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Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Publié le par Kevin

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

La scène de la serre m’a toujours interpelé. Dès la première fois où je l’ai vue au cinéma, elle m’a posé problème.

Esther, armée d’un revolver, cherche Maxine qui s’est cachée parmi les plantes.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Sur le toit de verre, Kate observe l’évolution de la situation. Elle a auparavant fait signe à sa fille de rester cachée.

Esther remarque Kate, lui tire dessus mais n’insiste pas. Elle continue à chercher Maxine. Un instant avant qu’elle ne découvre la fillette, Kate s’écrie « Tu n’as pas intérêt à lui faire du mal ! »

Maxine sort de sa cachette et prend la fuite.

ça passe largement trop près pour que l'on puisse prendre le comportement de Kate au sérieux. En fait, c'est même bien pire que ça puisque Maxine s'en tire parfaitement depuis une heure dans son jeu de cache-cache avec Esther et c'est le conseil de sa mère qui la fait passer à deux centimètres de la mort. Ce n'est pas un hasard.
ça passe largement trop près pour que l'on puisse prendre le comportement de Kate au sérieux. En fait, c'est même bien pire que ça puisque Maxine s'en tire parfaitement depuis une heure dans son jeu de cache-cache avec Esther et c'est le conseil de sa mère qui la fait passer à deux centimètres de la mort. Ce n'est pas un hasard.

ça passe largement trop près pour que l'on puisse prendre le comportement de Kate au sérieux. En fait, c'est même bien pire que ça puisque Maxine s'en tire parfaitement depuis une heure dans son jeu de cache-cache avec Esther et c'est le conseil de sa mère qui la fait passer à deux centimètres de la mort. Ce n'est pas un hasard.

Esther tire trois fois dans sa direction puis se tourne vers Kate qui brise la vitre d’un coup de lampe torche et lui tombe dessus.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

La scène est maladroite. En tant que spectateurs, on sent bien qu’il est question de nous montrer que Kate s’approprie son rôle de mère, qu’elle trouve son instinct et va protéger Maxine au péril de sa vie. Le problème c’est que ce n’est absolument pas ce qu’il se passe à l’écran. Kate continue d’intellectualiser ses actions. La séparation entre sa tête et son ventre est toujours aussi flagrante. Lorsqu’elle s’écrie « Esther, tu n’as pas intérêt à lui faire du mal ! » La réplique est ridicule car si elle se sentait en position de stopper la tueuse, elle serait en train de le faire et cette menace trahit son impuissance. De plus, elle s’adresse à Esther qui n’est pas une personne que l’on peut intimider. Ce type de menace a plus de chance de la faire passer à l’acte.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Les erreurs de Kate ne s’arrêtent pas là puisqu’elle s’écrie « Laisse-là tranquille » alors qu’Esther est en train de vider son revolver sur Maxine. Le décalage est ridicule. « Si tu continues à la mitrailler tu seras privée de dessert ! »

Cette scène m’a donc toujours posé problème parce qu’elle semblait signifier que Kate avait évolué tout en échouant entièrement dans sa démonstration et dans la mise-en-scène de ce climax.

Kate renoue avec son ventre pour combattre Esther, certes, mais elle le fait lorsque la petite tueuse psychopathe braque son arme vers elle. Son réflexe trouve racine dans son instinct de conservation, pas dans son désir de protéger Maxine.

Esther a le temps de tirer trois fois sur Maxine, pratiquement à bout portant. C’est un échec indiscutable. Kate n’est pas à la hauteur.

Ce film est quand même très violent.
Ce film est quand même très violent.

Ce film est quand même très violent.

Il aurait fallut la montrer empêcher le premier coup de feu d’une initiative soudaine et impressionnante, comme briser le toit de verre et tomber sur Esther… mais au bon moment.

Cette scène m’avait laissé perplexe au cinéma. Je m’étais dit que quelque chose m’échappait. Et effectivement, je perçois les dynamiques du film bien différemment aujourd’hui.

Pour me rafraîchir les idées, je l’ai regardé une huitième fois ce week-end, très attentivement. En six heures environ. Et je suis enfin parvenu à une lecture cohérente. Je m’en étais déjà approché l’an dernier… mais il me manquait encore quelque chose.

