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Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Publié le par Kevin

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)
Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Cette lecture alternative d’Esther m’offre une petite opportunité de souligner le fait qu’il y a une rigueur dans l’interprétation cinématographique, qu’elle n’est pas (nécessairement) la projection des fantasmes de spectateurs narcissiques qui ne cherchent rien de plus que la confirmation de leur vision du monde dans les œuvres auxquelles ils « s’intéressent. »

Esther m’a fait plusieurs fois renoncer à des interprétations, par rigueur. Toutes les interprétations que l’on peut trouver sur les films ne sont pas nécessairement rigoureuses, mais faire preuve de rigueur dans cet exercice est tout à fait possible. Et surtout, on peut émettre des hypothèses qui sont falsifiables et défendre des vérités complexes et cohérentes qui restent néanmoins indémontrables. C’est un élément important pour moi. La démarche scientifique est un outil qui doit être défendu et célébré mais il ne faut jamais oublier que la vérité scientifique n’est jamais accessible dans l’instant ou à partir d’une équation contenant des faux-semblant et des inconnues. Une fois sortis du laboratoire ou du livre d’exercice, nous devons nous en remettre à notre réflexion, à notre intuition et à notre courage.

Fausse piste 1 :

J’ai longtemps essayé de voir dans le personnage d’Esther la métaphore de l’impact de la mort du bébé Jessica sur Kate et sur la famille.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Kate laisserait son deuil prendre trop de place. Daniel et Max se retrouveraient en rivalité avec une petite sœur fantôme. Ils se sentiraient, à juste raison, délaissés, mal aimés. Quant à John, il se retrouverait affamé sexuellement et assujetti parce que Kate ne serait jamais d’humeur, vengeance pour sa tromperie.

Mais cette interprétation ne donne pas une cohérence totale à l’histoire. Elle n’est pas fausse, mais elle ne peut pas porter la cohérence du film sur ses épaules.

Fausse piste 2 :

Je me suis aussi demandé si Esther ne serait pas une métaphore des problèmes qui peuvent découler d’une adoption. Pas parce que l’on peut tomber sur une jeune femme psychotique qui se fait passer pour une petite fille, non, mais cette dimension « film d’horreur » servirait justement à subvertir les tabous qui compliquent les conversations sur les problèmes liés à l’adoption… puisque simplement, dès lors que l’on parle de ces problèmes, on décourage certaines personnes d’adopter, donc on éloigne des orphelins de trouver une famille. Cela rend le sujet difficile à aborder.

Esther soulèverait donc ces questions d’une manière exagérée histoire de les diluer un peu dans une absence de réalisme rassurante.

Mais par exemple, le film aborde la dimension sexuelle de l’adoption. Daniel arrive à un age auquel les filles vont commencer à l’intéresser. Esther est censée n’avoir que 9 ans, mais elle en a 33. Il est probable que Daniel se sente attiré par elle parce qu’il sent spontanément qu’elle est mature sexuellement et il se trouverait confronté à cette impression d’être malsain. Sentiment que peut avoir un garçon qui se retrouve par magie avec une sœur de son âge qui n’est pas sa sœur mais qui ne devrait pas l’attirer mais sera probablement bien heureuse de le faire.

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Problème plus évident encore, la rivalité. La guerre pour l’amour et l’attention des parents. Guerre cruelle, impitoyable et nécessairement avilissante. Les enfants biologiques voudront être aimés pour ce qu’ils sont et donc donner une leçon à leurs parents, pendant que l’enfant adopté risquera de faire tout pour être exactement ce que les parents désirent et être aimé parce qu’il correspond à ces attentes.

Bref, Esther allégerait tous ces sujets difficiles en faisait de la petite fille adoptée, une tueuse psychopathe qui cherche réellement à manipuler et qui tue sans compter. Cette interprétation fonctionne mais ne donne pas non plus une cohérence entière au film.

Ainsi, Esther m’a forcé à renoncer à ces interprétations intéressantes, par rigueur.

 

C’est en rédigeant ces articles et pendant la longue pause que je viens de prendre que j’ai enfin trouvé une perception qui donne une cohérence aux événements du film. Cette lecture alternative ne fera pas dans le sensationnel mais elle représente un soulagement pour moi qui ai vu le film au cinéma et une dizaine de fois depuis et qui ai toujours senti que quelque chose m’échappait. Toujours est-il qu’elle résonne en profondeur avec le sous-texte et qu’elle est plus cohérente que la perception la plus accessible.

