Basic Instinct: Catherine Tramell Perverse Manipulatrice. Partie 10. (1100 mots)
--------Nilson assassiné. Catherine change d’approche--------
Nick est réveillé au milieu de la nuit par un coup de fil. La télévision indique une fois encore ce qu’il se passe dans son crâne. Pourquoi rêve-t-il d’une jeune femme poursuivit par un monstre immonde ?
Nick ne s’identifierait pas à cette jeune femme qui incarne l’innocence, la virginité, une victime inoffensive. Nick ne peut s’identifier à rien de tout cela. Il se voit donc comme le monstre. La jeune femme est probablement Beth. A cause de ce qu’il a fait, à cause du suicide de sa femme, Nick se voit comme une menace pour Beth qu’il croit fragile et innocente. Lorsqu’il l’a prise brutalement, elle l’a viré de l’appartement. Il a peur de ce qu’il pourrait lui faire, ce n’est certainement pas l’impression que lui donne Tramell.
Au téléphone, on le prévient que Nilson est mort assassiné. Évidemment, les soupçons se tournent immédiatement vers Nick qui a tenté de lui refaire le portrait le jour même. Si je pense que c’est Roxy qui a tué Johnny Boz, c’est Tramell qui a tué Nilson.
Le policier est interrogé et son interrogatoire tourne à la farce puisqu’il y détourne les répliques et comportements de Catherine. Il explique qu’il aurait été vraiment stupide de tuer un collègue qu’on l’a vu agresser dans la journée puis balaye une interdiction de fumer d’une réplique provocatrice.
Nick parodie les comportements de Tramell, on voit ici la différence avec Beth. Beth et Nick se ressembent en profondeur, Tramell est une blague.
Je parlais plus haut de l’invasion de la fiction dans le réel au travers du roman de Catherine, mais on peut constater ce même phénomène dans cette répétition des comportements. Il se produit parce que Catherine joue la comédie. Elle n’est ni honnête ni spontanée, sa manière de se conduire n’est qu’une mascarade perpétuelle entièrement orientée vers l’effet produit sur les autres. C’est la raison pour laquelle ses comportements marquent plus les esprits, ils sont chargés d’une force symbolique plus grande et ils auront tendance à être répétés, appréciés ou non, ils restent à l’esprit comme une scène de film.
A ce stade de l’intrigue, Tramell est en train de perdre la partie.
Beth et Nick se réconcilient. Ils s’embrassent. Nick lui présente des excuses et la remercie pour son intervention. Beth peut placer qu’elle et Catherine étaient à la fac mais qu’elle ne la fréquentait pas trop parce qu’elle la trouvait malsaine (elle ment très mal).
Nick est relevé de ses fonctions pour trouble psychologique et ne peut donc plus enquêter. Il n’a donc plus de raison d’approcher Catherine et malgré son attirance pour elle, continue d’être le seul à réellement la penser coupable.
Nick apprend que Catherine a probablement assassiné ses parents. Il déclare à son chef que c’est elle qui a tué Nelson alors que ses collègues ne sont pas encore certains qu’elle ait volé son dossier psychologique. Son chef lui hurle de se la retirer de la tête, de prendre des vacances et Nick atteint ce stade également typique d’une victime de pervers narcissique : « Elle est coupable, elle savait que j’allais le dire et elle savait que tu ne me croirais pas. »
C’est une dimension à laquelle les gens honnêtes ne font pas attention mais les pervers narcissiques ont un sens aigus de ce qui est crédible et de ce qui ne l’est pas. C’est un autre des mécanismes qui transforment leur environnement en fiction.
Contrairement à la réalité, une fiction se doit toujours d’être crédible. La vie nous étonne régulièrement et nous sommes obligés d’accepter que des choses nous paraissent incroyables et incohérentes mais qu’elles soient indéniables. Une fiction n’a pas cette liberté et c’est la même chose pour les mensonges des pervers narcissiques et les illusions qu’ils mettent en place. On peut même finir par ressentir cette facticité. J’ai déjà eu envie de dire à un proche « tu ne sens pas que c’est un scénario de Walt Disney ? » au sujet d’un incident parce que les éléments tombaient en place exactement de la manière dont il était prêt à les gober et que je soupçonnais une manipulation.
La deuxième conséquence de cette capacité du pervers à sentir ce qui sera crédible et ce qui ne le sera pas, c’est donc cette maîtrise de la mise en place de manipulations que personne ne croira et dont il est par conséquent extrêmement difficile de les accuser. Ces accusations se retournent immédiatement vers celui qui accuse.
