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Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Publié le par Kevin

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Article déconseillé aux -18 ans et aux âmes sensibles... et aux gens qui viennent de manger.

 

Voilà au moins dix jours que je tente de rédiger un article sur Le Maître d’école de Claude Berri et que je n’y parviens pas parce que ce que j’y vois me terrifie. (Edit: Et que je n'ai pas mis dans l'article).

Je me suis toujours dit que ce film était étrange dans son inanité et ses nombreuses incohérences. Il était clairement sensible et intelligent, mais il semblait mystérieusement passer à côté de son sujet. Beaucoup d’éléments paraissaient vains, des détails vagues, des morceaux d’arcs narratifs, tout semblait gentil et agréable mais maladroit et sans but, avec une galopade finale particulièrement insipide lorsque Gérard Barbier se retrouve à gérer trois classes à l’école, à la piscine et dans les bois, pour ensuite emmener les enfants à son mariage étrangement long qui ne clôt même pas le film qui est pourtant complètement à bout de souffle à ce stade.

Il y a des comédies dont on trouvera les rebondissements trop lourds, trop grotesques, ou trop peu drôles sans qu’ils contredisent la trame générale. Je pense par exemple aux films « à mensonge » dans lesquels le personnage principal ment et se retrouve obligé de mettre en place un nombre incalculable de choses pour pouvoir maintenir l’illusion que produit son mensonge. Goodbye Lenine, Hibernatus (il me semble), Madame Doubtfire, dans ces films les moyens mis en œuvre et la naïveté de la personne à qui l’on ment peuvent parfois être désagréablement peu crédibles, mais dans le fond, l’idée reste la même d’un bout à l’autre. Dans Le Maître d’école, la logique sous-jacente aux événements est régulièrement contredite ou subvertie et au final, on ne sait plus trop où on en est.

Par exemple, à la fin du film, lorsque Gérard Barbier s’occupe des trois classes à la fois, c’est au nom de la sécurité de ses élèves, pour leur éviter d’être laissé à eux-mêmes à l'extérieur de l'école, leurs parents au travail. Mais lorsqu'ils vont tous à la piscine, un gosse passe à deux doigts de se noyer.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Ils vont dans les bois, personne ne sait où se situe le nord ou le sud, un élève est égaré et retrouvé par une personne qui passait à cheval. A l’école, Gérard court d’une classe dans laquelle c’est le chaos à une autre classe dans laquelle c’est aussi le chaos. Clairement, les enfants ne sont pas en sécurité, la surenchère finale est gênante en tant que surenchère mais surtout, elle perd son sens rapidement pour devenir intégralement vaine parce qu'elle contredit sa raison d'être.

A la réunion qui décide de ce délire final Gérard s'explique: "J'vois pas c'que d'emmerder les parents qui travaillent en laissant trainer leurs gosses dans la rue ça va changer aux travailleurs et à la lutte des classes. [...] J'suis d'accord pour garder les élèves de madmoizelle Lajoie dans ma classe. En espérant que l'académie va nous envoyer un remplaçant. " Les enfants seraient-ils réellement plus en danger dans la rue ?

Autre exemple de maladresse/contradiction: Gérard a une petite amie avec laquelle il doit se marier, pourtant lorsque sa collègue Madame Lajoie lui fait du rentre-dedans avec autant de finesse qu’un bulldozer, il ne trouve aucune raison de la rejeter. « J’ai une copine, je dois me marier dans un mois ! » lui aurait évité de se faire agresser sexuellement. Cet exemple est exactement le type de « flottement » ou d’imprécision qui donne le sentiment que le film avance un peu au hasard et ne s’avère être qu’une suite de scènes sur le thème de l’école, plus ou moins drôles, plus ou moins agréables, sans véritable but et sans véritable mesure des implications du spectacle qu’on nous donne à observer.

En 1971, Claude Berri racontait dans Sex shop, la transformation d’une librairie en un Sex Shop. Ce film était étonnamment critique de la « libération sexuelle » qu’il montrait comme vaine, vide et le résultat direct de l’invasion de la société de consommation au niveau le plus intime des individus. Le Maître d’école est la suite spirituelle de Sex Shop.

"Johnny le maître d'école." John Rambo, John Matrix, John Connor, John MacClain, John Wick... en gros, "Quand le maître d'école français est devenu américain."

"Johnny le maître d'école." John Rambo, John Matrix, John Connor, John MacClain, John Wick... en gros, "Quand le maître d'école français est devenu américain."

