Call Me By Your Name: Oliver est un pervers manipulateur (10000 mots)
Oliver a une absence alors même qu'Elio et lui discutent de déclaration d'amour passionnée. C'est pas à Marzia que ça arriverait, elle serait très enthousiaste et attentive elle. Mais Marzia ne compte pas évidemment. Pourquoi ? Je ne sais pas... mais elle semble invisible aux yeux des critiques et des spectateurs. Une fille magnifique, enthousiaste, ouverte sexuellement, intelligente, sensible, rieuse et aimante c'est vraiment la dernière des choses qui peut intéresser un jeune homme de 17 ans. Oui je sais, Elio est homo. Gardons nos oeillères protectrices et politiquement correctes.
Il y a déjà un article sur Call Me By Your Name sur ce blog dans lequel j’essayais principalement de pointer du doigt les nombreux éléments qui suggèrent que l’histoire d’amour Elio/Oliver est fort peu crédible. Cet article, je l’ai réécrit intégralement deux fois en réalité et si j’en suis arrivé au final à choisir un objectif aussi humble -uniquement contredire l’histoire d’amour- c’est parce que le film était bien trop compliqué pour moi pour que je puisse vraiment prétendre expliquer ce qui se cache derrière le comportement des personnages.
A la base cependant, je m’étais davantage intéressé au personnage d'Oliver dont je trouvais le comportement très douteux. On m’a depuis demandé d’expliquer pourquoi je voyais en lui un pervers manipulateur, car c’est comme ça que je le vois, et c’est donc à cette idée que sera consacré ce nouvel article.
Le problème c’est que je ne saurais pas rigoureusement expliquer ce qu’est un pervers manipulateur (C’est une notion floue à la base et très galvaudée actuellement). Voici une liste d’indicateurs tirés d’un article sur le sujet :
Il culpabilise sa victime en inversant les rôles. Ne communique pas clairement, nie les évidences. A chaque personne ou situation un comportement différent. Il est armé de raisons logiques. Il critique et dévalorise. Fait passer ses messages par les autres. Divise pour mieux régner. Il se positionne en victime. Ignore les demandes. Change de sujet ou s'échappe. Il ment. Dit le faux pour connaître le vrai. Il est égocentrique. Obsédé par l'image sociale. S'énerve rarement. Ne tient pas compte des autres. Paroles opposées à ses attitudes. On parle de lui. Devient soudainement attentionné. Provoque un sentiment de non-liberté. Atteint ses objectifs aux dépens des autres. Fait perdre vos repères. Vampirise votre énergie. Froideur émotionnelle. Il vous fait du mal.
Un peu comme avec l’horoscope, on peut se dire que chacun de ces comportements malsains et nocifs peut être produit par une personne normale. Tout cela donne un peu une idée, mais en réalité ça ne sont pas tant les comportements qui comptent, mais la motivation derrière ceux-ci, le type de relation qu’ils mettent en place.
La meilleure manière dont je puisse dire les choses c’est qu’Oliver est un pervers narcissique parce que c’est un pervers narcissique.
Pour pouvoir réellement considérer cette idée il faut au préalable accepter deux choses qui font généralement obstacles :
-Lorsque l’on veut manipuler quelqu’un de la sorte, il faut prétendre que l’on comprend beaucoup moins que ce que l’on comprend en réalité. Si j’accuse Oliver d’être un manipulateur, je vais devoir constamment l’accuser de prétendre qu’il est spontané et naïf alors qu’il sait parfaitement ce qu’il fait et ce qu’il se passe.
-Elio est un jeune homme fragile. Peu de gens semblent le voir* mais il représente une cible de choix pour un manipulateur. Il a besoin de reconnaissance et d’approbation. Il est réellement jeune et fragile. C'est un mignon petit éphèbe, proie très appréciée du prédateur sexuel honteux.
*J'ai vu des articles incroyables, paradoxalement obsédés par les rôles sexuels, s'épancher sur la manière dont Elio serait le dominant macho de la relation.
Allons-y donc pour l’analyse. Je soulignerai certains des mécanismes malsains, conséquences typiques et techniques de manipulation que l'on peut remarquer dans chaque passage afin de bien faire sentir l'aspect constant de la manipulation car si Oliver est un pervers manipulateur, il ne fait pas de pause, c'est son fonctionnement psychologique :
-1- La Balade
– Vexation – Humiliation – Dévalorisation –
L’exemple qui est pour moi le plus magnifique et le plus révélateur se trouve au début du film vers 10min. Ce que j’adore dans ce passage c’est à quel point la manipulation y est invisible et anodine, mais c’est ce qui fait qu’elle me convainc justement en une seconde de la morbidité d’Oliver.
Elio lui a proposé de lui faire visiter la région à vélo (il doit lui montrer une banque). Ils sont assis sur la terrasse d’un café et discutent. Soudainement Oliver range ses affaires, se lève, retourne à son vélo et annonce « ok mon pote, merci pour le coup de main. » Elio remonte également sur son vélo et alors qu’il s’apprête à suivre Oliver, ce dernier le congédie d’un « A plus » nonchalant. Elio reste abasourdi.
Ce que je vois dans cette scène, c’est le sadisme typique d’un pervers narcissique qui joue au yoyo avec sa victime. Elio a proposé à Oliver de lui faire visiter la région. Il prend donc une initiative qui devrait lui valoir de la reconnaissance 1-d’Oliver, 2-de ses parents. En même temps, il doit certainement vouloir faire les choses correctement. Il est donc dans l’attente d’une forme d’approbation simple. J’y reviens.
A la terrasse, Oliver lui pose des questions personnelles et Elio reste très évasif et méfiant. Mais notre Américain, qui est très malin, lui trouve une faille. Il passe par le statut de « seul juif du village » pour amener le jeune homme à s’ouvrir un peu. Elio tombe dans le panneau et commence à parler de lui-même plus honnêtement, et c’est à ce moment-là qu’Oliver s‘exclame « ah c’est cool » tout en rangeant ses affaires genre « j’en ai rien à carrer de ce que tu dis. »
Elio, qui est encore en mode « guide » s’empresse de rejoindre son vélo. Il perd l’équilibre et Oliver doit le retenir. C’est une manière non-assumée d’Elio de se rappeler à son compagnon « je suis là, qu’est-ce que tu fais ? » Sinon, il serait parti en premier pour continuer à jouer les guides touristiques. Oliver démarre et plante Elio là, sans même lui avoir dit merci ni expliqué pourquoi leurs chemins se séparaient ici.
Ainsi, Elio encaisse plusieurs affronts :
=>Il voulait se rendre utile mais on lui fait sentir qu’il ne sert à rien et que son temps n'a pas suffisamment de valeur pour qu'on prenne la peine de le lui dire et de lui éviter de gâcher son après-midi.
=>Il parle de lui et hop ! Oliver perd tout intérêt pour la conversation et s’en va, sans avoir suffisamment de respect pour le lui annoncer au préalable. Il amène Elio à se sentir inintéressant, maladroit et ridicule.
La manière dont Oliver séduit puis humilie, va montrer une forme de gratitude tout en affichant un désintérêt et une indifférence totale, tout ça le rapproche du pervers narcissique.
Imaginez-vous dans la position d’Oliver. Vous êtes nourri et logé dans une villa magnifique, chez votre directeur de thèse. Tout le monde est gentil et accueillant. Le fiston qui a huit ans de moins que vous, vous emmène gentiment visiter la région à vélo. Vous allez évidemment montrer de la gratitude et de l’égard. S’il vous parle de sa vie, vous allez l’écouter même s’il s’avère être le gamin le plus ennuyeux de la terre. Et si vraiment vous avez besoin de faire un truc sans l’avoir sur le dos, vous allez lui expliquer gentiment et afficher votre gratitude en grandes lettres pour éviter de le blesser. Oliver se conduit non seulement comme un co***rd, mais surtout, il le fait subtilement comme si Elio ne devrait pas le prendre mal, comme s’il n’y avait pas de mauvaises intentions derrière tout ça et pas de raison de se froisser.
Elio se met à se demander si c’est lui qui se vexe pour rien. Ou si c’est parce qu’il aime la compagnie d’Oliver et qu’il déteste en être privé. Et il se demande aussi où ce dernier a bien pu aller.