Ce qu’Esther représente, plus précisément que le fantôme de Jessica ou que les problèmes engendrés par une adoption irréfléchie, c’est l’intériorité aliénée de Kate.

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Pendant longtemps j’ai accepté la virtuelle perfection du personnage. Mère traumatisée, mère douce, mère impliquée, mère talentueuse, mère qu’on n’apprécie pas à sa juste valeur, compagne trompée, compagne trahie, compagne dévorée par la souffrance et le deuil etc.…

Esther m’apparaissait proportionnellement démoniaque. Tueuse manipulatrice, insensible, terrifiante, calculatrice, impitoyable etc...

C’est également la raison pour laquelle j’ai éprouvé le besoin de tant critiquer les Coleman dans ma précédente partie, parce que lorsque nous sommes témoins d’un conflit, notre incapacité à remettre en question certaines personnes fera retomber la charge accusatoire sur celles que l’on accepte de remettre en question. Croire les Coleman parfaits, c’est croire Esther d’autant plus démoniaque.

Je n’en ai pas trouvé la preuve, mais je pense que Kate est orpheline. Le titre original du film est « Orphan », traduit « L’Orpheline » au Québec. Le double sens nous suggère les deux interprétations.

Si Kate n’est pas orpheline, alors elle a fui une famille qui la maltraitait et qu’elle détestait. Son aliénation, c’est d’être aussi profondément demandeuse d’affection qu’Esther, qu’une enfant orpheline.

Kate ne parvient pas à aimer ses enfants correctement parce que son comportement repose sur la croyance assimilée qu’un individu sain n’a pas besoin d’amour. Elle ne parvient pas à aimer ses enfants précisément parce qu’ils cherchent sa reconnaissance et son affection. Elle a du mal à offrir ce dont elle a été cruellement privée.

Je tournais John et Kate en dérision lorsqu’à l’orphelinat, ils cherchent une petite fille à adopter et qu’ils s’intéressent à celle qui est déjà entièrement autonome. Je les accusais d’être des parents consuméristes qui ne veulent aucun rôle et aucune responsabilité mais ce qu’il se passe est également plus profond que cela. Kate veut réellement donner son amour mais à une petite fille qui s’est construite sans et ne le recherche plus. Les autres fillettes de l’orphelinat courent, crient et rient, elles veulent montrer qu’elles sont pleines de vie et aimables. Mais Kate ne veut pas d’une enfant qui recherchera son affection, elle veut une enfant qui montre les signes qu’elle peut s’en passer, qu’elle n’en a plus besoin. Elle veut un double de son Soi traumatisé.

Le problème évidemment, c’est que la petite fille qui se conduit ainsi, cherche autant l’amour et la reconnaissance que les autres, la différence c’est qu’elle est maintenant tellement aliénée qu’elle a recours à la manipulation pour atteindre son but.

Exemples :

Cette interprétation donne, entre autres, une cohérence appréciable à la scène dans laquelle Kate va chercher Max à l’école.

Je trouvais ce passage un peu vague et imprécis. Kate attend sa fille et regarde une autre petite fille qui sort de l’école. Elle la suit des yeux. Nous savons qu’elle se demande à ce stade si l’adoption est une bonne idée ou non. Elle congratule Max pour son dessin avec enthousiasme et douceur puis conclut « Let’s go, I’m cold. » Kate ne s’intéresse jamais aux dessins de sa fille à un autre moment. Le comportement qu’elle lui offre dans cette scène est creux. « I’m cold » signifie « J’ai froid » mais également « Je suis froide. » Je n’irai pas jusqu’à dire que Kate se fiche de Max, elle veut son bonheur, cependant, je pense qu’elle fait tout par sens des responsabilités, qu’elle ne ressent pas d’élan d’intérêt pour la petite en tant que sa fille.

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Kate veut une petite fille qui lui tourne le dos.

Kate veut une petite fille qui lui tourne le dos.

Ce petit zoom sur le visage de Kate nous indique la manière dont elle se perd dans ses pensées, dans son esprit. Un processus de perte de contact avec le réel.
Ce petit zoom sur le visage de Kate nous indique la manière dont elle se perd dans ses pensées, dans son esprit. Un processus de perte de contact avec le réel.

Ce petit zoom sur le visage de Kate nous indique la manière dont elle se perd dans ses pensées, dans son esprit. Un processus de perte de contact avec le réel.

Comme dans la scène suivante.

Comme dans la scène suivante.

Le film suggère régulièrement une présence fantômatique, magique.

