Deuil et déguisement. (576 mots)
En l’année 1991, je me souviens d’avoir vu un mercredi après-midi, ou un jour où j’étais malade, le téléfilm Marie et sa bande, que j’ai retrouvé bien des années plus tard sous le nom The Challengers. Cette histoire de petite fille qui se déguise en garçon pour faire partie de leur groupe m’avait vraiment interpelé à l'époque et j’en avais conçu l’idée que les filles ne voulaient pas être des filles, que les garçons étaient mieux lotis. Idée qui a eu des conséquences problématiques sur mon existence mais là n’est pas le sujet de cet article.
Le sujet ici, c’est que le papa de Marie est mort. Résumé :
Marie n'a que 11 ans lorsque son père décède. Pour des raisons matérielles, Marie et sa mère doivent quitter la ville et s'installer dans une bourgade de province. Ce changement d'environnement n'enlève rien au chagrin de la jeune fille qui ne parvient pas à accepter la mort de son père et qui sans cesse, se passe au magnétoscope les moments heureux vécus en famille. Marie s'intègre mal au centre de loisirs où elle ne trouve pas sa place. Par hasard, elle rencontre trois garçons qui viennent de former un groupe "Les Challengers" et qui cherchent un quatrième partenaire, ce dernier ne pouvant être que lui-même un garçon. Comme ils ne veulent pas entendre parler de fille, Marie décide de se déguiser temporairement et devient épisodiquement Marco, son cousin. Grâce à ce stratagème, elle reprend goût à la vie, fait de la musique avec ses nouveaux copains...Mais très vite, la supercherie se retourne contre elle.
En lisant ce résumé, il m’a rappelé une autre histoire d’enfant/ados qui se tourne vers le sexe opposé. Celle de Girl (2018), un garçon de 15 ans qui fait de la danse classique et veut être considéré comme une fille. Il danse donc avec des garçons qui ne sont pas fous de joie de faire des figures portées avec un partenaire de dix kilos de plus que leurs autres partenaires, se change dans le vestiaire des filles qui ne sont pas folles de joie de devoir se mettre nues devant lui et entreprend un traitement hormonal. Au niveau narratif, une chose m’a interpelé : Il n’est fait, si je me souviens bien, absolument jamais allusion à une mère. Je ne sais plus s’il est dit à un quelconque moment si celle-ci est morte ou simplement partie. Une chose est sûre, la mère est absente et la douleur qui en résulte est taboue et refoulée. Ce vide me semble encore plus violent que le simple constat de son décès.
Il m’est ensuite revenu à l’esprit un autre film appelé Psychose, qu’il est un peu inutile de présenter. Histoire de Norman Bates, tenancier d’un hôtel qui revêt régulièrement les traits de sa mère décédée depuis des années et dont il ne supporte pas la disparition, dont il refoule la disparition dans son inconscient, pour être précis.
En 2010, Todo Lo Que Tu Quieras raconte l’histoire d’un père qui, à la mort de sa femme, se met à se déguiser en elle afin d’aider leur petite fille à accepter la disparition de sa maman.
Dans Heart to Heart (하트 투 하트), une série coréenne que j'ai vraiment beaucoup aimé, l’héroïne se déguise en sa grand-mère qui l’a élevée et dont elle ne parvient pas à accepter la mort, pendant que le personnage principal masculin quant à lui joue le rôle de son frère jumeau bien plus sportif, confiant et extraverti que lui, mort lorsqu'ils étaient enfants.
Un pattern apparait, le besoin de faire revivre (ou de faire exister) quelqu’un au travers de soi en se déguisant en cette personne, en en devenant une reconstruction, dans l'habillement comme dans la psychologie. La chose est même présente dans Mrs Doubtfire, film dans lequel le personnage principal fait revivre sa mère au travers de lui-même lorsque les obstacles de sa vie le mènent, lui, dans un cul-de-sac. Phénomène intéressant, non ?