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Horns: Merrin n'a jamais eu de maladie incurable. (1300 mots)

Publié le par Kevin

Horns: Merrin n'a jamais eu de maladie incurable. (1300 mots)

La semaine dernière, je suis allé voir Crawl d’Alexandre Aja. Excellent film qui m’a fait me rappeler que j’aimais bien ce réalisateur à une époque, avant Mirrors, Horns et La Neuvième Vie de Louis Drax.

J’avais vu Maniac, scénarisé par lui et très bon. Et The Pyramid de son pote Grégory Levasseur était bien sympathique aussi même s’il est passé complètement inaperçu. Mirrors m’avait déçu et je n’étais jamais parvenu à m’intéresser à Horns qui aurait dû être pour lui, le passage de « petit réal talentueux » à « grand réalisateur » mais que les critiques flinguèrent très subtilement, c’est-à-dire non pas en hurlant à la nullité mais au ratage triste : « On ne peut pas dire que c’est nul, mais en même temps, c’est pas terrible, ça fonctionne pas. » Le genre de critiques qui attendent que ce soit le lecteur qui donne le coup de grâce parce qu’il a le sentiment que tout ce qu’il va aimer dans le film va rendre le ratage encore plus désagréable, la déception plus grande. Aussi, le film a été diffusé dans 103 salles. Piranha, 2600, Mirrors, 2600, The Pyramid, 2600. Horns, 103 et vendu à netflix ou je ne sais plus quelle plateforme.

La Neuvième Vie de Louis Drax n’est même pas sorti en France. Et donc voilà que Crawl arrive sur nos écran et Aja semble en pleine forme et on se demande où il était et pourquoi il n’a pas déjà dix films comme ça à son actif. La confiance est rétablie, je trouve la force de regarder Horns et… il est bien ce film. Ce n'est pas un film moyen avec quelques qualités, c'est un bon film avec des défauts.

Horns: Merrin n'a jamais eu de maladie incurable. (1300 mots)

Avec le recul je trouve les critiques non seulement ridicules mais en plus terriblement suspectes. On lui reproche ses changements de ton, de ne pas savoir s’il veut être un film fantastique, d’horreur, une enquête ou une comédie, il y a même un côté drame pur avec le flashback qui remonte à l’enfance,  or non seulement ces changements de ton et de genre ne posent aucun problème, mais en plus, c’est exactement le type d’argument qu’on a utilisé pour encenser Guardians of the Galaxie la même année -osé, original, rafraichissant, drôle*- et exactement le genre de compliments qui est fait du cinéma de Tarantino en général.

*(Bon ok, Les Guardiens de la Galaxie était bien plus léger que Horns mais ce dernier offre par moment un humour adulte vraiment rare et agréable)

Les critiques adorent complimenter un film pour ces variations de genre, cette flexibilité, ces libertés prises. Mais pour Horns, nein ! C’était nul boouuuh. Ce qu’il y a de plus ironique encore, c’est que Guardiens de la Galaxie a lancé/surfé sur une vague d’enthousiasme pour les années 80 simplement en intégrant une BO de la période, pure exploitation, alors que Horns est typiquement le film d’horreur des années 80 avec sa liberté de ton et de direction. Le Loup-Garou de Londres, Le Blob, Christine, House, Hitcher, Deadly Friend, Gremlins… des films d’horreurs qui flirtent avec la comédie et le drame et font confiance à la capacité de s’intéresser du public.

Horns est un bon film et un film important avec de belles petites leçons à tirer de ses personnages. J’ai trouvé le final un peu raté, en attendant j’ai été captivé jusqu’à celui-ci. C’est un film qui mérite d’être vu et qui aurait dû être perçu positivement dans la carrière d’Aja. S’il annonçait aujourd’hui vouloir refaire un film comme Horns, je serais très heureux de l’apprendre.

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Alors maintenant, pour la lecture alternative, je voudrais pointer du doigt un élément qui donne une profondeur et une complexité bien salissante à toute l’histoire.

La seconde partie du film se focalise sur l’identité et le sort de l’assassin de Merrin Williams. Or, à mesure que l’histoire avançait et que les différents scénarios se superposaient indéfiniment, je voyais que le film se distançait petit-à-petit de nous expliquer quelque chose: la raison pour laquelle Merrin a quitté Iggy.

Horns: Merrin n'a jamais eu de maladie incurable. (1300 mots)

Finalement on obtient cette information, justement sous forme d’une révélation faîte dans une lettre dont l’auteure elle-même ne sait pas pourquoi elle la écrite : Merrin a quitté Ig parce qu’elle était atteinte d’une maladie « du type cancer », elle était condamnée et ne voulait pas infliger à l’homme qu’elle aime la triste histoire de l’effondrement lent et fatal de sa santé.

Immédiatement, mon alarme à mensonge s'est déclenchée.  

