Admettre la morbidité et la nocivité de Dragon Ball Z
Edit 2021: J'ai vraiment été trop rigoureux, mesuré et gentil dans cet article, jusqu'à la lâcheté. alors voici un résumé moins rigoureux, moins mesuré et moins gentil:
Dragon Ball Z encourage les gosses à se sentir valeureux, divins, dans l'absence de valeur la plus crasse. Cette série inspire un orgueil ridicule qui est celui de croire que la médiocrité totale est en fait le chemin de la valeur absolue. Pire, cette médiocrité donc perçue paradoxalement comme valeur, légitimise l'aggression de tout ce qui blesse l'égo, de tout ce qui fait se sentir inférieur, de tout ce que l'on sait, au fond, avoir une véritable valeur. En gros, c'est un dessin animé destiné aux gosses qui se sentent mal et qui leur dit: "tu trouveras une valeur dans la violence et dans l'aggression" et qui vont-ils aggresser ? : Les pauvres gosses qui ont le malheur de ne pas aller trop mal. Les pauvres gosses qui ont le malheur d'avoir des qualités, des talents, et qu'on va forcer à vivre dans une culture où on apprend à ceux qui souffrent et se sentent sans valeur, qu'ils peuvent en vouloir aux autres pour se soulager et que plutôt que d'effectuer un difficile et injuste mais réaliste travail sur eux-mêmes ils devraient plutôt s'en prendre à ceux dont le bien-être relatif les gêne et les rend jaloux.
Bref, Dragon Ball Z c'est de la merde nocive qui inspire un orgueil catastrophique à ses spectateurs et leur indique le chemin du parfait petit consommateur, celui qui fait tout pour se croire mieux que les autres, tout sauf faire un travail de fond sur lui-même, devenir courageux, sensible, intelligent, fort, talentueux etc... "non, la valeur n'est pas un attribut autonome, c'est quelque chose qui dépend des autres. Si tu es le premier de la course, tu as une valeur, si tu es le dernier, tu es un nul. La valeur s'obtient en écrasant, en rabaissant, en s'oubliant à l'intérieur d'une tâche, d'un défi ou d'une quête de domination, pas en se confrontant à soi-même et à la vie."
Bref. J'emmerde Dragon Ball Z et tous les crétins adultes qui osent encore en parler en termes positifs ou partager cette merde avec leurs pauvres petits garçons.
Voilàààà, bonne journée. :)
Article d'origine:
Je ne me souviens plus exactement du nom des émissions de dessins animés que je regardais lorsque j’étais enfant et à l’époque, je sais que j’étais incapable de retenir leurs horaires de toute façon. Ça cartoon me revient à l’esprit mais je ne regardais pas l’émission systématiquement et je sais que j’ai très rarement croisé le club Dorothée, dont les membres m’agaçaient.
Principalement, les dessins animés qui ont bercé mes années de primaire et début de collège sont Tom Sawyer, Droopy, Tortues Ninja, Batman, Denver, Tom et Jerry, Bip Bip et le Coyote, Titi et Gros minet et les Tex Avery. Goldorak également, un poil Albator, Ulysse 31. Bien d’autres mais de manière moins mémorable.
J’ai également vu une dizaine d’épisodes de Dragon Ball Z, je m’en souviens parfaitement, ils étaient tous centrés sur le combat avec Freezer et ses cinq transformations.
90% des garçons étaient fans de Dragon Ball Z à l’école et mes parents n’aimaient pas que je regarde ce dessin-animé parce qu’ils le trouvaient stupide et violent. Je dis bien « n’aimaient pas, » il n’y a jamais eu d’interdiction, de menace ou de punition, il était juste clair qu’ils trouvaient ce dessin animé nase et malsain.
