Sully : Inside Job 2 le retour. (1022 mots)
La phrase d'accroche ambigüe comme il faut: "L'histoire encore non-dite derrière le miracle de l'Hudson." Apprend-on quelque chose de particulier sur le fameux miracle ? non. Rien dans le film ne vient justifier le mot "Behind." On ne nous montre que "l'histoire du miracle de l'Hudson."
Je n’ai pas lu le livre de Chesley « Sully » Sullenberger, je ne peux donc pas dire s’il y donne des éléments qui contrediront cette lecture alternative ou pas.
En attendant, il y a dans le film « Sully » un doux inconscient sinistre qui plane à l’arrière de la tête des protagonistes, dans leurs regards, au fond de leur gorge, dans leur cœur bouleversé qui bat la chamade de terreur et de soulagement. Le 15 janvier leur rappelle à tous le 11 septembre, évidemment. Evidemment.
Quelle beauté que cet anti 11 septembre justement. Cet avion qui ne s’est pas crashé, ces victimes qui ont survécues, ce pilote titanesque, cette équipe incroyable et ces secours arrivés à temps et qui ont sauvé tout le monde. Le film ne se prive pas de nous lancer le mot miracle au visage, intervention divine. Il a bien raison. Non pas que je sois devenu croyant, simplement, parfois, on a besoin de mots et de concepts pour exprimer l’humilité que l’on peut ressentir face au poids écrasant d’avoir eu le droit de vivre ou de rester en vie.
Bref, trêve de blabla admiratif, tout ça c’est bien beau mais bon, les moineaux qui font exploser les deux réacteurs… à d’autres.
Je crois n’avoir jamais basé une lecture alternative principalement sur une probabilité or ici, c’est le cœur du schmilblick. Un réacteur détruit par des oiseaux, c’est très rare est extrêmement peu probable. Deux réacteurs c’est virtuellement impossible. Dans les deux cas, il est déjà légitime de vérifier s’il n’y a pas une autre cause, des réacteurs en mauvais état, un chewing gum collé à l’hélice, un petit pain de C4 oublié par mégarde, ce genre de choses. Mais ce qui donne le coup de grâce à l’idée d'un accident neutre c’est le timing. Mot mis bien en avant dans le film ; Sully l’entend et il a une épiphanie. Le problème c’est le timing.
La journaliste appuie sur l'absence de temps, sur le "perfect timing" incroyable mais également, indicateur de quelque chose.
Que va-t-il lui inspirer ce mot ? Le capitaine va demander à ce que les simulations du crash soient faites avec de véritables pilotes et non uniquement par ordinateur. Pendant le procès, il critiquera le fait que les testeurs réagissent en un quart de seconde au problème. Il insiste : « vous ôtez le facteur humain. »
On lui accorde un temps de réaction de 35 secondes. Soudain, les avions du simulateur qui parvenaient à atterrir à Laguardia et Teterboro se crashent, tout le monde est mort. Les spectateurs applaudissent, Sully est tiré d’affaire: on ne l’accusera pas d’avoir mis la vie des passagers en danger avec une décision délirante.
35 secondes de moins et ça fonctionne. 35 secondes de plus et c'est la mort. Ces oiseaux avaient vraiment un timing de dingue non ?
Voyez-vous où est le problème ? Le voyez-vous chers lecteurs ? N’y a-t-il pas un frisson de terreur qui vous parcourt la colonne vertébrale ?
Il est absolument ridicule d’imaginer possible que des oiseaux aient détruit les deux réacteurs de l’appareil en même temps exactement dans la ridicule fenêtre de trente secondes durant laquelle la décision du pilote serait fatale à tous les passagers.
C’est un raisonnement compliqué. Si les oiseaux avaient frappé plus tôt, l’avion avait le temps de retourner à Laguardia. Si les oiseaux avaient frappés plus tard, la tour de contrôle et tout pilote auraient compris que tenter de retourner à l’aéroport c’était le crash sur la ville assuré. Ces « oiseaux » ont détruit les deux réacteurs à l'exact moment où il y aurait le plus de chances pour que le pilote décide de retourner à l’aéroport alors qu’il ne le pouvait plus. C’était le pire instant. Et si Sully a hésité c’est parce qu’au fond de lui, il le sentait. Il sentait qu’il y avait autre chose et que s’il s’engageait au-dessus de la ville, c’était le crash assuré. D’où le cauchemar du début du film.
Le crash est montré en quatre fois. D'abord, le cauchemar. Ensuite l'angle de l'accident aviaire. Puis le sauvetage.
Enfin, dans la dernière partie du film, c'est la décision d'amerrir sur l'Hudson qui est explorée. Et ce que l'on voit aux travers de ces plans, c'est la manière dont l'Hudson n'était pas pour Sully la seule chance de survie mais la seule chance de ne pas faire plus de morts que ses passagers.
Se crasher sur le fleuve ou sur l'une des villes les plus peuplées du monde. Sully ne choisit pas l'Hudson pour sauver ses passagers et sa vie, il choisit l'Hudson comme un sacrifice.
