Basic Instinct: Catherine Tramell Perverse Manipulatrice. Partie 4. (1800 mots)
---------------------Deuxième visite chez Tramell------------------
De retour au commissariat il est décidé que Catherine devrait être sérieusement interrogée. Il y a plusieurs considération en lien avec le statut de Tramell, riche, connue, prête à attaquer en justice au moindre faux pas. Ce type de position est recherché perpétuellement par le pervers narcissique. Pas besoin d’être une star. Dans un milieu modeste, il sera à la tête d’un groupe de potes et possédera de nombreux indices de sa supériorité ou d’une opulence exceptionnelle, dans le contexte. L’important, c’est le regard des autres, les symboles que l’on peut exhiber.
Gus et Nick retournent chercher Catherine chez elle. Et le petit jeu continue, il ne s’arrête jamais.
Elle ouvre la porte et s’amuse de son arrestation, comme s’il y avait quelque chose de ridicule dans cette initiative.
Encore une fois, son comportement est irréel, décalé. Qu’elle soit coupable ou innocente, il est parfaitement normal que la police l’interroge. Son compagnon a été assassiné, elle n’a pas d’alibi, elle refuse une discussion courtoise, évidemment qu’elle va se faire emmener au poste ne serait-ce que pour suivre la procédure. Mais elle leur rit au nez comme s’il y avait quelque chose de ridicule dans le fait de la soupçonner.
Son attitude est, encore une fois, celle d’un personnage de fiction. Elle ne rit pas parce que quelque chose l’amuse, son rire est froid, vide, c’est un commentaire détaché du réel sur l’erreur qu’ils sont, supposément, en train de commettre.
Les pervers narcissiques font régulièrement ça, prendre une position méta-analytique sur une situation donnée afin de paraître intelligents ou supérieurs aux dynamiques normales de cette situation. Par exemple, lancer une réplique de drague et ensuite dire « voilà, j’ai lancé ma réplique de drague, elle sourit, je crois que j’ai mes chances. » Ce genre de choses. Feindre l’assurance la plus totale au travers d’une distance moqueuse. Bien sûr, il n’y a pas que les pervers qui font ça, les personnes gênées également. Un grand nombre des comportements des pervers manipulateurs peuvent être produits par une personne normale, c’est inévitable puisque le pervers cherche à constamment faire passer ses comportements manipulateurs pour inoffensifs et normaux. Il y aura nécessairement possibilité de confusion. Mais aussi parce qu’on peut aussi platement tous produire des comportements pervers ou malsain. La question se situe au niveau de la personnalité générale. On commet tous des erreurs. La perversion est produite par des désirs aliénés, trop intenses, trop incontrôlables. On peut tous souffrir et se trouver dans une situation extrême qui nous fait mal nous conduire.
Catherine passe ensuite à une politesse... décalée, une fois encore. « Est-ce que je peux mettre une tenue plus appropriée. » Elle les invite à rentrer, commence à s’attacher les cheveux. Leur dit de se mettre à leur aise.
Son comportement est une négation de la réalité de la situation. Si l’on pense aux criminels de Colombo, qui mentent et manipulent mais ne sont pas des pervers narcissiques, on peut se rappeler de la tension qui les habite, de leur impatience, de leur intérêt pour les détails de l’enquête etc etc. La nonchalance assurée de Catherine Tramell est déroutante. Encore une fois, je pense que c’est Roxy qui a tué Johnny Boz, mais Catherine le sait forcément, elle ne devrait pas être aussi à l’aise. Sans parler du fait qu’elle pourrait tout de même être un peu plus retournée que son compagnon d’un an et demi ait été assassiné sauvagement.
Contrairement aux criminels de Colombo qui tentent de construire l’illusion de leur innocence, le comportement de Catherine est un déni de la réalité de la situation. C’est bien plus déroutant. Elle ne contredit pas les indices concrets de sa culpabilité, non, elle se conduit avec un tel désintérêt, un tel décalage, qu’on ne peut plus se dire que c’est elle, car elle ne pourrait pas feindre un tel comportement. Mais elle le peut, parce qu’elle est cinglée.