Évidemment, je crevais d’envie de le regarder et le peu que j’avais vu, sans m’avoir totalement rendu fan, ne m’avait pas particulièrement déplu non plus. Je voulais voir si Sangoku allait vaincre Freezer ou non. Je trouvais l’ensemble très lent et les monologues intérieurs assez monotones, en fait j’avais l’impression de regarder un Dallas/Plus Belle la Vie d’action pour enfant. (Même si PBLV n’existait pas à l’époque évidemment).
Le fanatisme qui entoure ce dessin animé et son manga est gigantesque et la violence de ceux-ci a vite eu fait de soulever des problèmes et des questionnements lors de la diffusion des dessins animés entre 1989-1996. J’avais entre 6 et 13 ans, j’étais exactement à l’âge concerné par le tumulte.
Récemment, la sortie du jeu Dragon Ball FighterZ dont l’esthétique m’a bluffé et replongé dans cet univers que je ne connais toujours que partiellement ainsi que les régulières allusions de divers youtubers français à leur amour pour la série m’ont amené à un constat que je n’avais jamais fait auparavant : J’en ai absolument ras-le-bol de tous ces nostalgiques fascinés de plus de trente balais qui continuent de parler de cet animé comme si c’était le Graal et surtout qui, à aucun moment, n’approchent de réaliser que peut-être, montrer ça à des gosses c’était un peu maladroit et irresponsable.
Alors, avant de vous braquer et de croire que je viens faire le moralisateur indigné pour deux pif paf et me mêler de ce qui ne me regarde pas, laissez-moi préciser plusieurs choses. Déjà, ce n’est pas d’un point de vue moral que DBZ me pose problème. Ensuite, ce n’est pas non plus une question d’âmes sensibles qui pourraient être choquées par la violence dont il va être question. Le problème que me pose DBZ est plus profond.
Pendant longtemps, les souffrances que j’ai enduré à cause de cette série m’ont maintenu à cheval entre deux opinions : Je voulais la détester, la trouver bête, vide et nulle mais j’avais également envie de la voir pour en finir et peut-être admettre que je souffrais juste de ne pas l’avoir vu, que j’étais de mauvaise foi.
DBZ en DVD coutant une fortune, et ma curiosité n’étant pas si grande que ça, il me semble que ça n’est que vers mes 27 ans que j’ai fini par prendre la peine de faire des recherches sur internet pour voir la suite des épisodes qui avaient attisé ma curiosité. Je suis donc allé jusqu’à l’explosion d’une planète à la fin du combat avec Freezer et je dû admettre que c’était mieux que ce que je pensais tout en étant également assez creux. Cependant réellement, je comprenais et comprends l’engouement des jeunes garçons et amateurs. La longueur du combat avec Freezer ne le rendait pas réellement monotone*** et surtout réussissait réellement à indéfiniment faire grandir le sentiment d’enjeu, de menace, de tension etc… je comprends pourquoi les gosses devenaient accros.
***Edit 2021. J'ai oublié de préciser un détail hilarant en écrivant ce passage: je n'ai fait que survoler les épisodes. J'accélérais sans arrêt. A force de vouloir être de bonne foi j'ai omis le fait que si je me les étais tapés dans leur intégralité je me serais probablement tiré une balle au troisième.
Mais c’est justement là qu’est le problème : Dragon Ball Z n’est pas un mauvais dessin animé et débattre de sa qualité ou de son intelligence n’a pas de sens dans le contexte de cette critique, ni même de sa violence visuelle. Le problème de Dragon Ball Z est spécifique à l’œuvre en elle-même.
La violence de ce dessin animé n’est pas dans ses coups de poings et ses personnages morts qui vont au paradis, la violence de Dragon Ball Z se situe dans son pouvoir de fascination absolument titanesque ainsi que dans son pouvoir addictif.
Une des seules scènes de la série Saw qui m’ait choqué se situe au début de Saw 4 ou 5, on y voit un groupe de personnes toutes attachées par le cou qui doivent tirer sur la corde qui les retient afin d’attraper une clef à quelques mètres devant eux. Lorsqu’ils tirent sur leur corde, ils maintiennent en même temps les autres bloqués dans leur position. La dernière personne restée prisonnière, donc la plus faible, se fait trancher la tête.
