Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

Publié le par Kevin

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

« Raped while dying. » « violée alors qu’elle mourrait. » Cette expression est beaucoup répétée et surtout bien mise en avant. Robbie reproche à Mildred d’avoir inclus le « while. » Il aurait aimé ne lire que « violée puis brûlée » par exemple. C'est typiquement le genre d'élément qui est pensé pour avoir deux interprétations. Une évidente, une moins évidente. (Edit 2020: je voulais dire que Robbie aurait sans doute préféré penser que sa soeur était morte avant d'être brûlée).

 

 

Le sens de ce « raped while dying » c’est que le plaisir d’être pénétrée a permis à Angela de supporter la douleur d’être brûlée vive. C’est une déclaration d’amour au sexe masculin.

 

Dans ce cas, le film ne contiendrait pas de commentaire sur la libido masculine. Ce qu’il se serait passé (par exemple) c’est qu’Angela se serait dénudée, arrosée d’essence et aurait annoncé que le seul moyen d’apaiser sa douleur quand elle mourrait en flammes serait de la pénétrer. C'est une manière d'affirmer le plaisir qu'apporte la pénétration. Et le mec qui la pénètre le fait par empathie et amour, et vit le moment le plus traumatisant de son existence.

 

C'est assez émouvant je trouve. La libido masculine et la pénétration sont tellement représentées comme quelque chose de violent et destructeur à l’époque actuelle… ça fait du bien de voir un film qui affirme qu’une pénétration c’est essentiellement positif.

 

Donc en fait, si l’affaire est étouffée, c’est parce qu’il n’y a réellement pas de crime. Et Bill et Jason le savent (en tout cas Bill je pense). Et le problème de « raped while dying » c’est que comme elle est morte brûlée, ce n’est pas très crédible que son agresseur ait pu être attiré par elle alors qu’elle mourrait. (Un corps carbonisé c'est pas si excitant que ça quand même).

 

Donc tout ce que je disais sur le fait de ne pas remuer ciel et terre et de laisser le tueur sortir de sa cachette est faux. L’affaire est réellement classée et il n’y a pas de coupable à chercher. Abercrombie vient l’étouffer pour protéger les trois garçons impliqués qui sont, quoiqu’on pense de leur acte, considérés innocents par la loi. (edit 2021: Ou au contraire justement, ils sont coupables selon la loi, mais les personnes qui comprennent l'affaire savent qu'ils ne sont pas à blâmer et elles cherchent à leur éviter de voir leur vie entièrement détruite par le système judiciaire alors qu'ils n'ont absolument pas la psychologie que leur "crime" suggère.)

 

J’étais surpris du fait qu’on trouve dans ce film une scène durant laquelle un père laisse ses deux petites filles seules alors qu'il est censé croire qu'un tueur psychopathe rôde mais si Bill se permet ça, c’est parce qu’il sait qu’il n’y a aucun tueur en liberté dans les parages.

 

-------------------------------

 

Maintenant, j’aimerais me focaliser sur Mildred.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

Je pense que Mildred était amoureuse de Bill et qu’ils ont un jour fait l’amour (dans une voiture), qu’elle est tombée enceinte de lui et qu’il n’a pas voulu reconnaître l’enfant. Il voulait probablement qu’elle avorte, j’en sais rien. (On peut imaginer d’autres scénario qui reviennent au même, dont un à côté duquel j'étais totalement passé pendant l'intégralité de la rédaction de cette analyse: Bill aurait violé Mildred, ou elle considèrerait qu'il l'a fait).

 

Étant donné que nous parlons de Mildred. J’irais jusqu’à imaginer qu’elle aimait Bill avec passion et qu’elle a fait exprès de tomber enceinte, genre, elle a prétendu qu’elle prenait la pilule alors que ce n’était pas le cas (mais elle a effectivement pu tomber enceinte par hasard), pour ensuite utiliser la culpabilisation de la libido masculine pour capturer Bill : « T’étais bien content de me baiser et maintenant tu me laisses avec un gosse ! » Ce qu’il y aurait derrière ça, serait que Mildred se trouve sans intérêt (laide ?) et ne se sent pas capable de garder un mec comme Bill Willoughby. Ou qu’elle ne parvient pas à porter la responsabilité de sa sexualité. Au passage, les hommes grands au crâne rasé sont souvent utilisés pour incarner le sexe masculin. Anna le dit elle-même, Bill a une « belle bite. » Bill était le sexe masculin que Mildred voulait pour elle.