Ce film parle de la sexualisation des enfants dans cette même société de consommation. Je n’oserai pas analyser l’horreur de ce qui y est suggéré mais si ce que j’écris ici vous sidère, reregardez-le, vous verrez qu’une scène sur deux contient un élément sexuel douteux. Une petite fille vient dormir chez Gérard Barbier. Elle passe la nuit dans son lit de 1 mètre de large. D'ailleurs pourquoi le lien le plus fort que Gérard conçoive avec un élève l'est avec celui dont il est difficile de déterminer s'il est une fille ou un garçon ?

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Evidemment, il ne se passe rien entre eux mais Gérard souligne de par son comportement qu’il redoute qu’on l’accuse d’avoir violé la gamine, le thème est là. Le lendemain, Gérard annule sa classe, va chez sa copine et passe sa journée à dormir. On ne nous dit rien des raisons pour lesquelles il est si fatigué. D’ailleurs, cela donne encore un de ces moments de flottement, un de ces développements inattendus incompréhensibles et vains. Ce qui est sous-entendu, c’est que Gérard n’a pas dormi parce qu’il était attiré par Camille. Je sais, c’est à donner le vertige.

Mais voyez ces autres exemples d’éléments sexuels qui n’ont aucune raison d’être là et le sont quand même:

Gérard se retrouve à expliquer à une classe de primaire ce qu’est l’homosexualité. Oh, il ne le fait pas exprès. Mais il explique à une classe de primaire ce qu’est l’homosexualité et l’écrit au tableau.

Un élève de primaire lui dit qu'"un PD c'est un homme qui n'est pas comme les autres" et Gérard trouve cette réponse "un peu légère." Il veut peut-être que le gosse lui explique ce qu'est une sodomie ? Le pire, c'est qu'en 2019 cette remarque n'est même plus un sarcasme.

Un élève de primaire lui dit qu'"un PD c'est un homme qui n'est pas comme les autres" et Gérard trouve cette réponse "un peu légère." Il veut peut-être que le gosse lui explique ce qu'est une sodomie ? Le pire, c'est qu'en 2019 cette remarque n'est même plus un sarcasme.

Un autre débat qui s’insinuera mine de rien dans son cours sera celui de l’orthographe du mot « cher » qui prend très facilement une connotation sexuelle => « la chair », les plaisirs de la chair.

Voilà ce que le prof va vous apprendre.

Voilà ce que le prof va vous apprendre.

Claude Berri pousse jusqu’à tourner dans un patelin appelé Plaisir. (wikipédia : « Le tournage s'est principalement déroulé à l'école Alain-Fournier, située à Plaisir (Yvelines) »)

Puis il leur demande ce qu’ils pensent de la peine de mort, on le voit rêver du sujet. Gérard redoute la peine de mort, il redoute qu’on lui « coupe la tête. » Pourquoi ? De quoi est-il coupable ?

Sur le sujet, une petite fille répond que certains hommes mériteraient qu’on leur coupe le zizi et qu’on leur mette dans la bouche. Gérard ne réagit pas, ne se pose pas de question. Il s’étonne un peu, il fait une blague, il ne se demande pas pourquoi cette gamine pense à trancher le sexe d’un homme, désir d’une violence extrême, cela pour lui mettre dans la bouche.

Cette même petite fille demande aussi "Monsieur, comment on l'sait qu'on est pédé ?"

Cette même petite fille demande aussi "Monsieur, comment on l'sait qu'on est pédé ?"

D’où lui viennent ces idées ? Pourquoi est-elle déjà capable de concevoir la virilité d’un homme et la place symbolique que celle-ci prend dans son individualité ? Quelle expérience peut lui avoir inspiré une telle idée et des sentiments d’une telle violence même envers un seul élément isolé de la gente masculine ?

Dans une autre scène, une petite fille mange une banane et met Gérard mal-à-l’aise, il lui fait un clin d’œil involontaire, peu importe ce que celui-ci signifie (il y a un autre clin d’œil dans le film, lorsque le syndicaliste prévient Barbier que c’est parce qu’elle veut coucher avec lui que Lajoie l’invite chez elle.) Pourquoi une telle blague sexuelle ?

Gérard mange en tête-à-tête avec la petite fille maintenant ?

Gérard mange en tête-à-tête avec la petite fille maintenant ?