Cette scène, dans la pureté et la simplicité impitoyable de son concept m’avait traumatisé et avait également figé mon esprit d’une certaine manière, donc fasciné. Elle m’avait fait goûter à une forme d’impuissance existentielle, oui, les plus faibles sont par définition ceux avec qui la vie est la moins clémente.
Dragon Ball Z parvient à charger l’histoire qu’il raconte d’une force similaire. Les personnages cogitent pendant des heures avant de s’attaquer et chaque attaque devient alors lourde de sens et d’enjeux. « Le sort de l’humanité dépend de ma capacité à lui faire ce coup bien particulier à ce moment bien particulier, oh merde ! J’ai loupé. Il est trop fort. Faisons une pause, je dois réfléchir à ma prochaine attaque. »
La narration de DBZ fétichise absolument tout ce qu’il se passe et donne à la moindre pichenette une charge de fascination existentielle. Nous ne sommes pas devant une œuvre qui dit que si tu es le plus fort, tu es le plus fort ! Ou tu es le gentil ! Ou tu vas te taper la fille ! On est dans une série qui te dit que si tu es le plus fort, si tu te bas jusqu’à l’extrême limite de tes limites, cela a un sens en soi et cela donne du sens à tout. Frapper devient un acte prométhéen.
Chaque geste est chargé d’une aura d’importance écrasante qui a un pouvoir de fascination énorme, mais d’autant plus énorme qu’on est face à des petits garçons qui se croient insignifiants et nuls (le public de DBZ souvent). Dans DBZ, « tu es violent donc tu existes. » Je ne rigole pas, je ne moralise absolument pas, c’est une affirmation littérale, la violence de DBZ est existentielle.
Elle ne se situe pas intrinsèquement dans le coup de poing ou le Kaméhaméha, mais dans l’intensité psychologique générale. Dans cet entêtement infini à aller plus loin que plus loin que plus loin que le bout de tes limites. Le personnage de Freezer a 5 transformations cela signifie qu’il est vaincu et revient quatre fois, avec à chaque fois le monologue intérieur du héros qui espère avoir gagné et s’horrifie de le voir revenir.
Dragon Ball Z est un grand tour de montagnes russes, il n’a pas tellement de fond, pas de message clair, juste un effet physique, et ses petits spectateurs sont fascinés, du latin fascinare (« charmer », « jeter un sort »). Je n’exagère toujours pas, il se produisait chez ceux qui regardaient ce dessin animé un phénomène de rapt de l’esprit. Exactement comme moi devant cette scène atroce de Saw 4 (Ou Akira que j’avais partiellement vu à 9 ans), l’impact psychologique est trop intense pour prendre un recul critique. Oui, même à neuf ans on est capable d'un regard critique, on l'est à tout age, et on peut également être privé de ce regard critique en étant exposé à une oeuvre qui le dépasse, le paralyse, qui l'aliène ou s'oppose à son développement.
Un autre exemple de cela m’est venu aujourd’hui avec ma sœur qui m’a expliqué qu’elle ne parvenait pas à arrêter de regarder Games of Thrones parce que les sévices et crimes qui sont perpétrés dans cette série (minable) sont tellement horribles qu’elle avait besoin de voir les « méchants » payer pour ce qu’ils avaient fait. DBZ a un phénomène similaire avec les personnages qui meurent et doivent être sauvés ou vengés, ainsi que dans sa structure en épisode qui use et abuse de cliffhangers et de surenchère. Il n'est pas sain que les enjeux d'une série empêchent son petit spectateur de lui échapper. Un peu comme si à chaque fin d'épisode un méchant menaçait de passer un petit chien au broyeur et que les gosses terrorisés devenaient obsédés jusqu'à l'épisode suivant. Dragon Ball Z a recourt à une intensité complaisante pour capter l'attention.
