Basic Instinct: Catherine Tramell Perverse Manipulatrice. Partie 15. (1300 mots)
------------------------La Fin de Beth et Gus------------------------
L’adoucissement de Catherine est très suspect et platement incroyable. A tel point que Nick la repousse et déclenche une autre réaction frappante de Catherine, elle retourne dans son moi froid et cynique. En une demi-seconde. Elle lui lance qu’il ne reverra peut-être pas ses seins – quelle menace vulgaire – puisqu’elle a bientôt terminé son roman.
Ils couchent ensemble et Catherine redevient sa version douce. Leur bras de fer les a enfermé dans une bulle. Je pense que Nick a une position dissociée. Il est attiré par Tramell et lui donne réellement une chance. Le fait que les dires de l’écrivaine semblent se vérifier lui inspire une confiance. Mais en même temps, au fond de lui, son instinct lui dit qu’elle est la tueuse et il continue son enquête. Aussi, elle est clairement plus forte que lui pour ce qui est de manipuler les perceptions. Nick au contraire a le sang chaud et trahit ses opinions et ressentis trop facilement. Gus se fiche de lui à ce niveau après l’agression de Nilson. Nick est facile à manipuler, comme beaucoup de personnes honnêtes. C’est sur la distance qu’il remporte la partie parce qu’il a la force de continuer à chercher la vérité et de la regarder en face.
Et donc, Nick joue le jeu, il y est obligé mais c’est également la meilleure approche. Il satisfait Catherine puis la provoque, pour la pousser à se trahir.
De son côté, Catherine s’est prise à son propre piège, comme tous les pervers narcissiques, lorsqu’elle obtient ce qu’elle désire, elle provoque sa chute. Catherine veut une histoire d’amour, elle veut un prince charmant et elle croit l’avoir trouvé en Nick. Il est explicitement question de ça lorsqu’elle dit que Roxy n’a jamais été jalouse (ce qui est un mensonge mais peu importe). On peut évidemment se demander comment le robot sexuel du début du film peut se transformer en ados transie. Sa relation avec Nick a plusieurs particularités.
Déjà, Nick est l’amoureux de Beth et Catherine a pris Beth pour modèle. Les pervers narcissiques ne passent pas leur temps à manipuler pour rien, ils passent leur temps à manipuler parce qu’ils sont persuadés que s’ils cherchent juste à être eux-mêmes, s’ils sont honnêtes avec leurs désirs, on les trouvera ridicules, ou alors, ils n’obtiendront rien. Ils pensent ne pouvoir « gagner » qu’en trichant. Cela donne une personnalité extrêmement jalouse et envieuse, une personnalité qui copie et déteste ce qu’elle admire. Catherine est tombée amoureuse de Beth, leur relation lui a apporté une reconnaissance indirecte de valeur. Un phénomène souvent présent dans les histoires d’amour : « Je suis nul mais ma copine est géniale donc je ne peux pas être si nul. » « Je suis sans intérêt mais mon mec est super populaire donc quelque part, je dois avoir un intérêt. » J’utilise des caractéristiques génériques mais dans la réalité c’est souvent extrêmement précis, le mauvais musicien cherche une musicienne de talent. La fille qui veut à tout prix se sentir hyper féminine se cherche un beau-gosse, même s’il est odieux avec elle.
Catherine est amoureuse de Beth parce qu’elle aimerait être Beth, parce qu’elle aimerait avoir la valeur de sa rivale. Mais Beth la rejette et elle fait une décompensation. Elle se met à la copier et à l’imiter, par admiration réelle, par désir réel, honnête et immature d’être comme elle, mais évidemment, à la fac ça fait très bizarre et elle sait qu’elle doit discréditer Beth pour dissimuler son manque d’autonomie. Elle doit donc détruire ce qu’elle admire pour pouvoir s’attribuer sa valeur.
