Basic Instinct: Catherine Tramell Perverse Manipulatrice. Partie 3. (2300 mots)
Nilson est une ordure, un menteur et il est motivé par la jalousie, mais ça n'est pas un pervers narcissique.
------------------------Le Meurtre---------------------
Et nous arrivons maintenant dans le film.
Catherine garde un œil sur Beth et comprend, au moment des faits, que ce policier sous couverture qui a tué deux touristes va devenir un patient de son ancienne amante.
Elle se procure les enregistrements de leurs sessions en payant le collègue de Nick, Nilson. Voilà pourquoi la somme a été versée sur le compte du flic des mois avant que Nick ne rencontre Catherine.
Puisqu’elle peut écouter leurs échanges, Catherine sait que Beth est amoureuse de Nick. Elle connaît tout des failles et des douleurs les plus profondes du pauvre flic et elle comprend également lorsque leurs sessions arrivent à leur fin et leur couple également.
Beth harcèle Nick sexuellement pendant leurs sessions, peut-être sans s'en rendre compte. La question se pose légèrement, a-t-il couché avec elle pour qu'elle lui lâche la grappe ?
C’est alors que soudainement, pif paf pouf, un meurtre ignoble est commis avec un marteau piqueur. Dans quel type d’homicide est spécialisé Nick ? Quelle coïncidence, les meurtres au marteau piqueur ! Ce que je veux évidemment dire ici, c’est que Catherine « commet ce meurtre » pour que ça soit Nick qui se pointe chez elle pour l’enquête.
Une précision s’impose : Ce n’est pas Catherine qui a assassiné Johnny Boz, c’est sa copine Roxy. Sur requête ou par manipulation, c’est pour cette raison que je dis que c’est Catherine, parce que c’est elle qui tire les ficelles de toute façon.
Si Catherine peut se conduire de manière si provocante lors de l’enquête, c’est également parce qu’elle n’est pas la tueuse. Les pervers manipulateurs sont très bons quand il s’agit de faire faire les choses par les autres ou pour faire dires des choses aux autres. A ce niveau là, je n’ai pas d’explication, je peux juste dire que j’ai été absolument sidéré plusieurs fois de la manière dont certaines personnes finissent par se conduire comme des marionnettes, dans ma vie personnelle.
Mais donc, Roxy suggère elle-même sa culpabilité lorsque Gus et Nick sont à la recherche de Catherine.
Même lorsqu’elle tente de l’assassiner plus tard il n’y pense pas immédiatement, peut-être parce qu’elle utilise une voiture, ça ne ressemble pas suffisamment à un pic à glace. (Il soulève cependant la question lorsqu’il revoit Catherine)
--------------------La Rencontre avec Tramell---------------------
La rencontre entre Nick et Catherine est typiquement une pure mise-en-scène de pervers narcissique. Chaque réplique, chaque réaction. (Je vais beaucoup répéter cette phrase d’identification de schéma de manipulation mais je ne peux pas l’éviter, c’est important).
Si l’on doit reconnaître un talent aux pervers narcissiques, c’est de savoir jouer avec les mots. Une personne honnête apprendra à s’exprimer précisément avec nuance et sensibilité. Les pervers narcissiques deviennent maîtres dans l’art de provoquer, de dire ce qu’ils ne disent pas, de se dissimuler dans l’imprécision, d’insulter d’une variation de ton qu’ils pourront nier la seconde suivante, d’insulter d’une subtilité de sens, ou en jouant sur ce qu’il sait de chacun etc etc.… pour le coup ils savent le faire.
Discuter avec un pervers narcissique c’est comme faire une partie de ping pong ou un match de boxe. C’est fatiguant. Chaque réplique est prononcée pour son sens mais surtout pour son effet.
Ici, avant même qu’ils ne se saluent, Catherine jette un regard suffisant à Gus et Nick, tire une dernière fois sur sa cigarette et la lance d’une pichenette. Son attitude annonce une mise-en-scène.
Elle sait pourquoi ils sont là mais n’a pas l’air chamboulée le moins du monde, ni pressée de parler. Elle n’est pas impressionnée par la police, elle n’est pas triste ou inquiète. Rien. Son attitude annonce la suite comme un jeu, une mascarade. Elle est détachée de tout.
Nick fait les présentations, Catherine l’interrompt d’un « Je sais qui vous êtes. » Le double sens est plus lourd en anglais. « I know who you are » fonctionne parfaitement au singulier et le regard qu’elle lance à Nick lui met immédiatement le doute. « Est-ce qu’elle parle de lui ? Est-ce qu’elle vient de lui dire « je sais qui tu es. » Et si c’est ce qu’elle voulait dire, que voulait-elle dire ? Les touristes tués évidemment. En une demi seconde, Nick s’est déjà pris une remarque troublante dans la figure. Il ne répond pas.
Elle enchaîne sur « Comment est-il mort ? » Elle prend le contrôle de la conversation.