 

Mais il n’est pas tombé dans le panneau et a quitté Mildred enfant ou pas enfant. Je ne sais pas trop ce qu’incarne Anna, cependant le fait que Bill ne puisse avoir que des filles souligne le fait qu’il culpabilise néanmoins de son geste, il ne peut plus engendrer de sexes masculins.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

L’arc narratif de ce personnage tourne autour de la question « mon sexe est-il nocif ? » Et il est assez émouvant qu’Anna lui dise « You’ve got a nice cock » le jour de sa mort. C’est la dernière chose à laquelle il pense en mourant. Ce qui est particulièrement… euh… je n’ai pas de mot… émouvant ?, à un niveau vraiment bizarre, puisque la pensée la plus réconfortante que les personnages puissent avoir lorsqu’ils pensent à la mort d’Angela Hayes c’est qu’elle ait eu la même dernière pensée, qu’elle soit morte en pensant au plaisir sexuel qu’elle prenait et au sexe de son partenaire et pas à la douleur généralisée. J’en verserais une larme tellement c’est beau : Anna ne sait pas en disant cette phrase coquine qu’elle donne l’absolution à Bill. Il peut mourir en se disant qu’il n’est pas responsable de la mort de sa fille non-reconnue. L’aveu qu’elles n’ont qu’amour pour le sexe masculin (Anna et Angela) fait retomber la culpabilité entièrement du côté de Mildred. Et d’ailleurs Anna sait que c’est sa dernière phrase, elle se place ensuite un gant de toilette sur les yeux (elle ne veut pas voir ce qui va suivre mais le sait inconsciemment). Elle lui parle même de ses chevaux pour lui donner une raison de s’isoler. Elle sait parfaitement qu’elle vient de passer sa dernière journée avec son mari mais le refoule, et choisi de lui dire comme derniers mots : « You’ve got a nice cock Mr. Willoughby. »

Le jeu d'Abbie Cornish lorsqu'elle dit "you've got a nice cock mrs Willoughby" est assez intense, on dirait vraiment qu'elle sait que Bill va se suicider et qu'elle lui dit "Je t'aimerais toujours." On dirait qu'elle sait que c'est exactement ce qu'il a besoin d'entendre pour partir le coeur léger.
Le jeu d'Abbie Cornish lorsqu'elle dit "you've got a nice cock mrs Willoughby" est assez intense, on dirait vraiment qu'elle sait que Bill va se suicider et qu'elle lui dit "Je t'aimerais toujours." On dirait qu'elle sait que c'est exactement ce qu'il a besoin d'entendre pour partir le coeur léger.

Le jeu d'Abbie Cornish lorsqu'elle dit "you've got a nice cock mrs Willoughby" est assez intense, on dirait vraiment qu'elle sait que Bill va se suicider et qu'elle lui dit "Je t'aimerais toujours." On dirait qu'elle sait que c'est exactement ce qu'il a besoin d'entendre pour partir le coeur léger.

Le fait qu’Anna permette à Bill de concevoir son sexe comme quelque chose de doux, lui permet de penser que sa fille n’est pas morte dans la douleur mais dans le plaisir, et ce constat -le sexe masculin est doux/bon/positif- les réunit dans la mort. C’est un truc de malade.

 

Parce qu’au passage évidemment, Bill devait nécessairement se demander s’il avait quelque chose à voir avec le destin tragique de sa fille (Résultat : cancer du pancréas) sans parler des pancartes de Mildred. Pancartes qu’elle ne fera pas modifier après sa mort. La question ne lui était adressée qu’à lui, et uniquement à lui => c’était une question personnelle qui portait sur leur vie privée. Elle ne s’adressait pas au représentant de l’ordre.

 

Du côté de Mildred, la mort d’Angela condamne sa mère soit à reconnaître la puissance du plaisir que procure une pénétration (et donc à arrêter d’être une manipulatrice hypocrite), ou à se confronter à l’idée que sa fille est uniquement morte dans la douleur la plus atroce.

 

----------------------------

 

Mais revenons à la vie de Mildred.

