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Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Publié le par Kevin

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Il y a un mois j’écrivais au début de mon premier article sur 3 Billboards : «  Three Billboards is a very very very very very very convoluted movie. » (Three Billboards est un film très tordu.)

 

Depuis ce premier article que je focalisais sur un malentendu précis que le film construisait volontairement, j’en ai écrit un autre sur, disons, un second malentendu. Cette approche me permettait d’écrire rapidement des articles courts et d’éviter de devoir me construire une vision d’ensemble de l’histoire qui restait pour moi assez compliquée et énigmatique, avec beaucoup d’éléments contradictoires et de mystères.

 

Aujourd’hui, je peux donner une vision « d’ensemble. » J’ai un fin mot de l’histoire mais vous devez d’abord ajouter trois cent « very » devant « convoluted » voire remplacer « très tordu, » par « vraiment très très très très très très très très glauque. »

 

Je pensais garder le suspense quelques paragraphes mais autant cracher le morceau tout de suite histoire que vous sachiez immédiatement ce qui va vous tomber dessus. Angela Hayes qui a été brûlée vive et violée alors qu’elle agonisait, l’a été de son plein gré et de sa propre initiative. Voilà, c’est dit. Maintenant qu’est-ce que vous faites de cette idée ? Je ne sais pas.

 

Et moi comment j’explique ce délire ? Par où commencer ?

 

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Avertissement : Je pense que j’ai rarement été aussi convaincu d’un sous texte si radical et pourtant seulement suggéré de très très loin. Vérifier que Dixon n’est pas raciste n’est pas difficile une fois que quelque chose nous y a fait penser, mais ce avec quoi je m’apprête à jongler est une toute autre paire de manches. Je dirais que c’est le secret des secrets. Il faut déjà percevoir les éléments secrets habituels pour avoir accès à une autre logique. C’est vraiment bizarre, au final je me retrouve convaincu de choses assez compliquées et cela par des détails pratiquement insignifiants, j’ai rarement vu un film si « voilé. » Mais en même temps, je comprends que le scénariste ait voulu enfouir cette idée le plus profondément possible. Aussi, je peux être dans l’erreur sur un grand nombre de choses sans que cela soit pour autant très important. Parfois il faut imaginer des causes et des motivations uniquement pour pouvoir parvenir à réfléchir. Également, cette analyse est clairement « évolutive », je contredis dans sa seconde partie des idées que je développe dans la première. C’est justement parce qu’il me semble qu’il faut d’abord passer par une vision pour ensuite en rejoindre une autre. A vous de sélectionner ce qui vous semble pertinent.

Autre avertissement, je vais parler de sexe en termes positifs et profonds, alors attention, ça fait toujours un peu bizarre.

 

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L’idée que j’ai explorée dans mon premier article en anglais était que Jason Dixon, le flic raciste, n’est justement pas raciste du tout. (Et j'y développais les choses bien plus qu'ici où je ne prétends pas le prouver)

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Principalement, on le perçoit comme raciste parce qu’il est plusieurs fois dit dans le film qu’il profite de garde-à-vue pour torturer des noirs. Jérôme semble être une de ses plus récentes victimes. Ensuite Mildred l’accuse à la télé, puis face-à-face, et il ne nie pas. Red Welby l'accuse à haute voix au milieu de la rue. Il y a aussi le Desk Sergeant qui fait référence à l’épisode puis Bill qui lance à Mildred « si on virait tous les flics racistes, on en aurait plus que trois et ils seraient homophobes, » et qui écrit dans sa lettre d’adieu à Jason qu’il se laisse trop diriger par sa haine. A chaque fois, il y a une ambiguïté ou une motivation spécifique de la part de la personne qui émet l'accusation.

 

Ces éléments, éparpillés tout au long du film et introduits par différents personnages ne reposent en fait que sur une seule réalité : Jason a tabassé un noir pendant une garde-à-vue. Rien n’indique que la couleur de peau avait un lien avec sa perte de contrôle. Et il suffit de voir comment Jason se conduit pour voir que la couleur de peau d’une personne est bien le dernier de ses soucis. Lorsque Mildred lui demande où il en est avec la torture des nègres, il corrige sarcastiquement « Aujourd’hui on dit la torture des gens de couleur. » Il indique ainsi que torture est également un mot choquant et que même s’il était raciste, il ne le serait peut-être pas au point de torturer des gens. (« I didn’t torture nobody » VS "I didn't torture no nigger").