Voilà déjà un atout énorme pour Nick. Derrière ce lien avec Beth, il y a le fait que Nick a su trouver les mots pour l’atteindre. Lorsqu’il dit à Roxy puis à Catherine qu’elle est « le coup du siècle », Catherine est touchée. Elle joue les indifférentes condescendantes, c’est un mécanisme de défense. Il n’y a pour elle que le « cul » à ce stade, mais si elle est le coup du siècle, alors peut-être que... peut-être que finalement, aurait-elle réussie ? On voit dans cette logique l’atrophie émotionnelle des pervers narcissiques et leur bêtise profonde. Catherine perçoit l’acte sexuel comme étant l’acte amoureux par excellence mais étant totalement handicapée affectivement sa perception devient que plus c’est bon, plus on se rapproche des sentiments. La qualité de la performance débouche sur les sentiments.
Donc au début quand elle dit que Johnny Boz va lui manquer parce qu’il lui procurait du plaisir, c’est en fait une description correcte de la psychologie d’un pervers narcissique. Son cynisme est en fait la réalité de sa vie affective. Elle était « amoureuse » de Johnny Boz, c’était son petit copain… parce qu’il la baisait bien.
Cependant, avec Nick, c’est tellement bon qu’elle se met à se dire « alors c’est ça l’amour ? » Alors que ce qui la fait vibrer c’est qu’elle est en train de piquer son mec à Beth, elle se croit au même niveau que Beth lorsqu’elle couche avec Nick.
C’est également encore un pattern régulier du pervers, voler, détruire et duper sont des moyens de sa valoriser. Si je peux duper Robert, cela signifie que je suis aussi intelligent que lui. Si je peux piquer son copain à Ginette, c’est que je vaux autant qu’elle etc.… le pervers narcissiques se construit une valeur et une identité en détruisant, en usurpant, en trichant et en manipulant. A aucun moment il n’est question de se poser cinq minutes et de développer un talent réel, ou de se concevoir une opinion propre.
Et donc, 1-Nick est le mec de Beth 2-Il lui a dit qu’elle était le coup du siècle.
3-Il l’a laissée l’attacher au montant du lit malgré le fait qu’il la croit la tueuse. Catherine n’a pas tué Johnny Boz. On n’est déjà dans un cas de copycat avec Roxy. Mais Catherine a tué son prof de fac et a poussé Roxy à tuer Johnny Boz. Lorsqu’elle apprend qu’il a été tué au pic à glace, elle est surprise et dérouté. Donc, elle se sent responsable. Le geste de Roxy a porté ses fruits. Lorsque Nick accepte qu’elle l’attache, il lui offre une chose que les autres hommes ne lui ont pas offert : la confiance dans le fait qu’elle soit innocente. Bien sûr, d’autres hommes ont pu accepter d’être attachés mais ils ne se doutaient pas de ce dont elle était capable. Nick, oui.
4-Sur la plage, il lui dit qu’il est déjà amoureux d’elle. Un très très joli coup de Nick. Elle lui dit qu’il ne pourra pas la coffrer, qu’il ne fera que tomber amoureux d’elle. Il lui répond qu’il est déjà amoureux d’elle mais qu’il la coincera malgré cela.
Catherine se berce de l’illusion que l’amour devrait empêcher son prince charmant de lui trouver des failles morales ou de lui imposer La Loi. La loi du Surmoi psychologique, pas uniquement la loi de la société. C’est une des impressions que j’ai souvent avec les pervers narcissiques, ce sont des gens qui ont une expérience de vie particulière vers leur 8-9 ans et qui ne développent pas de Surmoi. (J’en ai parlé au début de cet article fleuve).
Bref, lorsqu’il lui dit « je suis déjà amoureux de toi » il lui remet le trophée tant convoité et lui fait le pire coup qu’il pourrait lui faire parce que si le pervers est fort pour tricher et remporter la victoire, il ne sait plus quoi faire une fois qu’il l’a obtenue. Le réel vainqueur continue de jouer, de pratiquer son sport, parce qu’il l’apprécie. Le pervers narcissique est confronté au vide intersidéral de son faux accomplissement et se sent isolé parmi les personnes qui ont gobé son mensonge. Arrive alors la deuxième partie : revenir vers la vérité sans perdre ce qu’ils ont obtenu grâce au mensonge. Bonne chance !
