démonstration de tout ce que Will (volonté) est prêt à faire pour celle-ci ? Les enjeux de l’histoire auraient été plus facilement accessibles si lui et Sarah avaient eu une sérieuse dispute au début, ou si, par exemple, il n’avait pas obtenu le job. En gros, s’il avait clairement eu quelque chose à prouver. D’ailleurs le fait que Sarah réponde à ses « je t’aime » par des « tu as intérêt » uniquement pour passer à « je t’aime » à la fin, indique qu’il y a un problème dans leur couple au début. Cependant, ce problème n’est pas explicitement développé.
-----------L’Emasculation-----------
L’histoire de Skyscraper est une exploration des conséquences de la construction d’un couple sur l’émasculation de l’homme.
La tour surmontée d’une sphère, c’est le phallus soumis à l’ovule. C’est l’idée d’un couple dans lequel tout ce que l’homme peut accomplir ne sert qu’à lui faire mériter son partenaire féminin. D’où les « Je t’aime » « Tu as intérêt » et la jambe amputée (Phallus détruit).
Les enfants deviennent des jumeaux (destruction de la temporalité). La fille se prend pour un garçon, surestime sa valeur et ses capacités. Le garçon ne sait plus ce qu’il est (Suffocation existentielle, recours à la ventoline).
L’intervention du début du film, le père qui se fait sauter avec sa famille, c’est la destruction de la figure paternelle justement. Will est témoin de la nocivité du rôle du père et construit sa famille autour de l’idée que la masculinité est nocive. Il s’exclut en tant qu’individu sexué et se maintient dans un rôle d’objet utile, d’outil. Et il construit d’ailleurs sa famille avec celle qui le soigne, celle qui vit des blessures des autres.
Ainsi, tout ce que Will peut accomplir aura pour but d’être digne de son épouse et c’est elle qui en aura le mérite. On le voit dans la scène où il se prépare pour son nouveau job. Il a besoin d’être rassuré sur absolument tout, Sarah lui demande de réparer son Iphone alors qu’elle sait le faire et elle va même jusqu’à lui apprendre quelques mots de chinois. Les premiers mots que Will doit prononcer devant son nouvel employeur ne sont pas les siens et souligneront éventuellement son assujettissement à sa femme. Il n’est qu’un perroquet.
Il y a donc un problème de circularité dans le couple Sarah/Will. Les enfants voient leur origine en leur maman et celui qui devrait les faire se tourner vers le monde est tourné vers elle. Pour exister en tant qu’individu au monde, ils doivent donc plaire à maman.
Je ne sais pas si je suis d’accord à 100% avec cette représentation des rôles parentaux mais en attendant, c’est la position du film.
Ainsi, dans la sphère en haut du building, il y a un réel dont il manque une dimension. Tout n’est plus qu’un écran (Vanité, narcissisme pathologique). Will se retrouve dans un paradis plat. Le paradis c’est la terre sans la capacité d’agir. Cette représentation est extrêmement intelligente mais je ne vais pas la creuser ici.
Il pèse donc une menace sur la famille de Will : ses enfants ne pourront pas s’épanouir normalement dans un tel environnement.
D’ailleurs, lorsque Sarah se bat avec Pierce au lieu de se laisser capturer pour protéger ses enfants, cela résulte en leur mise en danger immédiate. Ils sont à ce moment-là, dans le jardin d’Eden. L’endroit où Adam et Eve découvre la sexualité, et c’est le lieu psychologique où Henry et Georgia sont condamnés à rester tant que Will ne prendra pas sa place en tant qu’individu sexué dans son couple. C’est pour cela qu’il intervient à ce moment précis.
Henry est immédiatement sauvé mais pas Georgia. Pourquoi ? Parce que si le petit garçon a uniquement besoin que son père soit un homme, la petite fille a besoin que sa mère admette être sexuellement attirée par le père.
Pour dire les choses simplement, le père doit être tourné vers le monde mais attiré par la mère et la mère doit être tournée vers les enfants mais attirée par le père. C’est une vision traditionnelle qui a peut-être des alternatives, mais en tout cas, elle fonctionne et Skyscraper nous donne un exemple de problèmes liés à son non-respect.
Lorsque la mère n’admet pas son attirance pour le père, la petite fille reste enfermée dans sa relation avec elle et devient un double égocentrique = Georgia n’échappe à la sphère qui brûle que parce que Sarah accepte de reconnaître Will/réactive les jets (humidité = excitation sexuelle).