Le film suggère régulièrement une présence fantômatique, magique.

Je trouvais la scène problématique, fragile, si elle signifiait que Kate n’est pas satisfaite par Max. Comme si la mère avait le sentiment d’avoir raté ses enfants et qu’elle en voulait d’autres. Mais il n’est pas question de ça. Son problème est plus profond. Elle cherche une petite fille qui serait la projection de ce dont elle a besoin. Elle veut la petite fille qui s’isole, qui marche seule. Elle veut un double d’elle-même vers lequel elle pourrait réellement projeter son affection.

Hélas, Max est adorable.

Hélas, Max est adorable.

Max et Daniel n’ont aucun défaut qu’elle pourrait leur reprocher, ils sont parfaits, mais ils ne sont pas orphelins. Elle ne peut pas se reconnaître en eux parce qu’elle s’est construite sur cet isolement, cette souffrance.

Cette lecture de la scène fonctionne bien mieux avec ce regard actif de Kate. Quelque chose la dévore, un désir la ronge et elle le projette autour d’elle. Elle recherche une présence dans son environnement qui la soulagerait.

La même quête manque de lui faire avoir un accident de voiture dans la scène suivante.

Une autre scène qui trouve un sens plus profond et plus complet grâce à cette interprétation (Esther en tant qu’intériorité aliénée de Kate) est celle du combat final sur le lac.

Tout au long du film, la présence du lac nous est rappelée. Il n’est pas difficile de lui trouver un sens métaphorique. Le lac gelé, c’est la froideur de Kate en tant que mère. C’est son utérus devenu stérile suite à la perte de Jessica.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)
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Le fait que l’intrigue s’achève sur le lac implique Kate dans sa structure bien plus qu’Esther.

Lorsque je pensais qu’Esther était Jessica, je voyais cette scène finale comme le rejet définitif de la fillette fantôme. « I am not your mummy ! » Kate renverrai Jessica dans la pré-vie.

Mais je pensais que la mère n’avait aucune responsabilité dans la perte de son bébé à l’époque. Faire de Jessica le mal à éradiquer et la tuer une seconde fois n’aurait pas de sens.

Aussi, une interprétation qui impliquerait Jessica ne fonctionne pas avec le fait que c’est également dans ce lac que Max a failli se noyer. L’élément deviendrait « orphelin », sans raison d’être ni lien avec ce développement de l’intrigue.

Ce qu’il se passe c’est que Kate accepte de se séparer de cette part morbide d’elle-même : la petite fille qui est prête à tout pour être aimée et qui l’a amenée à s’en prendre à Max. Lorsqu’elle a appris que John l’avait trompée Kate s’est évidemment sentie trahie et surtout, mal-aimée. Or, son désir de perfection est l’extension morbide d’une tentative de trouver une justification existentielle dans l’admiration. Tous les efforts qu’elle fait pour être parfaite sont des efforts pour être digne d’amour. Elle confond admiration et amour. Rechercher l’admiration est plus facile et moins inquiétant que rechercher l’affection. L’admiration sidère, elle paralyse la pensée, elle implique un pouvoir sur l’autre, l’amour requiert que l’autre soit en possession de son jugement.

Trahie, elle ressent alors le désir de tout « foutre en l’air. » Elle avorte à l’aide de médicaments et s’en prend à Max, volontairement, directement ou indirectement. Elle peut s’être saoulée en espérant un accident ou elle peut l’avoir laissée tomber dans le lac.

En tuant Esther, Kate promet à Max qu’elle n’aura plus jamais rien à craindre de sa mère et lui apprend que ce qu’elle lui a fait subir était mal. Kate détruit le désir qui la rongeait et la maintenait dans l’immaturité émotionnelle.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)
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La personnalité d’Esther, la construction du personnage, met en avant l’incohérence des attentes de Kate. La mère se retrouve confrontée à ses contradictions. Elle veut offrir son amour à une enfant qui n’en a plus l’utilité. Elle veut enseigner à cette petite fille que ça n’est pas grave d’être différent, alors que celle-ci assume déjà parfaitement de l’être. Elle veut lui enseigner le piano, et découvre rapidement qu’Esther joue déjà à la perfection. Lorsqu’Esther les surprend, elle et John, en plein rapports sexuels dans la cuisine, Kate s’attribue la tâche d’aller expliquer le sexe à sa nouvelle fille. Pas de chance, Esther sait déjà tout sur le sujet également.

