Easy Rider: Tout le monde sait ce qu'ont fait Wyatt et Billy. (3379 mots)
Lorsque l’on regarde le film pour la première fois, la fin tragique et abrupte d’Easy Rider a quelque chose de ridicule dans sa gratuité absurde. Wyatt et Billy sont abattus sans raison par deux rednecks qui passaient par là en pick up le lendemain du soir où nos deux protagonistes estiment justement être hors d’atteinte.
Bien sûr, on se rappellera immédiatement du fait qu’il y a déjà eu un meurtre dans le film : une nuit, Billy, Wyatt et leur compagnon de route George Hanson sont attaqués et tabassés pendant leur sommeil. George y laisse la vie. Le ton a déjà été donné et l’idée d’une menace tapie dans l’ombre également.
George a lui-même abordé cette menace auparavant.
Billy "Tout ce qu’on représente pour eux, c’est des types qu’ont besoin d’aller chez le coiffeur."
George "Oh non ! C’que vous représentez pour eux c’est la liberté. […] C’est très très dur d’être libre quand on est un produit acheté et revendu au marché. N’essaye jamais de leur apprendre qu’ils ne sont pas libres parce qu’ils vont immédiatement se mettre à assassiner pour te prouver qu’ils savent ce que c’est."
Wyatt et Billy seraient deux hommes libres, osant vivre selon leurs principes et leurs désirs et cela dérangerait les esprits conformes et soumis qui risqueraient de devenir hostiles en conséquence. La dynamique existe. Des boucs émissaires et souffre-douleurs de nos cultures lâches, hypocrites et morbides, il y en a beaucoup. Le problème de cette idée vient surtout de la personne à qui George s’adresse lorsqu’il l’énonce : Billy.
Billy n’est pas un magnifique homme libre et indompté. C’est un imbécile, égoïste, superficiel, sans principe ni valeur, grotesque et grossier. Le mépris et l’hostilité qu’il peut inspirer à certains ne viennent pas d’un dépit mécanisme de défense narcissique. Les gens le méprisent simplement parce qu’il se conduit égoïstement, dit des choses laides et est antipathique. Si quelqu’un veut le voir disparaître, ce n’est pas parce qu’il est l’incarnation de la liberté et que les gens découvrent en lui leur propre asservissement, c’est juste parce qu’il est désagréable et nocif.
Lorsqu’à la fin du film, il se fait abattre par un homme à qui il a tendu son majeur, nous pensons qu’il s’agit là de la confirmation de l’hypothèse de George Hanson, « ils vont se mettre à assassiner [pour te prouver qu’ils sont libres.] » Surtout alors que l’agresseur lance un « va donc chez le coiffeur ! » avant de tirer.** Y a-t-il pourtant la moindre raison de penser que ces deux rednecks puissent de près ou de loin voir en Billy l’incarnation d’une liberté dont ils ne jouissent pas ? Non. Ils n’ont rien à prouver à ce niveau. Une famille de classe moyenne enfermée dans la bien-pensance et les obligations aurait pu porter ce sens, pas des paysans. Par contre, ils voient Billy comme le perturbateur d’un ordre qu’ils respectent, légitime ou non.
**Mais justement, ne confirme-t-il pas l'idée de Billy de cette phrase ? Celle que tout ce que les gens voient en lui et Wyatt c'est deux types qui devraient aller chez le coiffeur ?
Avant l'assassinat des deux protagonistes, le montage indique la destruction ultime de la dimension temporelle. Wyatt et Billy sont entrés dans une boucle infinie. Il n'y a plus rien que la répétition, l'ennui et la mort comme seule échappatoire...
Ainsi, le sens que le film semble donner à l’agression ne fonctionne pas vraiment. Mais en plus de cela, le meurtre lui même n’est pas franc. Le Redneck déclare « Hey Roy, regarde-moi ces zèbres ! Rabats-toi un peu on va leur foutre une sacrée trouille » avant de menacer Billy. Il n’est pas question de les tuer. Après lui avoir tiré dessus, il s’exclame « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
La mort de Billy est accidentelle. Il ne représente pas une menace sérieuse pour ceux qui lui sont hostiles, c’est plutôt un insecte qui démange et qu’ils écrasent par mégarde. Cette fin bête est à la hauteur du personnage, il meurt sans être pris au sérieux, ce n’est pas un parangon problématique de liberté inarrêtable qui provoquerait une réaction de haine violente.