Un seul exemple n’est cependant absolument pas suffisant pour affirmer qu’Oliver est un pervers manipulateur. Non seulement parce que c’est peu mais surtout parce que justement le pervers manipulateur parvient toujours à maintenir une ambiguïté. La proie qui tient absolument à se dire « non, il ne se moque pas de moi » aura toujours un moyen tout trouvé (mis en place par le pervers) de le croire innocent et la personne qui penche plus pour « c’est une ordure qui te veut du mal » devra toujours assumer d’en venir à cette conclusion alors qu’il n’y a pas de preuves réelles tangibles. (C'est un procédé similaire à celui que je décris dans mon article sur To the Bone.)
La preuve la plus rigoureuse qu’on a affaire à un pervers narcissique se situe dans cette ambiguïté constante « Est-il sincère ? Se moque-t-il de moi ? » dans cette paix inaccessible. Tout est toujours décevant, compliqué, blessant, vexant, humiliant. Rien ne se passe jamais aussi bien que la proie le désire. La victime du pervers manipulateur passe son temps dans le doute et à la poursuite d’une reconnaissance et d’une approbation qui se dérobent constamment à elle tout en paraissant à portée de main. Et bien sûr, le pervers ne se rend compte de rien (Alors que sa cible s'effondre psychologiquement de manière très visible) et trouve les considérations et craintes de son partenaire ridicules lorsque celui-ci tente de lui en parler.
Il n’y a jamais de preuve ultime ou d’aveux. Même pris la main dans le sac, le prédateur trouvera, peut-être pas un moyen de s’en sortir, mais une narration qui lui fait échapper au jugement qu’on tente d’effectuer de sa personne. Il s’attaquera aux valeurs et à la logique qui permettent de passer ce jugement. Si la proie lui dit « Tu m’as trompé, tu ne m’aimes pas. » Le pervers détruira le lien entre l’amour et la fidélité. Si la proie lui reproche d’avoir détruit quelque chose qui comptait pour elle, le pervers critiquera la validité du lien affectif « Comment je pouvais savoir que tu pouvais être si attachée à un vase aussi moche ? » La violence se situant dans le fait que non seulement le pervers connait parfaitement l’impact que ses actes cruels vont avoir, mais qu’il les produit dans le but précis de faire du mal et jubile ensuite de détruire la structure psychique qui permettait à sa proie de valoriser ce qui est détruit. L’objectif inconscient étant de faire table rase de tout ce qui forme l’individu en face de lui.
Prenons maintenant les choses dans l’ordre chronologique.
-2- L’Assoupissement
Le gémissement qu'Oliver pousse en voyant le lit est typiquement la comédie d'un manipulateur. C'est une mise en scène introductrice de ce qu'il sait parfaitement qu'il va faire. C'est la création d'une preuve rétro-active qui contrecarre la critique. Lorsqu'Elio va se sentir vexé par l'endormissement d'Oliver, il va repenser à ce gémissement et se dire "Ah oui, il était fatigué." C'est compliqué à expliquer, mais c'est le B.A. BA du manipulateur. Tu veux que la promenade soit courte sans avoir à l'avouer ? Cogne toi la jambe et pousse un gémissement bien distinct. Un enfants de huit ans produit ce genre de manipulation. La différence avec un adulte, c'est qu'on l'imagine moins capable de pareils enfantillages justement et que ses motivations sont généralement moins évidentes.
– Comédie – Affront – Intimité Forcée – Invasion –
Première interaction : Elio montre sa chambre à Oliver et lui explique qu’ils partagent la salle de bain et qu’il ne peut pas descendre sans passer par celle-ci, cela en fermant la porte donnant sur la pièce et indiquant de ce geste son désir de mettre une barrière, mais Oliver est déjà endormi sur le lit. Isolé, ce comportement est parfaitement anodin, sauf que dès le départ il met Elio dans la position de se sentir bête, inexistant, sans importance. Ce que le jeune homme explique à Oliver est important pour lui car la présence de l’étudiant le prive de son intimité. Elio essaye de protéger son espace vital et Oliver, de par son comportement, lui répond « je m’en fous », l’astuce se situant dans le fait qu’on ne peut pas s’imaginer qu’il le fait exprès. C’est ça la manipulation.
Immédiatement après, Elio se retrouve dans la situation qu’il voulait éviter : devoir utiliser la porte problématique. Cette considération peut paraître incroyable, mais c’est l’un des aspects du film à côté duquel beaucoup de spectateurs sont passés : Elio est un adolescent. Etre intimidé par un nouvel arrivant dans une maison, qui plus est un nouvel arrivant qui vient dormir dans ton lit, c’est normal pour un ados. Les comportements très initiateurs et osés du héros ont convaincus les spectateurs qu’il était mature pour son âge, en avance, prêt, mais les adolescents prennent tous des initiatives surprenantes, ce qui fait d’eux des ados c’est qu’ils sont encore très sensibles aux réponses qu’ils reçoivent, très influençables, très impressionnables et qu’ils n’ont pas conscience des risques qu’ils prennent pour eux-mêmes.
Ainsi, Elio a d’abord fermé la porte ostensiblement afin de montrer son désir d’intimité sans nécessairement ressentir fortement l’importance de ce geste. La « réaction » d’Oliver l’a fait se sentir bête, il se dit qu’il est trop méfiant, trop fermé. Une seconde plus tard, il se retrouve dans la salle de bain, appelé pour le repas du soir et bien conscient qu’Oliver dort encore et risque de le manquer parce qu’il est encore endormi. Il se trouve donc immédiatement dans une situation où il est parfaitement logique qu’il ouvre cette porte un instant après avoir voulu suggérer à Oliver qu’il ne fallait jamais l’ouvrir. Il contemple peut-être l’idée de faire le tour par le couloir mais l’idée est ridicule et Oliver atteint donc son but : Elio est le premier à utiliser cette porte et détruit donc lui-même la barrière qu’il avait lui-même hissé.
Le fait qu’Oliver ne réponde pas à l’appel de la cloche* force Elio à entrer dans sa chambre (après avoir crié*, « on nous appelle pour manger » et avoir frappé* à la porte) et à briser immédiatement cette barrière qu’il aurait probablement maintenue tout l’été si cela avait été possible, ou du moins jusqu’au moment où lui et Oliver seraient devenus plus proches. *Oliver fait encore semblant de dormir.
D’ailleurs, la manipulation ne fonctionne pas entièrement puisqu’Elio fait tomber un livre pour réveiller Oliver. Il évite le contact physique, qui serait assez osé à ce stade… mais justement, si Elio avait des pulsions homosexuelles, cette scène ne serait-elle pas celle où l’on constate sa fascination pour le corps masculin ? Si Oliver était une magnifique jeune femme, Elio n’aurait-il pas eu un instant de fascination devant cette belle endormie ? Une belle étudiante de 25 ans assoupie, évidemment qu’un jeune homme aurait un instant d'émerveillement. A la place, Elio réveille le nouvel arrivant sans hésitation.
Oliver explique qu’il ne veut pas aller manger et demande à son hôte de l’excuser auprès de ses parents. Le jeune homme accepte, l’étudiant le remercie. L’échange est terminé, Elio quitte la pièce sans hésitation pour ne pas gêner l’invité exténué. Cependant, Oliver l’interpelle à nouveau « Alors comme ça, c’est ton ancienne chambre. » Elio fait demi-tour, il est touché par l’attention et attend peut-être qu’Oliver lui pose une question sur la décoration, lui fasse un compliment ou montre un peu d’empathie : « ça ne te dérange pas que tes parents me permettent de m’y installer ? » A la place, il lui dit simplement « thanks » comme il le ferait si Elio lui avait apporté un verre d’eau et ajoute rapidement « A plus. »
Le timing de ce « Later » est vraiment important. Il vient un instant trop tôt pour être poli, un instant trop tôt pour ménager les sentiments d’Elio, qui se fige*, se sent bête et s’éclipse.
*(comme à la fin de la balade)
-3- L’Absence d’espace
– Fuite Impossible –
Je voudrais pointer ici un élément très sérieux : Elio ne peut pas échapper à l’étudiant américain. C’est le sens de toute cette introduction. Elio ne peut pas se retrancher dans un coin. Il ne peut pas éviter l’étudiant roi, il ne peut pas ignorer son existence. C’est très important, ses parents ne lui ont pas laissé le choix. Pourquoi Elio a-t-il écopé de la chambre qui passe par la salle de bain/les toilettes ? Pourquoi le priver de SA chambre ? Il ne faut pas sous-estimer cette destruction de l’espace intime du jeune homme, dès le départ.
