La Propagande Fasciste Publicitaire (2000 mots)
Sentez-vous la violence dans la juxtaposition de ces mots ? Et dans l'effronterie écoeurante. "Education" et "Knowledge" noyés dans un marasme d'obscénités comme "Branding" et "Advertising" ça ne mérite pas la peine de mort ? Si si.
La publicité m’a toujours posé problème. Dès ma plus petite enfance. Bien sûr, je ne suis pas spontanément devenu un critique du système capitaliste au premier contact avec sa propagande. Ce sont simplement mes parents qui m’ont immédiatement dit que la publicité, ça n’était que des mensonges qui servaient à pousser les gens à acheter.
Cette opinion, on me l’a inculqué vers mes six ans. Autour de moi, dans l’ensemble, les autres enfants me semblaient bien moins critiques. Un de mes amis avait des parents qui au contraire se jetaient sur le moindre nouveau produit dont on vantait les mérites à la télé.
J’ai donc spontanément développé ce sentiment que j’étais un peu plus à l’abri que les autres, ce qui n’était pas nécessairement faux mais pas entièrement vrai non plus. Pendant l’adolescence, je me suis demandé si malgré tout je n’étais pas influencé par la publicité, que cela soit directement, inconsciemment, ou indirectement dans le fait que les personnes que je fréquentais l’étaient.
C’est vers mes dix-huit ans que mon point de vue s’est distancié de l’aspect commercial. L’idée qu’on me pousse à acheter des objets pour avoir mon argent est passé au second plan et j’ai commencé à me questionner sur l’impact plus profond que la publicité pouvait avoir.
Tout d’abord, je me suis dit que pour nous vendre des produits, celle-ci cherchait à nous renvoyer une imagine négative de nous-même : nous sommes imparfaits donc nous avons besoin de tel ou tel produit pour accéder à la perfection. Je me demandais alors à quel point la publicité pouvait parvenir à ce que les gens se sentent mal mais c’était un ressenti impossible à former. Comment aurais-je pu m’imaginer ce que serait ma perception de moi-même sans l’influence de la pub puisqu’elle influençait mon regard mais également le regard des autres sur moi et cela depuis toujours ?
Enfin, c’est encore quelques années plus tard que je me suis simplement questionné sur le point auquel l’univers des publicités modifiait notre construction du réel. C’était devant une publicité pour un truc en lien avec le déjeuner ; donc évidemment, une famille heureuse et enthousiaste, c’était peut-être même une pub Ricoré vue sur une VHS donc en décalage avec l’époque de sa diffusion. Je me souviens de la luminosité excessive, les sourires tout blancs et l’enthousiasme exagéré d’une famille qui vient de sortir du lit et se retrouve autour de la table. Je m’étais simplement dit que tout le monde aurait la tête dans le cul, que les ados seraient désagréables avec leurs parents et que les bâillements déformeraient les visages magnifiques.
(Cet article sur la pub Ricoré illustre parfaitement ce que je dis. C'est d'autant plus intéressant que l'auteure voudrait juste pouvoir s'identifier aux personnes de la pub).
Évidemment, j’avais toujours été sensible à la facticité du monde de la publicité que je voyais depuis toujours comme un moyen de vendre, mais soudainement, il m’apparut que je n’avais vu absolument aucune autre famille réelle que la mienne prendre son déjeuner. Je ne savais pas comment ça se passait chez mes amis et amies. Je ne pouvais pas l’imaginer, peut-être les choses se passaient-elles différemment, pas comme dans la publicité non, mais différemment. Et je réalisais donc que la seule et unique autre version que je pouvais avoir du « déjeuner en famille » était fictionnelle et malhonnête. Encore une fois, j’ai constaté que je ne pouvais pas m’imaginer quelle serait ma perception du monde, de mon monde, sans l’influence de la publicité.
Aujourd'hui la famille parfaite est totalement différente. Le père est noir, la mère est aussi un homme, la petite fille prend régulièrement ses hormones pour faciliter sa transition, c'est pas de sa faute si elle est née dans le mauvais corps et le fiston va régulièrement chez le vieux voisin qui aime beaucoup le sodomiser avec amour.
Ensuite, je n’ai plus eu la télévision pendant quelques années et depuis, je suis assez rarement exposé à la publicité. Cependant, quand je le suis aujourd’hui, je me retrouve absolument abasourdi par le niveau de débilité que celles-ci parviennent à atteindre dans une durée aussi restreinte. Sérieusement, je mets régulièrement près d’une demi-heure à me remettre de la complaisance abjecte de la connerie abyssale d’une publicité croisée par hasard. Ce n’est pas uniquement la stupidité du message, c’est le sérieux avec lequel il est délivré, la moquerie effrontée.