Nick continue à lui dire frontalement son plaisir sexuel, ses sentiments, son désir qu’elle ne le tue pas à la fin du roman et l’idée de vivre heureux et d’avoir beaucoup de niards !
Je me moque de Catherine qui cherche son prince charmant mais tout de même, le film se clot sur une phrase de conte de fée détournée: "Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants." Nick a échappé à la fin du thriller il est passé dans un autre genre. Catherine vit dans un monde de fiction, de signes. La réalité la rattrapera toujours.
Je pense que cette « honnêteté » frontale trahie un mensonge. Nick ne s’expose pas comme ça. Je pense que c’est un homme sensible mais il ne peut pas dire toutes ces choses sans avoir une autre motivation. Il les dit d’ailleurs à chaque fois sur un ton humoristique, léger et légèrement sarcastique. Il les dit parce qu’il sent qu’il doit aller dans cette direction, sans pour autant que ça contredise le fait qu’il les pense. Il a réellement des sentiments pour Catherine, comme il l’avoue à Gus très tôt.
Son approche fonctionne. Catherine tombe dans le panneau. Elle croit avoir trouvé l’homme de sa vie. Lorsque Nick lui propose de changer la fin de son roman, elle lui explique qu’il ne se vendra pas s’il n’y a pas un meurtre final. Il demande pourquoi, elle lui répond « c’est comme ça. » Elle ne le menace pas ici, il touche réellement à la fragilité profonde de cette femme. Elle voudrait y croire, elle veut lui donner sa chance mais elle sait qu’elle va partir en sucette parce que l’engagement, les sentiments réels, la terrifient et qu’elle va probablement le tuer.
Alors que son enquête sur Beth le convainc de plus en plus de la culpabilité de son ex, il passe chez Catherine qui a terminé son livre. Elle est froide, distante et lui explique que le livre étant terminé elle n’a plus rien à faire de lui.
La scène s’ouvre sur Nick qui observe la couverture du livre « Shooter. »
Ce qu’il se passe ici, je viens de le décrire. Catherine a gagné, elle a obtenu tout ce qu’elle voulait, une belle histoire. Elle voudrait être avec Nick, elle ne peut pas échapper au fait qu’elle lui ment depuis le début, qu’elle n’est qu’une illusion et que, par extension, lui n’est qu’un personnage dans la pièce qu’elle a monté. Il n’y a plus rien une fois l’objectif symbolique atteint.
Nick perd son sang-froid et on peut voir que Catherine est dépassée par la situation, honteuse comme une gamine mais également mal. Elle a des sentiments pour lui et le rejette parce qu’elle a trop peur, elle n’a pas suffisamment de certitudes pour se lancer. Elle est lâche et faible, au cas je ne l’aurais pas encore dit au passage, le mensonge et la manipulation, c’est de la lâcheté et de la faiblesse. C’est le résultat de la simple conviction que si on joue en respectant les règles, on ne fera pas le poids.
Gus est appelé par la compagne de chambre de Catherine à l’époque de Berkeley. Elle prétend tout savoir sur l’histoire Hobermann/Tramell. C’est un piège, Gus se fait tuer et Nick abat Beth qui était là, à la demande d’un message sur son répondeur. Un kilo de preuves sont découvertes sur les lieux et dans l’appartement de Beth. Ho la la, c’était donc elle ! Tin tin tiiiiiiin !
La victoire ultime de la perverse narcissique, parvenir à faire croire que la personne qu'elle jalouse, la personne qui l'obsède est en fait obsédée par elle. Et la détruire bien sûr. Projeter sur elle toutes ses failles et s'approprier ses qualités.