Kate obtient ce qu’elle désire. Esther s’adapte entièrement à ses attentes mais en se les appropriant si bien que Kate se doit de constater qu’il lui est désagréable de ne pas pouvoir jouer son rôle de mère. Or, Esther attend juste qu’on lui dise « c’est bien, bravo ! Wahou ! Comme tu es impressionnante. » Mais Kate ne le fait jamais.

C’est exactement à une fillette comme Esther que Kate voulait « donner son amour. » Une fillette isolée, perfectionniste et autonome. Comme je l’ai déjà dit, Kate veut s’aimer au travers d’Esther. Cependant, mise en situation, elle se rend compte qu’elle ne peut pas récompenser cette entière autonomie de la fillette et ses performances qui dépassent tout ce qu’on peut attendre d’une enfant.

Évidemment, il y a des différences entre Kate et sa projection en Esther. La « fillette » est bien plus agressive et jusqu’au-boutiste. C’est normal puisque la projection sémantique prend un sens symbolique total. En d’autre terme, il y a, par exemple, toujours une différence entre un comportement courageux réel et le comportement fictionnel, abstrait, que l’on s’imagine représenter le courage.

Kate se sens différente, veut adopter une petite fille qui souffre de se sentir différente et la soigner de cette douleur. Avec Esther, elle va se trouver face à une fillette qui est réellement problématiquement et profondément différente et que l’on devrait aider à s’intégrer et à passer inaperçue plutôt que de lui dire d’affirmer sa différence.

ça ne se passe pas super bien à l'école pour Esther.

ça ne se passe pas super bien à l'école pour Esther.

Le discours de Kate va avoir des conséquences catastrophiques. Daniel sera gêné par l’image d’Esther à l’école et la rejettera, ce qui lui vaudra d’être lui-même rejeté encore plus violemment par son propre père et de devoir constater qu’il n’a vraiment aucune importance dans cette famille.

L’enfant délaissé l’est encore plus.

Pendant que la fillette morbide va entrer en compétition avec l’enfant choyée : Max. On demande à Esther d’apprendre la langue des signes pour qu’elle puisse communiquer avec sa petite sœur. Elle va se conformer à cette requête à 200 % et, constatant que max est intouchable, elle va mettre en place une entreprise de séduction. Elle joue avec elle, se montre positive et enthousiaste pour séduire, et donc contrôler la menace que représente cette petite sœur.

Ainsi, Esther peut être regardé sous l’angle de l’arc narratif de Kate qui a l’opportunité de faire l’expérience dont elle a besoin pour sortir de sa morbidité, pour se soigner de ses troubles narcissiques. Au dépend de bien des personnes évidemment mais cela n’enlève rien au fait que cette horrible histoire lui permet d’évoluer et qu’au final, elle peut enfin condamner cette intériorité immature assoiffée de reconnaissance qui veut qu’on la perçoive comme parfaite, qui veut être le perpétuel centre d’attention et qui entre en compétition avec la moindre personne qu’elle voit recevoir de l’affection.

 

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Ceci étant dit, cette interprétation ouvre la voie à d’autres questionnements.

Il me paraît évident que lorsqu’elle apprend qu’Esther est en fait une jeune femme de 33 ans qui souffre d’une maladie rare, Kate joue la comédie. Ses répliques sont ridicules. Cela fait des jours qu’elle est en guerre avec une gamine folle et au lieu de s’exclamer « Bon sang ! Ça explique tout ! », elle joue les étonnées.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Je pense que c’est également le cas à l’hôpital lorsque Daniel est attaqué, comme je l’ai dit dans une précédente partie. Kate fait semblant de ne pas comprendre ce qu’il se passe puis explose publiquement. Même manipulation lorsqu’elle trouve son fils pratiquement mort au pied de sa maisonnette en flammes.

Chez la psy, John lui lance « tu es tellement manipulatrice. » Il en a assez de sa manière de se conduire. Il sent qu’elle déforme les événements. Il sent qu’elle n’est pas entièrement honnête et qu’elle est complaisante dans son apitoiement ou dans la culpabilisation des autres.

Kate est une menteuse et une manipulatrice. Ce que nous savions déjà du point de vue de la perte de son bébé et de l’accident de Max, mais pas du point de vue de l’histoire avec Esther.

La question que tout cela soulève est la suivante : à quel moment Kate comprend-elle qu’Esther n’est pas une enfant ?