Autre technique de manipulation, ne pas laisser le temps à la cible de respirer. A peine Gus et Nick sont-ils entrés que Nick trouve des coupures de journaux qui relatent l’histoire de sa bavure, lorsqu’il a tué deux touristes dans une fusillade.
Encore un magnifique exemple d’enfumage mental. Il n’y a pas la moindre chance pour que cela soit un hasard, mais en même temps, pourquoi faire ça ? Il faut déjà un certain niveau de confiance en soi pour accepter que cela ne peut pas être un hasard. Beaucoup de gens font semblant de ne pas voir les tensions et les conflits autour d’eux, même les agressions dont ils sont victimes, et donnent spontanément aux prédateurs ce qu’ils désirent afin de pouvoir rester dans leur bulle de naïveté rassurante.
Au travers de ce journal, Nick a la confirmation du fait que Tramell savait déjà qui il était lorsqu’ils se sont parlés la veille. Sans un mot, ils ont déjà une intimité. « Je sais que tu as tué ces deux touristes et ça m’intéresse. Je veux savoir comment c’est arrivé et si je dois te payer avec mon cul, c’est quand tu veux car ça m’excite que tu sois un assassin. » Tout ça, en un regard, une phrase en double discours et un journal posé sur une table. Elle pourrait tout nier d’un simple regard au ciel.
Pour ça aussi les pervers manipulateurs sont très forts, et pour le coup je dois admettre qu’à ce niveau je me suis bien fait avoir personnellement. C’est-à-dire qu’il s’est passé des choses très graves dans le dos et sous les yeux de toute ma famille mais que tout ce que je pourrais en dire ne tient à rien, des regards, des sous-entendus. Parfait pour se discréditer si on en parle.
La présence du journal représente un « événement » très troublant en réalité. Car Nick n’a toujours aucune confirmation de sa dimension volontaire ou non. Si Catherine l’a fait exprès (et c’est le cas) alors elle savait qu’ils reviendraient la chercher, alors qu’elle a prétendu être surprise lorsqu’elle a ouvert le porte… pourquoi n’est-elle pas déjà en tenue appropriée si elle savait ? Mais si elle l’a fait exprès, elle savait aussi qu’elle allait les inviter à entrer et elle a donc mis le journal à cet endroit pour qu’il le voit… mais pourquoi faire une telle chose ? Pourquoi ne pas directement dire à Nick « Ho, vous êtes ce policier qui a tué deux touristes. J’écris des livres sur le sujet, j’aimerais beaucoup que vous m’en parliez » etc etc.
Nous ne sommes qu’à la deuxième scène et le comportement de Catherine est déjà surréaliste. Rien n’a de sens, rien n’est compréhensible. C’est son but, mitrailler sa cible de messages, de stimuli incompréhensibles pour la désorienter et qu’elle s’en remette davantage à son jugement.
« Donne moi la solution parce que je ne comprends rien. »
A peine a-t-il découvert le journal que Catherine, qui se change, attire son attention : « Combien de temps cela va-t-il prendre ? » Fausse question, elle s’en contrefiche totalement.
On ne pose pas de question à quelqu’un quand on est nue dans la pièce d’à côté. Elle veut simplement que Nick la voit nue. Il ose aborder le sujet du journal « vous gardez souvent les vieux journaux ? »
« Seulement lorsqu’ils sont intéressants. » Répond-t-elle.
Le sujet n’est pas explicitement abordé, il glisse vers le non-dit, le tabou.
Le plan où l’on voit le reflet de Catherine qui se change est génial. Il est construit de manière à créer une illusion d’optique.
On pense voir Catherine directement et elle surgit par la droite de l’écran. C’est superbe. Une fois encore, sans parler, elle montre à Nick la facilité avec laquelle elle l’a piégé. Elle détourne son attention en s’exhibant et hop, elle le prend par surprise. Il croyait voir sans être vu, c’était lui qui était observé et contrôlé.