On dit souvent aux parents qu’il ne faut pas s’inquiéter si leurs ados passent un temps monstrueux dans leur chambre à ne rien faire parce que l’adolescence est une période où les jeunes humains réfléchissent énormément pour se former. Il faut les laisser tranquille. Que font les parents d’Elio ? Ils font voler en éclat cet espace intime de formation de soi.
Aussi, il faut garder en tête que si Elio s’énervait contre Oliver, s’ils avaient une prise de tête importante, l’ados sait qu’il ne pourrait pas simplement éviter cet individu qu’il déteste. Non, il le croisera le soir même au moment de monter se coucher, ou le lendemain matin (toilettes). Ce n’est pas du tout une situation saine.
-4- L’Irrespect assumé
– Absence d’affects – Fausseté – Comédie – Provocation – Plaisir à être Désagréable – A Vexer – A Humilier –
Indépendamment de sa relation avec Elio, Oliver fait preuve d’un irrespect assez incroyable vis-à-vis des Perlman, irrespect sur lequel je ne vais pas trop m'attarder ici mais qui montre que notre étudiant n’a pas peur de se moquer effrontément des gens même si ça peut se retourner contre lui, ce qui est une des marques possibles d’un pervers manipulateur.
D’abord, il boycotte le premier repas qu’il est censé faire avec eux et qu’ils ont peut être préparé avec un soin particulier pour l’accueillir convenablement. Le lendemain, il se fait attendre pour le déjeuner. Il se conduit comme un roi reçu par ses sujets. Il est censé être l’étudiant du professeur Perlman je rappelle.
Il s’assoit volontairement à la place de la mère d’Elio au côté de son mari. Pensez à la situation: Le professeur Perlman est homosexuel et attiré par Oliver, qui s’assoit d’entrée à la place de son épouse. Oliver est bien conscient de la situation et s’en amuse. Les cigarettes et le journal d’Annella sont posés à sa place. Oliver n’est pas chez lui, c’est son premier repas avec les Perlman et il s’assoit sans prêter attention à la chaise qu’il prend ? Non. Il sait très bien ce qu’il fait et joue la comédie au moment de s'asseoir, comme pour lorsqu'il s'endort subitement.
Vient ensuite l’œuf à la coque qu’il pulvérise parce qu’il ne veut pas le manger. On lui en ressert un, il en déverse le contenu autour tout en prétendant adorer les œufs à la coque. Peu importe sa motivation à se conduire ainsi, il fait preuve d’une absence totale d’hésitation dans tous ces comportements que les Perlman pourraient trouver insultants. Il pose une question sur les arbres et montre un désintérêt évident pour la réponse qu’Annella lui donne en prétendant se régaler avec l’œuf.
Plus tard, on le verra humilier le professeur Perlman devant sa famille en le corrigeant sur une question étymologique et en concluant « on apprend ça en première année. » Il me semble que dire ça à un professeur qui a obtenu un doctorat et dont on est l'étudiant, c’est un poil osé.
On voit dans ces scènes la liberté avec laquelle Oliver se permet de se conduire vis-à-vis des gens. Il ne se soucie absolument pas d’être vexant, c'est typiquement l'attitude du pervers narcissique qui se délecte d'être extrêmement irrespectueux et insultant sur des choses insignifiantes pour lesquelles peu de gens oseraient s'énerver. "Vous dites que vous aimez les œufs mais en fait vous vous moquez de nous !"
-5- Le Bar
– Maître de son Image – Question Ignorée –
Vers 13m40 de film, Oliver et Elio vont dans un bar dans lequel Oliver joue aux cartes avec un groupe de vieux locaux. Impressionné et surpris (comme un ados timide), Elio demande « Comment tu connais cet endroit ? » . Il n’obtiendra aucune réponse, juste une mimique qui disqualifie la question. Cette absence de réponse c’est Oliver qui se mystifie, il amène Elio à lui attribuer des qualités magiques. Au lieu de voir « Oliver connaissait un vieux du coin qui lui a présenté ses potes » il voit « Oliver est populaire où qu’il aille. Personne ne lui résiste. »
Aussi, on peut voir dans cette absence de réponse un écho à l’absence d’explication de mon numéro 1. Oliver fausse compagnie à Elio et crée ainsi un mystère quant à l’endroit où il se rend. Il emmène ensuite dans ce bar le garçon qui peut alors se dire « ah ok, c’est là qu’il était allé » mais laisse immédiatement une autre interrogation en suspens. Ainsi, Oliver ne fait pas tomber Elio amoureux de lui, il construit méthodiquement une fascination qui prive le jeune homme de son jugement.
-6- "Le Médium est le massage" (Marshall MacLuhan)
– Invasion du Corps – Vexation – Fausse Spontanéité – Evidences Contredites – Innocence Prétendue – Maîtrise de son Image – Maîtrise des Sentiments et Emotions qu’il Provoque – Désorientation – Implication Efficace d’Autres Personnes dans la Manipulation – Flatterie Indirecte – Fausse Valorisation – Absence d’Implication Emotionnelle – Froideur – Maîtrise Chirurgicale du Comportement – Proie Acculée –
Dans la scène suivante, Oliver continue de construire cette image de personne irrésistible, cette fois parmi les jeunes de l’endroit et surtout les filles.
Pour l’instant je voudrais me concentrer sur l’histoire de massage. Elio tend une bouteille d’eau à un ami, Oliver la lui arrache des mains et prétend que c’est à lui qu’il l’apportait. Il en profite pour poser sa main sur l’épaule d’Elio et pour le masser d’une manière parfaitement inappropriée compte tenu de leur situation, différence d’âge, degré d’intimité etc…
Ce qu’il se passe ici est assez fascinant vraiment… j’ai déjà été confronté à des personnes manipulatrices à un niveau pathologique et avec le recul je dois avouer que la manière dont ces personnes parviennent à faire comprendre exactement ce qu’elles veulent et à faire émerger les sentiments qu’elles désirent en nous et malgré nous est tout bonnement incroyable.
Ici, Oliver dit à Elio « je te veux et ce que je veux, je le prends sans me soucier du reste. » Elio est la bouteille d’eau.
Le jeune homme est, de manière très compréhensible, parfaitement dégoûté par cette attitude d’appropriation de lui-même et il tente de se soustraire au touché de l’intrus. Mais Oliver le retient, le force et lui dit qu’il est trop tendu. Pour dissimuler la violence de son comportement, il appelle alors Marzia à la rescousse. La jeune femme qui est attirée par Elio va tomber dans le piège et confirmer la remarque d’Oliver « C’est vrai Elio, tu devrais te relaxer plus. »
Oliver s’éclipse immédiatement de son « later » débile.
Plus tard dans le film, Oliver prétendra que cet incident était une tentative d’approche maladroite dont il avait conclu qu’Elio n’était pas intéressé par lui. C’est un mensonge pur et simple.
Elio et Oliver vivent à une porte l’un de l’autre. Ils sont constamment dans l’intimité. Pourquoi faire une « tentative » en public ? Surtout une tentative si grossière et maladroite ? Et pourquoi une tentative au final ? Pourquoi ne pas simplement chercher à passer du temps avec lui ? C’est ça l’amour et l’affection. Ce n’est pas un mot sur lequel on écrit « J’ai envie de te faire le cul. »
Parce que c’est ça le message qu’Oliver envoie à Elio, il n’est pas question ici de sentiments ou d’intérêt, le massage signifie « tu m’attires, je te veux. » Non seulement, il n’y a rien de profond en jeu mais surtout Oliver ne laisse aucun doute sur ce qu’il veut. Marzia a des sentiments pour Elio et elle est attirée par lui, mais il ne lui viendrait pas de le lui signifier si crûment parce qu’elle veut que leurs ébats aient un sens.
Aussi, si Marzia proposait un massage à Elio, elle le lui proposerait, elle ne voudrait pas violer son espace vital. Et elle redouterait d’être rejetée. Oliver se conduit avec une confiance fascinante, non pas parce qu’il est confiant, mais parce qu’il n’a pas de sentiment justement, parce qu’il s’amuse et qu’il se moque bien de l’échec.
Ainsi, Elio se retrouve avec cette information : le nouvel étudiant de papa est attiré par moi. C’est en même temps troublant, effrayant et flatteur. C’est un type d’idée qui obsède et paralyse la pensée. Et surtout, en faisant intervenir Marzia et en s’éloignant avec son « later », Oliver fait comprendre à Elio que la balle est dans son camp.