Nick, dont on sait qu'il est très sensible à la manière dont son chef le perçoit en tant que flic, se prend une humiliation colossale. Encore un élément très très précis psychologiquement. Nick est fier d'être un bon flic, c'est très important pour lui et perdre en crédibilité, perdre l'estime de Walker parce qu'il s'attaque à Tramell est quelque chose d'insupportable. Je le comprends. C'est une chose que je n'entends jamais nulle-part, être bas et médiocre donne un avantage sur les gens de valeurs quant il s'agit de les humilier. Nick veut coffrer Tramell pour leur prouver à tous qu'il avait raison, par fierté.
On a l’impression qu’il ne mesure pas la bêtise de l’accusation qu’il formule alors qu’il en est conscient et qu’il soutient néanmoins cette perception parce qu’il considère que le pervers se sentait protégé par la bêtise de son geste. Comme tuer quelqu’un de la même façon que dans un livre qu’on a écrit.
Mais donc, Tramell est en mauvaise posture.
Son but n’est pas d’échapper à l’accusation de meurtre, ça c’est déjà fini pour elle. Elle veut voler Nick à Beth, et de ce point de vue, ça n'avance pas.
Elle apparaît au pied du building où il habite, assise sur le sol. Cette image « chien à la rue », n’est pas innocente. Catherine est mal, les choses ne se passent pas comme elle veut et elle pète les plombs.
Nick a compris que Nilson avait vendu son dossier à Tramell. Si la chose est démontrée, elle est fichue. Nilson est assassiné et Tramell réappaît chez Nick en mode "adolescente amoureuse éperdue."
J'ai besoin de souligner un élément général parce qu'il m'échappe dans les détails. A ce stade, il y a eu plusieurs scènes durant lesquelles je suis convaincu que Nick est fortement attiré par Tramell. Mais clairement, il n'est absolument pas content de la voir débarquer chez lui. Il est très envisageable qu'il la méprise et qu'il la déteste. Il est donc très difficile de discerner entre ce qu'il dit pour faire avancer l'enquête et la coincer et ce qu'il dit parce qu'elle lui "plait."
Elle qui jouait les monstres détachés en contrôle total de la situation, elle devient subitement une toute autre personne. D’un seul coup elle parle d’acheter ses amis et donc de solitude, elle demande pourquoi Gus ne l’aime pas, alors qu’elle l’a traité comme une merde dès la première seconde. Elle expose des failles. Elle est soudainement plus chaleureuse, plus humaine. Nous sommes à l’exacte moitié du film.
Nick lui dit « I like you » et je pense qu’il faut envisager une possibilité que le film ne met pas beaucoup en avant : Nick commence à redouter ce dont Catherine est capable.
Elle dit « Pourquoi Gus ne m’aime pas ? »
Il répond « I like you. » Il change de sujet immédiatement.
Nick considère être devant une tueuse psychopathe qui remue ciel et terre pour coucher avec lui. Il dévoile maladroitement que Gus est son seul véritable ami, elle chuchotte "pourquoi Gus ne m'aime ?" En d'autres termes "Pourquoi Gus est-il un obstacle à mon désir ?" Je pense qu'il y a de quoi avoir un petit tremblement intérieur.
"Wooo putain ! Euh, moi je t'aime bien baby, t'inquiète. T'as pas vu comment j'avais la banane en voyant que tu as décidé de me stalker ?""
Elle vient de tuer un des collègues de Nick, il n’a pas envie que Gus soit le prochain. Spoiler : Gus est le prochain.
Je pense sincèrement que c’est le plus probable. Oui, il est attiré par elle. Et il doit bien se demander pourquoi elle s’intéresse tant à lui. Il pourrait lui lancer ce « I like you » pour beaucoup de raisons et de beaucoup de manières. On peut dire « I like you » sans que cela signifie grand-chose.
Mais je pense honnêtement qu’il prend très au sérieux le danger que la psychopathe qui est en face de lui représente et qu’il veut immédiatement détourner la conversation de Gus dont il vient de dire qu’il était son seul ami.
Une autre de ses motivations est la même que celle d’Elio dans Call me by your Name. Au bout d’un moment on finit par jouer le jeu du manipulateur simplement pour mieux y voir, trouver une faille ou le mettre en confiance afin qu’il commette une erreur.
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