D’une manière générale, cette fin subite d’apparence forcée m’a immédiatement fait considérer une autre possibilité basée sur un élément que beaucoup de spectateurs semblent oublier : Billy et Wyatt sont de sérieux criminels « en cavale. » Ils viennent de prendre part à une opération de trafic de drogue qui leur vaudrait probablement une décennie de prison s’ils se faisaient attraper.
Mon hypothèse était donc que cette exécution sommaire finale était liée, non à leurs looks et à leurs motos, mais à leur crime originel. Poursuivis par les narcotiques, la CIA ou le FBI, peu importe, un officier en civil les abattrait, considérant qu’ils représentent des individus trop nocifs à la société pour qu’on leur accorde le droit à un jugement.
Même si cette hypothèse ne tient pas, elle m’a permis de constater qu’Easy Rider est bien l’histoire d’un jugement, d’une punition et, avant tout, d’une absolution raté.
Lorsqu’ils visitent un bordel, Wyatt trouve au mur une citation de Joseph Addison : « Death only closes a man’s reputation and determines it as good or bad. » (Traduction moyenne : « Seule la mort clôture la réputation d’un homme et détermine si elle fut bonne ou mauvaise. »)
Wyatt a alors une vision de sa mort future, son meurtre et crash à moto. Ainsi, la mort des deux personnages principaux se trouve être un moyen de soulever la question de leur « réputation. » La réputation, contrairement à la valeur, dépend d’un regard extérieur, c’est un jugement.
Je l’ai abordé dans mon précédent article sur le film, ce jugement porte sur la stérilité, le fait de vivre une vie non productive purement tournée vers la jouissance. C’est le sens de la drogue et de l’argent obtenu par la drogue, cela à un niveau immanent ainsi que transcendant.
Billy est le consommateur (immanence), celui qui ne voit rien au-delà de la jouissance creuse. La prostituée qu’il engage a clairement envie d’un enfant et souffre peut-être même d’être stérile, il ne trouve rien d’autre à répondre à son mal-être qu’une blague de cul insensible et crasse.
Wyatt, s’il a une profondeur, une beauté de caractère et qu’il admire tout ce qui a trait à la création de la vie (enfants, maison, production agricole), cherche à entretenir une relation homosexuelle. L’argent qu’il a, il veut le partager avec un homme dans une vie improductive (sans enfant). Cet homme, c’est d’abord Billy et l’on voit que son désir le corrompt car Billy est un minable qui ne lui arrive pas à la cheville.
La poudre blanche, j’en ai de plus en plus l’impression, est du liquide séminal déshydraté. Je ne parle pas littéralement. Je veux juste dire que la drogue me semble être toujours utilisée comme du sperme corrompu, détourné de son usage primordial sacré. Il ne sert plus à procréer, il sert à jouir. Il est vidé de sa substance, de son sens et exploité par son détenteur qui veut uniquement vainement ne faire de sa vie qu’une jouissance perpétuelle.
Wyatt et Billy se sont tous deux lancés sur cette route stérile (désertique) et ce qu’ils vont trouver sur le chemin problématise les implications et conséquences de leur choix.
-L’hôtel-
Première chose : Ils s’arrêtent à un hôtel, le propriétaire entre dans son établissement et change le réglage du néon de « vacancy » à « no vacancy. » sans même leur adresser un mot.
Élément qui passe inaperçu mais se trouve être important : ils ne réessaieront jamais de trouver un hôtel et dormiront à la belle étoile chaque nuit. Ce premier rejet n’est pas innocent, Wyatt et Billy ne le perçoivent pas comme anecdotique. Ils considèrent qu’il y a une raison derrière qui rend inutile qu’ils retentent l’expérience plus tard. Cette raison mystérieuse sera toujours présente : Motards sales ? Bof. Considérés comme des homosexuels à cause des cheveux longs de Billy ? Plutôt. Reconnus comme les trafiquants de drogues qu’ils sont parce qu’un avis de recherche à été lancé ? Probablement.
En effet, leur passage au Mexique a cela d’amusant qu’ils reçoivent le produit illégal auquel ils doivent faire passer la frontière devant une dizaine de témoins. N’importe qui peut les avoir dénoncés et donné leur signalement. Possible également, il peut parfaitement y avoir un policier parmi les truands qu’ils vont croiser. Wyatt et Billy ne passent pas inaperçus, ne sont pas discrets et en plus ont la brillante idée de s’acheter deux magnifiques motos pour traverser le désert. Sérieusement. Pourraient-ils être plus bêtes ? Qu’y a-t-il de plus facilement repérables que deux clampins à motos au milieu du désert ?