 

La conversation qu’il a avec sa mère au sujet de son licenciement souligne bien à quel point il ne lui viendrait pas à l’esprit de baser un jugement en fonction d’une couleur de peau. Elle lui suggère de faire renvoyer le nouveau Sheriff noir et il lui répond : « Les choses ont changé dans le sud » en levant les yeux au ciel. Aucune insulte raciste pour se vider de sa colère d’avoir été viré, aucune remise en question de la légitimité du positionnement hiérarchique d’Abercrombie sous prétexte qu’il est noir.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

D’ailleurs la phrase « You’ve got to be fucking kidding me ! » avec laquelle il accueille le nouveau sheriff ne devient raciste dans nos esprits que parce qu’Abercrombie la reçoit comme telle. Dixon pouvait parfaitement réagir à n’importe quoi d’autre. Une seconde plus tard, lorsqu’Abercrombie se permet, lui, une insulte clairement raciste, Jason questionne : « Euh… c’est pas raciste ça ? » Alors bien sûr, on peut percevoir ça comme de la provocation, mais on peut aussi voir ça comme la réaction réelle d’une personne choquée par une insulte raciste.

 

Bref, Dixon n’est pas raciste.

 

Et d’ailleurs, le fait qu’Abercrombie et Mildred qui ne le sont pas non-plus (a priori) se permettent d’utiliser un vocabulaire raciste, souligne justement que les choses ne sont pas si simples, qu’on ne peut pas trancher la question si facilement.

 

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Ensuite, ma deuxième remarque portait sur le fait qu’Abercrombie est là pour étouffer l’affaire Angela Hayes.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Sa prise de poste ultra agressive dans le commissariat est une manière de faire sentir à tous ses subalternes que lui, il faut pas le faire chier. Il n’est pas question de faire respecter la loi et de se conduire en fonction des règles et codes, non, non. Avec Abercrombie il faut savoir fermer sa gueule et baisser les yeux sinon, on perd son job. Exactement le type d’influence nécessaire pour étouffer une affaire. D’ailleurs, Dixon se fait « virer » parce qu’il refuse de parler du dossier Angela Hayes à Abercrombie… qui n’a à ce moment-là par encore donné une seule preuve de la légitimité de sa prise de position et auquel il est parfaitement normal de ne pas obéir et avec lequel il est plus que normal de ne pas accepter de partager des informations sur un dossier confidentiel.

 

Je mets « virer » entre parenthèses parce qu’au final, Dixon n’est absolument pas viré. Il fait tellement de conneries qu’on ne cherche pas à savoir la raison de son licenciement, mais le truc c’est qu’en réalité, il n’est même pas licencié. Dixon pense que c’est à cause de son agression de Red Welby, mais Welby ne porte pas plainte et le pardonne immédiatement. Donc non. Ça pourrait être à cause de l’insulte raciste qu’il lance à l’arrivée d’Abercrombie, sauf que ça n’est pas une insulte raciste, ni une insubordination puisque le nouveau Sheriff n’a rien présenté d’officiel. Idem pour le refus d’ouvrir le dossier Hayes. Abercrombie n’a pas l’autorité pour demander ça. Et à la fin du film, quand Dixon revient au commissariat, c’est lui qui donne sa plaque spontanément, le sheriff ne la lui demande pas et le traite comme un flic. En gros, Dixon n’a jamais été viré, il demande sa démission sur un « malentendu » mais en fait, il reprenait sa place quand il voulait. D’ailleurs c’est le desk sergent qui lui dit qu’il est viré, Jason n’en est pas sûr et Abercrombie fait juste sa belle mise-en-scène mais n’en reparle jamais.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

La seule conséquence du « licenciement » de Dixon, c’est que le flic qui enquête sur l’affaire Angela Hayes, n’enquête plus. Et Abercrombie ne met personne d’autre sur le coup, tout en allant conter fleurette à Mildred Hayes « Nous ne sommes pas tous méchants vous savez ! » Ah oui ? Alors pourquoi le dossier reste à prendre la poussière sur le bureau de Dixon ?

