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Ta Deuxième Vie Commence Quand Tu Réalises Que Tu N'en As Qu'Une : Un bon livre de manipulatrice abjecte pour pousser les gens au suicide. (544 mots)

Publié le par Kevin

Ta Deuxième Vie Commence Quand Tu Réalises Que Tu N'en As Qu'Une : Un bon livre de manipulatrice abjecte pour pousser les gens au suicide.  (544 mots)

Avant toute chose, je voudrais dire que je pars du principe que le livre n'est pas une critique du personnage du routinologue mais bien une apologie. C'est tellement clair que c'est un psychopathe que je me suis souvent dit pendant ma lecture que l'auteure s'attendait à ce qu'on le remette en question, mais vu que le livre est une publicité pour ses conneries je doute qu'elle l'ait écrit pour dire : "Hey regardez je suis une manipulatrice abjecte et j'en ai fait un livre !"

Je me sens content à l’écriture de cet article car abasourdi par la manipulation éhontée et cynique que constitue Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une et sa routinologie, un besoin intolérable de pouvoir résumer l’hypocrisie de ce livre en une phrase s’est emparé de moi, je suis content donc car incroyablement, j’ai trouvé une manière de dire les choses de façon synthétique et (à peu près) claire.

Imaginez une femme qui, à cause d’un défi qui tourne mal, se retrouve à errer dans le désert pendant plusieurs jours. Lorsque finalement et par miracle elle trouve une habitation et supplie pour qu’on lui offre à boire et à manger le propriétaire charismatique lui ramène une pomme et un verre d’eau et lui dit avec un grand sourire : « Mâchez bien et buvez lentement. Vous allez mieux que vous le pensez. Apprenez à vous passer du superflu, de ce qui vous alourdi. »

Ta deuxième vie blablabla... est la description de cette femme qui mange sa pomme le plus lentement possible et s’accorde quelque ridicule gorgée d’eau de temps en temps en essayant de se convaincre qu’elle est en train de répondre convenablement à ses besoins vitaux et que cet homme est autre chose qu’un pervers qui profite de la situation pour s’amuser avec elle.

Un extrait du « livre » :

La chose : "Alors Camille, vous êtes fière de vous ?

Camille : Je crois, oui…

La chose : Ah non ! Mieux que ça !

Camille : OUI ! Je suis fière de moi, m’exclamai-je alors avec plus de conviction.

La chose : Voilà qui est mieux dit-il."

Edifiant n’est-ce pas ? Un autre exemple de la misère et du pathétique avec lesquels le livre flirte:

Un SMS de la chose: "Bonjour Camille. Aujourd'hui, vous teinterez votre journée d'humour et de légèreté. C'est plus facile pour affrontez les petits tracas. :) Testez une séance de grimaces devant le miroir : c'est bon pour le moral et contre les rides." 

La débilité de certaines suggestions atteignant parfois même l'insultant comme par exemple lorsque l'auteure essaye de nous faire croire qu'il suffit d'un peu d'ingéniosité pour transformer les devoirs scolaires de son enfant en partie de rigolade. Apprendre ses leçons en chanson mais bien sûr.

La routinologie est une encyclopédie en creux du désespoir et de l'impuissance. "La vue des mendiants dans la rue vous déprime ? Regardez les amoureux !" "Vous trouvez la crise économique d'autant plus insupportable qu'elle n'est qu'un mensonge orchestré pour enrichir les puissants déjà millionnaires ? Faîtes-vous un bon thé aux fruits rouges dans une jolie tasse rose et décorez la coupelle d'une framboise décongelée." (Je rigole ce dernier exemple n'est pas dans le texte).

Ce livre est sorti en septembre 2015 (broché) et est toujours dans les meilleures ventes en mars 2017 (poche j’imagine). Oui, les livres les plus populaires sont souvent de grosses merdes infâmes mais derrière la positivititivitité hystérique de Ta deuxième vie… il y a une publicité mensongère compétente de deux cent pages pour une thérapie de développement personnel nocive et cynique.