Le fait qu’ils dissimulent l’argent dans leur réservoir à l’intérieur d’un tuyau sert probablement à suggérer que s’ils ne se font pas arrêter c’est parce qu’ils ont bien caché l’argent. Pour procéder à une arrestation, les forces de l’ordre ont besoin de preuves, si des agents veulent arrêter Wyatt et Billy, ils veulent d’abord savoir où sont les billets.
L’hôtel est donc le premier signe de jugement. La première claque que se prend leur réputation : La société ne les accueillera plus, elle ne veut plus d’eux, elle ne veut plus les héberger. Wyatt et Billy passent la nuit dehors, à leur réveil, Wyatt constate l’effondrement de la structure sociétale. Il se montre désagréable avec Bily, ce n’est pas pour ça qu’il a accepté de participer à cette histoire.
A partir de là, leur voyage deviendra un étrange retour à cette société qu’ils ont abandonnée. Retrouver la légalité et l’hétérosexualité. Je ne comprends pas le sens de cette évolution, mais elle est indéniablement là.
-Le Cowboy-
La moto de Wyatt a un problème, il doit changer de pneus. Ils s’arrêtent chez un paysan. L’homme est en train de ferrer un cheval. Dans le cinéma américain, le cowboy solitaire loin de son foyer est le réel homme libre, celui que l’on sacrifie pour pouvoir instaurer la loi. Ce cowboy, il est là, silencieux, il regarde Wyatt et Billy sans les saluer. On voit immédiatement la comparaison possible entre le cheval et la moto. Mais personne ne la fait. Le lien que l’on s’attend à voir suggéré ne l’est pas. Le cowboy semble même un peu hostile aux deux motards. Or, dans ce contexte soit le parallèle est explicitement positif, soit il est négatif. La neutralité n’aurait aucun sens.
Ainsi, Wyatt et Billy sont de faux cowboys, il ne faut pas les confondre avec de véritables hommes libres américains.
-L’Epouse étrangère-
Le ferreur de cheval les invite à manger à sa table. Billy, toujours en décalage, ne voit pas venir que ses hôtes vont prier, et ne retire pas non plus son couvre-chef.
L’hôte explique sa vie. S’ils vivent en bordure de la société c’est parce que sa femme est étrangère (peu importe sa nationalité, elle est symboliquement étrangère). S’il a autant d’enfants, c’est parce qu’elle est catholique (pas de contraception). Cet homme a donc abandonné sa nation pour une femme et se retrouve à devoir nourrir une famille gigantesque de son simple labeur. Cela représente non seulement un exploit mais un travail colossal et déprimant. Wyatt y voit le véritable bonheur et la liberté. Sa naïveté venant du fait qu’il ne peut pas y aspirer dans sa position (attiré par les hommes).
Si la situation de Wyatt et Billy circule, peu importe comment, et que ce paysan sait qui ils sont, il est en train de leur demander de l’argent. Son hospitalité, il aimerait la voir récompensée par quelques gros billets. D’ailleurs, la police les précède même probablement, avertissant les gens que s’ils veulent aider, ils peuvent tenter d’amener Wyatt et Billy à se trahir en leur faisant utiliser l’argent du deal.
-L’Auto-stoppeur-
Après la famille nombreuse, c’est un auto-stoppeur que Wyatt et Billy vont rencontrer.
On apprendra de lui que c’est un hippie qui vit dans une communauté sérieusement pauvre et désespérée. Ils meurent de fin, tentent de faire pousser des choses dans le désert et ont déjà vu mourir pas mal d’entre eux. Billy rigole bien, Wyatt est plein d’admiration naïve.
C’est ce personnage qui m’a mis la puce à l’oreille. L’homme fait le plein de la moto et un plan nous indique qu’il comprend ou sait qu’il y a quelque chose avec le réservoir. Billy s’en inquiétera d’ailleurs.
Le hippie ne sort jamais du champs de vision de Billy. Lorsqu'il sort du champ de la caméra, il est en train de remplir le réservoir, il est toujours en train de le faire lorsqu'il réapparait. Aucun personnage n'apparait à qui il aurait pu donner de l'argent. Enfin, le temps écoulé est également bien trop court. Le hippie n'a pas payé.