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)
Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Aussi, pourquoi Abercrombie ne fait-il pas arrêter Mildred quand elle lui annonce qu’il aura bientôt des raisons de le faire ? Et comment fait-il pour être suffisamment demeuré pour ne pas deviner qu’elle est derrière l’incendie du commissariat ?

 

Bref, il sait tout, il est juste là pour enterrer l’affaire Angela Hayes et l’incendie du commissariat et la blessure de Dixon sont du pain béni pour lui. 

 

Sans parler de la conversation finale avec Dixon qui lui a rapporté l’ADN du violeur. « Non, l’ADN ne correspond à aucun ADN fiché. Ce mec est clean. En plus il était dans un autre pays aux moments des faits. » Mensonges auxquels Dixon va répondre en jouant les crétins et en rendant sa plaque. Pourquoi le nouveau shériff complimenterait-il un flic violent pour l’agression d’un inconnu innocent dans un bar dans le cadre d’une enquête qu’il ne devrait plus faire parce qu'il a été suspendu ? Abercrombie cherche juste à noyer le poisson pour mieux faire avaler à Jason que l’ADN ne correspondait à rien.

 

Bref, Abercrombie est là pour étouffer l’affaire.

 

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Maintenant, où cela nous mène-t-il ? Si l’on croise ces deux idées et qu’on ajoute un peu de sel et de poivre, on obtient que Bill Willoughby et Jason Dixon ont parfaitement fait leur boulot et ont compris petit à petit qu’on ne leur permettrait pas de trouver les coupables. D’où la perte de sang-froid de Dixon qui a éclaté la tronche à Jerome… oui Jerome le beau gosse black irrésistible.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Pourquoi Jason ne se rappelle-t-il pas de lui dans ce cas ? Parce que Bill et lui ont choisis de suivre l’approche que Bill décrit à Mildred dans sa lettre : enterrer totalement l’affaire en espérant que le tueur aille se vanter à droite à gauche.

 

Le pseudo racisme de Dixon est un moyen d’effacer le fait qu’ils savent très bien qui est impliqué dans l’affaire. Jason accepte de laisser faire croire qu’il a tabassé un noir parce qu’il était noir, parce qu’il ne veut pas que les gens sachent que ce noir était lié au meurtre d’Angela Hayes ni que les coupables réalisent qu’ils ne sont pas loin de se faire chopper.

Admirez l’ironie que produisent cette idée et sa cohérence avec l’histoire principale : Mildred Hayes qui écrit en géant sur trois panneaux publicitaires : « ALORS OU EN EST L’ENQUETE SHERIFF WILLOUGBHY ? » et qui prend donc la pire initiative possible.

 

Mais donc, Willoughby et Dixon en savent bien plus qu’ils ne l’admettent.

Au sujet de Bill : Dépression + anxiété = cancer du pancréas. Le Sheriff meurt de ne pas avoir trouvé les assassins d’Angela Hayes. Et pour le coup, je dois rerereregarder le film parce que je me demande si Angela ne serait pas sa fille cachée. Ça expliquerait énormément de choses mais j’y reviens.

 

Jason Dixon sait donc beaucoup plus de choses qu’il ne l’admet et lorsque Jerome lui demande, « tu te souviens de moi ? » et que Jason répond « non », ce n’est pas parce que c’est un raciste qui oublie les black qu’il tabasse, c’est parce qu’il veut que Jerome se sente en sécurité. Il veut que les coupables se sentent totalement hors d’atteinte.

Ouaip, Jérôme, le mec super cool qui colle les affiches et qui en amène des neuves à Mildred une fois que les panneaux ont brûlés. En réalité, je ne comprends pas son rôle dans le meurtre, mais il y a participé.

 

Et Red Welby ? L’homo peut-être pas homo. Lorsque Jason Dixon monte lui exploser la tête à coup de revolver et le jeter par la fenêtre, on voit le policier dégainer son arme et la garder en main pendant cinq bonnes secondes avant de la prendre par le canon => Lorsqu’il monte les escaliers, il a en tête de tuer Welby et décide après quelques secondes de seulement lui éclater la tronche. C’est pas de l’homophobie ça.

Cette image est au centre du film, tout comme le long plan dont elle est tirée. Pourquoi avoir choisi cette image du revolver sorti de son étui ?