Imaginons un instant qu’elle ne soit en fait jamais dupe. Alors tout ce qu’il se passe dans le film est de son fait. Elle cherche à se soulager grâce à son enfant anti-dépresseur et lorsqu’elle constate que ça ne fonctionne pas, elle se sert d’Esther pour donner une leçon à sa famille.

Lorsque, dans la voiture (1h08m), elle demande à Max et Daniel si les choses passent bien avec Esther, si elle aurait eu des comportements inquiétants, c’est largement trop tard. Trop tard pour qu’elle obtienne une réponse mais surtout, trop tard pour que cela ne soit pas ridicule et suspect. Une gamine a été agressée dans un terrain de jeu, une none a été assassinée à ce stade. Daniel a hurlé qu’elle n’était pas « sa putain de sœur » à table et s’est vu interdit l’accès à sa cabane dans les bois. Il y a eu énormément de conflits, de tensions et de problème depuis l’arrivée d’Esther et Kate s’intéresse à la question d’une manière profondément décalée.

Son initiative ressemble bien plus à la mise en place d’éléments pour couvrir ses traces. Elle se prépare à pouvoir clamer son innocence.

"On est bien d'accord les enfants. Maman a commencé à se poser des questions après le troisième meurtre un peu bizarre."

"On est bien d'accord les enfants. Maman a commencé à se poser des questions après le troisième meurtre un peu bizarre."

Et je me demandais beaucoup pourquoi le film terminait de manière si tiède, mais voilà, Daniel et John terminent dans une position de jugement de leur sexualité. John a trahi Kate. Il meurt tué en rejetant les avances d’Esther. Daniel, qui est attiré par sa mère, se retrouve dans le coma, traumatisé sexuellement (Esther l’émascule), « endormi. »

Ainsi, la conclusion du film ressemble beaucoup à une victoire de Kate qui s’est débarrassée de la part malsaine d’elle-même, mais également de la présence masculine dans sa vie.

Il y a une fin alternative dans laquelle la police arrive dans la maison et Esther s’est re-déguisée en petite fille et je pense qu’à l’origine le film est construit sur l’idée que la petite fille adoptée est innocente et que c’est la mère qui devient folle. Je ne sais pas si l’on peut…. Mince. Tout le monde est mort à la fin, sauf la pauvre petite Max qui a maintenant l’habitude de s’aligner sur les désirs des psychopathes criminels.

Donc en fait. Esther pourrait parfaitement n’avoir rien de spécial.

Bon sang.

Encore une caméra fantôme qui traduirait la menace que Kate s'invente.

Encore une caméra fantôme qui traduirait la menace que Kate s'invente.

Un des aspects qui m’a beaucoup travaillé avec ce film, c’est qu’il me donnait le sentiment d’être une narration déformée par le narrateur, qui serait Kate.

J’ai eu ce même sentiment en regardant Destination Finale, récemment.

Et je pense donc qu’il existe un degré plus subtil de manipulation d’une « narration », au-delà du narrateur malhonnête, celui de la folie.

C’est-à-dire que par exemple, les coup de fils que Kate passe seraient dans sa tête. Esther n’a pas 33 ans.

Ses avances à John n’existent pas, elles sont dans la tête de Kate.

Hum. Hum.

Je ne m’attendais pas à en arriver là.

Mais j’ai maintenant l’intuition que c’est réellement le sens de ce film.

Kate fait une décompensation. Son rapport avec Esther ne la fait pas évoluer, il la fait craquer.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Et il y a un élément qui me semble valider cette perception. Je n’ai pas trouvé le moment auquel Kate découvre qu’Esther est adulte. Or, il me semble indéniable qu’elle joue la comédie lorsqu’elle l’apprend à l’hôpital.

La conclusion à laquelle je venais, à l’origine, est que Kate est pathologiquement immature. Elle ne se sent pas adulte, elle est en rivalité avec la petite fille et elle ne fait pas la différence entre une fillette de 9 ans et une femme de 33. C’est pour cette raison qu’elle ne prend jamais explicitement conscience du fait qu’Esther a 33 ans puisque de toute manière, elle la traite perpétuellement comme si elle était adulte. Elle ne sait pas ce qu’est un enfant, elle n’a pas d’opposition mentale.

La vérité se situe un pas de plus dans cette direction : Kate ne réalise jamais qu’Esther est une jeune femme parce qu’Esther est bel et bien une fillette.

Et je comprends enfin enfin enfin un élément qui m’agaçait. Il y a dans le film des mouvements « fantomatiques » de caméra, que je ne comprenais pas.

