The Domestic: Le Vaudou c'est la capacité de porter un enfant. (1200 mots)

Je me plaignais récemment du fait que des scriptes propagandistes très désagréables, bêtes et nihilistes, avaient envahi le cinéma hollywoodien ces dix dernières années ; tout en soulignant que toute œuvre d’art est un outil de propagande, volontaire ou involontaire.

Et bien, je suis tombé sur un film sud-africain qui m’a agréablement rafraîchi. Pas de diversité à la truelle, pas de personnage « bonjour je suis LGBT au revoir », pas de misandrie puérile et irresponsable… il y avait un couple qui s’aime. Je vous jure, un homme et une femme ensemble et qui semblent s’entendre et se respecter mutuellement. Incroyable.

Tout cela était bien évidemment propagandiste, je dirais que le film penche un peu vers le conservatisme. Cependant, il ne nous envoie pas ses valeurs en pleine poire en sacrifiant le film.

Dans le genre « trucs à la mode, » il y a une référence négative aux blancs. Je n’irais pas jusqu’à dire « raciste » parce que le sens de ce mot est sérieusement compromis à ce stade. Nous sommes face à quatre personnes noires qui parlent de leur manière d’être et dont l’une lance une légère critique sous la forme de « tu es tellement devenu un blanc. » Nous sommes en Afrique du sud, historiquement les blancs n’ont pas eu le même statut social et la même manière de vivre que les noirs. La remarque a un sens et n’est pas l’expression d’une haine aveugle et patati et patata. Mais bon, en ce moment, c’est quand même la mode de faire des commentaires de ce type. Même si, le commentaire reste très justifié car le film porte sur la perte d’identité culturelle.

Mais passons à la petite lecture alternative assez visible.

The Domestic raconte l’histoire d’un homme (Tumi) et d’une femme (Katlego) dont la domestique meurt. Ils sont incapables de tenir leur maison sans aide et décident d’en engager une autre. Après plusieurs tentatives malheureuse, ils engagent la fille de la défunte.

A noter, Katlego est sous anti-psychotique, elle avait des hallucinations. Sa mère tante régulièrement de reprendre contact avec elle parce qu’elle considère que c’est un pouvoir, un lien avec les morts, « l’appel ». Croyance vaudou. Mais Katlego ne veut rien entendre de tout ça.

Très vite, les choses tournent mal. La nouvelle domestique pratique, elle aussi le vaudou, s’adonne a des rituels bizarres dans la maison, cuisine des plats traditionnels immondes et a un comportement inquiétant.

La majeure partie du film se passe dans cette ambiance menaçante, on comprend que la domestique est très dangereuse et qu’elle prend petit à petit le contrôle de la vie de Katlego.

La représentation du vaudou est vraiment bien gérée dans le film. On sent qu’il y a derrière tout ça une logique d’écriture. Une limite invisible n’est jamais dépassée. Les rituels et pouvoirs ne mettent jamais l’intrigue sans dessus dessous.

Il y a deux éléments qui m’ont immédiatement mis la puce à l’oreille.

1- A l’enterrement, au début du film, Blessing découvre que Katlego est une élue du vaudou en lui touchant le ventre.

2- Blessing porte chance à un homme en lui mettant une pièce de monnaie sur la langue. Il partage ensuite ses gains aux jeux avec elle.

Évidemment, confronté à une histoire fantastique, on se demande toujours si le film suggère en fait une manipulation ou s’il nous demande réellement de croire aux événements surnaturels.

L’exemple du jardinier qui a de la chance aux jeux grâce aux pouvoir vaudou est très nuancé, c’est-à-dire que Blessing n’utilise la chose qu’une seule fois. Elle explique que les « ingrédients » sont difficiles à réunir et qu’on ne peut pas utiliser un tel pouvoir souvent.

C’est bien simple. Blessing a séduit le jardinier et lui a donné confiance en lui. Il a eu une attitude inhabituelle inattendue lorsqu’il est allé jouer (Aux dés ? Au poker?) qui lui a donné un avantage sur ses adversaires et lui a fait remporter plus d’argent. Il a peut-être également joué avec plus de confiance et en risquant plus, ce qui, pour cette fois, lui a rapporté plus d’argent. S’il avait perdu, Blessing l’aurait embobiné. Il a gagné, elle lui demande sa part des gains. Son vaudou c’est son charme, c’est l’attirance sexuelle qu’elle inspire à l’homme.