C’est un élément extrêmement important. Oliver vient de faire sentir à Elio qu’il était attiré par lui et en même temps, vient de provoquer son propre rejet volontairement. Cela met Elio dans la position de se dire qu’il est maintenant entièrement en position de décider de ce qui va se passer entre eux. Tout en étant évidemment nécessairement incertain de la réalité de tout cela. Car il est impossible qu’un jeune homme comme Elio puisse être certain de l’attirance d’Oliver pour lui. C’est quelque chose de sidérant qui est encore difficile à concevoir.
Lorsque Marzia lui dit « Tu devrais te relaxer plus. » Elio lui jette un regard choqué et peut-être même dégoûté. Marzia ne comprend pas ce qu’elle vient de faire. C’est comme si le monde entier était peuplé de zombies qui voulaient dévorer Elio et qu’il réalisait qu’elle aussi se transformait.
Sa réponse à ça est de prendre la fuite.
S’ensuit un passage de latence dont Oliver est absent. Elio fuit le monde. Il se renferme sur lui-même et reste le pantin de ses parents (Ils le forcent à aimer Oliver dans une scène et le forcent à jouer du piano pour des invités dans la suivante).
On le voit avoir des difficultés à dormir la nuit et se mettre en position du fœtus. Cette position est toujours un signe de détresse important. Elio veut retourner dans le ventre de sa mère. Il veut qu’on le protège du monde qui est trop hostile et nocif. On est très loin de l’enthousiasme de l’adolescent qui fantasme sur les multiples possibilités qui s’offrent à lui en cet été.
-7- L’Invitation forcée
– Refus Ignoré – Absence d’Affect – Mensonge Frontal Assumé – Invasion de L’Intimité – Exhibitionnisme –
C’est au milieu de ce désespoir que réapparait Oliver. Elio passe ses journées enfermé et seul. Il a refusé d’aller se baigner avec ses amis. Il est allongé sur son lit et s‘apprête à se masturber quand soudain, Oliver frappe à la porte et entre immédiatement sans attendre qu’on l’y invite. Ce détail à lui seul prouve que la relation est extrêmement malsaine. On n’entre pas dans la chambre de quelqu’un, et encore moins d’un ados, sans y être invité.
Elio explique qu’il n’est pas allé se baigner à cause d’allergies. Ce qui annule toute possibilité d’aller se baigner avec quiconque. Oliver lui répond : « Moi aussi, probablement les mêmes. »
-Evidemment, dans le contexte de l’histoire homo, cette phrase peut être interprétée comme Elio et Oliver constatant leur absence d’attirance pour les femmes.-
Ce qu’elle me semble être en réalité, c’est un exemple frappant du pervers manipulateur qui ignore volontairement ce qui le gêne. « Tu as des allergies. Moi aussi. Allons-nous baigner. »
Ça ne veut strictement rien dire si ce n’est qu’Oliver disqualifie l’excuse d’Elio.
Le jeune homme demande « maintenant ? » Oliver lance « allons-y. » Elio répète « Vraiment ? On doit y aller maintenant ? » Oliver répond : « Je vais me changer. » Notez la manière dont Oliver ne répond pas « Oui. » Il ne demande pas non plus « Pourquoi ? Tu es occupé ? » comme il le fera plus tard dans le film quand ça n'aura plus d'importance.
Elio se jette sur son matelas violemment.
Encore une fois, l’histoire d’amour voudrait qu’Elio soit en train de fuir son attirance pour Oliver. Mais vraiment ça n’a rien à voir. Ce qu’il vient de se passer, c’est qu’Elio est devenu incapable de dire non à l’étudiant de son père.
Ça ne vous est jamais arrivé ados, d’avoir un ami ou un membre de votre famille qui vous forçait à faire des trucs alors que vous le trouviez absolument insupportable et que passer du temps avec lui vous était extrêmement désagréable ? C’est aussi simple que ça, Elio veut qu’Oliver le laisse tranquille mais l’autre vient le chercher jusque dans sa chambre pour aller se baigner. Comment refuser une simple baignade à une personne qui insiste autant ?
Surtout qu’il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’absence totale de prise en compte des réticences d’une personne. A aucun moment Oliver ne laisse à sa proie l’opportunité de penser qu’il va renoncer. Elio refuse plusieurs fois, il élève toutes les barrières qu’il se sent capable d’élever, Oliver refuse simplement de les prendre en compte.
Et hop, une seconde après, Elio entrevoit les fesses de son voisin. J’ai mis un certain temps à comprendre le sens que pouvait avoir ce coup d’œil aux fesses d’Oliver. Déjà, il faut remarquer que ce coup d’œil c’est surtout nous, le public, qui le donnons parce que hors champs, Elio est lui-même en train d’enfiler son maillot de bain. On le voit fesses nues au début du plan et il réapparait une seconde plus tard caleçon enfilé. S’il est homosexuel, il passe ici à côté d’une opportunité d’admirer le corps d’Oliver et d’exhiber le sien.
La problématique de cet incident je pense repose sur la confusion d’Elio quant au comportement qu’il doit avoir vis-à-vis d’Oliver. Oliver se conduit ici en hétéro qui se change sans trop de pudeur puisqu’ils sont entre hommes et qu’il n’y a donc pas d’attirance. Sauf qu’évidemment, rien n’est moins sûr et Elio se découvre une pudeur justement. Devant un ami masculin, il n’aurait probablement pas hésité à entrer nu dans la salle de bain, mais devant Oliver ça n’est plus possible. Tout comme Marzia lui demandera de se tourner alors qu’elle se déshabille avant leur bain de minuit. La pudeur est liée à l’excitation sexuelle. Il n’est pas exactement question d’être nu ou habillé mais d’accepter d’exciter une personne qui nous regarde. Ici, Oliver triche en utilisant l’excuse de l’hétérosexualité pour s’exhiber. Egalement, il pend ses maillots et caleçons sur tous les robinets ce qui oblige Elio à les toucher s’il veut se faire couler de l’eau.
-8- La Baignade
– Contrôle Psychologique – Invasion Psychologique – Menace –
Nous nous retrouvons donc à la baignade qu’Elio a tout fait pour éviter. Il porte ses lunettes de soleil (il n’a donc pas l’intention de nager ou de plonger) et son attention est tournée vers son livre de musique.
Je tiens à souligner ici que la réticence d’Elio a été interprétée par tous les spectateurs et critiques comme la honte de son homosexualité, la peur de ses désirs, ce qui est compréhensible mais rigoureusement absent du film. Il n’y a strictement rien de développé en lien avec le rejet de l’homosexualité, son bannissement de la société, la manière dont on humilie ou tabasse les homo etc… le seul élément de ce type, c’est l’excuse qu’Oliver trouve pour se débarrasser de son petit amant : « Mes parents ne comprendraient pas. » C’est tout et ça ne concerne pas Elio qui ne risque pas d’avoir été élevé dans le rejet de l’homosexualité puisque son père lui-même est homo.
Il faut donc bien admettre qu’il est plus probable que la réticence d’Elio vient d’autre chose et surtout, qu’elle est probablement honnête. Il ne fuit pas ses désirs honteux et non-assumés, il fuit un prédateur. Il aimerait réellement qu’on le laisse tranquille.
Alors qu’il fait des longueurs, Oliver parvient à obtenir un regard. Cette fois, il s’agit bien d’un regard orienté sexuellement. Elio se pose la question : pourrais-je être attiré par lui ? C’est seulement maintenant que cela arrive, après un martelage intensif.
Oliver saute sur l’occasion : « Qu’est-ce que tu fais ? A quoi tu penses ? » Il veut faire avouer à Elio qu’il vient de considérer avoir des rapports sexuels avec lui, mais celui-ci se défend encore « Je pense à ma musique. Je réfléchis. C’est privé. Je ne te le dirai pas » Oliver utilise alors une autre approche, il implique la mère d’Elio qui lui apporte immédiatement son aval.
Je ne veux pas ici creuser ce que signifie ce « Bon ben je vais aller avec ta mère alors » mais simplement souligner que la menace fonctionne. Elio sort de l’eau immédiatement et s’empresse d’écarter Oliver de sa mère.
Sans cette menace Elio restait dans son coin, comme il serait resté dans sa chambre si Oliver n'était pas venu l'en extraire contre son gré.