Ces mouvements sont la suite du regard que Kate donne aux petites filles devant l’école au début du film, ils traduisent l’arrivée de pensées, de craintes, d’illusions dans l’esprit de Kate. Elle se fait des idées, elle se construit une perception décalée.

Esther: Conclusion inattendue. P6. (3635 mots)

Bien je m’arrête là. J’ai besoin de temps pour assimiler cette découverte.

Ce que je prenais pour des métaphores peuvent être la description d’un personnage principal qui perd la raison, ou d’une perception enfantine peut-être aussi, comme dans The Shining.

Je pense que c’est Destination finale, que je viens de voir pour la première fois, qui m’a mis sur la voie. L’idée du film me semblait absolument dysfonctionnelle, non pas pour sa dimension surnaturelle, mais parce que ses règles étaient perpétuellement remises en question, violées, détournées. J’avais continuellement le sentiment qu’il y avait une lecture non surnaturelle aux événements qu’on nous présentait alors qu’en même temps, on pouvait constater de nos yeux le surnaturel. Je suis resté convaincu que nous assistions à des meurtres déguisé en accidents grotesques. Et finalement, j’en suis venu à la possibilité que cela soit la description du personnage principal qui perd la raison, sans filtre, sans narration.

Il y aurait un narrateur lorsque le personnage veut consciemment prendre le contrôle de l’histoire. Mais lorsqu’il n’y a pas de narrateur, les événements représentés peuvent toujours être déformés par une perte de raison, une perception erronée.

Bref, j’espérais en me lançant dans ces articles sur Esther que leur rédaction me permettrait de déchiffrer enfin le sens de ce film, et je pense l’avoir fait, mais ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est de découvrir une nouvelle raison légitime de remettre en question les éléments d’une narration.

 

Je reregarderai Esther. Encore une fois. Pour remettre en question ce que l'on voit à l'écran. Mais ça sera dans un certain temps. Il me faut déjà assimiler cette nouvelle perception des oeuvres en général et celle-ci en particulier.

Raaaaaa, mais si Esther est juste une fillette cette scène n'aurait-elle lieu que dans la tête de Kate ? Il faudra revoir pour juger. De toute manière, à la fin du film, John est mort, Esther est morte, Daniel est dans le coma et Max ne dira jamais rien. Donc, toute l'histoire est potentiellement entièrement révisée par la psychée malade de Kate. Je pense qu'un tel fantasme pourrait venir du choc de Kate face au "ils baisent" prononcé par Esther. Kate s'imaginerait donc la petite fille adoptée aller émasculer son fils innocent la nuit, en gros, le violer.

Raaaaaa, mais si Esther est juste une fillette cette scène n'aurait-elle lieu que dans la tête de Kate ? Il faudra revoir pour juger. De toute manière, à la fin du film, John est mort, Esther est morte, Daniel est dans le coma et Max ne dira jamais rien. Donc, toute l'histoire est potentiellement entièrement révisée par la psychée malade de Kate. Je pense qu'un tel fantasme pourrait venir du choc de Kate face au "ils baisent" prononcé par Esther. Kate s'imaginerait donc la petite fille adoptée aller émasculer son fils innocent la nuit, en gros, le violer.

L'idée qu'Esther soit une petite fille normale m'interpelle vraiment. Je me suis déjà demandé pourquoi Max était autant au centre de l'histoire, pourquoi Esther lui parle comme une mère, pourquoi la fillette ne choisit pas sur qui tirer à la fin du film (heureusement) et pourquoi Kate autant qu'Esther sont aspirées dans l'eau. Il y a une problématique identitaire en jeu, la psyché de Kate est fracturée et une seule part d'elle-même peut ressortir. Il me semble très envisageable, que l'on voit parfois Esther à l'écran alors que c'est Kate qui est là. Le mutisme de Max a toujours signifié pour moi qu'il y avait une vérité qu'elle se devait de taire. Et au final, je pense qu'elle pourrait parfaitement être confrontée à sa mère sans jamais le dire. Par exemple, lorsqu'Esther deserre le frein à main de la voiture. J'ai longtemps eu ce sentiment que quelque part, il y avait une lecture qui innocentait Esther et je n'avais pas été étonné en voyant le préquel dans lequel la fillette tombe dans une famille d'assassin. Je sentais bien qu'Esther ne pouvait pas être le coeur du mal et je commence à croire qu'elle pourrait être une entière victime.

 

Esther Partie 1 

Esther Partie 2

Esther Partie 3

Esther Partie 4

Esther Partie 5

Esther Partie 6