Mildred en bonne misandre manipulatrice s’est donc trouvée une bonne poire en Charlie Hayes à qui elle a fait croire qu’Angela était sa fille. Mais Mildred restera amoureuse de Bill et passera donc son temps à rabaisser Charlie qui ne sera jamais suffisant. On peut le voir en creux dans l’accusation d’Angela lorsqu’elle raconte que Mildred partait en vadrouille bourrée avec ses deux enfants dans la voiture. Mildred répond qu’elle était dépressive parce que Charlie la frappait, ce à quoi Angela répond que c’est un mensonge. Mildred buvait parce qu’elle était malheureuse, non pas d’être battue, mais de ne pas être avec l’homme qu’elle aimait. C’est ce qui fait d’elle une hypocrite dans le sens profond qu’Angela utilise. C’est-à-dire que Mildred cache les raisons de son mal-être, et fait payer quelqu’un d’autre pour celui-ci.

Angela souligne que Robbie et elle n'ont jamais vu Charlie frapper Mildred une seule fois et qu'ils ne peuvent se fier qu'à la parole de leur mère sur le sujet. Ce qui me semble très suspect parce que Charlie n'a absolument pas l'air d'être le genre à mentir. S'il avait frappé Mildred, il l'aurait reconnu. Exemple: il avoue avoir brûlé les panneaux et présente ses excuses.

Angela souligne que Robbie et elle n'ont jamais vu Charlie frapper Mildred une seule fois et qu'ils ne peuvent se fier qu'à la parole de leur mère sur le sujet. Ce qui me semble très suspect parce que Charlie n'a absolument pas l'air d'être le genre à mentir. S'il avait frappé Mildred, il l'aurait reconnu. Exemple: il avoue avoir brûlé les panneaux et présente ses excuses.

Lorsqu’Angela veut se réfugier chez son père et qu’il dit « non, ta mère t’aime. » Il est possible que Charlie ait deviné, ou ressente inconsciemment qu’elle n’est pas sa fille dans la manière dont Mildred traite ses enfants différemment. Mais il me semble plus probable que sa femme soit parvenue à le convaincre qu’il n’est qu’un bon à rien (Elle parvient à ce que Robbie lui mette un couteau sous la gorge, ça ne doit pas le laisser indifférent).

 

On pourrait donc se dire justement qu’Angela meurt à cause de Bill. Si elle savait qui est son vrai père, elle ne souffrirait pas de la même manière. Sauf que le choix qu’elle fait d’affirmer son amour du sexe masculin jusque dans la mort, hurle que Mildred est la coupable. Et de toute façon, si Angela ne sait pas que Bill est son père, c’est probablement parce que Mildred l’a caché à Charlie, pour blesser Bill. « Tu ne voulais pas d’elle ? Ok, elle ne saura jamais que tu es son père. » (Edit: MAIS, il reste tout de même une possibilité que Bill soit responsable, vu qu'on ne sait rien de la manière dont les choses se sont passées entre lui et Mildred).

 

Et justement, le film, raconte un bras de fer entre Bill et Mildred. (Bill se bat pour son droit de ne pas reconnaître Angela). La vie de Mildred est une victimisation constante qui dit à Bill : « tu as vu ce que tu as fait de moi ? Tu as vu comment tu as détruit ma vie ? » Lorsque Mildred vient au commissariat se plaindre d’être une femme battue, elle a construit la situation de toute pièce uniquement dans le but de venir le culpabiliser : « Tu vois si tu ne m’avais pas abandonnée ? C’est de ta faute si Charlie me tabasse, c’est parce qu’il a compris pour Angela. »

 

Mes accusations peuvent paraître un peu excessives, je suis toujours surpris du point auquel il est difficile de parler de ce type de comportement qui est pourtant si répandus. Des personnes qui prennent le dessus en se victimisant on en croise tous les jours et vraiment, le comportement de Mildred, même s’il est particulièrement violent et impitoyable, est assez banal dans ses mécanismes.

 

La raison pour laquelle elle demande à Angela de poser la question « est-ce que je peux avoir la voiture ? » c’est parce qu’elle veut inscrire dans sa fille les meurtrissures d’avoir une mère qui l’empêche d’avoir une vie sexuelle. D’ailleurs, ça fonctionne déjà bien, puisqu’on peut voir qu’Angelina est une petite punk vulgaire (d’une vulgarité attendrissante). Quand Bill croise sa fille cachée, il voit que « Ça se passe mal pour elle, c’est de ma faute. » Et Mildred jubile.  

 

C’est donc spontanément qu’elle pourrie la vie d’Angela… et de Robbie. Je n’irai pas jusqu’à dire que tout ce qu’elle inflige à son fils, (« Raped while dying », tabasser ses potes à l’école, no « cunt ») elle le lui inflige pour le détourner de la sexualité, mais simplement, si elle avait une bienveillance quelconque pour lui et sa vie sexuelle, elle ne ferait rien de tout ce qu’elle fait.  