Cette image est au centre du film, tout comme le long plan dont elle est tirée. Pourquoi avoir choisi cette image du revolver sorti de son étui ?

Qu’a fait Welby ? Je pense qu’il a brûlé Angela Hayes. A l’hôpital, il se lève pour inspecter le grand brûlé qu’on installe à côté de lui avec force intérêt morbide et une compassion très mielleuse. On ne dit pas "ça va aller" à quelqu'un qui est bandé de haut en bas et fort probablement défiguré à jamais. Pyromane ?

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Lorsqu’au bar, Jason explique à Welby qu’on tue les homosexuel (dans je ne sais plus quel pays), il ne cherche pas (nécessairement) à parler d’homosexualité, il parle de peine de mort. Il veut dire à Welby : « Je ne suis pas pour la peine de mort. » Il veut mettre le jeune homme en confiance pour se rapprocher d’obtenir des aveux. D’ailleurs, Bill lui reprochera très sévèrement le lendemain de s’être approché de Red. Ils savent que le jeune homme est impliqué. Et si Red Welby pardonne si rapidement à Dixon de l’avoir tabassé, c’est parce qu’il estime que Jason a parfaitement raison de lui avoir éclaté la tête.

 

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En quoi cela nous rapproche-t-il d’Angela Hayes qui aurait tout commandité ? Ben, en gros, et c’est quand même terriblement radical comme discours, les trois agresseurs sont tous les trois aliénés par ce qu’elle les a poussé à faire. Red Welby est maintenant excité par les brûlures, et contemple peut-être l’idée de cramer sa secrétaire.

L'homosexualité de Welby est autant avérée que le racisme de Dixon. Autant Jason ne dit jamais rien de raciste, autant Welby n'est jamais vu en compagnie d'un petit ami, ni ne parle d'une attirance pour un homme.
L'homosexualité de Welby est autant avérée que le racisme de Dixon. Autant Jason ne dit jamais rien de raciste, autant Welby n'est jamais vu en compagnie d'un petit ami, ni ne parle d'une attirance pour un homme.

L'homosexualité de Welby est autant avérée que le racisme de Dixon. Autant Jason ne dit jamais rien de raciste, autant Welby n'est jamais vu en compagnie d'un petit ami, ni ne parle d'une attirance pour un homme.

Jerome incarne l’objet du désir, le beau gosse, et se croit donc tellement irrésistible qu’il peut infliger n’importe quoi à une femme sans qu’elle s’y oppose => Denise tombe sous son charme en un instant, il aide Mildred à enquêter sur le meurtre qu’il a commis. Il est fasciné par son propre pouvoir de séduction. Et le troisième mec bizarre (que j’appellerai Brendon du nom de l’acteur), celui qui aimait réellement Angela je pense, revient pour se venger de Mildred, parce que lui sait qu’Angela ne pouvait pas réellement désirer ce qu’elle les a poussé à faire.

Je suis persuadé que c'est lui qui pénétrait Angela lorsqu'elle est morte, le truc c'est que je le crois aussi quand il dit que c'est pas lui. Je me rends.

Je suis persuadé que c'est lui qui pénétrait Angela lorsqu'elle est morte, le truc c'est que je le crois aussi quand il dit que c'est pas lui. Je me rends.

La fin du film est totalement en cohérence avec cela. Mildred est responsable de la mort d’Angela et vouloir faire payer Brendon pour ce qu’il a fait serait hypocrite. Lui-même lui en veut pour ce qui est arrivé et la considère honnêtement comme la véritable responsable.

 

Son apparition dans le film est assez énigmatique puisqu’on ne sait pas au final ce qu’il venait faire à la boutique. Évidemment, on se dit que c’est parce que la manière dont Mildred ranime l’affaire lui fait perdre son sang-froid et qu’il vient pour l’intimider, sauf que ça serait quand même sacrément stupide comme initiative. Il serait certain d’être arrêté dans les 24 heures.