-9- Le Départ du jeu de séduction
– Résistance Principale Vaincue – Refus d’Offrir l’Approbation Libératrice –
A partir de cet instant, les dernières défenses d’Elio sont tombées. Il n’est pas parvenu à fuir Oliver, il va donc changer d’approche. S’il ne peut pas lui échapper alors il va le séduire. Et je ne parle absolument pas ici d’un changement conscient. Je parle d’un mécanisme de défense qui s’enclenche faute d’être parvenu à échapper à son prédateur. S’il parvient à séduire Oliver, il aura un contrôle sur lui, il pourra se protéger de lui et le premier pas dans la séduction, c’est de se faire croire qu’il a eu tort de le juger, qu’en réalité, il l’aime bien, que tout était un malentendu etc… on voit se revirement d'opinion dans les mots inscrits dans le journal intime d'Elio.
J’imagine bien que cette partie de ma réflexion est difficile à croire pourtant ce phénomène est extrêmement fréquent chez les humains. Nous sommes fragiles et une situation difficile peut facilement nous amener à nous voiler la face. Par exemple, une personne qui a des conditions de travail déplorable, des collègues insupportables, un patron qui la harcèle, aura tendance à relativiser, à s’accrocher à des détails insignifiants hors du contexte et elle réalisera le jour où elle change d’emploi qu’elle avait complètement altéré son sens des réalités afin de conserver une impression de dignité, de valeur et de normalité. Le même type de mécanisme est visible dans les collèges et les lycées où nos enfants sont platement traités comme des chiens tous les jours tout en devant supporter d’entendre qu’on les respecte. Inexorablement, leur perception d’eux-mêmes, du monde et de leurs rapports à autrui en sont affectés, mais ils ne sont pas conscients de la manière dont ils s’adaptent, sans quoi, ils ne pourraient pas le faire.
Lorsqu’un individu arrive au bout de ses limites, il se brise, il se modifie, il s’adapte de manière malsaine et aliénante. C’est ce que fait Elio lorsqu’il commence son entreprise de séduction d’Oliver.
Mais cette logique n’est pas si importante, ce que je cherche à analyser ici c’est le pervers narcissique qu’il essaye de séduire (erreur tragique évidemment).
Elio entre donc dans une logique d’approbation absolue de son être. Il a maintenant besoin qu’Oliver le reconnaisse en tant qu’individu. On le voit immédiatement lorsqu’il lui joue de la guitare puis du piano. Elio joue le morceau à sa façon pour qu’Oliver le complimente lui mais justement le pervers accepte d’écouter la musique uniquement si Elio la joue exactement dans sa version traditionnelle. Vaincu, le pianiste se soumet mais conclut « c’est le jeune Bach, il a dédié cette chanson à son frère. » Frère. Tout est encore une fois dit dans ce mot. Si Elio avait désiré Oliver, il aurait choisi un morceau dédié à un amant. Il tente encore une fois de mettre une barrière. « Tu as gagné, nous serons amis, proches, mais comme des frères. »
-10- La Thèse
– Absence d’Egard – Interaction Imposée – Fausse Gratitude – Vide Relationnel –
Dans cette scène, Oliver réveille Elio pour lui lire un passage de sa thèse. Ce qu’il faut voir dans ce passage c’est l’aspect forcé de leur relation.
Oliver réveille Elio sans scrupule. Il lui lit un passage d’une thèse incompréhensible et à laquelle le jeune homme ne risque pas de comprendre quelque chose. Elio fait un commentaire absolument insignifiant et Oliver répond « ça doit être la chose la plus gentille qu’on m’ait dit depuis des mois. » Un mensonge évident. (Oliver est populaire et doit se ramasser des compliments constamment).
Maintenant que la paix est déclarée, la relation devrait se développer, or ça ne fonctionne pas. Il n’y a rien entre eux. Ils s'ennuient ensemble. Oliver est obligé de forcer les choses.
-11- Le Bal
– Humiliation – Attaque Violente de L’Ego – Attaque Violente du Sentiment de Masculinité – Attaque Violente du Sentiment de Confiance en Soi – Innocence Prétendue – Naïveté, Inconscience, Absence d’Arrières Pensées Prétendues –
Lorsque l’on regarde le film pour la première fois, c’est ici que l’on devient convaincu qu’Oliver plait énormément à Elio. Et puis on apprend plus tard que Chiara est son ex (Ils se sont baignés nus ensemble). Oliver flirte effrontément avec l’ex d’Elio, sous ses yeux.
Vous pensez que c’est une coïncidence ? Comme je le disais au départ, pour attraper un pervers narcissique, il faut accepter à un moment donné que les coïncidences qui l’entourent n’en sont pas. Il faut mesurer avec précaution à quel point on est prêt à lui accorder le bénéfice du doute. C’est ainsi qu’on s’en sort, lorsque l’on dit : « Je ne te crois plus. Tu vas me dire que c’est un malentendu et que je suis injuste, mais à partir de cet instant je n’en ai plus rien à faire. Je n’ai plus confiance en toi et je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. » Couper les ponts avec un pervers narcissique passera toujours par accepter d’être le méchant, d’être injuste. Il n’y a pas de victoire finale grandiose ou d’explication finale au travers de laquelle tout devient clair. On est seul dans la relation, dans la sortie de la relation et la plaie reste ouverte jusqu'à ce que l'on soigne le manque d'affection qui nous avait fait tomber dans le piège d'un pervers manipulateur à la base.
Ici, la caméra se trouble : l’attaque fait son effet. Le flou, c’est Elio qui perd pied. Il rejoint Oliver sur la piste de danse… pour le copier.
Il n’est plus question de le séduire mais de faire comme lui, de devenir lui.
-12- La Journée à la plage
– Proposition de Paix Insensée – Lien Forcé de la Proie à son Prédateur –
Ici nous arrivons à un passage qui m’oblige à expliquer pourquoi j’avais abandonné cette analyse première dans laquelle je voyais Oliver comme un pervers manipulateur parfait qui se jouait de tout le monde.
Tout simplement, c’est parce que les parents d’Elio sont eux aussi malsains. Alors que j’explorais la manipulation d’Oliver, je me rendais compte que beaucoup de choses ne venaient pas de lui et je me trouvais dans l’impossibilité de vraiment trancher, de bien comprendre qui contrôlait qui dans cette histoire au final.
Si Call Me By Your Name n’était que l’histoire d’un prédateur et de sa proie, c’est Oliver qui inviterait Elio à la plage et l’imposerait à Papa Perlman dans le but de lui faire manquer son rendez-vous avec Marzia. Or, c’est Elio qui demande à venir, choqué et jaloux de voir que son père a invité Oliver.
Ainsi, ici, les choses deviennent très compliquées et dépassent largement l’influence d’Oliver sur Elio. Par exemple, on peut immédiatement voir que le père fait monter Oliver à l’avant de la voiture alors qu’il a toujours trouvé une excuse pour empêcher Elio de le faire, ce qui sidère son fils. C’est très violent.
Et c’est au cours de cette journée avec le père d’Elio que les deux jeunes hommes font la paix. Ils prennent un bain et on entend leurs prénoms résonner alors qu’ils sont hors champs. Les deux identités viennent de se rejoindre. Elio veut être absorbé par Oliver et Oliver veut dévorer Elio.
-13- Le Début de la relation « amoureuse. »
– Absence Torture – Confrontation au Sentiment d’Absence d’Importance Existentielle – Confrontation au Sentiment de Dépendance Existentielle – Obsession Programmée – Imprévisibilité – Destruction de toute Structure via cette Imprévisibilité – Fragmentation de l’Ego de la Proie – Vol de l’Identité – Suggestion Parentale Directe des Comportements – Etablissement d’un Faux Respect – Mascarade d’une Relation Sans Hiérarchie de Pouvoir – Mensonge – Torture Psychologique – Mise en Scène – Sadisme –
Et soudainement, pouf ! Oliver disparait. Le vélo est absent. La maison est vide. Les parents sont absents. Elio est laissé à lui-même. Il tourne en rond se triture l’esprit, s’ennuie. Oliver sait qu’il a fait une avancée et en profite immédiatement pour faire sentir son absence, pour se faire désirer, pour occuper l’esprit de l’ados.
Et puis soudain, pouf ! Elio l’entend revenir, il va voir au balcon, Oliver s’en va dans une autre direction. Toujours faire sentir à l’autre son indépendance, son indifférence, son désintérêt. Il aurait pu venir saluer son jeune ami, le prévenir chaleureusement qu’il était rentré mais non, bien au contraire, il veut lui faire sentir que lorsqu’il n’est pas en sa présence, Elio n’existe pas pour lui.