 

La scène des céréales dans les cheveux était peut-être l’entrée dans l’inceste consommé sans l’arrivée opportune de l’ex-mari (parce qu’elle est déjà dans une relation incestuelle avec Robbie). Ce geste de mépris totalement gratuit envers son fils, le besoin de le salir, c’est une réaction au fait qu’elle est attirée par lui. C’est un peu comme lorsqu’on veut ressentir le plaisir que nous procure l’enthousiasme de nos enfants sans pouvoir le dire frontalement et qu’on va les embêter, les bousculer, leur voler un crayon pour qu’ils réagissent. Là, c’est la même chose mais sexuellement, elle est attirée par son fils et évidemment ne peut pas le dire, alors pam, une cuillérée de céréales dans la figure. Pour rien. Robbie s’exclame « You old cunt ! » et Mildred répond d'un « I’m not old, Robbie » glauque. Déjà, la règle du « cunt » prohibé passe à la trappe, mais surtout elle admet donc être une « cunt » (Connasse + sexe féminin) tout en précisant qu’elle n’est pas si vieille. C’est assez morbide comme échange à avoir avec son fils qui vient d’atteindre l’âge de vouloir des rapports sexuels alors qu’ils déjeunent tous les deux.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

Mais ouf, Robbie échappe à cette horreur. Aussi, je ne voudrais pas être trop dur avec Mildred car en réalité, ce passage glauque est une évolution positive. Elle vient de récupérer le sentiment d’être une femme. Son arc narratif est celui de la récupération de sa libido (et de la perte de sa misandrie/thropie par extension). Après ce « cunt, » elle accepte de laisser une chance à James. Je pense que le fait qu’il soit un nain, le lien à la taille, suggère que le mal de Mildred est d’avoir peur de sa propre libido. Donc, elle reprend un homme, mais un « petit » pour que les choses restent sous contrôle, et elle est odieuse avec lui parce qu’elle continue à avoir du mal à assumer.

 

L’histoire de femme battue avec Charlie est une manipulation de Mildred. Il suffit de regarder leur première conversation. Elle revend son tracteur sans son accord et s’exclame « Ah, je me disais bien que ça puait » quand elle comprend que Penelope attend dans la voiture. Penelope c’est le traumatisme de Charlie. Il s’est marié avec une folle, méchante, manipulatrice, violente, haineuse, machiavélique et qui le domine par son intelligence, il s’enfuit avec une jeune femme belle, gentille, douce, inoffensive, aimante, souriante, qui ne porte aucun jugement sur les autres et qui ne risque pas de le dominer intellectuellement. J’ai vu pas mal de critiques négatives portant sur le personnage de Penelope la « jolie cruche » mais je trouve qu’elle est magnifiquement bien traitée, elle est bête mais Charlie la défend bec et ongle. Il ne va pas essayer de faire croire qu’elle est intelligente, par contre il est heureux avec elle et ne veut pas qu’on lui manque de respect. Lorsqu’il se jette sur Mildred c’est parce qu’elle insulte Penelope. Elle sait juste parfaitement taper là où ça fait mal.

Mildred empoigne clairement la bouteille de vin avec en tête l'idée de la briser sur la tronche de quelqu'un... et change d'avis en court de route. Hun Hun. Etrange. Il n'y a pas déjà quelqu'un qui agrippe une arme et se calme en chemin dans ce film ?
Mildred empoigne clairement la bouteille de vin avec en tête l'idée de la briser sur la tronche de quelqu'un... et change d'avis en court de route. Hun Hun. Etrange. Il n'y a pas déjà quelqu'un qui agrippe une arme et se calme en chemin dans ce film ?

Mildred empoigne clairement la bouteille de vin avec en tête l'idée de la briser sur la tronche de quelqu'un... et change d'avis en court de route. Hun Hun. Etrange. Il n'y a pas déjà quelqu'un qui agrippe une arme et se calme en chemin dans ce film ?

Charlie est terrifié par Mildred. Et je pense que Bill aussi a un peu peur d'elle. Femme battue ? Mon oeil.

Charlie est terrifié par Mildred. Et je pense que Bill aussi a un peu peur d'elle. Femme battue ? Mon oeil.

Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il aime toujours Mildred. Il aime Penelope, mais il est clair qu’il a toujours des sentiments pour son ex-femme, et c’est la raison pour laquelle elle parvient à lui faire perdre son sang-froid si facilement. Bref, elle n’a jamais été une femme battue, elle est trop forte de caractère et dominante. Si tu bats Mildred tu sais que tu te retrouves direct aux flics ou pire les testicules dans un étau. Angela le dit elle-même que Mildred n’a jamais été battue par Charlie. 

 

----------------------------------

 

Cette mécanique de victimisation va pousser Angela jusqu’à son suicide démentiel, car c’est bien de cela qu’il est question. Elle adopte l’approche de Mildred jusqu’à l’autodestruction. Et Mildred et Bill se retrouvent confrontés à leur histoire. Qui est le fautif ?

 

« Elle a été violée alors qu’elle mourrait et toujours pas d’arrestation, comment ça se fait Sheriff Willoughby ? » Cela signifie aussi : « Bill, je sais que face à un tel acte rien ne t’aurait arrêté, alors pourquoi personne n’est derrière les barreaux pour le meurtre de notre fille ? Est-ce que ça signifie que nous sommes les coupables ? Que je suis la coupable ? »

 

“Raped while dying and still no arrests” est une construction ambigüe. Nous y voyons spontanément un lien de cause à effet fallacieux : l’horreur particulière de « raped while dying » devrait entrainer les arrestations. Sauf que le simple meurtre d’Angelina aurait suffi à motiver Willoughby et Dixon au maximum. Le nombre d’arrestations n’est pas proportionnel à la violence du meurtre.

 

L’expression peut vouloir dire autre chose de plus censé. Si l’on met l’accent sur while, et que l’on enlève l’idée d’un lien de causalité absurde entre and still no arrests et raped while dying (qui ne sont pas sur la même pancarte), on peut voir que la question porte potentiellement le sens que j’ai développé plus haut : « Violer une fille pendant qu’elle meurt brûlée n’a aucun sens + tu n’as toujours arrêté personne. Explique-moi Bill. Est-ce que c’est ce que je pense ? »

 

Et de ce point de vue, le Raped while Dying qui rend Robbie fou, lui sauvera peut-être la vie, car sa sœur lui donne les clefs de la libido féminine, et Mildred aussi. 

 

On peut voir dans les interactions entre Mildred et Bill que ce dernier se cache beaucoup derrière son rôle de sheriff, mais qu’ils peuvent également devenir très intimes en une seconde. Or, si Bill peut appeler Mildred par son prénom comme s’ils étaient de la même famille, alors cela réduit toutes les fois où il lui donne du Mrs. Hayes à un simple « exercice de ses fonctions. » Une approche souvent officielle ne contredit pas qu’ils puissent être intimes, une unique approche intime prouve qu’ils sont intimes peu importe qu’il lui parle plus souvent d’une manière plus officielle. Et justement, au final, c’est le fait qu’il se réfugie souvent derrière son rôle de sheriff qui me donne l’impression que Bill et Mildred ont un passé commun sérieux.

Je deviens cinglé tellement je ne trouve que des allusions, des suggestions mais rien de réellement concret. Ici, pour moi la réaction ultra-condescendante de Mildred naît du fait que Bill est venu en uniforme. Il ne veut pas reconnaître qu'il s'est passé quelque chose entre eux, même après la mort d'Angela. MAIS POURQUOI !?!

Je deviens cinglé tellement je ne trouve que des allusions, des suggestions mais rien de réellement concret. Ici, pour moi la réaction ultra-condescendante de Mildred naît du fait que Bill est venu en uniforme. Il ne veut pas reconnaître qu'il s'est passé quelque chose entre eux, même après la mort d'Angela. MAIS POURQUOI !?!

Ici Mildred est folle de rage parce que Bill joue la comédie avec des Mrs Hayes ceci et Mrs Hayes cela.
Ici Mildred est folle de rage parce que Bill joue la comédie avec des Mrs Hayes ceci et Mrs Hayes cela.

Ici Mildred est folle de rage parce que Bill joue la comédie avec des Mrs Hayes ceci et Mrs Hayes cela.

Lorsque Bill crache du sang, Mildred l’appelle baby et le regarde avec une tristesse infinie. Ils ont été ensemble. Aussi, il y a toujours quelque chose entre eux, Bill admire l’intelligence de Mildred, ou son tempérament. Je ne sais pas trop, leurs échanges sont terriblement amusants alors qu’ils se disent de sacré saloperies. Et dans leur première scène, ils se disputent sur une balançoire => enfantillages.