Au-delà de l’influence sur notre perception du réel, c’est maintenant l’influence sur notre construction psychologique qui m’inquiète. Quel impact cela a-t-il sur les gens de se faire continuellement, à longueur de vie et depuis leur plus jeune âge, traiter comme des imbéciles profonds ? Même lorsqu’ils s’en rendent parfaitement compte. Je ne suis pas en train de dire que la publicité rend les gens bêtes parce qu’elle est bête, même si elle a probablement un tel impact, ce qui m’intéresse ici c’est plutôt de savoir si le fait de traiter les gens comme des absolus imbéciles ne leur rappelle pas constamment la violence qui les attend s’ils cherchent à se faire considérer autrement. Un peu comme si des parents forçaient un enfant à regarder quotidiennement une émission sur le violon, évidemment l’enfant sentirait bien de quel instrument on veut qu’il fasse l’apprentissage et ne risquerait probablement pas un « Je voudrais un piano pour Noël. » La pub nous répète plus que quotidiennement que nous ne sommes que des vaches à lait débiles, n’y a-t-il pas en cela l’idée qu’à la seconde où l’on exige d’être traité autrement, ça va faire très mal ?
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A l’école, on nous parle de fascisme et de dictature. Staline, Mussolini, Hitler et plus si affinité. Le mal, c’est l’absence de liberté, l’absence de choix, le meurtre des opposants politiques, des intellectuels et de ceux qui ne correspondent pas à l’idéologie et… la propagande. Les affiches de propagande, les slogans de propagande et le culte de la personnalité du grand dictateur magnifique. Ho mon dieu non, que c’est terrible !
Ce que j’ai à dire ici n’a rien d’exceptionnel cependant, étrangement, c’est une réflexion que je n’ai jamais croisée exprimée de manière aussi simple que celle dont je m’apprête à le faire :
La publicité est la propagande fasciste de notre société.
Si le but des publicités n’était que de nous donner envie d’un produit, cela en accord avec les valeurs de notre culture définies en fonction de totalement autre chose, cela ne poserait pas tant problème mais dans l’état actuel des choses, elles fabriquent la culture dans laquelle nous vivons et cela afin de vendre des produits. Les publicités sont une propagande idéologique qui nous dit ce que nous devons être et ce que nous devons penser et cela à un niveau de présence exponentiel par rapport à tout ce que l’on a pu voir dans le passé ou dans les œuvres de sciences fiction.
La seule différence c’est que lorsque l’on nous représente une société fasciste, la propagande n’a pas de subtilité. Il y a un dictateur désigné qu’il faut admirer et l’interdiction de remettre en question l’idéologie est ostensiblement punie. La domination est assumée et l’idéologie brandie.
(edit : petit lien à un article du site dedefensa qui tient un discours similaire)
Dans notre cas, le culte de la personnalité est inversé, il n’y a plus de dictateur, chacun est le dictateur de son prochain, chacun construit le propre culte de sa personnalité, et l’idéologie imposée et qu’aucune idée ne prévaut sur une autre. Tout et son contraire devrait pouvoir vivre côte à côte, ce qui concrètement représente la destruction de toute pensée et de toute valeur.
Si l’on imaginait le « Arbeit Macht Freie » de la société capitalise libérale pour le pointer du doigt, je dirais en cet instant qu’il approche d’un « Vive le progrès ! »
Evidemment, le progrès c’est forcément bien puisque c’est dans la définition. Le progrès c’est l’évolution positive et les personnes qui veulent le critiquer aujourd’hui ont tendance à parler de l’envers du progrès ou des revers du progrès. Simplement, le progrès de notre idéologie n’est qu’un progrès de surface, c’est juste l’illusion du progrès, le progrès définit en terme insignifiants, absurdes, inhumains. Le progrès de notre société tout d’abord, c’est des nombres virtuels, des nombres dans des disques durs, qui augmentent. Evidemment, ces nombres correspondent à des sommes d’argent, mais ces sommes d’argents sont des nombres dans des disques durs. Notre progrès est une abstraction.
Bien sûr, pour faire croire que ce progrès factice est un progrès réel, il faut bien en créer des signes, il faut bien faire croire que la société va quelque part. C’est à cela que sert la publicité, directement ou indirectement. La publicité crée des signes mythologiques du progrès, ainsi que les magazines, les journaux, les infos, l’intégralité du système a été réquisitionné pour produire ce message que nous allons dans la bonne direction, que c’est mieux qu’avant, avant c’était barbare, aujourd’hui c’est civilisé parce que votre voiture parle et que la pédophilie c’est de l’amour.
Ainsi, j’ai longtemps cru que l’univers ridicule tout beau et inoffensif de la publicité n’était qu’un décor pour mettre le produit en valeur. Cependant, aujourd’hui, force est de constater que notre réalité tente de devenir ce monde ahurissant de stupidité. Les gens veulent vraiment que le soleil brille tous les matins à les en aveugler pendant qu’ils prennent le déjeuner tous ensemble à sourire comme des psychopathes, fous de joie de manger leurs tartines et de partir pour une journée de larbinage. Le consommateur pense vraiment que pour être heureux il faut recopier tous les signes du bonheur qu’on lui inculque pour lui vendre des produits.