Une fois encore, ce qui me fait dire que l’on a affaire à un pervers narcissique c’est cette mesure précise des comportements qui fait qu’Elio n’est jamais en paix alors qu’Oliver ne fait rien de remarquablement décalé. Il a juste été absent sans donner de raison au moment où Elio pensait qu’il serait là, au moment où il pensait qu’ils allaient faire quelque chose ensemble.
C’est également ce jour-là qu’Elio s’imagine se faire sodomiser sur le lit d’Oliver. Le rapport sexuel entre dans la sphère des possibles. Il se met à quatre pattes et place le caleçon de l’étudiant sur son visage. Il y a évidemment dans ce geste un aspect sexuel. Il renifle l’odeur du sexe d’Oliver. Cependant le film ne nous montre pas Elio en train de sentir le vêtement comme Jean-Claude et Pierrot peuvent sentir la culotte de Jacqueline dans Les Valseuses. Elio enfile le caleçon sur sa tête, c’est-à-dire qu’il le porte comme une cagoule, comme un instrument qui permet d’effacer son identité. Lorsqu’il fantasme sur la sodomie, Elio l’imagine comme un effacement de lui-même au profit d’Oliver.
Je vais chercher trop loin n’est-ce pas ? Il est clair qu’un film qui s’appelle Call-Me-By-Your-Name n’a rien à voir avec une histoire de quête ou de vol d’identité. :p
Ensuite on a droit à la scène où M. Perlman et Annella lisent le passage d’un livre romantique à leur fils et qui s’avère être terriblement intrusif. Ils poussent « subtilement » Elio à faire une déclaration d’amour à Oliver. Lorsque leur fils s’approche de le faire, de répéter mot pour mot ce que ses parents lui ont suggéré, il introduit dans la conversation que l’un des personnages sent qu’il y a un piège quelque part.
A ce stade, Elio se fait emporter par les attentes des autres et n’offre pratiquement plus de résistance. Il est dépassé par la situation, ce qui est bien normal quand trois fous conjuguent leurs efforts pour obtenir de lui ce qu’ils veulent.
Lorsqu’Elio parle à Oliver de son sentiment qu’il y a un piège quelque part, nous pouvons voir le visage de ce dernier au premier plan, flou. Je pense qu’ici, pour la première fois, Oliver a une sorte de scrupule. Pour la première fois, il a une sorte d’hésitation à détruire ce qu’il trouve beau. Je pense que ce qui provoque cette absence, ou ce petit sursaut moral, c’est de constater que les parents d’Elio eux-mêmes se joignent à lui dans cette opération de destruction.
Cependant, cet instant de lucidité, ou de doute, ne l’empêchera pas de proposer à Elio de l’accompagner en ville dans l’après-midi.
Voici encore un délice de manipulation perverse atteignant des sommets de culot effronté.
Une fois encore, le mal n’est pas dans le comportement mais dans le décalage. Je disais au début de cette analyse que « tout est toujours décevant, compliqué, blessant, vexant, humiliant. Rien ne se passe jamais aussi bien que la proie le désire. La victime du pervers manipulateur passe son temps dans le doute et à la poursuite d’une reconnaissance et d’une approbation qui se dérobent constamment à elle tout en paraissant à portée de main. »
Pendant leur journée à la plage, Elio et Oliver se sont réconciliés ou ont décidé d’être amis peu importe. Elio s’attend à ce qu’Oliver lui propose donc d’aller faire un tour de vélo pour corriger l’affront qu’il lui avait fait subir lors de leur première balade par exemple. Ou il s’attend à ce que l’homme à qui il a proposé d’être comme des frères, lui montre sa considération. Elio attend, à juste titre, un acte symbolique qui valide cette évolution de leur relation vers quelque chose de plus amical, doux et possiblement sensuel (il faut se rappeler qu’Oliver a fait sa proposition depuis un moment déjà). Evidemment, Oliver disparait ce jour-là.
C’est uniquement le jour suivant que la scène a lieu. Oliver se montre respectueux et parle à Elio d’égal à égal pour la première fois. « Cet après-midi, je dois aller en ville. Si tu veux tu peux m’accompagner si tu n’es pas occupé. » La proposition est tellement ridicule qu’Elio se moque même de lui.
Cette amélioration des rapports entre les deux jeunes hommes est une mascarade et une illusion. Elle n’a lieu que parce qu’Elio a été vaincu. Quand Elio ne voulait pas passer de temps avec lui, il ne lui donnait pas le choix, maintenant qu’il ne demande que ça, Oliver prétend le lui laisser.
Rappelez-vous maintenant la mécanique d’éternelle vexation que j’ai décrite plus tôt sans la nommer : si la proie du pervers obtient une satisfaction, alors elle doit se prendre une nouvelle humiliation, vexation qui la remettra en position d’infériorité.
La victime du pervers narcissique doit être obsédée par lui sans quoi, elle reprend son indépendance. Elle doit donc être constamment troublée, blessée et anxieuse.
Que se passe-t-il donc ensuite ? Oliver fait admettre à Elio qu’il est attiré par lui, uniquement pour immédiatement lui mettre un vent, le laisser seul à se demander s’il va être rejeté, haï, méprisé, humilié, condamné, jugé, dénoncé. Oliver va à la poste ( ?) chercher son mémoire et ressort furieux parce qu’on aurait mélangé l’intégralité des pages non-numérotés. Il n’a plus qu’à tout retaper.
C’est bon ? Vous me suivez ? Personne n’a mélangé les feuilles du mémoire d’Oliver, il vient de le faire pour avoir une excuse pour éviter de donner une réponse à Elio le plus longtemps possible. Il pousse même le vice jusqu'à dire « je viens de perdre un après-midi ! » Ce qui relègue la déclaration d'Elio au stade de broutille insignifiante.
Ça s’appelle de la torture. Elio finit par conclure « j’aurais rien dû dire. » Oliver lui répond « Fait comme si tu n’avais rien dit. et blablabla, et il ne faut pas parler de ces choses-là, et c’est mal et dans cinq minutes on sera en train de s’embrasser et je le sais très bien mais il faut que tu sois convaincu d'être l'initiateur alors que je te dirige aussi facilement que mon vélo:
-14- Le Sexe
"Je t'interdis de me toucher les testicules ! Nan j'déconne... mais tu viendras pas t'plaindre des conséquences."
– Fausse Réticence – Fausse Passivité – Victoire Totale – Invasion de la Proie jusqu’au plus Profond de son Soi –
Ainsi, l’éternelle frustration continue sa dance. Oliver se soustrait encore et encore sans jamais offrir à Elio la paix que celui-ci poursuit désespérément. Au début c’était un « later » humiliant, puis un départ précipité, puis une copine volée et maintenant c’est le refus de s’offrir à lui. La vexation d’Elio a été subtilement déplacée au niveau sexuel mais c’est toujours la même chose que le jeune homme cherche. Il veut l’approbation de celui que tout le monde semble lui préférer, celui qui lui prend sa vie, celui qui le remplace dans le cœur de ses parents, de ses amis, de ses prétendantes. Il n’est pas question d’amour mais d’équilibre, d’estime de soi, d’identité. Elio pense qu’en couchant avec Oliver, il va tout récupérer et surtout lui-même. C’est un piège.
Il va montrer à Oliver son endroit secret, la source. Il expose le plus profond de lui-même et Oliver se refuse à lui, tout en l’encourageant « subtilement » si l’on peut dire. Je te dis qu’il ne faut pas, mais je te rends ton baiser. Je t’empêche de me toucher le sexe, mais je laisse ta main trente secondes avant de la retirer.
Oliver a parfaitement le contrôle de la situation et s’amuse juste à donner à Elio le sentiment qu’il est l’initiateur, qu’il est celui qui veut le plus. Ce qui le motive encore plus, puisque c’est maintenant blessant pour Elio de voir Oliver se refuser à lui.
-15- Le Saignement de nez.
– Invasion Physique (baisers) Manifestation Physique de Destruction (Sang) – Rejet –
Dans ma liste d’indices de sous-texte j’ai intitulé le numéro 10 : « l’intérioté blessée. »
Lorsqu’Elio se met à saigner du nez à table, c’est pour signifier qu’il commence sérieusement à être détruit intérieurement. Il s’est offert entièrement à Oliver, entier, pour justement être accepté en entier, recevoir une approbation intégrale de son être et il a été rejeté; gentiment, doucement, amicalement, parce qu’à ce stade il n’était pas nécessaire à Oliver d’être méchant: le simple fait de ne pas être sensible à ce qu’Elio offrait était destructeur.