L’idée de base de la routinologie est de convaincre des personnes qui souffrent d’un trouble existentiel sérieux dont elles ne trouvent pas la cause (société de consommation capitaliste démofasciste ?) que cette lassitude, que cette insatisfaction chronique ne vient que d’elles, qu’elles en sont les seules responsables. Le bonheur n'est plus un état psychologique abstrait, c'est un objectif concret comme un autre. A votre avis, qu’est-ce qu’il se passe une fois que la personne entièrement convaincue que son « bonheur » repose intégralement sur sa capacité magique à se sentir heureuse vient (inexorablement) à réaliser que la méthode ne fonctionne pas aussi bien qu'espéré, que la vie semble toujours aussi triste et qu’elle va donc échouer à sa thérapie, comme à tout le reste ? Tentative de suicide ? Oui oui. La routinologie est un outil parfait pour pousser les gens dans une position d’échec honteux et inavouable et inspirer des passages à l'acte suicidaires soudains et pas nécessairement prémédités... ou alors, un "bonheur" fiévreux forcé et inquiétant, mécanisme de défense qui apparait pour éviter d'admettre que tous les efforts n'ont menés à rien de bien convaincants. 

Et si j'ai l'air d'exagérer, je tiens à insister au moins sur le fait que l'aspect inoffensif, fleuri, rose, positiviste du livre cache un mécanisme de manipulation sérieux et proportionnellement violent qui demande beaucoup de l'individu, une véritable discipline de fer, et menace toujours de le faire tomber de très haut.  

Voilà. Si votre maman lit ce livre et qu'il la rend enthousiaste dites-lui que la vie est dure et que si elle a des regrets, ce n'est pas de sa faute, qu'elle peut déjà être fière de ce qu'elle a fait, qu'elle est belle et aimable. Pas besoin de se mettre à suivre une théorie basée sur la haine de soi.

Mais ce n’est pas grave tout ça, j’ai engagé un tueur à gage pour qu’il aille égorger Giordano et sa sœur jumelle et qu’il fasse une œuvre d’art de leurs deux têtes décapitées souriantes plantées au bout de deux lances romaines. Ça, ça donne la pêche ! Ça, ça casse la routine !

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Edit (800 mots): Je n'étais pas arrivé à la fin du livre lorsque j'ai écrit cet article. Je ne sais pas pourquoi j'ai interrompu ma lecture avec le sentiment qu'il fallait que je le fasse avant de terminer le bouquin et de connaître le fin mot de l'histoire. Sans doute sentais-je vaguement que le final serait édifiant lui aussi. Et il l'est.

Non seulement la routinologie est une connerie qui se résume par "Ta vie est pourrie ? Fais plus d'efforts connasse !" mais le livre est un parfait véhicule d'entrée dans une secte.

A ce stade, je ne serais absolument pas étonné que Raphaëlla machin ne l'ait pas écrit et qu'elles aient été sélectionnées elle et sa sœur comme simple représentantes de leur groupe d’influence simplement parce qu’elles étaient jumelles et coach de développement anal. Ou alors, elles ont été sélectionnées pour mettre au point cette thérapie ridicule et s’en servir comme véhicule d’entrée dans la secte justement.

Toujours est-il que le livre n’en est pas un. On ne peut pas appeler ça un livre sans dégrader le terme. C’est réellement une publicité de deux cent pages dont la structure dépend entièrement de l’apologie de la thérapie. Il n’y a pas de dynamique, de problématique, de mystère ou d’ambiguïté. Juste deux cent pages de « Mmmm, y a bon la routinologie. » Et si par moment certaines idées ne sont pas si nulles et que la description des soucis de l’héroïne sonne (très) juste, la complaisance dans la médiocrité des autres moments et l’hyper-responsabilisation de la pauvre femme dépressive inspire le sentiment inquiétant que vraiment, la routinologue n’en a rien à carrer de sa patiente.

Que dire du fait qu’au trois quart du livre, les efforts et la réussite de Camille semblent encore moins liés qu’au début ? Elle ne trouve pas de banque pour lui accorder un prêt pour se lancer dans son business [débile narcissique arriviste beauf] et hop, soudain, elle en obtient un… après avoir parlé de ses déboires à Claude (le routinologue). Et rebondissement qui a fait décrocher beaucoup de lectrice : Jean-Paul Gauthier vient à l’ouverture du magasin. Moi, je n’ai pas décroché, bien au contraire, cette disproportion finale débile a juste confirmé ce que je pensais déjà : la routinologie est dépeinte comme un (gentil) réseau d’entraide secret (inoffensif).