Les Tortues Ninjas et Batman sont des dessins animés relativement violents, mais la violence n’y est absolument pas amenée de la même manière. Une complexité et une cohérence sont développées autour d’elle, des motivations, des intérêts, des enjeux terrestres et une résolution est offerte au travers d’une bagarre finale dans chaque épisode, ce qui permet à l'enfant de prendre une distance. Je ne trouve pas la violence essentiellement négative quand elle est contenue hermétiquement dans un cadre, DBZ c’est l’inverse, la violence est le cadre et une histoire se construit à l’intérieur de celle-ci.
Aussi, le contexte y retourne constamment au point zéro. On est dans un lieu désert, au milieu de nulle-part, deux personnages se regardent, l’un doit mourir. Un gentil doit vaincre un méchant. Tout est réduit au strict minimum, à l'expression de la force brutale mathématique la plus pure. Dans un espace Euclidien, Force A entre en collision avec Force B, laquelle surpassera l’autre, l’une doit être détruite.
Il y a évidemment dans cette représentation d’un conflit purifiée jusqu’à l’extrême un aspect masculin, l’attrait pour DBZ est également relié à l’identification au sexe masculin. Et c’est absolument tragique. J’imagine qu’à partir de neuf ans, les petits garçons commencent à rechercher cette identité masculine et la seule chose que DBZ a à offrir c’est « sois une machine à tuer... mais euh... qui se bat pour le bien !!! Donc trouve des méchants vraiment méchants pour pouvoir les trucider !!! »
L’intensité perçue devant le dessin animé est ressentie comme proportionnelle à la force et à l’importance des événements qui s’y déroulent (ce qui est normal) mais aussi comme la force propre du spectateur, par identification au personnage principal. « Je suis Sangohan, je balance le Kaméhaméha. Je survis à l’explosion d’une planète. »
Il n’y a rien de malsain dans tout cela à partir du moment où le spectateur est suffisamment mature ou stable, mais à quel âge est-on prêt pour DBZ ? Je ne sais pas. Il n’y a pas de livre secret divin sur lequel il est écrit qu’un môme ne doit pas voir DBZ à neuf ou dix ans, ce que je veux dire ici c’est a-t-on envie que nos petits garçons aient vu DBZ à cet âge ? A-t-on envie que parmi les expériences qu’ils auront faites, il y en ait déjà d’une telle intensité abrutissante, au sens de cerveau qui passe en pilote automatique, absorption du « je. » Et surtout, la plupart des fans de DBZ que j’ai rencontré ont clairement un rapport malsain avec la série. Je n'ai jamais rencontré un fan de Dragon Ball Z qui n'avait pas une opinion abrutie sur l'animé, et cela même quand cette même personne avait à côté de ça des opinions développées sur d'autres sujets. Tarantino a un peu cet effet aussi, alors que ses films sont très profonds, il provoque chez beaucoup de gens une sorte de blocage intellectuel et ils vont juste dire des trucs genre "génial" "c'est le meilleur réalisateur parce qu'il est tellement bon" mais seront en réalité plutôt incapables de parler du sens de son travail... sens qui ne les intéressent pas vraiment en vérité, au-delà de la justification qu'il donne aux aspects racoleurs de son cinéma.
La qualité de ce dessin animé est trop souvent jugée à l'aune de l'intensité du ressenti de son jeune spectateur. Exactement comme le récent Mad Max IV qui n'a rien de honteux mais qui a été célébré en proportion non pas de sa qualité mais de l'intensité de sa première demi-heure et de sa "folie" générale. Il était facile de voir, au moment de sa sortie, à quel point nombre de spectateurs masculins voulaient y voir un chef d'oeuvre et tentaient de justifier ce qualificatif alors que clairement, le film les avait juste secoué et que ça leur avait plu.