Lorsqu'il aperçoit les fesses de Catherine dans la vitre, Nick voit donc le reflet d'un reflet. Une belle description en poupée gignotte de la profondeur de la fausseté de la manipulatrice.
La manipulation ne s’arrête pas là puisque Catherine le laisse s’éloigner comme si elle n’avait pas remarqué qu’il la regardait.
Elle lui a fait produire un comportement inapproprié, il vient chercher une femme suspectée de meurtre et l’espionne alors qu’elle se change. Elle pourrait l’en accuser. Elle peut déjà lui faire du tort, surtout qu’il est dans une situation difficile… qu’elle vient d’ailleurs de lui rappeler avec le journal.
Encore une fois, c’est probablement improvisé. Le pervers manipulateur identifie les situations qui renvoient une mauvaise impression et se jette sur celles-ci pour montrer à leur cible qu’ils peuvent les accuser, qu’ils peuvent les salir. Ils vivent dans un monde d’apparences, ils savent utiliser les apparences négatives contre ceux qu’ils veulent détruire ou contrôler.
Gus lui rappelle qu’elle a droit à un avocat, elle lui répond, agacée « Why would I need a attorney? » comme si seuls les coupables réclamaient un avocat.
Sa réaction n’a rien de choquant, mais au strict niveau sémantique, Catherine joue encore une rôle. Au travers de son agacement et de son rejet de l’avocat, elle suggère son innocence alors qu’encore une fois, le comportement de Gus et Nick et des personnes en charge de l’enquête est tout à fait compréhensible. Un enfant de six ans comprendrait que la police doit commencer par interroger la compagne de Johnny Boz, mais Catherine Tramell, qui a commencé son rapport avec la police d’un « je sais qui vous êtes », d’une remarque qui suggère qu’elle comprend la situation et n’a pas besoin qu’on lui explique lourdement, Catherine Tramell joue maintenant les étonnées. Elle est déçue, elle est étonnée, « ho la la, il a été tué pendant un rapport sexuel. J’étais sa compagne. On nous a vu au bar ensemble la veille. Je prétends avoir passé la nuit seule. Je n’ai aucun alibi. J’ai envoyé chier les deux policiers qui venaient m’interroger de manière courtoise. Mais je m’étonne que la police veuille me cuisiner au poste. C’est intolérable ! »
Ce n’est pas l’élément le plus facile à repérer mais les pervers manipulateurs se contredisent sans vergogne. Au niveau moral par exemple, cela peut être sérieusement déroutant quand on constate la manière dont ils peuvent prétendent avoir des principes moraux (souvent ils les énoncent sans hésitation : « moi je suis quelqu’un d’honnête » « Moi, je suis pas le genre à trahir mes potes. »), taclent les autres au nom de principes moraux (quitte à déformer les événements), alors qu’en réalité, ils se conduisent entièrement comme ils le veulent, avec une excuse toute prête sous le coude. Encore un type de manipulation qui passe en grande partie grâce à l’improvisation, l’intimidation et la séduction et que les gens ne repèrent pas nécessairement parce qu’il est difficile d’imaginer le degré d’indifférence du pervers narcissique vis-à-vis des obligations qu’une relation contient. Comme avec les coïncidences qui n’en sont pas, il faut un certain courage pour admettre qu’une personne dont on est proche et qui prétend valoriser l’honnêteté, fait preuve d’une absence totale d’honnêteté vis-à-vis de nous.
Et donc voilà, Nick et Gus ont discuté deux fois avec Catherine Tramell, il s’est déjà passé beaucoup de choses et Catherine a déjà eu beaucoup de sautes d'humeur. Aucune constante, aucune cohérence parce que tous ses comportements sont tournés entièrement vers l’impression qu’elle veut donner, vers l’impact qu’elle veut avoir.
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