J’ai vraiment eu du mal à m’éloigner de l’interprétation la plus accessible que j’aimais beaucoup. C’est-à-dire que je voyais les Coleman comme une famille normale, moyenne, conforme, qui bien-sûr, avait son lot de défauts, de failles et de drames. Je pensais cependant que tous ces problèmes servaient à donner de la matière au personnage d’Esther. Je voyais le film comme un festival de mensonges et de manipulations crédibles. La manière dont une personne sans scrupule peut très aisément tourner des personnes qui s’aiment les unes contre les autres.

Mais je dois bien admettre qu’à chaque nouveau visionnage, je me suis éloigné de cette perception. Esther est, bien entendu, toujours une manipulatrice psychopathe, mais elle n’est pas le centre de l’histoire.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Le préquel de 2022 qui raconte sa première adoption, la projette dans une famille d’assassins avérés. Je pense qu’un tel choix aurait été impossible si le personnage n’était pas essentiellement construit selon cette dynamique. Esther n’est pas en interaction avec une innocence qu’elle exploite ou détruit mais avec un mal qui va la rendre elle-même impitoyable. Elle n’est pas nécessairement une victime mais elle n’est pas le monstre ultime de ses intrigues.

L’échec de Kate dans la serre est présent partout dans le film. J’offrais, à la base, toute ma suspension d’incrédulité aux petits flottements dans le temps de réaction de John et Kate ou à la confiance excessive qu'ils placent en Esther, mais à force de revoir le film je dois admettre une chose importante : John et Kate sont de mauvais parents. Entendre: ce sont leurs défauts et leurs erreurs qui donnent à l’histoire sa forme, pas l’extrême subtilité d’Esther.

John et Kate se conduisent stupidement et le sens du film ne requiert pas notre suspension d’incrédulité. C’est-à-dire que lorsqu’on se dit « C’est normal qu'ils ne comprennent pas que… » « C’est compréhensible qu’ils ne s’imaginent pas que... » on se trompe. Esther est diabolique, mais ces deux parents sont irresponsables et fautifs.

"Dis voir, cette petite fille a l'air tellement autonome que c'est à se demander si elle a besoin de parents." "Exactement ce qu'on cherche."

"Dis voir, cette petite fille a l'air tellement autonome que c'est à se demander si elle a besoin de parents." "Exactement ce qu'on cherche."

Lorsqu’Esther met le feu à la cabane suspendue de Danny et que celui-ci fait une chute gravissime, Kate se retrouve nez-à-nez avec la fillette psychopathe qui vient probablement de détruire la vie de son fils (et de la mettre en danger). Il ne se passe rien.

"Estheeeeer ! Qu'est-ce que tu as encore fait espèce de sale petite...."

"Estheeeeer ! Qu'est-ce que tu as encore fait espèce de sale petite...."

"J'ai l'impression que ce coup-ci, je vais me faire défoncer."

"J'ai l'impression que ce coup-ci, je vais me faire défoncer."

Spoiler: Kate emmène Danny à l'hopital, emmène Esther avec elle et lui laisse l'opportunité de l'étouffer avec un coussin. Oups.

Spoiler: Kate emmène Danny à l'hopital, emmène Esther avec elle et lui laisse l'opportunité de l'étouffer avec un coussin. Oups.

A ce stade, Esther a déjà cueilli les fleurs qui poussaient sur les cendres de Jessica, ce qui a plongée Kate dans un état de profonde détresse. Mais surtout, Maxine a failli être tuée par un accident de voiture lorsque leur 4x4 a dévalé une rue en pente en roue libre après qu’Esther ait desserré le frein à main.

Kate sait parfaitement que c’est Esther qui vient de provoquer l’incendie mais ça sera à l’hôpital, devant témoins, qu’elle va lui envoyer une claque monumentale. On l’immobilise, on lui injecte un calmant et elle se retrouve impuissante face à la suite des événements.

"Tiens ! Prends-ça petite salope !"

"Tiens ! Prends-ça petite salope !"

"Ho non ! Mais que faîtes-vous ? C'est un malentendu !"

"Ho non ! Mais que faîtes-vous ? C'est un malentendu !"

Et d’ailleurs, elle lui envoie cette claque après qu’Esther ait à nouveau tenté d’assassiner Danny, dans son lit d’hôpital, après que Kate ait été suffisamment stupide pour le laisser sans surveillance.