Après sa nuit avec Camille et sa tentative ratée de se calmer en couchant avec sa copine, Gérard était sur le point de craquer avec la petite fille de l'auberge. Heureusement, Lajoie fait une tentative de suicide: la prof qui aime réellement être prof, qui aime réellement les enfants et vers qui Gérard devrait réellement se tourner, disparaît à la minute ou celui-ci se tourne vers ses élèves.

A la fin du film, Camille, la petite fille qui a dormi chez Gérard passe son temps à le fixer intensément d’une manière très sérieuse qui n’a pas sa place dans une comédie légère. Et dans le chapitre des maladresses, où se trouve leur conclusion ? Il devient proche de Camille parce que ses parents divorcent et qu’elle vient lui demander du soutien. Qu’en est-il à la fin du film ? On n’en sait rien. Aucune conclusion en présence des parents, aucun adieu entre Gérard et Camille. Rien. Même chose pour la petite fille de l’auberge à qui il donne du soutien. Intrigue sans conclusion.

Pour dire les choses de manière simple, je pense que ce que le film dit réellement, c’est que la petite fille qui mange sa banane de manière suggestive, ne le fait pas par hasard. C’est là, le cœur de l’horreur dissimulée dans cette comédie. Nous ne sommes pas devant une gamine innocente et naïve qui produit un comportement sexuel cliché et grossier involontairement, nous sommes devant une gamine qui a été abusée sexuellement et qui répète quelque chose qu’elle a déjà appris.

Je parlais au-dessus du fait que Gérard Barbier souffrait de pulsions sexuelles dirigées vers les enfants. La scène finale fatigante de galopade avec trois classes peut être perçue comme la construction d’un alibi. Gérard ne peut pas abuser de la petite fille chez lui. Il construit au contraire une situation dans laquelle personne n’osera jamais imaginer qu’il ait pu trouver le temps de faire se passer quelque chose. Il emmène ses classes dans la forêt, lieu de tous les possibles, et laisse les mômes à eux-mêmes.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Ainsi il est en apparence totalement surchargé alors qu’en réalité, il a effectivement un créneau pour satisfaire ses pulsions. On le voit tapoter dans le bus, un petit garçon noir sur la tête et regarder Camille.

Je n'ai pas le courage de légender ce qu'il se passe ici.
Je n'ai pas le courage de légender ce qu'il se passe ici.
Je n'ai pas le courage de légender ce qu'il se passe ici.

Je n'ai pas le courage de légender ce qu'il se passe ici.

Très souvent, lorsqu’un personnage est construit comme incarnation de la libido du personnage principal, on donne le rôle à un acteur noir en rapport au fait que l’humain primordial, l’humain d’origine, était noir. Donc pour décrire des pulsions primordiales, on choisit aussi un individu noir. (On peut également utiliser beaucoup d’autres éléments, souvent un petit chien pour les hommes, et un chat pour les femmes. Dans StarWars, on aura un Wookie ou des robots. Dans les dessins-animés, un petit compagnon magique rigolo, comme dans La Reine des Neiges ou Taram et le Chaudron Magique).

Mini Gérard a séduit toute la classe, et particulièrement Camille.

Mini Gérard a séduit toute la classe, et particulièrement Camille.

Ici, le petit élève noir décrit la libido infantile de Gérard Barbier. Le film n’attend pas longtemps avant de donner des exemples de cette libido immature. Dès la première scène, Gérard ouvre innocemment la cabine d’essayage dans laquelle il sait qu’une femme est en train d’enfiler une robe. On pourrait penser qu’il veut la voir en sous-vêtements parce qu’il est attiré par elle, mais au contraire, son geste semble totalement innocent. Quelques secondes plus tard, on le voit amener un peignoir à sa petite amie qui est sous la douche sans qu’il exprime la moindre attirance pour elle alors qu’elle est nue et a un corps sublime.

Heureusement, merci Claude Berri de nous avoir épargné ça, je pense que Gérard ne viole pas la gamine dans les bois quelles qu’aient été ses intentions : Le petit garçon noir s’égare et est retrouvé par une figure d’autorité symbole d’ordre masculin (l’homme à cheval).

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Pendant le mariage de Gérard, le petit garçon fume une cigarette, tousse et l’éteint: Gérard a vaincu ses pulsions pédophiles, elles se sont éteintes.

Probablement le passage le plus difficile à avaler lorsqu'on prend le film pour une comédie légère, les longs plans sur un enfant qui fûme alors que Gérard et sa femme dansent. Cela parait gratuit et très lourdement appuyé pour une blague même pas drôle à la base.