-------------Les Partenaires-------------
Le couple de Will et Sarah est construit sur l’abandon de la virilité de celui-ci. La réapparition de cette virilité le met donc en danger : le building prend feu et menace la structure entière.
Je parlais plus haut de l’enfermement de Georgia dans l’ovule mais à la fin du film il n’y a pas que Georgia dans la sphère. On y trouve également Will, Korès et Zhao.
Les trois hommes sont en rivalité métaphorique pour Sarah. Ben l’est également au début, mais le pauvre se fait bien manipuler et éliminer. Zhao Long Ji représente la réussite professionnelle/économique, l’impact maximal sur le monde. Korès est la virilité violente amorale qui prend ce qu’elle veut et veut ce qu’elle prend. Will doit trouver un moyen de tirer son épingle du jeu pour être l’élu.
Lorsque Korès menace de lâcher Georgia dans le vide. Il donne donc un moyen de la faire échapper à l’enfermement dans un rôle de double maternel, mais hélas ce moyen radical la détruirait = le père qui permet à la petite fille de se distinguer de la mère en tant qu’individu = c’est le viol incestueux. Zhao quant à lui, le père économique, ne pourrait pas sauver Georgia.
Reste Will qui va parvenir à réveiller la libido de Sarah, ce qui va sauver Georgia. (éteindre les flammes).
Il est donc logique (même si pas obligatoire) qu’au niveau littéral tous ces hommes aient un lien secret avec Sarah.
------------Fil conducteur et déroulement-------------
(Je sais que cette lecture ne fonctionne pas à 100%, il y a encore des trucs qui m’échappent) Au départ, Sarah est une taupe au FBI, criminelle au côté de Korès Botha. Elle est aussi, possiblement, la maîtresse de Ben, coéquipier de Will.
Zhao Long Ji commence à construire sa tour, est menacé par les triades, paye la somme qu’on lui demande tout en traçant l’argent. Argent qui arrive entre les mains de Sarah et l’incrimine sérieusement. Un agent du FBI qui reçoit de grosse somme des triades c’est louche.
Elle a donc besoin d’un moyen de récupérer la clef USB bizarre qui contient le traceur. Le plan est d’attendre la fin de la construction de la tour, de s’infiltrer dans la sécurité afin d’obtenir plans, codes d’accès et clefs secrètes afin de dérober l’objet. Pour se couvrir un peu plus, Sarah décide de se prendre un bouc émissaire sur lequel faire retomber toute l’affaire : Will. Ou peut-être la force-t-on, les triades n’auraient certainement pas de scrupule à lui demander de faire un tel sacrifice.
Elle prétend donc tomber amoureuse de l’agent handicapé et accepte de lui faire un enfant pour gagner sa confiance (Henry et Georgia sont des jumeaux, elle ne tombe enceinte qu’une fois). Si vous pensez qu’une femme ne peut pas faire ça, mon dieu vous êtes naïf : 50% des femmes font des gosses pour s’assurer que leur copain n’osera plus les quitter, pour s’assurer une situation, par narcissisme ou pour se divertir. Dans notre culture, les mères sont les premières à utiliser leurs enfants pour leurs intérêts. Le moins crédible dans cette hypothèse, c’est que Henry et Georgia ont dix ans pendant les événements du film et qu’il est plus difficile d’imaginer Sarah sacrifier dix ans de sa vie pour cette histoire de liste.
Mais donc, le plan arrive à terme. Sarah et Ben sont parvenus à obtenir que Will devienne l’agent de sécurité du building de Zhao Long Ji. Dans la première scène, l’épouse manipulatrice reporte son baiser final afin que celui-ci soit interrompu par l’arrivée de Ben à sa sortie de l’ascenseur. Elle veut énerver son amant pour qu’il ait moins de scrupule à trahir son pote. Il donne des tickets pour l’attraction nocturne avec les pandas à laquelle Sarah doit en vérité le rejoindre pour qu’ils s’enfuient ensemble (Je suppose).
Après l’échec du vol de la tablette, Ben parle à son employeur mystérieux au téléphone en chinois. Sarah parle chinois… Lorsqu’elle revient du zoo prématurément, Ben comprend qu’elle ne s’enfuira pas avec lui. Il sort son arme pour tuer Will, rival inattendu, qu’il n’aura pas la force de tuer puisque c’est son ami. Ses derniers mots ne sont pas « retrouve Sarah, protège-là » mais « Enfuis-toi. » Ben sait que Sarah ne représente pas le salut de Will.