"Crois en quelque chose. Même si cela signifie tout devoir sacrifier. Just do it." La violence du non sens total professé avec conviction, yeux dans les yeux. La mascarade de la profondeur et du sens que l'on enseigne donc à confondre avec la surface et le non-sens. Dans le monde de la publicité, tout est son contraire.
Et donc, ce qu’il y a de tout bonnement incroyable et terrifiant dans notre culture c’est que si l’on prend un slogan fasciste du type Arbeit Macht Freie (je sais, c'est un mauvais exemple vu que c'était écrit à la porte de je ne sais plus quel camp de concentration), il défend une idéologie et une logique, il met en avant une valeur (le travail), on peut être en accord ou non, pour ou contre, on peut se dire « oui, cette société peut fonctionner » ou « non, c’est débile, ça ne fonctionnera pas. » Alors que notre « Vive le progrès ! » n’a aucun projet, aucun but, aucune conception de l’avenir (En réalité, on peut associer un projet à ce « vive le progrès, » le transhumanisme, la destruction de l’être humain). Ce n’est pas une idéologie, c’est une attitude sans vision, basée sur des ressentis capricieux et arbitraires sans fondement ni réflexion. Le progrès sera défini et redéfini constamment, comme par hasard il sera toujours incarné par un nouveau produit ou des idées associées arbitrairement à ce nouveau produit, sans que jamais le monde vendu par la publicité ne soit atteint car il n’existe pas. Il n’a aucune cohérence. Et évidemment, le progrès ne sera jamais de se distancier de cette société de consommation mortifère et qui a besoin de détruire l’intériorité humaine pour fonctionner. Quoi ! Célébrer la profondeur et la maturité! Êtes-vous fou !?!
Je reprends donc, ce qu’il y a d’incroyable et de terrifiant dans cette culture c’est qu’elle fonctionne entièrement sur la poursuite d’un fantasme complètement grotesque enfantin ridicule. Le consommateur a un esprit d’enfant et il essaye de reproduire un monde qui ne peut pas exister, ce qui donne d’ailleurs la société du spectacle décrite par Guy Debord. Tout n’est plus qu’une représentation, une mise en scène où l’on prétend être dans ce monde parfait et inoffensif de la publicité et où l’on juge de la valeur des choses et des êtres en fonction de la cohérence absurde de ce monde imaginaire.
"What the phoque." Blague mielleuse sans ressort comique de pubard qui coche les cases et oublie d'avoir un sens. Cherchez la définition d'oxymore dans le dictionnaire, vous y trouverez l'expression "éthique publicitaire."
Le fascisme se retrouve dès que quelqu’un s’oppose à cette vision, mais ça n’est pas ce qui m’importe ici. Ce qui m’importe c’est que la publicité est la propagande fasciste de nos livres d’histoires et romans de science-fiction, elle est ce slogan répété ad vitam aeternam aux citoyens lobotomisés pour les soumettre et les maintenir dans le rang et le degré de folie de la société qu’elle nous vend est tel qu’il en est difficile de réaliser que oui, c’est vraiment le monde que l’on poursuit, ce n’est pas juste une blague pour nous vendre des produits. A un moment donné de l’histoire du capitalisme, la représentation grotesque que les publicités nous donnaient du réel afin de valoriser les produits qu’elles voulaient nous vendre est devenue le projet politique de cette société.
Pour donner un exemple concret : Les publicités de parfum nous montrent toujours des femmes magnifiques pratiquement nues, ou des hommes sculptés dans le marbre également pratiquement nus. A la base, on associait le parfum au désir et à l’acte sexuel : « Si tu portes notre parfum tu vas attirer un bel homme/une belle femme, ou si tu portes notre parfum, tu seras aussi attirant que cet homme, aussi attirant que cette femme. » Ce qui, à la base, était une métaphore très complaisante faîte pour vendre un parfum, est devenu un projet politique au premier degré. Le consommateur a accepté le contrat, il veut de ce monde dans lequel ce parfum de marque fera de lui un super beau mec auquel aucune femme splendide ne pourra résister. Le monde magique hyper narcissique de la publicité est accepté comme un réel possible et raisonnable. Bien sûr, le parfum ne rend pas beau, mais la chirurgie esthétique promet de le faire. C’est la même logique de modification magique et capricieuse du réel qui se cache derrière les deux, le même désir dément que le réel ne soit qu'un miroir embellissant. Projet qui commence par la destruction du réel.
Voilà, passons maintenant à la publicité abjecte qui m’a motivé à écrire cet article. J’ai déjà plusieurs fois essayé d’écrire sur les pubs, elles sont tout aussi analysables que les films, le problème c’est que c’est trop déprimant et j’ai trop de mal à ne pas saturer mon texte d’insultes et de mépris (edit: encore plus). Bref.
Ah ! Et aussi, il faut que je pense à demander overblog comment je fais pour être rémunéré.