Quand je vois des hommes de 35, 40 ans qui me parlent encore de DBZ avec cette même flamme, ce même enthousiasme maintenant teinté de nostalgie, ça me met mal-à-l’aise. Ils n’ont pris absolument aucun recul adulte, je ne parle pas d’un recul dévalorisant, mais d’un recul sur le fait qu’il est normal qu’ils aient été absolument absorbés par cette œuvre à cet âge et que ça n’est pas parce qu’elle était géniale et qu’elle leur a apporté énormément, mais parce qu’elle a frappé à un niveau supra-conscient qu’ils étaient incapables de gérer et qu’aujourd’hui encore, ils sont clairement toujours incapables de la remettre en question, de la juger en tant qu’individus pensants. Comme les victimes d’un abus qui ont été façonnées par celui-ci et n’en parlent toujours pas comme d’un abus.
Légende:
De la même manière que pour certains fans de comics américain, ou de Star Wars, certains fans de DBZ particulièrement mous du bulbe considèrent comme étant un sujet de conversation les considérations du type: à ton avis, c'est qui le plus fort ? Machin VS Truc lequel gagne ? ça dépend s'il est sous sa forme Super Cheveux Blond ou s'il est juste sous sa forme Parce Que Je Le Vaux Bien. La particularité de ces considérations c'est de penser qu'une lutte se fait dans le vide, exactement comme dans le dessin animée, que tout combat est un duel. Lorsque Batman combat un adversaire, il a une raison idéologique de vouloir vaincre et il va utiliser la force, la ruse et la psychologie pour le faire. DBZ inspire juste une idée de bras de fer absolu qui réduit ses personnages à des numéros sur une échelle, exactement comme la Tier List d'un jeu de baston. On enseigne aux petits garçons à se percevoir de manière unidimensionnelle, en fonction d'une seule qualité. Et si vous pensez qu'ils devraient détester cette violence qui leur est faîtes, détrompez-vous, elle les rassure. Pour un enfant qui souffre déjà, qui se sent bête ou moche ou sans valeur, l'idée que tout repose sur une seule caractéristique et qu'elle est aussi accessible que la force brute est terriblement rassurant. Le problème c'est que c'est pas ça la vie et que les petits garçons ont le droit de se valoriser en fonction d'autres choses.
Ne comptez pas sur la société de consommation pour vous dire l'imbécile que vous êtes. Tant qu'il y a du fric à faire, on vous laissera croire ce que vous voulez.
Je reviens à la violence existentielle dont je parlais plus haut.
Pensez au film Misery:
« L'écrivain Paul Sheldon doit sa gloire à ses romans à l'eau de rose. Il vient d'achever son dernier manuscrit où il détruit l'image convenue de son héroïne Misery. Accidenté lors d'une tempête de neige, Sheldon se retrouve hébergé par une admiratrice qui se révélera redoutable. »
Je pense que Paul Sheldon écrit des romans à l’eau de rose en pensant à sa mère. Il doit se l’imaginer comme public cible et ses romans peuvent être une simple déclaration d’amour à celle-ci. Lorsque qu’Annie Wilkes lui sauve la vie, il devient donc vivant grâce à elle. Or la femme à qui l’on doit d’être vivant c’est notre mère. Comme par hasard Annie Wilkes est une grande fan de ses bouquins et elle va tenter de le séduire, en le dorlotant comme une mère, puis comme une infirmière puis elle glisse vers épouse… l’histoire de Misery est l’histoire d’un homme/enfant qui échappe à une mère incestueuse.
Lorsqu’une personne sauve la vie d'une autre, cela peut introduire dans la relation un sentiment de gratitude existentielle qui se rapproche d’un lien filial. L’obsession des héros à sauver la vie de la pauvre héroïne en danger, c’est le désir de prendre la place de celui à qui elles doivent déjà la vie : le père. (C’est d’ailleurs pour ça que souvent l’héroïne trouve un moyen de sauver le héros en retour pour rétablir un équilibre sain. Indiana Jones tourne bcp autour de ça).
Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ? Je veux en venir au sens de la violence de DBZ. Dans DBZ il est souvent question de détruire un individu qui, à la force de ses petits bras, peut détruire l’univers, ou au moins des planètes, des « mondes. »
Si tu peux stopper par ta force celui qui peut détruire un univers par la sienne, tu peux alors créer un univers à la force de tes mains. Attention, je ne prétends pas ici suivre une logique rationnelle mais plutôt isomorphique. Tu deviens responsable de l’existence d’un univers.
Or, être responsable de l’existence de l’univers dans lequel tu vis, c’est provoquer ta propre naissance. Je sais, c’est du délire tout ça. Je suis pourtant bel et bien sérieux. Dans le film Maverick, Mel Gibson essaye de recréer le miracle de sa naissance en essayant constamment que sa survie dépende de sa chance au poker. Il essaye au travers de cette mise en danger obsessionnelle de se soigner du mal existentiel de ne pas connaître sa mère. Il recrée son origine.
Donc, lorsque Sangohan/goku se battent avec des Dieux destructeurs tels Cell, Boubou ou Freezer, au niveau sémantique subconscient, ils se battent pour recréer à la force de leurs poings la raison de leur existence. C’est débile n’est-ce pas ? Repensez deux secondes à votre cousin/frère/copain fan de DBZ et osez me dire qu’il n’y a pas cette dynamique existentielle dans son lien à la série, cette fébrilité de l'individu qui trouve un sens à sa vie dans cette œuvre sans qu'on comprenne pourquoi.
L’appréciation de DBZ est une soif désespérée d’entrer dans le monde des vivants et le problème c’est que la réponse du dessin animé c’est uniquement « sois violent. » Une fois encore, ce n’est pas un jugement moral ici. Cette réponse à la détresse reste une réponse mais c’est la plus pauvre qui soit. Le petit garçon qui souffre à un degré grave, puisqu’existentiel, obtient pour toute réponse : « Fais face au démon. Sois plus fort. Même à bout de force, sois plus fort. » N'importe quelle réponse vaut mieux que celle-là, la seule à être pire c'est l'absence de réponse.
DBZ parlait à des gosses qui étaient déglingués de ne pas se sentir dignes de vivre, ou de se sentir des mauviettes, ou des ratés, et la seule chose qu’il leur offre c’est une injection d’adrénaline, une injonction magique : « Sois plus fort pour être plus fort, le fait d’être plus fort fait de toi quelqu’un de plus fort et donc tu as plus de valeur. »
J’aimerais aussi être un poil plus véhément maintenant puisque que si l'on prend un peu de recul, on peut facilement voir que ce genre d’individu qui se soignait à DBZ est le pire que l'on puisse côtoyer quand on a le malheur de se trouver une valeur différemment. D’où mon titre sur la nocivité de cet animé.
A la même époque où tout le monde regardait DBZ, je n’étais pas privé de Commando, Conan le Barbare, Die Hard, Rocky ou Universal Soldier. Je regardais ma dose de pan pan boum boum. Bruce Lee, Jackie Chan, Schwarzi, Stallone, Willis, Van Damme. Or, toutes les œuvres viriles et violentes auxquelles j’avais accès, n’avaient pas la portée sémantique de DBZ. Ce qui s’en approcherait le plus c’est Bruce Lee je dirais.
C’est-à-dire que si les films américains te mettent dans la peau de l’homme le plus balèze, mais qu’attention c’est juste un mec comme les autres malgré tout, et que Jackie Chan est même un clown timide grotesque, DBZ (et Bruce Lee) propose au spectateur de se mettre dans la peau d'un Dieu vivant. C’est malsain.