Edit: Le sang qui provient de la bouche, c'est une métaphore de blessure intérieure. Bill hurle à Mildred: "Espèce de connasse tu crois que je ne souffre pas !?! Tu es aveugle !?!"

Il y a nécessairement une raison pour laquelle Mildred se permet d'être absolument odieuse avec Bill... et pour qu'il encaisse sans broncher.

Il y a nécessairement une raison pour laquelle Mildred se permet d'être absolument odieuse avec Bill... et pour qu'il encaisse sans broncher.

J’ai douté que Bill soit le père d’Angela lorsqu’il inspecte les photos de son corps carbonisé mais on se retrouve justement au cœur de toute la problématique du film. Il est alors sur les lieux du « meurtre » et l’on se dit qu’il a repris l’enquête. Sauf que non, il n’a pas repris l’enquête. Il se recueille et s’il est capable de regarder les photos du corps de sa fille, photos qui font vomir Dixon, c’est parce qu’il sait le fin mot de l’histoire. Il sait ce que les « coupables » ont raconté (peut-être ?). Il sait qu’Angela a voulu les choses ainsi et c’est en détournant les yeux qu’il se sentirait le plus mal. Il ne regarde pas le corps comme celui d’une victime, il ne se dit pas « j’aurai le salaud qui a fait ça. » Il voit juste sa fille et se dit « Pourquoi t’as fait ça Angela ? Pourquoi tu es allée si loin ? »

 

------------------------------

 

Mildred n’est pas le seul personnage à percevoir le sexe comme quelque chose de maléfique. Jason Dixon est victime d’une relation incestuelle avec sa mère. D’ailleurs, j’ai trouvé la manière dont les critiques se moquaient de sa « débilité » assez désagréable car il est clair que Dixon a un sérieux problème. Il suffit d’amener sa mère dans la conversation et il perd tous ses moyens, se met à bégayer et à dire n’importe quoi. Je vois ça comme un handicap grave, résultat d’un abus psychologique qui semble passer à la trappe pour beaucoup... et dont Robbie est également victime.

Lorsque la mère de Jason Dixon entend à la télévision qu'il aurait torturé un noir, elle le regarde genre "toi tu vas prendre une rouste."

Lorsque la mère de Jason Dixon entend à la télévision qu'il aurait torturé un noir, elle le regarde genre "toi tu vas prendre une rouste."

A cause de la place que sa mère prend dans sa vie, Jason se détourne de la sexualité et est donc celui qui blâme le plus violemment les jeunes hommes impliqués dans la mort d’Angela. Il veut à tout prix retrouver le violeur, le coupable final, parce qu’il ne parvient pas à imaginer autre chose qu’une agression pure et simple.

 

L’aveu maladroit de Brendon dans le bar a paru très grossier à beaucoup, mais à la lumière de ce que j’ai développé jusqu’ici, je pense que Dixon sait que c’est dans ce bar qu’Angela a trouvé ses « agresseurs. » Il n’y vient pas par hasard. Aussi, Jerome est là avec Denise… pour récidiver ? Brendon raconte l’histoire pour trouver le pyromane du groupe. Ils ont tous été totalement aliénés par leur expérience, fascinés par le spectacle de la force de la libido féminine et veulent maintenant revoir ça, ou simplement répéter leur « crime » pour se convaincre que ce n’en était pas un.

L'histoire de 3 Billboards nécessite que l'on croise un cinglé, qu'il l'ai été avant le drame ou qu'il le soit devenu à cause de celui-ci.

L'histoire de 3 Billboards nécessite que l'on croise un cinglé, qu'il l'ai été avant le drame ou qu'il le soit devenu à cause de celui-ci.

----------------------------

 

J’avais trouvé la fin du film assez frustrante et creuse la première fois que je l’ai vu. Certains médias ont applaudis la remise en question du besoin de se venger, l’arrivée du pardon possible. Sauf qu’il n’est absolument jamais question de pardonner et que Mildred et Dixon ne savent pas que le mec qu’ils s’apprêtent à tuer est réellement celui qui a fait l’amour à Angela alors qu’elle mourrait, donc question pardon ça ne signifie pas grand-chose.

 

Par contre, si l’on accepte ce que j’ai développé avant, cette fin est l’arrivée de Mildred au bout du chemin. Elle a fini par accepter que c’était sa faute, que les mecs n’y étaient pour rien, que la mort de sa fille n’était qu’une affirmation de son droit d’aimer les hommes. Achever l’histoire sur le meurtre d’un homme serait l’ultime hypocrisie, toujours rejeter la faute sur les autres sans regarder sa responsabilité.