A partir de là, le vent tourne. Sarah qui méprisait son époux et l’utilisait sans scrupule, réalise qu’elle s’est attachée à ses enfants, qu’elle n’est peut-être plus prête à tout lui infliger. Elle hésite.
De son côté, Will est dans le déni. C’est-à-dire qu’il sait ce qu’il se passe mais le refoule. Donc il n’en est pas conscient mais agit quand même en conséquence. Il va donc tout faire pour prouver sa valeur et son désir de conserver sa famille… et ça va fonctionner.
A la fin, Sarah peut laisser le gadget être détruit dans l’incendie avec Georgia, Will et Zhao, ce qui signifie la disparition de toute preuve ou témoin de ses activités criminelles, ou elle peut activer le système anti-incendie, sauver tout le monde et échouer dans sa mission… mais accepter sa fausse famille outil comme une véritable.
L’inspecteur Wu le constatera : « vous avez une belle famille. » Au début du film, Georgia, Henry, Will et Sarah n’en sont pas une. D'ailleurs, en sortant de l'hélicoptère, Will est terrifié de ne pas voir sa femme alors qu'il n'y a aucune raison qu'il soit inquiet. Il redoute qu'elle se soit enfuie.
------------Will Otage------------
Un autre élément que j’aime beaucoup, c’est l’addition de rebondissements ridicules lorsque Will livre Zhao à Botha. Sans trop entrer dans les détails il y a au moins quatre incohérences. Zhao accepte d’être livré à son ennemi. Personne n’est étonné qu’il parvienne à défaire ses liens et ait un flingue. Aucun des terroristes ne tire alors que Zhao menace Will. Depuis quand ils en ont quelque chose à faire de Will ? Puis notre bon papa reproche à l’entrepreneur chinois d’avoir suivi leur plan, mais d’une manière trop crédible ! Plan qui était débile au passage. Et enfin, Zhao s’avère être un super soldat qui massacre tout le monde sans problème alors que deux minutes plus tôt, il n’est pas fichu de tenir Will en joue sans se faire piquer son arme.
Cette scène est un ramassis de n’importe quoi et si je souligne tout ça, c’est parce que pour moi, il y a une simple explication. Korès Botha est un ex ou l’amant de Sarah et Zhao le sait. Ça peut sembler tiré par les cheveux mais c’est en vérité plutôt cohérent. Zhao connait le nom des criminels de sa liste, il sait donc probablement que Will est l’époux d’une ennemie (s’il a fait des recherches et a vu au-delà du nom de famille) et sait également que Korès Botha et Sarah se connaissent de par leurs fréquentations criminelles communes par exemple.
Zhao accepte donc d’être amené à Botha par Will, parce qu’il sait que l’homme représente une monnaie d’échange suffisante. Il menace le père de Georgia, et ne se trompe pas dans son initiative puisque le criminel ira jusqu’à menacer l’un de ses hommes en retour pour que celui-ci donne un parachute à Zhao. La remarque de Will à Zhao (« tu avais l’air sérieux quand tu m’as menacé ») prend donc plus de sens puisqu’effectivement, le propriétaire du building menace réellement notre héros. D’ailleurs, Will est très surpris quand Zhao finit par lui sauver la vie.
--------------Conclusion-------------
Contrairement à mes lectures alternatives habituelles, il manque à celle-ci l’élément final qui me fasse bien trancher. En effet, je ne peux pas dire qu’il y ait une preuve que Sarah n’est pas ce qu’elle prétend être. Tout fonctionne mieux si elle est sur la liste, tout a plus de cohérences et de sens, mais je dois bien avouer que je n’ai pas remarqué le petit détail qui empêche de croire en la lecture la plus évidente de l’histoire de manière péremptoire.
Un argument que je n'ai pas développé parce qu'il est assez vague, c'est que d'une manière générale, Sarah est largement trop compétente pour l'histoire. Elle est chirurgienne, se bat super bien, parle 50 langues, résout l'enquête pour les flics, bastonne la méchante asiate (qu'elle doit en réalité connaître) alors que la problématique va justement dans le sens de Will qui montre qu'il est important pour la famille.
Il faudra que je revois le film avec une traduction des dialogues en chinois pour voir 1-Ce qu’elle fait dire à Will à Zhao et surtout 2-Ce qui la fait réagir dans l’échange des deux policiers qu’elle n’est pas censée entendre.
Aussi, l'un des problèmes que j'ai eu en regardant le film, c'est le sentiment qu'il avait été raccourci, ce qui expliquerait le manque d'éléments. Il ne dure qu'1h30 et pour un film avec autant de personnages c'est très peu.