Probablement le passage le plus difficile à avaler lorsqu'on prend le film pour une comédie légère, les longs plans sur un enfant qui fûme alors que Gérard et sa femme dansent. Cela parait gratuit et très lourdement appuyé pour une blague même pas drôle à la base.

Cependant, le centre du film n’est pas Gérard, mais l’école. Par exemple, on peut prendre son discours comme le constat que l’éducation nationale française a atteint un tel niveau de médiocrité, que les conditions de travail sont tellement ridiculement précaires, que seule une personne motivée par des troubles pathologiques et sans ambition éducative, pourrait avoir envie de se retrouver dans un tel milieu.

Ainsi, toutes les descriptions faîtes de l’environnement scolaire grotesque dans lequel Gérard évolue –la personne qui l’engage lui explique qu’il sera payé une misère, le directeur lui demande d’improviser, le conseiller spécialisé confond réflexion et choix consumériste, la collègue fait une tentative de suicide– pointent vers cette accusation très sérieuse : non seulement l’école est devenue une absurdité catastrophique qui n’apporte rien aux enfants, mais en plus les conditions de travail sont telles que seuls des individus malsains aux motivations malsaines peuvent vouloir terminer dans un tel environnement.

J’ai travaillé dans plusieurs lycées, 90% des profs que j'ai rencontré étaient des psychopathes nocifs du type pervers narcissique, larbin orgueilleux, esclave de bonne volonté désespéré, ou tyran mégalo. Et s'il n'y avait pas de pédophile (pas en lycée), un aspect sexuel séducteur pervers était bien souvent là.

J’ai toujours compris le titre du film « Le Maître d’école », comme l’attribution subversive d’un titre de noblesse à une personne qui ne semble pas le mériter : Gérard Barbier. Il est gauche, il est mauvais en orthographe, il ne sait pas trop faire respecter la discipline, et pourtant ça serait lui le véritable « Maître d’école. » Et de toute façon, le titre porte réellement ce sens et le film tient réellement à vanter les mérites d’une approche plus humaine et douce dans l’éducation.

Mais ce titre pointe aussi du doigt ce qu’est la position de Maître d’école dans une société qui part en sucette. En 1981 en France, le maître d’école glisse vers le pédophile. Je pourrais en dire beaucoup plus sur cet aspect du film, mais ce sujet est plutôt immonde et je trouve que ça fait déjà beaucoup pour un seul article. Donc je vais terminer sur l’analyse plus poussée de la scène d’ouverture et on remballe :

 

Le film commence sur le plan large et en plongée d’une rue commerçante bondée, un marché. Le marché, l’économie, la société de consommation capitaliste dans laquelle les individus grouillent comme des fourmis anonymes dans un brouhaha dont seuls les appels à l’achat peuvent être distingués « ils sont bons mes homards. »

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Un travelling latéral nous amène lentement à une boutique nommée « Johnny » couverte de drapeaux américains. Encore une fois, le capitalisme a planté son drapeau. 

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

La musique « Sampa » de Richard Gotainer* résonne avec un enthousiasme forcené irrésistible mais ce qu’il y a l’écran est en étrange décalage. Un petit garçon qui porte une chemise aux couleurs du drapeau américain également, se tient encadré par des drapeaux américains suspendus dans la devanture de la boutique. Le message est clair, les enfants français sont envahis, capturés, infestés par l’idéologie américaniste.

*Dans la littérature, la danse est presque toujours utilisée comme métaphore de l'acte sexuel. Ce film commence sur une chanson qui décrit une danse dont on n'a pas besoin de connaître les pas pour pouvoir la danser... tout le monde peut la danser, même les enfants.

Cette intro est d'autant plus étrange qu'on ne nous parle que de communisme tout le long du film.

Cette intro est d'autant plus étrange qu'on ne nous parle que de communisme tout le long du film.

L’enfant s’avance pour regarder la vitrine, il a un visage étonnamment neutre. Il pose les yeux sur une statue à l’effigie d’un indien. Sérieusement, comment prendre le film pour une comédie alors qu’il commence sur l’apposition entre les indiens d’amériques et les enfants français. On nous parle d’un génocide. La musique de Gotainer n’est pas un enthousiasme, elle représente les index plantés dans les oreilles et les oeillères gigantesques du peuple français qui ne veut pas comprendre ce qui est en train de se passer. Les plans qui dépeignent l’enfant qui regarde l’indien sont extrêmement longs (et deux fois trop nombreux) pour un élément qui n’aura aucune explication, n’entraine rien d’évident dans le film et se situe dans la première minute d'une comédie légère.