Beaucoup de spectateurs ont cru qu’Oliver tentait de décourager Elio, c’est faux. Oliver joue les bons garçons qui ne veut pas pécher. Il ne dit jamais « je n’ai pas envie de toi, tu ne m’attires pas. Rien ne se passera entre toi et moi, » il se cache seulement derrière une morale de pacotille dont il sait qu’elle est sans effet sur Elio. Ainsi, en réalité, derrière les apparences, il l’encourage. Il lui fait sentir qu’il a envie, il lui suggère qu’il répondra à ses avances… pour finalement réellement lui mettre une crampe alors qu’Elio s’est offert à lui du plus profond de son être.
Et une fois ce rejet violent effectué, que fait-il ? Il revient vers Elio, lui masse et lui embrasse les pieds, comme si rien ne s’était passé.
On peut noter ici, un plaisir pervers à se rabaisser. C’est-à-dire qu’Oliver a totalement le dessus sur Elio, il contrôle parfaitement la situation, et ce qui l’amuse c’est de constater à quel point il est prêt à s’auto-humilier, à se rabaisser symboliquement pour rétablir un équilibre factice. Il vient de gravement blesser Elio ? Il lui embrasse les pieds, le gamin ne pourra jamais se dire que cet homme prend du plaisir à l'humilier alors qu'il s'abaisse à l'acte d'humilité par excellence.
-16- Nouvelle disparition subite
– Absence Torture – Manipulation – Dévalorisation – Désorientation –
Puis soudain, Pouf again ! Plus d’Oliver. Où il est ? On ne sait pas. Il ne pouvait pas dire à Elio où il allait ? Quitte à lui mentir ?
Et l’ados se retrouve à l’attendre comme un petit chien attend son maître.
C’est ça être victime d’un pervers manipulateur. C’est être dans la souffrance constante, dans l’anxiété, dans l’attente, dans la détresse, dans la peur que le couperet symbolique tombe finalement et annonce le verdict : « Tu croyais que tu avais de l’importance à mes yeux ? Tu rêves, tu n’es qu’une merde pour moi et par extension pour tout le monde puisque mon regard est synonyme du regard de tous. »
La première disparition d’Oliver était survenu après leur réconciliation et avait eu pour conséquence qu’Elio passe le cap du « j’ai envie de toi, » bien poussé par ses parents.
La seconde disparition d’Oliver fait revenir Marzia dans l’équation. Elio retourne vers son amie. Il lui offre un livre. Ils se parlent, ils font l’amour et Elio est content. C’est un constat un peu osé de ma part, mais pour moi cette manière de montrer leur relation signifie qu’Elio et Marzia ont une relation amoureuse normale mais qu’Elio ne sait pas la reconnaître. Ce qu’ils partagent, c’est ce qui motive deux jeunes personnes à décider de se mettre ensemble, mais Elio ne le sait pas. Il aime Marzia mais ne la pense pas importante. Alors qu’il n’aime pas Oliver mais pense que son approbation vaut celle d’un Dieu.
Le véritable amour ne peut être poursuivit qu’une fois l’individu formé et équilibré, Oliver fait régresser Elio à un stade d’immaturité individuel qui l’empêche de se tourner vers une relation amoureuse.
Note : Je trouve ça terriblement déprimant que tant de gens soient si prompts à voir l’amour dans la souffrance, le mensonge, le mystère et l’attente et incapables de le reconnaître quand la relation est évidente, concrète, simple, belle et joyeuse.
-17- Lettre d’amour ?
– Hypocrisie – Dévalorisation – Humiliation – Culpabilisation Indirecte –
Le film ne le souligne pas beaucoup mais Elio est donc maintenant un jeune homme qui a essayé d’obtenir les faveurs sexuelles d’un autre homme, de sept ans son ainé, qui juge ça immoral et mal, l’a rejeté et ne lui adresse maintenant plus la parole alors qu’ils étaient censés être amis.
Cette position psychologique pourrait extrêmement facilement pousser un ados au suicide. Je pèse mes mots. La honte, la culpabilité et le ridicule sont des sentiments qui peuvent facilement atteindre des proportions qui rendent la mort très désirable. L’idée que quelqu’un puisse posséder sur soi un secret aussi honteux est très dangereuse. « Et si Oliver raconte à tout le monde ce que j’ai fait !?! »
L’absence d’Oliver est donc d’autant plus insupportable pour Elio qu’il la vit comme un jugement porté sur son comportement. Encore une fois, n'allez pas vous imaginer que nous sommes face à une coïncidence malheureuse. Oliver sait qu'Elio pense que cette absence signifie une désapprobation voire un dégoût et il est absent exactement pour mettre Elio dans cette position. Ainsi, lorsqu'il réapparaîtra et lui dira "couchons ensemble" le jeune homme s'empressera de dire "oui" par soulagement et par gratitude. Comment pourrait-il dire "non" alors qu'il a tout déclenché ? On peut voir dans le mot qu’il rédige, non pas son amour mais justement le point auquel il n’est pas question d’amour :
« S’il te plait ne m’évite pas. Ça me tue. Je ne supporte pas l’idée que tu puisses me haïr. Ton silence me tue. Je préfèrerais mourir immédiatement que de savoir que tu me hais. Je suis une telle fiotte. »
« Tu me manques » « Je t’aime comme un fou » « je veux être dans tes bras » « je veux t’embrasser à nouveau. » « Je veux passer du temps avec toi. » « Retournons faire du vélo. » « Pardonne-moi et soyons amis. » Non non, rien de tout ça. Juste la peur du jugement.
Tout ce qu’Elio écrit est directement relié à une idée de jugement. => Ne m’évite pas, ne sois pas silencieux, ne me hais pas.
Ce mot, il va le corriger parce qu’il le trouve exagéré. A la place, il va écrire : « je ne supporte pas ton silence. J’ai besoin de te parler. » Toujours rien de sentimental. Ce mot représente un exploit de contrôle de soi pour un adulte, mais pour un ados c’est miraculeux de maturité.
Oliver lui répondra : « Grandis ! Je te verrai à minuit. »
On est une fois encore devant la réponse typique du pervers manipulateur. L’intensité de la tension intérieure d’Elio doit être gigantesque, et Oliver le sait, pourtant il se permet de le tacler.
Un homme de 25 ans peut-il reprocher au gamin de 17 avec lequel il flirte d’être immature ? N’est-ce pas l’incarnation de l’hypocrisie ? Ça l’est. Et pourtant Oliver ose le faire.
-18- La Montre
– Obsession Programmée – Vol de l’Esprit – Fragmentation du Soi de la Proie –
Dans le cinéma, les montres sont très souvent utilisées pour parler de la libido masculine ou du sexe masculin. Par exemple, si un homme dit que sa montre ne fonctionne plus, c’est qu’il n’a plus de libido ou qu’il est impuissant. Ici, le rendez-vous avec Oliver fait qu’Elio va surveiller sa montre absolument toute la journée alors qu’il va réellement faire l’amour avec Marzia pour la première fois. C’est monstrueux. Elle va faire l’amour avec l’homme qu’elle aime pour la première fois alors qu’il est mentalement absent. On pourrait se dire que c’est parce qu’il est amoureux d’Oliver justement, mais dans ce cas, pourquoi avoir une histoire avec Marzia ?
La réalité c’est qu’il est en train de construire quelque chose avec Marzia parce qu’il perçoit sa relation avec Oliver comme étant d’un type totalement différent. Il cherche à obtenir quelque chose d’Oliver qui le délivrera de son emprise et peut donc espérer ensuite se mettre avec Marzia.
L’obsession pour la montre indique qu’Elio est totalement prisonnier de sa relation avec l’étudiant de son père. Nous sommes toujours dans la manipulation du pervers narcissique qui parvient à investir l’esprit de sa victime.
-19- Le Rapport sexuel
– Absence d’Empathie – Froideur – Culpabilisation – Responsabilisation de la Proie – Déresponsabilisation du Prédateur – Isolation Psychologique – Absence de Bienveillance – Absence d’Inquiétude – Traitement d’Egal à Egal Quand les Deux Individus ne Sont pas du Tout à Egalité –
Le lendemain de leurs ébats Elio est fermé. Il est en colère. Quelque chose ne va pas. Oliver lui demande s’il lui en veut. Évidemment, après toutes les initiatives qu’il a prise pour en arriver là, Elio n’oserait jamais rejeter la faute sur Oliver… il aurait pourtant raison. Oliver a magnifiquement manœuvré.