Deuxième chose, il paye l’essence malgré la pauvreté décrite plus au-dessus. C’est très peu crédible. Et enfin, il paye l’essence durant un hors champs elliptique impossible qui suggère fortement qu’il n’a absolument pas payé l’essence. S’il n’a pas payé l’essence que se passe-t-il ? Il se passe que la police est passée par la station.
Comme l'homme à la famille nombreuse, la communauté hippie va offrir à Wyatt et Billy de constater ses difficultés. En réponse, Billy ne fera que courir après une femme avec qu’il veut coucher, aveugle à tout le reste. Il finira par se faire subtilement menacer et voudra soudainement quitter les lieux.
Wyatt par contre, subira une « opération séduction. » Il plaît à une femme, on lui offre un repas, on lui explique tout.
"Mmmm, c'est délicieux. Et tu me dis que ça représente une ration d'un mois !?! Vraiment, c'est très sympa de votre part de m'offrir un tel repas, si seulement j'avais de quoi vous montrer ma gratitude..."
En gros, les hippies cherchent à le faire investir, à le faire s’installer parmi eux et à sortir les billets. Tout échoue et une fois que Wyatt et Billy décident de quitter les lieux, la femme qui se refusait à Billy, accepte soudainement un bain nue. Bref, les hippies tentent tout ce qu’ils peuvent et échouent.
En cadeau, l’un d’entre eux offre de la drogue à nos deux compères. Nous pourrons en admirer l’effet à la fin du film, difficile de savoir si ses intentions étaient bonnes ou mauvaises.
-L’Arrestation-
A peine arrivés dans une première ville que nos deux idiots se font arrêter parce qu’ils perturbent un défilés. « Défilé sans autorisation » sera la justification. Leur comportement est indéniablement stupide et inapproprié cependant, leur arrestation ne coulait absolument pas de source. Ce fait serait probablement bien plus évident si nous étions témoin de la dite arrestation, or, nous ne la voyons pas. Les policiers ne pouvaient pas simplement leur demander de dégager ? Comment se sont-ils insérés dans le défilé d’ailleurs ?
Il y a un côté légèrement humoristique dans le fait que ces deux trafiquants de drogue soient tellement bêtes qu’ils parviennent à se faire arrêter alors qu’ils sont probablement suspectés et poursuivis. Encore une fois, tout ne tient probablement qu’au fait que la police ne sait pas où se trouve l’argent de leur méfait.
En attendant, cette arrestation un poil arbitraire l’est probablement pour une raison. Quelqu’un veut les voir en prison, on veut leur faire sentir qu’on ne les lâche pas. On veut leur mettre la pression, leur faire faire une erreur… ou alors, il y a une autre raison.
Cette autre raison c’est George Hanson. L’avocat. Oui, car ho la la, quelle surprise ! Wyatt et Billy, qui se sont fait arrêter pour n’importe quoi, se retrouvent dans la même cellule qu’un avocat alcoolique. Incroyable.
Au-delà de la coïncidence grossière, l’attitude de George fonctionne très bien avec l’idée de manipulation. Il est avocat, il a sous la main, deux clients potentiels plein aux as. Il est là pour son business. Alcoolique (légal), il évitera pourtant le joint de Wyatt (illégal) comme la peste.
Durant leur discussion nocturne, Billy remarquera qu’ils sont espionnés par un satellite (Ils le sont fort probablement), George pondra une histoire de soucoupe volante à dormir debout pour noyer le poisson. Une histoire d’extra-terrestre bienveillants vivants parmi les humains, qui ne prend jamais la direction qui plairait à l’avocat : « Et toi tu es un vénusien George ? » « Oui, et je peux vous aider à exploiter votre potentiel. Le gros tas de billets sales que vous traînez je ne sais où.»
-Deuxième ville-
Dans la ville suivante, la situation que nos motards vont rencontrer se trouvera être encore plus vicieuse.
Dans un diner, un petit groupe de filles s’excite à voir ces hors-la-loi apparaître. Mais à côté d’elles, les autochtones se montrent eux, extrêmement hostiles, ainsi que le shériff du coin. Allusions aux cheveux longs, à la saleté, l’ homosexualité possible, peu importe, Wyatt, Billy et George comprennent bien qu’ils ne sont pas les bienvenus et finissent par décamper.
Malgré tout, cet imbécile de Billy est à deux doigts de faire monter une fille sur sa moto, avant que le shériff ne se fasse remarquer à la fenêtre.