Encore une fois, au-delà du sens de sa question, il y a surtout l’effet produit sur les deux policiers qui sont là pour enquêter et doivent faire bien attention à ce qu’ils disent. Ils doivent observer les réactions du suspect et surtout tenter de lui arracher des infos. En deux secondes, c’est déjà Tramell qui pose les questions.
Gus tente de résister un peu « Il a été assassiné. »
Il ne dévoile rien. Tramell se fiche de lui « à l’évidence. »
C’est vrai, c’est évident mais il est normal que les policiers restent vagues pour voir si le suspect va dévoiler une connaissance suspecte des événements.
L’un des effets les plus simples qu’un pervers narcissique peut rechercher c’est punir ou renforcer l’interlocuteur. Lui être agréable, lui être désagréable. Bien sûr, c’est le cas de tout le monde, mais les pervers savent parfaitement tacler les personnes qu’ils veulent énerver de manière à ce que cela passe inaperçu, principalement parce qu’ils assument leur intention. La plupart des gens n’aimeront pas être désagréables ou mettre les autres mal-à-l’aise, les pervers narcissiques y voient un indice de leur supériorité.
Quand deux personnes s’énervent honnêtement à une soirée, les gens le remarquent et l’acceptent parce que l’honnêteté fait l’évidence et également l’innocence. Mais un pervers narcissique ne s’énervera pas lui, il va garder le sourire, prétendra que tout est léger et innocent alors qu’il tacle un de ses interlocuteurs de la manière la plus provocante possible. Comme il fait l’innocent, beaucoup de gens voudront croire en cette innocence et aideront donc le pervers à faire passer l’autre pour quelqu’un qui s’énerve « pour rien » voire, bien plus souvent, aideront le pervers à renforcer les préjugés que les autres ont déjà sur cette personne. Préjugés auxquels il a été attentif.
Si quelqu’un a la réputation de trop parler de ce qu’il se passe à son boulot, le pervers pourra en profiter pour le tacler innocemment. Exemple : « Je ne prétends pas savoir comment est la situation à ton taff, mais en général, quand il y a ce genre de problèmes, c’est souvent celui qui se plaint du manque de communication des autres qui ne se rend, en fait, pas compte que les autres ne comprennent pas comment il s’organise parce qu’il ne leur parle pas assez. » Il lancera à la personne la remarque qui a le moins de chance de passer en douceur, sur le ton le plus innocent possible, « je dis ça je dis rien », pour pousser l’autre à bout. Il cherchera plusieurs failles de ce type jusqu’à ce que la personne craque. Et il y a de fortes chances pour que les autres se mettent spontanément du côté du pervers narcissique parce qu’ils en avaient déjà marre, à la base, que la cible parle sans arrêt de son travail. Dans cette situation, le pervers attaque là où il sait que cela ne paraîtra que maladroit et pas personnel, alors que c’est entièrement personnel au contraire.
Les pervers narcissiques surveillent les failles et les tensions et les utilisent. Une manipulation qui fonctionne parce que la plupart des gens ne conçoivent pas une telle bassesse.
Et donc, le « évidemment » de Catherine sert à tacler Gus pour lui passer l’envie d’ouvrir la bouche. C’est avec Nick qu’elle veut interagir.
Nick lui demande depuis combien de temps elle et Johnny Boz sortaient ensemble, elle rectifie « baisions ensemble. » Correction sans grande importance mais qui, encore une fois, fait son effet. Catherine donne une image précise d’elle-même. Obsédée sexuelle, femme facile. Et il devient clair qu’elle a jeté son dévolu sur Nick. Elle le fixe en disant qu’elle était seule le soir du meurtre, « elle n’était pas dans l’humeur. » Ce qui suggère qu’elle s’envoie en l’air pratiquement tous les soirs, du moment qu’il y a quelqu’un à ses côtés. Pas besoin que cette déclaration soit vraie, le réel invérifiable n’a aucune importance, l’important c’est l’impact des mots sur Nick. Non seulement elle lui fait du rentre dedans mais elle le fait en sous-entendus osés, délirants, assumés, sûrs d’eux. Comme s’il ne pouvait pas dire non et il est certain que beaucoup d’hommes ne trouveraient aucune raison de lui dire non.
Également, son « Je n’étais pas dans l’humeur hier soir » est une nouvelle comédie ridicule. Après avoir virtuellement lancé « Hey, je suis une grosse salope, c’est quand vous voulez » elle prend une pose inspirée, les yeux dans le vagues « Mais vous savez, dans le fond, j’ai des sentiments. J’ai besoin de temps pour faire de l’introspection. Je suis une femme profonde. » Elle continue d’être inattendue et divertissante, elle capte l’attention. Sa profondeur est une pose adolescente, un signe mythologique qu’elle déploie de temps à autre... lorsqu’elle veut suggérer qu’elle a une profondeur.
Enfin, Nick lui demande si elle est triste que Johnny Boz soit mort et elle donne cette réponse hilarante : « Oui, j’aimais baiser avec lui. »
Elle réduit l’acte sexuel à quelque chose de purement mécanique. Les sentiments n’existent pas. Mais euh… attention, elle est triste parce qu’en fait, elle avait des sentiments pour sa b***.