Trop long, trop insistant, trop décalé, trop étrange.

Trop long, trop insistant, trop décalé, trop étrange.

Le plan suivant se focalise sur le personnage de Charlotte de Turckheim, la copine de Gérard. Elle est filmée encerclé dans un object décoratif rond: on nous présente, le vagin, l’utérus, la femme de cette société américanisée. Cette femme danse au son de la musique que Gérard lui reprochera d’avoir mise largement trop fort.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

En gros, elle gobe parfaitement l’idéologie et ne voit pas ce qu’il se passe (et elle veut danser = faire l'amour). Un enfant non-accompagné entre dans sa boutique, ça ne lui pose aucun problème. Pas de « elle est où ta maman ? » Une vue subjective nous donne à voir Gérard et le gamin tous deux dans le cercle vaginal : Cette femme ne fait plus la différence entre un homme et un enfant. Ce que confirme plus tard le fait que Gérard ne montre aucune attirance pour elle sans que ça la gêne.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Gérard approche un couple de jeunes clients, la fille lui demande « Vous avez ma taille ? » il lui répond « Bon ben vous voulez rien, ben dites-le. »

La réplique se veut une blague sur le fait que le volume de la musique empêche Gérard d’entendre les clients. Cependant, il est réellement difficile de la comprendre comme tel. Cette blague, pour être drôle, aurait dû venir avant le double constat du volume trop élevé et pas après. Ici, on s’attend spontanément à ce que Gérard ait décidé de faire répéter les clients s’il ne comprend pas ce qu’ils disent. Aussi, pourquoi répondre «Vous voulez-rien alors dites-le » ? alors que la fille vient de l’interpeler et de faire un geste très facilement compréhensible. En réalité, Gérard vient d’envoyer ce couple balader parce qu’il s’en moque.

Il va s’occuper d’un homme peu charismatique (perte de cheveux, grosse lunette, air un peu bête) qu’il appelle « jeune homme », et qu’il déguise en chasseur pendant que de l’autre côté une fille sans pudeur (il écarte le rideau de sa cabine d’essayage sans que cela ne la gêne) s’habille en bombe sexuelle. On est bien loin des critères d’aujourd’hui mais, la robe reste moulante et la fille a un corps parfait. Elle n'est pas décontractée comme celle qui voulait acheter un jean.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Ainsi, dans ce magasin américaniste, on ridiculise les hommes et on idolâtre les femmes. Le couple équilibré et sain est ignoré : les gens normaux n’ont pas le droit de se fournir en vêtements. Ce qui importe c’est le déséquilibre. La fabrication d’un côté d’une honte et d’une insuffisance pendant que de l’autre on installe une arrogance, un orgueil.

Sous l’influence de cette idéologie, une culture se construit dans laquelle les hommes ne méritent plus les femmes qui sont bien trop belles, bien trop pures, bien trop supérieures pour s’abaisser à se laisser atteindre par eux. Les hommes vont donc être aliénés au plus profond de leur être par cette privation de partenaire sexuel pour le reconnaître en tant qu’homme justement.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Le petit garçon enfile des lunettes en forme de cœur. Il croise en montant à l’étage, le propriétaire du magasin qu’il regarde avec insistance. Un enfant qui serait en train de voler des lunettes, serait anxieux, fébrile, aurait directement couru à l’extérieur du magasin, ou tenterait de les cacher dans sa poche, celui-là regarde le propriétaire même du magasin dans les yeux au travers des lunettes qu’il vient de prendre, au travers des lunettes en forme de coeur. Il n’est pas en train de voler quelque chose, il est en train de faire une proposition sexuelle. Et la réaction du propriétaire du magasin est également sexuelle, il est attiré par le gosse.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).
La langue, le regard intense qui regarde la "chair", la peau qui brille comme s'il transpirait.

La langue, le regard intense qui regarde la "chair", la peau qui brille comme s'il transpirait.

Mais au lieu de suivre l'enfant, le proprio claque des doigts et attire l'attention de sa vendeuse. Il se tourne vers la femme qui est là pour ça.

Mais au lieu de suivre l'enfant, le proprio claque des doigts et attire l'attention de sa vendeuse. Il se tourne vers la femme qui est là pour ça.