Il est très significatif qu’elle découvre que Katlego a reçu « l’appel » en lui touchant le ventre. La vaudou c’est le pouvoir féminin d’enfanter, la grossesse.

Tumi et Katlego n’ont pas d’enfants et l’épouse se veut une femme moderne active, le plus opposé possible à la femme au foyer. Elle rejette le vaudou comme elle rejette la maternité. Sa mère est d’ailleurs la personne qui l’encourage le plus à « renouer avec ses ancêtres. » Donc à renouer avec sa filiation, son pouvoir de filiation.

A mesure que l’on comprend que pour s’en sortir Katlego va devoir accepter son être femme, on se doute que le film s’achèvera probablement sur le passage des croyances vaudou à un enfant. Surprise, c’est exactement ça. Katlego a eut une petite fille et lui enseigne le vaudou.

Je me suis demandé si Katlego n’aurait pas fait une fausse couche, ou peut-être a-t-elle avorté. Une histoire traumatique qui l’aurait amenée à se distancier de son désir d’enfants.

La malédiction jetée par Blessing la sorcière passe par un gri-gri placé sous le matelas du lit. Où fait-on des enfants ? L’objet maléfique tourmente Katlego la nuit, elle entend une sorte de grattement, comme une araignée qui court. Comme un désir qui la travaillerait, celui d’avoir un enfant bien sûr selon cette interprétation.

Blessing est un mot anglais qui qualifie souvent un bébé. La sorcière qui tourmente Katlego est « l’enfant. »

Blessing assassinera une femme enceinte. Le film présente la chose comme si c’était parce qu’elle l’avait insulté, comme une vengeance égocentrée, mais je pense que c’est parce que cette femme est « blanche » justement, elle a abandonné ses ancêtres, sa culture et mettra au monde un enfant qui ne renforcera pas la culture qu’elle défend.

Lorsque la mère de Katlego est tuée, Blessing l’éventre. Le meurtre rituel montre la dimension immanente de l’individu. La pouvoir sacré de donner la vie réduit à des organes.

Lorsque Tumi pousse blessing et l’assome, l’image la montre empalée, virtuellement éventrée par son tablier. Je pense que Blessing est stérile et que par conséquent, elle utilise son vaudou de manière plus agressive parce qu’elle ne peut pas donner la vie.

La prise de contrôle mentale de Tumi vient d'une double emasculation. L’homme est en couple avec une femme qui ne veut pas d’enfant et se fait en plus jeter par un client pour qui il travaillait depuis sept ans. Il ne trouve plus la force de résister à une jeune femme magnifique qui fait tout pour le séduire, ne lui fera pas d’enfant elle non plus mais représente un fort boost d'ego et de confiance en soi. Son rival professionnel aura un accident étrange. Le ressort narratif du contrôle mental sert à déresponsabiliser Tumi. C’est un mec bien qui aime sa femme et qui se retrouve confronté à une force qu’il ne peut pas réellement vaincre, pourquoi en fait un mari infidèle égocentrique alors qu’il se fait manipuler.

C’est souvent le sens du vaudou, de la sorcellerie ou de la magie. Lorsque des personnages sont confrontés à une force qui les dépasse, qui leur fait perdre leur agence et qu’il devient alors injuste de les juger pour leurs actes.

Tumi retrouve ses sens lorsque Blessing le pousse à faire du mal à Katlego. Son amour pour sa femme est plus fort que le reste.

Blessing termine dévorée vivante par des « totem » de masculinité. Son énergie vitale est passée différemment puisqu’elle est stérile (selon moi, mais je n’ai pas de preuve au-delà de mon intuition cependant). Le sang gicle sur son visage serein, la pratique sexuelle associée est facile à reconnaître. Cette dévoration remplace bien la fécondation.

The Domestic m’a bien fait plaisir. C’est un très bon film, surtout si l’on est intéressé par ses thèmes. Sans quoi, il risque d’être un poil ennuyeux même si sans réel défaut.