Comme si l’acte sexuel pouvait être intégralement dissocié de la personnalité des amants.
Après avoir réaffirmé ce rejet absolu de toute spiritualité, de toute émotion humaine, vite, Catherine opère un autre virage à 360°. Soudain, elle n’a plus envie de parler. Elle veut repenser à la b*** de Johnny Goz qui était si gentille et avec qui elle s’entendait si bien. Elle est emportée par le chagrin.
Gus tente de faire revenir l’échange vers l’enquête policière en lui faisant remarquer que si elle ne veut pas parler, ils peuvent l’arrêter et l’emmener au poste. Catherine n’attendait que ça et se jette sur l’opportunité de jouer la provocation. « Lisez-moi mes droits et arrêtez-moi ! »
Elle continue le combo en ajoutant un « otherwise, get the fuck out of here. » Allez hop, la vulgarité ostentatoire pleine d’assurance.
Puis elle opère un autre changement d’attitude et ajoute un « please » en regardant Nick.
L’une des choses sur laquelle je veux appuyer, c’est qu’absolument rien de ce que Catherine dit dans cette conversation n’est vrai, dans le sens de « ressenti. » Elle veut donner une certaine impression et ses réponses et réactions vont toutes dans ce sens. Elle veut qu’on la croit imprévisible, elle dit tout et son contraire. Elle admet n’avoir aucun alibi sans la moindre hésitation. Son comportement est décalé et absurde, il est difficile de juger une personne comme elle. On se dit qu’elle est parfaitement capable d’avoir commis le meurtre et en plus pour un caprice, mais il est impossible de savoir si elle en a eu envie ou non car on ne décèle aucune cohérence interne, aucune logique. Elle fait ce qu’elle veut, quant elle veut, mais comment juger de ce qu’elle peut vouloir ?
L’idée de manipulation est fortement reliée à celle de calcul dans l’inconscient général, c’est logique, mais en réalité la manipulation est souvent et surtout une attitude, une approche des interactions, l’expression directe de certains désirs du manipulateur. Le pervers narcissique n’a pas de personnalité réelle qu’il abandonne le temps d’une manipulation. Il offre une persona différente à chacun mais aucune n’est sa réelle personnalité. Bien sûr, on ne se trouve pas nécessairement face à un caméléon total, il y a tout de même une base solide à tout ce fatras et très souvent, cette base solide se trouve être ridicule. Catherine Tramell est juste une p*** qui écrit des livres racoleurs probablement totalement mauvais (est-ce vraiment elle qui les écrit ?
Il est fort probable que Catherine soit au service de la vieille sorcière. Elle se prostitue, fait des expériences, explore les milieux que la vieille veut décrire dans ses romans et elle lui rapporte.
Ou cette vieille femme mystérieuse qu’elle fréquente) qu’elle a su rendre populaire de la même manière qu’elle construit son image sociale et qui a obtenu son diplôme de psychologie en trichant, en mentant et en suçant. Il ne faut, hélas, pas sous-estimer à quel point les diplômes universitaires s’obtiennent en donnant aux profs ce qu’ils désirent. Et je ne dis pas en « fayottant » ou en « achetant » les profs, mais en leur donnant la satisfaction d’avoir le sentiment qu’ils parviennent à transmettre un savoir qu’ils considèrent importants. Grossièrement, un diplôme de fac c’est 40 % le niveau requis, 30 % les relations très utiles avec les autres étudiants, 30 % l’image renvoyée aux profs, avec un petit bonus si tu es du sexe féminin.
Une personne comme Catherine Tramwell sera facilement confondue avec une étudiante exceptionnelle. Je suis bien conscient qu’il n’y a aucun indicateur sérieux de ce dont je l’accuse à ce niveau… sauf qu’il y en a un : Catherine est une perverse narcissique. Ça ne sert à rien de croire en quelque chose de sa persona, elle a passé sa vie à courir après des trophées, des symboles, qu’elle a obtenu et qui lui donnent du pouvoir.
Mais donc, les réactions manipulatrices de Catherine sont de l’improvisation. C’est un jeu perpétuel assez habile, habile comme de tricher aux cartes ou au échecs. Elle a le dessus non pas parce qu’elle est plus intelligente mais parce qu’elle ne respecte pas les règles tacites d’interactions entre humains. Et l’on se dit que la manipulation improvisée ça doit être difficile et dangereux, ça l’est, mais en plus d’avoir une certaine habileté, de l’expérience et en plus de jouir de l’effet de surprise et de sidération, il y a un dernier élément qui joue en faveur des manipulateurs : ils ne se permettent pas n’importe quoi avec n’importe qui.
L’improvisation est un tâtonnement perpétuel du terrain pour vérifier si l’on peut s’engager dans une direction ou non. Si le manipulateur fait un faux pas ou une faute de jugement, il saura qu’il ne peut plus se permettre certaines choses. L’improvisation permet de s’adapter constamment à l’évolution de la situation. Et si on se fait griller, on change de décors.
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