L’enfant qui s’identifiait tant à l’Indien, enfile maintenant des bottes et s’imagine tirer comme un cowboy. D’où vient ce changement de camp ? L’enfant abusé sexuellement est enivré par le pouvoir que sa victimisation lui donne sur les adultes. Il est le peuple sacrifié, mais en même temps, il ne peut que voir le pouvoir qu’il a sur ceux qui le violent. Position absurde et paradoxale mais bien réelle, l’enfant devient le prédateur/victime.

La gamin se prépare pour la gay pride, dans le décors, le drapeau LGBT (ils ont usurpé les couleurs de l'arc-en-ciel en1978) resplendit. Je vous dit que ce film est terrifiant.

La gamin se prépare pour la gay pride, dans le décors, le drapeau LGBT (ils ont usurpé les couleurs de l'arc-en-ciel en1978) resplendit. Je vous dit que ce film est terrifiant.

L’enfant redescend avec ses bottes au pied, le pouvoir qu’il sait avoir sur les adultes fait qu’il se croit tout permis. Pourtant, le proprio ne l’a pas rejoint à l’étage et produit un comportement à peu près adéquate : il l’attrape, le secoue, s’exclame « Non mais dis donc, ça va pas non !?! » et lui colle une claque. 

Gérard intervient, le proprio justifie son comportement par le fait que le môme a volé des bottes, pourtant, il sonne incertain de l’excuse lorsqu’il la prononce, lui qui est pourtant terriblement ferme le reste du temps « mais… euuh… il a volé des bottes. » Il finit par insulter Gérard de « Connard » après l’avoir viré.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Encore de l’imprécision, du flottement. Un patron ne vire pas quelqu’un comme ça et pour ce genre de raison ni ne se justifie honteusement devant un de ses employés. Il aurait plutôt dit « Non mais de quoi tu te mêles toi ? Je gère mon magasin comme je veux et si tu as un problème tu peux toujours te casser. » De même que le « connard » sonne totalement faux, « imbécile » fonctionnerait bien mieux. Après tout, Gérard vient de se faire virer en défendant un enfant, n'a même pas été particulièrement irrespectueux envers son patron et accepte en plus de payer les bottes du gamin.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

Ce qu’il vient de se passer au niveau "métaphorique," c’est que Gérard vient d'acheter l'enfant. Il sort du magasin américain avec celui-ci, l’offre l’intéresse, car ce qu’il se passe ici, c’est que le petit garçon est venu pour se prostituer. Il entre, il fait une offre que le propriétaire accepte ou refuse et il ressort. Qui lui a appris ça ? Je n’en sais rien. Mais Gérard est intéressé. Il offre un diabolo au garçon, lui demande pourquoi il n’est pas à l’école et ni une ni deux, se retrouve assis à côté de lui et le sert contre lui un bras passé autour des épaules, sous couvert de lui apprendre à lire Astérix.

Le Maître d'école: Un Arc narratif tabou (3320 mots).

L’enfant ne sera aucunement traumatisé par ce geste qui ne représente pas une agression. Il n’en gagne pas pour autant une raison d’être. Gérard serre l’enfant contre lui, non pas parce qu’il pense que l’enfant a besoin de ça, ou parce qu’il aurait un sens à ce stade de la relation, Gérard serre l’enfant contre lui parce qu’il en a envie, parce que cela apaise chez lui un mal-être ou une frustration. C’est ce qui va le pousser à devenir prof, autant que le désir d’aider les enfants. C’est l’arc narratif du personnage, le combat entre une motivation altruiste d’amour véritable pour les enfants et une motivation égoïste, destructrice, pathologique, inavouable.

 

Ajout 2022: Bon et puis maintenant que l'article est posté depuis longtemps et que je me suis remis de sa rédaction, le secret du film dont je n'ai pas parlé dans l'article, c'est que l'école du film (l'école française ?) est la cible d'un réseau de pédophilie. Si on engage des Gérard Barbier, des incompétents qui "aiment" les enfants, c'est pour s'entourer de complices dans le crime. La petite fille de l'auberge est une offrande, tout comme la gamine aux parents qui se séparent (parents qu'on ne voit jamais). On veut pousser Gérard à passer à l'acte afin qu'il ne puisse plus dénoncer. La surenchère finale durant laquelle il s'occupe de trois classes est un acte héroïque, peut-être inconscient. Des enfants allaient être enlevés. Les faire rentrer chez eux pour qu'ils "trainent dans la rue" c'était créer une opportunité de se servir.