Autre élément qui va dans ce sens, nous sommes le 15 Janvier. Quel atroce manque de chance de tomber sur un jour de l’année où les eaux de l’Hudson sont mortellement froides. Si l’amerrissage s’était passé un poil moins bien c’était la mort par le froid. Tous gelés dans l'Hudson. Les journalistes soulignent d'ailleurs que la survie des rescapés n'est qu'une question de minutes.
Complètement gelé, cet homme fera demi-tour pour ne pas mourir. Il faisait si froid ce jour-là que tenter de rejoindre la rive à la nage aurait été mortel pour les passagers. Sérieusement !
Autre élément joliment inséré dans le film, ce précédent vol tumultueux de Sully à bord d’un avion de combat qu’il a tenu à ramener à bon port au péril de sa vie.
On dit à Sully "tu n'atteindras pas la piste d'atterrissage" on s'oppose à sa décision de sauver l'avion et pourtant, il le pose et s'en tire sans une égratignure. S'il avait tenté la même chose avec l'airbus, c'était le crash sur la ville et plusieurs centaines de morts.
40 ans de vols impeccables (qu'il décrit comme "ayant mené mes passagers à bon port") et un vol durant lequel le retour à la plus proche piste d’atterrissage a été payant. CV parfait pour la catastrophe du 15 Janvier. Ce que je veux dire ici, c'est que Sully a été choisi. La saison, la ville, le pilote, l'instant précis de la destruction des réacteurs (donc mesuré grâce à une simulation du même type que celle utilisée à la fin du film), tout cela a été choisi.
S’il y a un pilote dont la carrière indiquait qu’il déciderait de retourner à l’aéroport c’est Chesley Sullenberger. Ce qui le fait rester au-dessus de l’Hudson c’est le doute. C’est l’improbabilité de l’événement. Les buildings de la ville remplis de vies prêtes à être fauchées par un avion perdu.
Voilà, c’est tout. Ce vol d’oiseaux c’était un attentat. Un autre avion devait se crasher sur New York mais par un miracle incroyable cela a échoué. Un messie sacrificiel nous a fait atterrir un avion sur l'eau. Car c'est le sens du sacrifice, le sens de la responsabilité, qui fait de Sully ce qu'il est. C'est l'oubli de soi et l'amour qui ont créé le miracle, c'est largement mis en avant dans la description que le film fait des événements. Un miracle Chrétien donc.
Ah oui, comment j’explique les oiseaux ; de la même manière que j’explique les oiseaux de la simulation que l’on voit à la fin du film. CGI, hologrammes, peu importe, la technologie politico-militaro-manipulatrice en est largement à ce niveau aujourd’hui. Peut-être la CIA a-t-elle un dresseur de pigeon particulièrement patenté. Et de toute façon, la scène n’est qu’une constante remémoration de Sully si je ne me trompe, donc ce que l’on voit n’est que sa perception. Si les oiseaux étaient une illusion du docteur Mystério et que Sully n’y a vu que du feu, il est normal que ses souvenirs nous montrent une volée d’oiseaux parfaitement crédibles.
Petits détails que je ne creuserai pas : il est possible que Sully pense que son copilote est dans le coup et que c’est uniquement à la fin du film, en entendant la boîte noire, qu’il se dit que c’est impossible. Et certes, s’il était dans le coup, cela signifierait que le co-pilote est un kamikaze mais dans la version officielle des attentats du 11 septembre, il y a aussi une tripotée de kamikazes.
Aussi, il est probable que Sully s’attende à se faire assassiner. Raison pour laquelle il passe son temps à courir dans la rue ainsi que d’un lieu public à un autre (entre autres nombreuses raisons). Beaucoup de ses comportements ne correspondent pas à la situation, aussi exceptionnelle soit-elle.
Mais bref, que ce film était bon. Un film avec des humains humains, ça devient bien rare.
Le film se clôt sur Elizabeth Davis soulignant qu'il reste une inconnue dans cette histoire. Tout menait au crash et il est au final incompréhensible que Sully ait pris la bonne décision. C'est à ce moment qu'il devrait répondre: "J'ai compris que ça n'était pas un accident mais le résultat d'une volonté humaine et que par conséquent, nous n'avions aucune chance d'atteindre un aéroport." A la place, il protège sa vie et redirige la question. Si tous ces imbéciles n'ont pas compris que des oiseaux ne pouvaient pas faire ça et qu'un timing aussi infernal ça n'existe pas, ce n'est pas à lui de risquer sa vie à nouveau.
L'avion qui vole sur l'eau, image christique du sauveur. Les rafts gonflables deviennent des ailes. Et sur les ailes, d'autres rescapés. Et au-dessus de ces deux paires d'ailes, une autre: la ville. En même temps que ses passagers, Sully a sauvé New York. La gouverne de direction est de la même taille que la tour qui remplace les twin towers. Airbus/New York = même destin.