Or, si on est face à un réseau d’entraide secret, il est donc assumé que le bloubiboulga philosophico-psychologico-gullique que Claude sort à Camille depuis le début ne fonctionne pas. Sans parler du fait qu’il lui avoue à la fin n’être qu’un individu lambda sans la moindre qualification. Mais bon, elle le pardonne vu que maintenant sa vie est géniale et que de toute façon Claude l’attire depuis la seconde où elle l’a vu.  

Quant à la conclusion de l'histoire, il lui remet la casquette de routinologue et lui demande de se trouver quelqu’un à aider, à aucun moment il n’est question de payer Claude ou une organisation. Non. Rien. Juste continuer la belle chaîne de solidarité. On y croit.

Il est facilement imaginable que Claude a obtenu le tour en montgolfière, la séance de plongée sous-marine, le soin du sourire etc… gratuitement grâce à d’autres routinomongols. Et je pense que cette idée n’est pas mal vue par le roman, que ce réseau d’entraide serait vu positivement et que Camille y fera elle-même appel pour aider sa Isabelle finale (la fille qu'elle sélectionne).

Sauf qu’à la fin du livre, nous sommes devant une personne qui doit sa vie à la routinologie. Peu importe le mensonge qui lui fait croire qu’elle a tout fait toute seule, et l’ultra discipline qu’on lui a imposé pour lui faire croire qu’elle agissait, à la fin du livre, elle sait qu’elle doit tout à la routinologie. Elle a une dette énorme. Et vous pensez peut-être que les choses vont en rester là ? Oh dans le livre bien sûr. Oui oui. Sauf que le livre sert à recruter de la desperate housewives dans la vie réelle et la vie réelle c'est pas exactement aussi niais que ce livre.

Aussi, il y a l’idée qu’elle a été sélectionnée. Claude l’a choisie. Quelle magnifique flatterie ultime, décrite comme une histoire d’amour. Un magnifique hameçonnage tourné vers le petit sentiment de supériorité qui est bien enfoui au font de l'épouse de classe-moyenne. Elle voulait que sa vie soit "normale" mais avait appris à percevoir la norme comme une élite. Son trouble existentiel c'est de réaliser que sa vie de petite-bourgeoise est pourrie et qu'il n'y a vraiment rien qui fasse d'elle un être supérieur et que tous les sacrifices et concessions qu'elle fait font juste d'elle une esclave insignifiante. Or, cette flatterie, elle va la retrouver au travers de Claude, qui va lui redonner ce sentiment bien petit bourgeois qu'elle a un destin particulier, que les autres sont là pour être les esclaves de sa belle vie de roman à l'eau de rose.

J'admire le super tour de passe-passe de faire de ce simple gourou un mec lambda : « Regardez ! Ce n’est pas une secte, ce mec ne demande rien. Il ne faisait ça que pour payer lui-même sa dette ! » Le moment où Sébastien (mari de Camille) accuse Claude d’être un gourou et son revirement d’opinion en deux pages est autant hilarant de nullité que sacrément inquiétant. L’auteure suggère-t-elle qu’il s’est passé quelque chose qui a fait changer Sébastien d’avis dans le dos de Camille (du type menaces)? Ou essaye-t-elle hyper maladroitement d’atténuer les questionnements de son lecteur ? Genre : « regardez ! Le mari de Camille aussi pense qu’elle a affaire à un gourou mais lui qui est si virulent hop ! Il change d’avis… parce qu’elle lui paye un resto (pardon ?) La routinologie n’est pas une seeeeecte. Répétez après moi. La routinologie n’est pas une seeeeeeecte ! »

Bref, roman de rapaces, roman de propagande sans scrupule, écrit par des vautours pour enrichir au mieux deux idiotes, au pire un groupe d’influence qui n'oubliera pas où se situent ses intérêts, et roman qui rencontre un succès phénoménal. Quel plaisir de vivre dans une culture comme la nôtre.