Anna : Hypothèse légère. (850 mots)
Je ne pense pas que j’aurai le courage de reregarder ce film épuisant une seconde fois alors je me permets de partager la lecture alternative intuitive et surtout évidente qui m’est immédiatement apparue en le regardant.
Le film est construit en poupées gigognes. Une idée sympa qui donne envie d’aller secouer le scénariste en lui faisant comprendre qu’on n’est pas des imbéciles qui ont besoin de perpétuels regards arrières pour leur expliquer qu’une personne sait mentir et que les agents doubles ça existe… que dis-je, les agents triples.
Avec une structure aussi lourdement martelée, et un titre en palindrome, il n’est pas difficile d’imaginer où pourrait s’insérer un secret : le début de l’histoire est déjà une mascarade et la fin en est une également.
The comédienne. "ze suis tellement maline, il ne devinera jamais que la proposition qu'il me fait est exactement ce que ze ressersse si ze dis "non, zaime pas tes propositions alors ze me taille les veines Na !" et ze senze d'avis en deux minuteux !""
De toute façon, Anna est tellement « parfaite » (avec d’énormes guillemets) que je me suis demandé au bout de deux minutes si elle n’aurait pas été faite en laboratoire, genre Liloo Dallas Multipass.
C’est surtout la fin qu’il est très difficile de gober : « Ze veux être entièrement libre. » A aucun moment le personnage d’Anna n’est crédible, dans ses peines, dans ses craintes, dans sa sensibilité de pacotille etc. la gonzesse est un monstre ambulant, pure psychopathe sans la moindre empathie. Insupportable… mais surtout ridiculement peu crédible dans ses geigneries complaisantes. Cette fille fait ce qu’elle veut, du début à la fin de l’histoire. Elle ne perd le contrôle à aucun moment et tout cela n’est qu’un jeu pour elle.
"Promis juré, je fais juste ça pour atteindre ma cible et accomplir ma mission et obtenir ma liberté... dans 5 ans."
"Je vous jure. Je trouve pas ça fun du tout. C'est juste du professionnalisme et j'ai pas le choix, c'est pour être libre parce qu'on peut pas échapper au KGB, ils vont me faire suivre en taxi. L'horreur."
"Je suis rien qu'une fille de la rue moi, je sais pas me défendre ni me cacher, ils me retrouveront et je serai prise au dépourvu.""
La fin cependant, annonce sa chute. Réduite à une vidéo sur un écran, réduite donc à un Moi passé et numérisé, elle demande qu’on l’efface et la nouvelle cheffe du KGB l’efface et s’exclame « petite conne. » C’est exactement ce qu’elle est, une petite conne.
Anna ne réalise pas qu’elle est creuse comme un crâne, ou plutôt, qu'à l’intérieur d’elle ne se trouve qu’une autre Anna creuse renfermant une autre Anna creuse comme elle le dit elle-même. N’est-ce-pas la description d’une maladie mentale ? Peut-être. Ce qui ne tourne pas rond chez Anna c’est qu’elle est amoureuse de son papa et qu’il le lui rend bien. La conséquence étant que rien n’a d’importance pour elle dans le monde. Tout n’est qu’un jeu. Toute personnalité n’est plus qu’une identité qu’elle enfile à dessein, une séduction situationnelle mise en place pour satisfaire son Dieu secret. Les hommes qui cèdent à son charme sont des pantins. L’amour qu’elle exprime n’est qu’un son qui sort de sa bouche.
« Mais, elle est orpheline, » me direz-vous. Elle ne l’est pas voyons, son pipou c’est mister big Vassiliev. Celui qui décapite l’espionne américaine du début, qui devait être la femme qu’il aimait, mère d’Anna. « Mon Dieu, mais alors, elle tuerait son propre père à la fin du film ? » Oui, si elle le tuait. Mais hey ! Flashback dix ans plus tôt et patati et patata, structure en poupée gigogne, tout ça tout ça, toute cette histoire n’était qu’un moyen d’échapper au KGB du cher Vassiliev et vivre avec sa petite fifille arme de destruction massive.
Enfin… vivre avec sa fille… qu’il aurait aimé être un garçon. Raison pour laquelle la transformation finale de l’héroïne se résume à se raser ses longs cheveux blongues. « Ça y est papa ! Je suis prête ! Je suis à toi. On va enfin pouvoir jouer à la marelle tous les deux jusqu’à la fin des… mais que fais-tu avec ce fusil à pompe !?! »
J’exagère mais ce qu’Anna ne réalise pas c’est qu’elle n’est que séduction, c’est d’ailleurs ce qui la rend si écœurante, elle n’est que facticité perpétuelle insupportable et usage de son sex-appeal pour obtenir tout ce qu’elle veut. Je ne dis pas par là qu’elle n’est pas intelligente. Là, n’est pas la question. Le problème de la séduction perpétuelle c’est qu’elle détruit le sens de tout. Anna a le dessus certes, mais rien n’a de sens dans sa vie. Ce n’est pas une personne qu’on a envie de côtoyer. Elle est fade à en mourir. Donnez moi une vanne de Bruce Willis dans Die Hard par pitié ! Ou mieux, de Melissa MacCarthy dans Spy. C’est hilarant d’ailleurs à quel point Anna n’arrive pas à l’orteil de Susan Cooper.
Bref, toujours est-il qu’Anna utilise perpétuellement la séduction et que ce qu’elle ne comprend pas voire ne s’avoue pas c’est qu’elle adore ce qu’elle fait et qu’elle adore avoir tous les mecs à son cul. C’est une pute, oui oui. Quand on dit d’une femme que c’est une pute dans le but de salir son image, on veut dire qu'elle est comme cette Anna. Et ce que notre tueuse ne comprend pas, c’est qu’à la minute où elle trouvera cette liberté entière dont elle hurle qu’elle la veut à tout prix, elle va s’effondrer psychologiquement. Ce genre de personne est incapable de rester seule une journée.
La liberté qu’elle recherche à tout prix, c’est l’idée que son père a de la retraite du KGB. Anna adore son travail d’espionne, c’est une tueuse psychopathe qui adore voir ses talents mis à l’épreuve. A la fin du film son père n'aura plus besoin d'elle et ce qu'il a exigé d'elle prouve qu'il se moque entièrement de sa vie. Ce qui attend Anna c'est la déception existentielle, la solitude et la mort.