J’aimerais que les vieux fans de cet animé admettent enfin que Dragon Ball Z rend les gosses arrogants et supérieurs. Ils se conduisent réellement comme s’ils pouvaient créer un univers d’un coup de poing et que leurs agressions faisaient d’eux des gens meilleurs. Il est plus que temps d’admettre que DBZ a eu une influence de merde sur les gosses. Et Olive et Tom, et Ken le Survivant.
Plus haut j’ai mis la photo de Frieza qui se prépare à faire sauter la planète de Végéta d’une pichenette.
Voici la logique qu’il y a dans cet acte en interaction avec le spectateur : Frieza est un sadique impitoyable absolu qui ne valorise en aucun cas la vie (des autres). Son geste est ignoble (Iroshima, Nagasaki ?). Le petit garçon qui regarde est tout-à-fait d’accord que c’est ignoble MAIS il jubile de cette ignominie. Pourquoi ? Pour plusieurs raison. Déjà, parce qu’elle annonce un gros pétage de gueule par le gentil. Ensuite parce qu’elle déculpabilise d’adorer la violence avec laquelle Freezer va se faire défoncer. Enfin, parce que le geste de Freezer, en réalité, le gamin l’admire. Le geste de Freezer est transcendance incarnée. Cet individu n’obéît à aucune règle, ni physique, ni morale, autre que sa volonté. Cela fait de lui, la créature alpha ultime. S’ensuit un combat réellement épique et parfaitement mis-en-scène de 50/70 épisodes avec multiples rebondissements et transformations. Ce combat rend crédible le premier geste de Freezer. Nous constatons concrètement à quel point, il est effectivement incroyablement difficile à vaincre. Mais lorsqu’il est vaincu. Sangoku, le personnage gentil auquel on s’identifie, vient de vaincre l’individu transcendant qui peut détruire des planètes et accomplir des génocides d’une pichenette. Nous mesurons maintenant la puissance de notre héro en fonction de ce qu’il pourrait commettre d’horrible s’il le désirait. La bonté est vécue comme une barrière acceptée, le mal comme la liberté et le sadisme comme le fun ultime. Lorsque le gamin regarde Freezer tuer la population entière d’une planète, il fantasme réellement quoiqu’indirectement, de pouvoir lui-même le faire. C’est la même chose avec Ryu et Evil Ryu dans Street Fighter. Ou le Joker dans The Dark Knight. Il y a énormément d’œuvres masculines qui contiennent en creux l’idée que le mieux c’est d'être le méchant. Pourquoi ? Parce que les gamins sont terrorisés par leur besoin d’affection, or le méchant, par définition, c’est celui qu’on n’aime pas, il se passe d’amour et d’ailleurs, dans DBZ, il est toujours heureux et souriant.
J’ai régulièrement constaté chez les jeunes fans de DBZ un sadisme soit déclaré soit latent. Ils s’identifient à Sangoku mais t’agressent entièrement gratuitement avec un plaisir évident comme le ferait Freezer et ne s’en sentent que plus Sangoku le gentil. Ça fait peur n’est-ce pas ?
Nous sommes influençables.
A mon entrée à la Fac, Sex and the City a rendu 90% des étudiantes complètement stupides et hyper dangereuses parce qu’elles croyaient soudain que traiter les mecs avec la violence psychologique la plus forte et la plus irresponsable faisait d’elles des femmes irrésistibles et modernes.
Pour conclure, je dirais que je ne désire pas voir DBZ disparaître, je voudrais juste voir la fascination mourir enfin, que l’influence diminue, que ce truc prenne moins de place. Je veux que les adultes aliénés par la série regardent en eux et admettent que ça a pris trop de place tout ça, que c'est trop d'émotions pour trop peu de sens et d'épanouissement.
Évidemment, ça n’est pas prêt d’arriver, d’où cet article. Sortez de votre sidération les fans ! Ouvrez les yeux sur la nocivité de cette série largement trop populaire pour ce qu’elle est.