 

Lorsqu’il part de chez lui, Jason abandonne sa mère endormie (in-consciente). Cette conclusion à leur relation indique qu’il a échappé à son influence. Il peut donc maintenant se tourner vers une autre femme. Et si cet élément est là, c’est parce que la fin positive suggérée du film est que lui et Mildred vont coucher ensemble (dans la fameuse voiture) plutôt que de tuer un mec qui n’a rien fait. S'ils vont jusque chez Brendon, le jeune homme leur dira: "C'est elle qui me l'a demandé ! Je ne l'ai pas violée !" et Jason et Mildred pourront le croire. Ils seront devenus prêt tous les deux à regarder en face, la libido masculine comme pouvant être douce, positive et même sacrificielle, généreuse, bienveillante etc... (Vous vous rendez compte du point auquel ça ne nous viendrait jamais à l'esprit dans cette culture de penser le désir masculin comme étant beau ? Ou gentil ?).

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2
Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

---------------------------------

 

Un des éléments extérieurs au film qui me conforte dans cette lecture, c’est que dans 7 psychopathes (Même réal/scénariste), il est question du premier moine tibétain qui s’immole en protestation contre la guerre et d’insister sur des histoires qui seraient « life-affirming. » (Qui célèbre la vie, qui pousse vers la vie).

 

Or, de ce point de vue le geste d’Angela est « pertinent » car il interdit à Mildred de se suicider ou de se victimiser. Ce n’est pas de la culpabilisation (même si je l’ai peut-être écrit avant) c’est une démonstration, une affirmation. Elle n’a pas eu peur de s’immoler par le feu car elle savait qu’un homme lui ferait l’amour pendant qu’elle meurt carbonisée. La jouissance sexuelle étant également la jouissance d’être en vie tout court, l’affirmation de son droit d’exister. Le plaisir physique est utilisé de manière métaphorique, Angela veut dire: "les hommes sont positifs !"

 

Et donc, l’initiative d’Angela va pousser Mildred à remonter à la surface. Comment oserait-elle renoncer à satisfaire sa libido alors que c’est maintenant la seule chose qu’elle puisse faire en l’honneur de sa fille. Garder sa haine du sexe opposé, rester hypocrite, c’est se dire qu’Angela est morte pour rien, c’est dire qu’elle n’aimait pas sa fille.

 

 

----------------------------

 

Mini Bonus Round : Robbie

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

Comme je l’ai dit dans l’essai, Robbie est enfermé dans une relation incestuelle avec sa mère. On le voit lorsqu’il ne soutient pas Angela alors qu’il sait très bien qu’elle souffre énormément. Elle lui reproche de ne jamais être dans son camp, il lui répond « Je suis toujours dans ton camp quand tu ne te conduis pas comme une « cunt ! ». Encore ce mot (Connasse/Chatte). Il est toujours du côté de sa sœur lorsqu’elle n’est pas motivée par sa libido. Robbie rejette les motivations sexuelles, celles qui lui permettraient de s’émanciper d’une relation dévorante avec sa mère par exemple.

 

J’ai également dit plus haut que Mildred faisait tout pour l’enfermer avec elle, qu’elle le traumatisait pour qu’il reste puceau jusqu’à le fin de ses jours et vive avec sa maman comme Jason Dixon.

 

Mais je pense qu’en parallèle de cela, et c’est absolument génial, la tournure hyper violente que prennent ses initiatives reflète un désir de le sauver. Elle veut qu’il la déteste et qu’il la fuit. Elle se sent incapable de changer et elle est terrorisée qu’il subisse un sort similaire à sa sœur. Elle veut qu’il voit le « Raped while dying » elle veut que cette contradiction le hante jusqu’à ce qu’il comprenne que les femmes aiment le sexe plus que tout. Elle veut que l’initiative de sa sœur serve, elle veut être vaincue par sa fille.

 

Idem lorsqu’elle va tabasser les lycéens. Elle réagit exactement en fonction de ses convictions, mais en allant si loin, en frappant ces deux élèves entre les jambes, elle force également Robbie à voir ce qu’elle est, ce qu’elle fait. Elle se sent incapable de changer, alors elle se montre dans toute sa folie morbide.

 

Sur la durée du film, Robbie semble avoir du caractère et fait beaucoup de reproches à sa mère, mais c’est peut-être la première fois de sa vie. Il se rebelle contre elle grâce à sa sœur. Il sent que Mildred est nocive et il cherche maintenant à sauver sa peau.