Si la scène de la serre me paraissait maladroite, c’était parce qu’elle ne dépeignait pas ce que je pensais y voir.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Le comportement de Kate n’est pas cohérent… tiens, coïncidence amusante. Je m’apprêtais à dire qu’il y avait chez elle une réelle ambivalence. J’ai fait une recherche pour considérer le degré de pertinence du mot et je trouve immédiatement sur wikipédia :

Le terme ambivalence a été repris en 1910 par Eugen Bleuler pour caractériser un aspect de l'état psychique des Schizophrènes. Il a été introduit par Sigmund Freud dans une acception différente : il s'agit de la juxtaposition plus ou moins simultanée de deux affects : l'amour et la haine. [...]

C’est le sentiment que me donne Kate tout au long du film. Je ne parviens pas à croire en son honnêteté ou en sa naïveté. Mais je ne peux pas me dire que son affection et son affliction sont feintes ou fausses.

La position que je me suis trouvé obligé d’accepter par la force des constatations c’est qu’elle déteste sa famille, son mari et ses enfants, tout en les aimant profondément. Ce qui est explicable par la tromperie de John. Toute sa vie a été construite sur un mensonge et ça la détruit, elle voudrait tout raser pour se venger. Mais en même temps, elle aime John, elle aime sa vie et elle aime ses enfants.

La solution était facile mais totalement taboue dans notre culture : John aurait du accepter qu’elle le punisse. Il aurait du demander à Kate de réfléchir à une vengeance, une punition, pure et simple, qui ferait disparaître sa rancœur. Quelque chose d’aussi ridicule que de le fouetter. Cinq fois, dix fois, cinquante fois. Peu importe, du moment que Kate n’ait plus à se sentir celle qui prend sur elle pour le bien de sa famille, qui doit accepter l’humiliation et la douleur pour le bien de tous.

On peut voir la manière dont leur relation est aliénée par cette tromperie lorsqu’ils couchent ensemble dans la cuisine.

Kate a le sentiment de faire l’amour à deux hommes différents. Il y a un John face à elle, et un John derrière elle. Celui qu’elle le croyait être et celui qui a des désirs cachés, celui qui l'a trompée.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Leurs ébats évoluent vers une position dans laquelle Kate ne peut pas regarder le visage de son mari. Elle redresse la tête et le cogne.

Esther: La Maladresse de la scène de la serre. P2. (1600 mots)

Je trouvais ce passage très beau et naturel mais hélas, je pense maintenant que Kate le fait exprès. Elle a besoin de le punir pour pouvoir ensuite s’offrir honnêtement à lui.

Et dans ce contexte, que signifie alors l’apparition d’Esther derrière la porte ? Cet ultime élément qui met fin à leur rapport est également à interpréter en lien avec la psyché de Kate.

Est-ce Jessica qui réapparait à chaque fois que Kate essaye de pardonner ?

Est-ce Jessica qui réapparait à chaque fois que Kate essaye de pardonner ?

La tromperie de John la renvoie à quelque chose de plus profond. Kate a-t-elle observé ses parents faire l’amour lorsqu’elle était enfant ? S’est-elle sentie trompée par son père ?

J'adore la tête de Kate lorsqu'Esther lui dit "Ils baisent."
J'adore la tête de Kate lorsqu'Esther lui dit "Ils baisent."

J'adore la tête de Kate lorsqu'Esther lui dit "Ils baisent."

Toujours est-il que Kate est un personnage trouble et inquiétant et que je me trouve bien obligé de devoir remettre en question la plupart des éléments neutres ou positifs que j’acceptais auparavant.

Nous sommes amenés à la percevoir comme une femme qui a eu des problèmes avec l’alcool sans pour autant être jamais tombée dans l’alcoolisme et qui parvient parfaitement à s’en écarter aujourd’hui. C’est rafraîchissant de voir un tel arc narratif dans un film.

Le problème c’est qu’à ce stade, je me pose une question : Kate a-t-elle réellement eu des problèmes avec l’alcool ? Est-ce qu’elle ne s’en tire pas si bien simplement parce qu’elle n’a aucun problème et qu’elle s’est servie de cette excuse pour ne pas être tenue pour responsable de ses actes ?

 

Partie 3 à venir.