 

Et il y a là, une incohérence assez importante. Le soir qui suit la visite du jeune homme menaçant, les panneaux sont mis en feu par quelqu’un. Mildred devrait logiquement se dire que c’est lui. (On apprend plus tard que c’est Charlie). Quelle est son initiative suivante ? Bruler le commissariat. Pourquoi ne parle-t-elle à personne de ce mec bizarre ? D’ailleurs, à la place, elle fait une tentative de suicide (elle se place sur un panneau et attend que les flammes remontent à elle). La seule manière dont je m’explique ça, c’est qu’elle croit effectivement Brendon quand il dit qu’il n’est pour rien dans ce qui est arrivé à Angela et que ses accusations indirectes l’atteignent :

 

 - Peut-être que j’étais un ami de Willoughby, ou peut-être que j’étais un ami de votre fille. Ou peut-être que c’est moi qui l’ai baisée alors qu’elle était en train de mourir.

 

Ce qu’il y a d’étrange dans ces trois phrases c’est que la manière dont elles sont amenées suggère qu’elles contiennent toutes une raison de haïr Mildred. S’il était un ami de Willoughby, on comprend qu’il la considère responsable du suicide du Sheriff et qu’il lui en veuille. Mais pourquoi lui en voudrait-il s’il était un ami d’Angela ? Pourquoi les amis d’Angela devraient-ils en vouloir à Mildred ? Et enfin, s’il est logique que les panneaux l’emmerdent s’il est le coupable, pourquoi venir jouer l’intimidation à visage découvert ?

Ce qui le motive c’est une simple haine pour Mildred… et c’est quand même bien étrange.

 

(L’une des choses que je ne comprends pas par contre, c’est que lorsqu’elle lui demande confirmation, il dit « non » en la regardant droit dans les yeux. Je ne trouve aucun moyen d’arracher à cette scène qu’il ment à Mildred. Pourtant, plus tard, Jason l’entend raconter le viol. Donc, j’imagine qu’il ment et qu’il était réellement un admirateur de Willoughby, un ami d’Angela et effectivement celui qui l’a pénétré alors qu’elle mourrait. Mais je ne comprends alors pas la manière dont il le nie ou dont il le formule).

 

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Alors, passons aux choses sérieusement politiquement pas correctes. Comment Mildred pourrait-elle être responsable du viol et meurtre de sa fille ?

 

Ce qui est cool, c’est qu’au niveau métaphorique, ou au niveau du sous-texte, c’est facile à concevoir et à comprendre. C’est déjà ça de gagné.

Un poil de provocation, une insulte bien placée et hop, Charlie se retrouve avec un couteau sous la gorge tenu par son propre fils. Oui, je sais, il menaçait de frapper Mildred, mais c'est exactement ce qu'elle cherchait à obtenir.

Un poil de provocation, une insulte bien placée et hop, Charlie se retrouve avec un couteau sous la gorge tenu par son propre fils. Oui, je sais, il menaçait de frapper Mildred, mais c'est exactement ce qu'elle cherchait à obtenir.

Mildred déteste les hommes. Elle est misandre. Et elle l’est réellement, je ne dis pas ça à la légère. Elle a une haine viscérale, disproportionnée et incohérente pour la gente masculine. Comme si elle avait été violée ou abusée psychologiquement par son père par exemple, quelque chose d’extrêmement violent qui explique qu’elle puisse être aussi radicale.

 

Le problème que cela crée au niveau de l’éducation d’Angela, c’est que sa fille, elle, n’a aucun problème avec les hommes et que vers ses 17 (19 ?) ans, elle n’a qu’une envie, faire l’amour. Elle veut goûter à la « belle bite » dont Anna Willoughby parle à son mari.

 

Malheureusement l’éducation et l’attitude spontanée de Mildred place Angela dans une situation impossible, c’est-à-dire que chaque phrase, ou chaque initiative tournée en direction du sexe masculin, chaque aveux d’un désir ou d’une appréciation des garçons va être puni (par la moquerie par exemple). Petit à petit, et les parents ont le temps de détruire leurs enfants psychologiquement petit-à-petit, Mildred enseigne à Angela que tout ce qui lui fait avoir une opinion positives des hommes devrait la faire se sentir honteuse, coupable, stupide et indigne de l’amour de sa mère.