Ici, on passe de l’arrestation arbitraire à la tentative de les chopper pour un autre crime. Les filles paraissent honnêtement enthousiastes, mais ce que le film nous montre, c’est l’une d’entre elle en mettant une autre au défi d’aller accoster les motards. Une fille pourrait donc être de mèche avec la police sans qu’elles le soient toutes. Pendant que le reste du diner se montrerait incroyablement hostiles du fait qu’ils savent à qui ils ont affaire, deux trafiquants de drogue, encore une fois.
Mais je n’affirmerai rien ici car, ce passage n’est pas suffisamment clair. Toujours est-il qu’encore une fois, l’hostilité vis-à-vis de nos motards est excessive et arbitraire.
Sans parler du fait que cette nuit là, ils se font attaquer pendant leur sommeil. Wyatt se fait tabasser, George est assassiné. Et nous devrions croire que cela arrive parce que Billy a les cheveux longs et qu’ils voyagent à motos plutôt que parce qu’ils viennent de se faire une fortune en trafiquant de la drogue dure qui vont probablement coûter la vie à une ribambelle de gosses imprudents et paumés ?
Wyatt et Billy ne rapporteront pas l’assassinat de George. Ils ne changeront même pas leur plan suite à cette agression. De la même manière qu’ils accepteront de coucher dehors tous les soirs sans aborder le sujet, le meurtre de George passera comme une lettre à la poste. Wyatt et Billy se savent en cavale, ils n’en parlent jamais, mais ils ne l’oublient jamais. Ils se doutent que cette agression a à voir avec leur crime et que s’ils la rapportent, cela risque de se retourner contre eux.
George a probablement été assassiné par des hommes de lois. La raison à ce crime serait qu’il est avocat et qu’il se met en position de tirer profit de l’argent du crime pour lequel on tente d’arrêter Wyatt et Billy. C’est une initiative de vermine qu’il prend là. Il profite du crime mais sans se mettre en position de hors-la-loi. C’est le genre de comportement qui peut amener au genre de sort qu’il rencontre.
-Mardi gras-
Conclusion du voyage de Wyatt et Billy, le mardi-gras de la nouvelle Orléans. Aucune interférence policière ici. La ville sera l’échec des ambitions des deux motards. Ils arrivent au bout de leur logique. L’un s’étale dans le vide de son existence, l’autre constate son incapacité à sortir du vide de la sienne. Leur argent ne les sauvera pas. Ils ont échappé à la police, ils n’ont pas échappé à leur destin.
C’est là que Wyatt lit la citation sur la réputation. Et une réputation, ils en ont réellement une si la plupart des personnes qu’ils ont rencontré depuis le début de leur voyage savent qui ils sont.
Par contre, si l’on doit croire qu’ils ont été aussi incognito que les apparences nous le laissent croire, pourquoi se soucieraient-ils de leur réputation ?
-La Sentence-
Wyatt et Billy sont arrivés dans un cul-de-sac. Le premier le constate avec amertume. « Nous nous sommes perdus. » avec la connotation religieuse que cela implique.
La mise à mort finale est triple, joliment religieuse. Le père, le fils, le saint-esprit.
Il y a tout d’abord, la possibilité de la loi. L’accident, la maladresse est une mise-en-scène. Le redneck a l’intention de tuer les deux criminels.
Il y a ensuite la possibilité du rejet de la communauté. Le redneck a l’intention de tuer, mais le fait pour les longs cheveux et l’attitude du motard.
Le redneck croit vraiment être en train de faire une blague. Il se tourne vers son pote pour admirer l'effet de celle-ci.
Enfin, il y a la dimension accidentelle. Le coup part tout seul. Dieu intervient et inflige son jugement au travers d’un accident (suivi d’un meurtre bien plus volontaire commis pour qu’il n’y ait pas de témoin).
La veille, dans le bordel, ils ont eu une chance de faire les bons choix. Assez étrangement, et comme souvent dans les films, les deux prostituées n’ont rien de prostituées. Ce sont les deux femmes parfaites pour Billy et Wyatt, je ne pense pas que la prostitution ressemble souvent autant à un club de rencontre. La copine de Wyatt se conduit comme l’incarnation de l’innocence et s’appelle Marie.
L’erreur ultime et centrale que Wyatt et Billy commettent c’est de sortir leur cacheton de LSD au moment de faire l’amour avec ces femmes. La drogue remplaçant l’acte sexuel, le geste qui donne la vie, dégradé, désacralisé, perverti. C’est là leur fin.