Ils se baignent, Elio veut se laver.. à distance d'Oliver. C'est un acte symbolique fort. Il se sent sale, comme après avoir été abusé sexuellement. Il est inutile de chercher à trop dramatiser mais en tout cas, on est loin des cotillons.
Soudainement, pour rassurer le jeune homme, il lui fait une courte fellation. Sans doute pour lui prouver qu’il peut toujours avoir une érection, ce qui suggère qu’Elio a rencontré des difficultés à être excité sexuellement la veille. Ici, il faut noter l’absence de douceur ou de sensualité. L’acte est direct et brutal, il sort de nulle-part. C’est un comportement typique de pervers manipulateur. Il produit un comportement sans émotion ni affect uniquement pour obtenir un résultat. Il s’étonne même de lui-même juste après.
Cette fellation joue le même rôle que les baisers sur les pieds. Leur rapport sexuel a donné à Elio le sentiment d'avoir été utilisé, sali, rabaissé ? Oliver se met en position d'outil sexuel de façon assumé: "Tu vois, il n'y a rien de dégradant à être utilisé par l'autre !" Sauf qu'évidemment, l'équivalance est totalement fausse.
-20- Mensonge suivant
– Mensonge – Frustration – Vexation –
Dans la rue, lorsqu’Elio demande « Es-tu content que je sois venu » et qu’Oliver lui répond « Je t’embrasserais si je le pouvais, » il peut largement l’embrasser s’il le veut. Ils se tenaient la main une seconde avant. Beaucoup d’amoureux hétéros se mettent à l’écart pour s’embrasser, par pudeur. Il n’y a pas de menace ou de danger qui pèse sur Elio et Oliver. Ce dernier veut juste, encore une fois, frustrer Elio pour le maintenir sous son contrôle.
-21- Saloperie suivante
L'image de Soi d'Elio se dégrade à vue d'oeil, heureusement Oliver est là pour... en rajouter une couche.
– Perversion – Disqualification de toute Forme de Désaccord – Effondrement Psychologique de la Proie – Vampirisation de son Energie – Absence d’Inquiétude – Absence de Bienveillance – Absence d’Empathie –
Elio se masturbe dans un fruit. La masturbation permet d’explorer ses désirs et fantasmes propres. Qui nous dit qu’Elio ne s’est pas masturbé en pensant à Marzia ?
Oliver le rejoint et lui fait immédiatement une fellation. Il a donc assimilé que ses baisers n’excitaient pas Elio (Même si dans le cas présent, Elio vient de toute façon de se masturber). Pourtant les baisers de Marzia excitent Elio eux. C’est pas un peu glauque qu’Elio et Oliver continuent d’avoir des rapports sexuels alors que clairement Elio est largement plus facilement excité par sa copine de sexe féminin que par son amant masculin ?
Ici, l’acte pervers sera de goûter le sperme d’Elio alors même que celui-ci s’y oppose aussi fermement qu’il le peut, ce qui pour moi confirme qu’Elio ne s’est pas masturbé en pensant à Oliver. Ce comportement peut paraître insignifiant, en attendant Elio s’effondre immédiatement après le crime perpétré. « Pourquoi tu me fais ça !?! » et il fond en larmes vaincu.
J’imagine ici encore que beaucoup de critiques et spectateurs ont voulus voir dans cette scène le désespoir de l’homosexuel qui n’assume pas… même si quelques scènes auparavant Elio assumait parfaitement de désirer Oliver.
-22- Relecture du passé
Mais bien sûr, on y croit. C'est sûr qu'Oliver a prouvé qu'il était un grand timide hésitant qui faisait attention à ce que pouvait ressentir, penser ou vouloir les autres. Pensez à son comportement vis-à-vis de Chiara.
– Mensonge – Recréation d’un Réel –
Alors qu’ils ont tous les deux ce qui se rapproche d’une conversation d’Adieu, Oliver a l’opportunité de réécrire le récit de leur « flirt. » Soudain, son massage autoritaire et agressif devient une tentative ratée de signifier à Elio qu’il l’aimait bien. Comme si l’américain pouvait être aussi maladroit, ou abandonner ses désirs après un simple malentendu.
Et ses escapades mystérieuses, ses absences nocturnes ? Oh, il allait juste observer les étoiles, romantique qu’il est. On y croit. C’est bien commode de raconter tout ça à Elio la veille de son départ, ça lui évitera d’avoir à prouver ses dires ou de devoir arrêter d’aller voir ses autres amants.
A noter, les pervers narcissiques sont décrits comme des personnes qui croient leurs propres mensonges et se conduisent en fonction de ce réel fabriqué. Il est donc possible qu’à ce moment-là, Oliver puisse mentir à Elio sans pour autant faire la différence.
-23- Le voyage
– Mensonge – Torture Psychologique – Sadisme – Refus de Donner l’Approbation – Manifestation Physique de l’Ecœurement que Ressent Elio pour Oliver –
Bonus final, les Perlman offrent leur enfant en sacrifice à notre bel étudiant.
Indice de manipulateur => Chiara vient lui dire au revoir mais est en retard. Est-ce que ça ne serait pas elle qu’il rejoignait régulièrement ? L'a-t-il manipulée exactement comme Elio ?
Ce dernier voyage devrait être le témoin de l’entente entre nos deux « amoureux. » Or, il montre encore et toujours le même mécanisme. Elio s’effondre en tant qu’individu pendant qu’Oliver s’amuse à l’humilier.
Dans la rue la nuit, Oliver répète l'instant dans la ruelle où il avait dit à son amant « Je t’embrasserais si je le pouvais. » D’un mouvement de la tête, il invite Elio à se rapprocher, il va l’embrasser. Elio ferme les yeux, ouvre la bouche pour recevoir le baiser… qu’Oliver interrompt parce qu’il a entendu quelque chose. Pervers manipulateur.
Revoilà donc Elio à la poursuite de son baiser. Oliver invite ensuite une femme à danser, flirte avec elle sous les yeux de son jeune amant et lui demande de traduire leurs paroles: « aide-moi à te tromper. » C’est de la perversion, du plaisir cruel à torturer.
Elio vomit. Puis obtient son baiser après s’être rincé la bouche. L'image se trouble, Elio est finalement vampirisé.
Dans la ruelle, dans la montagne, sur la piste de danse, on voit Elio imiter les gestes d'Oliver, il est peu à peu devenu une copie.
Après cette soirée, dans la chambre, le film nous offre un long plan sur Oliver qui admire son jeune amant. Je pense qu'à ce stade, il ressent de la culpabilité parce qu'il est allé au bout du mal qu'il pouvait faire à Elio. Le but atteint lui fait faire un bilan et regarder en face pendant quelques instants à quel point il est monstrueux.
A la gare, Elio le prend dans ses bras, Oliver reçoit cette étreinte pleine de détresse comme celle que lui donnerait un enfant de huit ans. Par la fenêtre, il a le regard fuyant de celui qui a honte de ce qu’il a fait. Pas d’envoi de baisers, pas de « je t’aime » sur les lèvres, juste la honte et l’incapacité à regarder l’autre dans les yeux.
-24- La Fin
– Coup de Grâce Final – Révélation que Tout était Faux –
De retour chez lui, Elio s’effondre. Sa relation avec Marzia est fichue. Non pas parce qu’elle le rejette, mais parce que lui ne peut plus revenir vers elle. Il s’isole, l’hiver (solitude) envahit tout. Oliver appelle et annonce qu’il se marie, et qu’il savait qu’il allait se marier depuis le début.
Coup de grâce délicieux. « Tu m’as tout donné et je t’ai tout pris, et sache maintenant qu’à aucun moment je n’ai été honnête avec toi. J’ai absolument tout obtenu de toi sans jamais à aucun moment croire que notre relation pourrait déboucher sur quelque chose. Je t’ai entièrement utilisé. Salut. Et si tu veux, tu peux venir à mon mariage, et je peux te donner des photos de moi en train de coucher avec ma femme. Et des photos de moi avec les hommes avec qui je la tromperai. Ça te va ? Combien d’années tes parents ont-ils besoin que je te torture psychologiquement ? Allez salut Elio… euh Oliver j’veux dire. »