 

Quand sa libido nait, cette libido qui devait pousser la gamine vers la vie, l’émancipation et l’affirmation de soi, la pousse vers l’autodestruction. Elle n’a pas le droit d’assumer son désir de faire l’amour, elle trouve un mec pour la violer, et les flammes qui la brûlent, c’est en même temps le désir, la passion, le plaisir sexuel et le feu de l’enfer, le jugement de Mildred. (Edit : et au final, le signifiant de la douleur la plus intense) Angela a le même tempérament inarrêtable que sa mère, elle veut faire l’amour, elle fera l’amour et la seule manière dont elle parvienne à le faire c’est en se punissant en même temps et en se retirant la responsabilité puisqu’elle se fait violer (Edit : je reviens plus loin sur cette hypothèse pour la modifier).

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre (8500 mots)

Au-delà de la satisfaction sexuelle, il y a peut-être de la vengeance pure et simple. Les derniers mots de Mildred à sa fille sont tout de même « et ben j’espère aussi que tu vas te faire violer ! » Mots qui m’ont mis mal-à-l’aise au départ parce que ça n’est absolument pas une phrase que l’on peut dire sous l’emprise de la colère. Aucune mère ne peut dire ça à sa fille sans que cela ne suggère un problème bien plus profond. Or, je ne voyais rien dans le film qui suggère que Mildred puisse avoir une responsabilité quelconque dans l’affaire, ce qui donnait à cette déclaration un aspect terriblement racoleur et cynique.  

 

La conversation avait commencé sur Angela qui demande à sa mère si elle sort ce soir-là. Elle n’ose pas demander directement la voiture. Mildred lui répond : « Pourquoi tu ne demandes pas directement si tu peux emprunter la voiture ? » Angela demande et se fait humilier. Le ton de la scène est assez étrange. Entre l’attitude légère de Mildred, la blague de Robbie et les mimiques d’ados d’Angela, il est difficile de prendre la dispute au sérieux. Alors qu’elle est réellement très sérieuse. Mildred prend un malin plaisir à humilier sa fille et Angela est réellement folle de rage. On apprend plus tard dans le film qu’une semaine avant elle a demandé à son père si elle pouvait venir habiter avec lui. Robbie le sait, il est plus au courant que sa mère de la gravité de la situation et ne se met pas du côté de sa sœur (il est incapable de remettre Mildred en question). Angela fait l’apprentissage de sa solitude. Son père ne la soutient pas, sa mère la maltraite, son petit frère est un chien chien à sa maman. Dans la chambre d’Angela, un poster de l’album In Utero de Nirvana. L’ados est enfermée dans l’utérus de Mildred, tout comme Robbie d’ailleurs.

 

Ainsi, au niveau métaphorique, une fille élevée par une mère qui hait les hommes et qui meurt brûlée vive et violée à l’époque de la naissance de sa libido ça fonctionne parfaitement.

 

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Là où ça fonctionne un peu moins, c’est quand même au niveau littéral. Parce qu’en gros, tout est de la faute de Mildred, toute l’agression est contrôlée par Angela, et les trois « criminels » sont des victimes absolues. Ça représente quand même une sacrée pilule à avaler.

 

Le truc, c’est que dès lors que l’on veut responsabiliser Jerome, Red et Brendon, l’argument d’Angela s’effondre. C’est-à-dire que Mildred est une manipulatrice qui se victimise dans ses relations avec les hommes et les domine en les culpabilisant et ce qu’Angela fait au  travers de son initiative suicidaire c’est affirmer qu’elle peut obtenir absolument le pire de trois mecs totalement innocents et inoffensifs à la base. Elle veut dire à sa mère « arrête de jouer les innocentes, tu sais très bien le pouvoir que tu as. »

 

Ce discours est intéressant mais ne fonctionne que si les trois criminels sont entièrement innocents, ce que je ne parviens pas à concevoir. Je ne vois pas comment Angela pourrait s’être dit « tiens je vais subtilement amener trois mecs à me violer et à me brûler vive ce soir ! » (Edit: et je n'arrive toujours pas à réellement trancher exactement sur ce point).

 

Si elle savait que Red Welby avait un problème de pyromanie je veux bien, et qu’elle avait trouvé un mec qui est déjà un violeur par exemple mais ça leur donnerait une part de responsabilité dans le crime justement, ils seraient déjà aliénés, ce qui ferait perdre sa validité à l’argument. Dans la logique du film, c’est Angela qui provoque tout à 100%

 

 

Deuxième partie

(Moins d'exposition, plus d'arguments et une discussion très intéressante sur le sexe masculin qui se trouve être le centre de cet article et du film)