« Pourquoi coller un cancer au personnage de Juno Temple? Pourquoi cette lettre gnangnan écrite en morse et déblatérant une immonde soupe mielleuse ? » => Tiré d'un article de sens critique.

Tout d’abord, la lettre est écrite en morse, un code avec lequel Merrin et Ig ont déjà communiqué certes, mais qui empêche d’être certain que la lettre a été écrite par la jeune femme puisque n’importe qui peut faire des bâtons sur une feuille. Ce n'est pas comme s'il reconnaissait son écriture. Ensuite, l’initiative elle-même ne fonctionne pas dans la composition de l’intrigue. L’histoire n’est pas centrée sur Merrin et Iggy, elle inclut toute la ville qui accuse le jeune homme d’être le meurtrier. Une histoire a besoin d’unité, d’un point central, d’un fil conducteur, or cette révélation crée un film schizophrène. Soit l’histoire tourne autour de la relation Ig/Merrin, de leur passé, de leur séparation et de la possible tromperie, soit elle tourne autour du meurtre de Merrin et du fait que tout le monde semble haïr Ig et faire de lui l’assassin, mais les deux ne peuvent pas se disputer la place centrale.

Cela peut sembler exagéré de trouver un sens caché dans de telles nuances mais pour dire les choses plus simplement on ne peut pas demander au spectateur d’être en même temps choqué par l’assassinat de Merrin, et d’être choqué par la nouvelle de sa maladie incurable qui a entrainé son désir de séparation. Elle a été assassinée et on apprend qu’elle devait mourir de toute manière, ça ne fonctionne pas.

Autre problème avec cette lettre qui révèle le pot aux roses, pourquoi existerait-elle ? Si Merrin devait mourir d’une maladie chronique incurable et quittait Ig pour cette raison, il n’y a pas de secret inavouable à enterrer. Elle pouvait partir vivre à Chicago comme prévu, laissant Ig refaire sa vie et reprendre contact avec lui pour lui avouer la vérité une fois qu’il serait passé à autre choses. C’est débile, mais l’idée de quitter quelqu’un qu’on aime parce qu’on est malade et cela sans le prévenir est ridicule elle aussi. La lettre n’a aucun sens.

Mais surtout, SURTOUT, le père de Merrin vend la mèche lorsqu’il s'écrie qu’en voyant sa femme mourir du cancer à petit feu il pensait qu’il ne revivrait jamais quelque chose d’aussi horrible de sa vie, entendant par cela que la mort récente de sa fille avait évidemment été quelque chose d’insupportable. Mais donc, s’il ne s’attendait pas à avoir à revivre quelque chose d’aussi horrible que la mort de sa femme atteinte d’une maladie incurable, cela signifie que Merrin n'était pas atteinte par cette même maladie.  Merrin n’avait pas de maladie incurable, c’est un mensonge.

Horns: Merrin n'a jamais eu de maladie incurable. (1300 mots)

La raison pour laquelle Merrin quitte Iggy reste donc un mystère. La lettre en morse est contrefaite. La réponse à ces questionnements se doit logiquement de joindre les différents aspects de l’histoire (Meurtre, accusation du héros, cornes), pas de les séparer.

 

La vérité c’est que c’est la haine des habitants de la ville qui a poussé Merrin à quitter Iggy. Pourquoi ? Comment ? Je ne sais pas, mais c’est clairement, selon moi, la seule idée qui réunisse tous les aspects du film en un tout cohérent.

Iggy est « démonisé » par les habitants de la ville. Que cela soit leur influence lointaine ou des menaces directes qui la poussent à le faire, ce sont les habitants de la ville qui amène Merrin à quitter son copain.

D’ailleurs, si Lee Tourneau, le crétin qui la viole et la tue, se met si facilement en tête qu’elle quitte Iggy pour se mettre avec lui, c'est parce qu’elle n’a aucune raison valable de quitter son copain et n'explique pas non plus à Lee ce qu'il se passe. Lee n’est pas si stupide que ça justement, sa sensibilité honnête lui indique que cette séparation n'est explicable que par une raison forte et extérieure : Merrin aime probablement un autre homme, et cet homme c’est fort probablement lui.

La conversation finale est interrompue au moment où Lee s'apprête à dire que la police sait parfaitement qu'Iggy est innocent.

La conversation finale est interrompue au moment où Lee s'apprête à dire que la police sait parfaitement qu'Iggy est innocent.

 

 

Puisque ça n’est donc ni une maladie incurable, ni un amant caché, quelle est donc la raison pour laquelle Merrin quitte Iggy ? Oui, la haine des habitants de la ville certes, mais pourquoi cette haine envers Iggy et pourquoi Merrin aurait-elle cédée au lieu de proposer à son copain de s'enfuir avec elle ? Mystère mystère.