 

Une idée que je trouve « géniale » (encore une), c’est que Charlie, qui est absolument impuissant face à Mildred, tente désespérément de sauver son fils… avec Penelope. Il agite une sublime jeune femme souriante, douce qui ne sait pas dire non sous les yeux de son fils en croisant les doigts pour qu’il se passe quelque chose.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

Il veut que Robbie constate qu’une jolie cruche décérébrée, douce, gentille et sexuée vaudra toujours mieux qu’une femme intelligente et manipulatrice qui hait tout le monde. C’est peut-être même d’ailleurs pour cette raison que Mildred l’associe toujours à de la merde, elle sait que Penelope n’a pas à rougir de ce qu’elle est contrairement à elle.

 

-----------------------------

 

Mini Bonus Round 2 : Bill et ses filles.

Les Panneaux de la Vengeance : Ni viol, ni meurtre Partie 2

La dernière journée de Bill qui emmène ses filles à la pèche m’a réellement fait bizarre. La première fois qu’on voit le film, on pense qu’il y a un violeur psychopathe qui traine dans la région. Le fait que le policier qui a enquêté sur l’horrible crime ose laisser ses filles toutes seules est très troublant. Personnellement, lorsque j’ai vu Bill entrainer Anna à l’écart pour faire l'amour, je me suis retrouvé mentalement obligé de me dire « Aaah, ils vont quand même garder un œil sur elles. » J’ai été obligé de me construire mentalement l’image de Bill qui se tape Anna et qui d’un seul coup lève l’oreille parce qu’il entend un bruit et veut s’assurer qu’il n’y a aucun problème du côté des fillettes.

 

Or le plan où l’on voit les deux gamines s’amuser est clairement l’affirmation ferme qu’elles sont réellement toutes seules, ne sont pas en danger et que Bill et Anna ne sont pas irresponsables.

 

Nous subissons un lavage de cerveau qui nous pousse à imaginer la libido masculine comme une entité néfaste omnisciente prête à frapper et à violer à tout moment. J’ai déjà pensé à ça quand j’étais plus jeune, mais je n’ai jamais compris pourquoi on construisait autant notre société autour de « la peur du loup. »

 

Or si je regarde cette scène après cette longue analyse, elle contient une idée qui me fascine. Bill sait qu’il va mourir, il sait que c’est la dernière fois qu’il voit sa femme qui risque peut-être d’apprendre de la bouche de Mildred qu’Angela était sa fille... et qui pourrait donc construire une amertume, se sentir trahie face au fait qu’il lui a caché quelque chose toute sa vie, quelque chose qui a pris énormément de place ces derniers mois puisque Bill en meurt en vérité.

 

Quelle initiative prend-il pour s’assurer que les choses ne tourneront pas mal ? Il fait l’amour à Anna du mieux qu’il peut et en exigeant d’elle qu’elle accepte de laisser ses filles toutes seules.

 

En gros, le danger qui plane réellement sur les fillettes, c’est leur mère.

Ça peut sembler tiré par les cheveux et ça m’exaspère de ne pas pouvoir mieux l’expliquer, mais cette scène affirme que notre peur des pédophiles, violeurs, agresseurs sexuel etc… nait de l’insatisfaction sexuelle des femmes. Les fillettes n’ont rien à craindre tant que quelqu’un satisfait leur mère. Je suis teeeeeellement persuadé que c’est vrai.

Parce que le danger, ça n’est pas la libido masculine, qui est décrite comme douce, belle et agréable, c’est le fait que la femme insatisfaite, trahie, malheureuse puisse vouloir se venger des hommes et prétendre qu’ils sont sales, méchants, violents et égoïstes etc… et donc apprendre à ses filles à la redouter, à les détester et à rejeter leur attirance pour eux, et donc à se rejeter elles-mêmes.

 

La rencontre Anne/Mildred est entièrement écrite avec cette menace en creux. Anna dit à Mildred, « C’est difficile de savoir quoi faire, le jour de la mort de son mari. C’est difficile de savoir quoi faire. » Les deux petites filles sont dans la voiture. C’est le moment parfait pour lui cracher la vérité au visage : « Et moi, tu crois que j’ai su quoi faire quand Bill m’a abandonnée enceinte ? » Mais elle ne le fait pas. Mildred devient plus noble à mesure qu’elle accepte qu’elle est responsable du suicide de sa fille.

 

Quel beau film plein d'amour et de compréhension pour ses personnages.