Bref, Catherine a passé les appels, a trucidé Gus et a implanté les preuves dans l’escalier et dans l’appartement (qu’elle avait déjà visité auparavant).
Coïncidence troublante, Nick tue Beth une scène après avoir vu le titre du roman « Shooter » « Shoot her ».
Nick demande à Beth si "elle aime toujours les femmes". Beth ne comprend pas. La seconde maîtresse était une fausse piste.
Les jeux d'ombres sur Beth la montre disparaître. Son plan final est très étrange avec ces nombreuses ombres et sa perspective. Je n'ai pas encore d'interprétation.
Je ne vais pas m’attarder sur les conclusions de la police qui ne font que montrer à quel point Tramell ne sera pas soupçonnée. Quelques nouveaux éléments sont développés pour créer l’illusion que la culpabilité de Beth est confirmée mais ils se balaient d’un revers de la main. Il n’y avait pas de message sur son répondeur, donc personne ne lui a demandé de rejoindre Gus, donc c’est elle l’assassin. Sauf que la bande de son répondeur est vierge, comme si on l’avait effacée ? Garner connaissait une des victimes les plus mystérieuses, elle l’avait rencontrée à une soirée. Bref, du rafistolage ridicule, passons.
Surprise surprise, Beth et Gus morts, Catherine réapparaît chez Nick et lui avoue sa vérité profonde : « Je ne peux pas me permettre de t’aimer. » « Je ne peux pas me permettre d’aimer. »
"J'ai un secret Nick." "Lequel ?" "En fait, j'ai des craintes et des failles comme tout le monde." "Comme tout le monde ? Ou plus que tout le monde ? Au point que tu passes ta vie à mentir, à tricher et à nier l'existence de tout ce qui te fait peur pour prendre l'avantage sur ceux qui osent s'exposer courageusement à leurs imperfections ?" "De la manière dont tu le dis, ça fait moins romantique."
Elle introduit ça très subtilement d’un « J’ai vu ce qu’il s’est passé à la télévision. »
Aucun commentaire sur la mort de Beth, ou de Gus. Rien. Nick vient de perdre ses deux meilleurs amis mais c’est pas grave, tout ce qui compte c’est les petits troubles de madame Tramell… à moins que… à moins que son enchaînement soit un commentaire sur la mort de Beth et Gus ?
Les morts de Beth et Gus sont expliquées par « Je ne peux pas me permettre de t’aimer. » Nous sommes au cœur de cette jalousie profonde du pervers qui doit éliminer toutes les personnes qui entourent sa cible, même son animal de compagnie parfois.
Elle continue d’un « Je perds tous ceux que j’aime. » Encore un élément très structurel du pervers manipulateur. Il n’est pas question ici du fait que Catherine a perdu Johnny et Roxy en moins de deux semaines mais d’un sentiment bien plus profond relié à cette absence « d’estime de soi » disons. Le pervers narcissique n’a pas de sentiment de valeur et cela entraîne une insécurité permanente, la conviction que le moindre attachement sera sanctionné par une séparation douloureuse lorsque l’objet d’affection découvrira la vérité sur elle. Ce qui peut entraîner un passage à l’acte meurtrier pour empêcher l’autre de la quitter.
D’ailleurs, je n’avais pas pensé à ça. J’étais convaincu que Roxy était coupable du meurtre de Johnny Boz, mais il y a une possibilité pour que cela soit Catherine. Si Johnny a dit à Catherine qu’il en avait assez de leurs parties de galipettes. Je me suis laissé berner par la froideur et le cynisme mais en fait, Catherine pourrait fort bien avoir tué Johnny par amour, comme son précédent amant le boxeur.
Mais Roxy me donne vraiment le sentiment d’être coupable et ça n’a pas exactement d’importance puisque même si c’est Roxy la coupable, c’est Tramell qui l’a manipulée. Et donc par exemple, on peut imaginer que Johnny Boz parlait de quitter Catherine et qu’elle s’est arrangée pour le faire tuer par Roxy.
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